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Citations de Charles-Ferdinand Ramuz (533)


La rancune qui est dite n'est déjà plus rancune. Celui qui a pu se dire se quitte ; il se décharge de lui-même ; sa personne part en avant.
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On voit dans la cour de la ferme le travail de chaque soir qui se fait. Les hommes sont deux ou trois, dont le maître ; ils vont et viennent. Ils sont fixes sur eux-mêmes. Ils n'imaginent rien au-delà de ce qu'ils sont. Ils considèrent une certaine fixité des choses comme étant tellement fixe qu'elle ne pourra jamais changer. Ils vont dans le temps comme si le temps devait exister toujours.
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Lausanne, auprès d’Arsens, parut à Émile une grande ville. Elle n’a pourtant guère plus de cinquante mille habitants. C’est la capitale du canton de Vaud, le plus considérable de la Suisse romande. Il est limité à l’ouest par la Franche-Comté, au nord par le canton de Neuchâtel, à l’est par ceux de Fribourg, de Berne et du Valais ; enfin le lac Léman fait sa frontière sud, et de l’autre côté du lac se trouve le Chablais ; de sorte que nous sommes enfoncés dans le pays de France, séparés cependant de lui par des montagnes et des eaux, et une autre religion. Une colline vient après une autre et elles descendent ensemble depuis le Jura jusqu’au lac, étant une troupe nombreuse. On voit un clocher parmi les noyers ; des taches brunes ou rouges qui sont les villages ; et d’en haut tout à coup on découvre le lac, qui est une grande surface plate. Il ressemble, pour la forme, à la lune dans son premier quartier, avec deux pointes égales…
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Il faut bien voir qu'on aime que dans l'éternité, c'est pourquoi il faut prendre soin de se conduire en toute chose comme si ce qu'on fait devait être éternel.
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Tu vois comment on est, nous autres. Pas commodes, pas tant polis. C'est qu'on vit trop haut et trop à l'ombre, nous autres, parce qu'il y a trop de montagnes et qu'elles sont trop près de nous; ça nous donne mauvaise mine, on est comme des pommes de terre qui sont restées trop longtemps en cave; ça nous donne aussi l'humeur triste (...)
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C’est une côte au bord de l’eau, c’est comme un côté de baignoire, ça a deux cents mètres de haut. Et la terre n’y tiendrait pas toute seule, mais ils ont fait partout des murs qu’ils ont mis les uns au-dessus des autres, qui la soutiennent ; et où ils cultivent la vigne avec des fossoirs, remontant chaque hiver dans des hottes la terre qui est descendue. Ils sont là, voyez-vous, comme sur des marches d’escalier, et ils sont dans l’air, voyez-vous, parce qu’il y a de l’air partout. Il y a au-dessus d’eux l’air qui est bleu, en face d’eux la montagne qui est bleue, au-dessous d’eux le lac qui est bleu. Le soleil vous tape sur la tête, mais il y en a un autre, celui d’en bas, qui vous tape dans le dos. Ça en fait deux : celui d’en haut, qui est en un point, tout rassemblé ; celui d’en bas qui est tout cassé en morceaux et éparpillé, parce qu’il y a l’eau qui le balance et en bombarde la côte ; ça en fait deux qui chauffent ensemble : c’est pourquoi ils ont du bon vin.
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Elle ramène ce qui est vivant du milieu de ce qui est mort.
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"Comme la nuit était venue, la lune renait dans les feuilles du platane. Elle y faisait un petit bruit ; on aurait dit un oiseau qui se couche. Son beau plumage d'argent glissait de branche en branche avec mollesse. Un petit vent frais l'élevait du lac devant nous, mais les murs de la maison longtemps brûlés par le soleil soufflaient un air chaud par derrière. Nous regardions passer les trains ; C'est l'heure où ils quittent la ville ; d'autres arrivent ; et ils ont de petites fenêtres bien alignées."

page 37, Sous la lune.
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"Finalement les larmes vinrent, et à mesure qu'elles Venaient plus abondantes et pressées, son orgueil fondait en lui, sa force s'en allait aussi, en sorte qu'il dut se rasseoir, et il ne fut plus rien qu'un pauvre homme qui pleure."

page 120, Berthollet
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On se retourne, on voit qu’on s’est élevé. Et tout à coup on se trouve perché sur une espèce d’avancement en éperon d’où on domine tout l’arrangement désordonné des casiers de vigne sous soi ; le toit de la gare semble posé à plat sur le sol au bord de la voie ; encore un pas ou deux, et la pente faiblit et on est parmi les vergers.

in Retour aux lieux aimés
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« Derborence, le mot chante doux ; il vous chante doux et un peu triste dans la tête. Il commence assez dur et marqué, puis hésite et retombe, pendant qu'on se le chante encore, Derborence, et finit à vide, comme s'il voulait signifier par là la ruine, l'isolement, l'oubli. »
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Et, là, il était arrivé devant ce qui, en temps ordinaire, était toute une vaste vue ouverte sur la vallée, toute une perspective de hautes montagnes, de pâturages, de forêts, de rochers, de névés, de glaciers solitaires avec le double versant des pentes qui se rejoignaient bien plus bas dans les profondeurs ; mais il n’en restait rien dans la perfection de la nuit qui n’avait même plus de couleur, qui était seulement la négation de ce qui est ; il n’en restait qu’une faible lueur, quelque chose comme une émanation ou une vague phosphorescence.
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Vois-tu, les genoux, ça nous porte ; les genoux, c’est la charnière. Et, dans un pays comme le nôtre, tout en bosses et en creux, ça travaille, la charnière. Le mal se met aux places qui travaillent le plus. Par exemple, ceux qui boivent, c’est le coude. Ceux qui sont trop retenus d’argent, c’est les boyaux.
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C'est un livre
C'est un coffre-fort
On n'a qu'à l'ouvrir
On tire dehors
Des titres, des billets, de l'or
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— Oh ! disait Isabelle, c'est drôle, c'est la première fois qu'Augustin me refuse quelque chose. Et pourtant, je sais y faire. Je lui ai dit : “C'est pour le printemps. C'est le printemps qui va venir, Augustin.” Il a haussé les épaules. Il a mauvaise mine : ils sont comme ça cinq ou six à avoir mauvaise mine dans le village, tu sais pourquoi. Et, moi, j'avais beau lui dire : “Ne trouves-tu pas pourtant que c'est à nous de commencer, à nous, les femmes, oui, à nous de nous faire belles ? ça encouragera le beau temps.” Il m'a dit : “Tais-toi ! tu ne sais pas ce que tu dis.” Et je lui disais : “Voyons, Augustin, viens ici.” Je lui disais : “Est-ce que c'est encore non ?” Je lui ai donné, pour commencer, un baiser sur le bout du nez en attendant qu'il dise oui et que ce soit le tour du bon ; mais, le bon, il n'est pas venu... Tant pis !
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Est-ce qu'elle lui parle avec des mots véritables ou si c'est en dedans qu'elle lui parle, parce qu'il y a beaucoup de façons de parler ?
Mais il faut essayer encore et une dernière fois essayer : alors elle lui parle avec son pied qui va chercher le sien, avec sa main impatiente, avec son corps gourmand de lui ; il ne semble pas comprendre.
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Eux, le vieux et la vieille, ils étaient usés. Eux, il était dans la nature qu'ils fussent déshabitués de parler, parce que le sang se refroidit et puis qu'à force d'avoir dit, on finit par n'avoir plus rien à dire.
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Anzévui a ôté le livre de dessus ses genoux parce que c'était un gros livre et que le poids le fatiguait. Il y avait dedans tout le passé, tout le présent, tout l'avenir : ça fait lourd. C'était au mois de février ; c'était même déjà le 25 février. Métrailler avait pris congé d'Anzévui : c'était le temps où, dans les pays plus favorisés, les premières fleurs s'ouvrent et il y en a même, de ces pays, où la vigne pleure déjà. Là-bas, où est le fils Revaz, sur ces murs tournés au midi, peut-être qu'il fait un beau soleil et il y a des grappes jaunes ou violettes qui pendent dans les fentes de la pierre. Il fait bleu au-dessous de vous, il fait bleu en face de vous, il fait bleu au-dessus de vous : il y a trois espèces de bleu. C'est l'eau, la montagne et le ciel. Dans ce premier printemps, pensait-il, quand le ciel enfin s'est fendu en deux ; et il y a dans l'angle d'un mur, bien à l'abri, un petit pêcher de plein vent qui est comme un peu de ouate rose, celle qu'il y a sous les boucles d'oreilles qu'on achète à sa bonne amie ; moi, je n'en ai plus, ça ne fait rien. Mais est-ce que ce sera pour eux là-bas comme pour nous ? est-ce que ça s'éteindra pour eux aussi en une seule fois, tout à coup ? Parce qu'à présent ils sont au moins dans le soleil et s'en réjouissent ; dans la lumière et en pleine lumière ; dans les couleurs, dans toute espèce de couleur ; nous, c'est noir et gris ; nous, pendant six mois, c'est noir et gris ; pour nous, du milieu d'octobre au milieu d'avril, rien ne change (il levait la tête) : ni en haut, ni en bas, et dans le milieu non plus. Ça baissera, avec une pauvre lumière ; il n'y aura plus de lumière du tout ; il n'y aura plus rien nulle part ; et, regardant les maisons du village, il n'y aura plus eux, pensait-il, il n'y aura plus moi, il n'y aura plus nous.
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Arlettaz parlait, parlait tout le temps... Se désolait au sujet de son champ, se reprochait de l'avoir vendu, puis n'y pensait plus, pensant à sa fille ; puis s'adressant aux sapins qui bordaient la route, il leur disait : «Je suis seul.» Puis c'était aux corbeaux qu'il tenait un discours, il leur disait : «Je suis tout seul dans la vie.» Et maintenant on ne savait plus à qui il s'adressait, parce que les corbeaux étaient rentrés dans l'épaisseur des bois. «Oh ! c'est pas gai, disait-il, mais heureusement que ça tire à sa fin. Bonjour, disait-il, ou bien si c'est bonne nuit. Bonjour, les lampes !»
Car elles venaient d'apparaître dans le lointain aux fenêtres de Saint-Martin d'En Bas : «Et qui êtes-vous ? disait-il, mais vous vous éteindrez bientôt, voilà tout, toutes, c'est comme nous.»
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C'était le dimanche matin. Qu'est-ce qu'on voit ici en hiver ? on ne voit rien. Le jour était quelque chose de gris et de vague qui se détortillait lentement hors de la nuit de l'autre côté des nuées comme derrière un carreau dépoli.
Qu'est-ce qu'on entend ? rien du tout. Même pas le bruit des pas à cause de la neige, même pas le bruit du vent, parce qu'il n'y a toujours point de vent. De temps en temps une voix, quelquefois un enfant qui pleure, pas un oiseau, pas même la fontaine, parce qu'elle coule dans un chéneau de bois pour éviter qu'elle ne se prenne peu à peu dans la glace, comme il arrive, si on laisse couler librement à l'air.
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