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Citations de Charles-Ferdinand Ramuz (534)


Ce fut alors la suite des petites occupations, dont il trompa ces derniers jours, − avec l'œil du départ qui change toute chose ; et jamais on n'a si bien vu, jamais dans un si grand détail.
On ne regarde rien avec indifférence ; on voudrait emporter un souvenir de tout ; on voudrait prendre dans sa tête tout le pays qu'on va quitter, en sorte que, plus tard, on ne soit séparé de lui qu'en apparence, et il suffirait pour le retrouver de tourner ses yeux en dedans.
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Elle m'était entrée dans le cœur sans que je m'en fusse aperçu, c'est la meilleure façon. Elle avait ouvert la porte si doucement que je n'en avais pas entendu le bruit ; la porte s'était refermée. Et, quand même j'étais si fatigué, le soir, que j'avais grand-peine à tenir mes yeux ouverts, cette présence, que j'ai dite, faisait que régulièrement je m'asseyais à ma petite table. Il me fallait un grand effort, mais tout m'était facile et tout m'était plaisir, quand je me disais : « C'est pour elle. »
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Il continua : « Je vois bien que je ne sais rien, mais c'est déjà beaucoup de savoir qu'on ne sait rien. Se tromper est bon quand on est assez avancé pour voir ensuite qu'on s'est trompé. Je voudrais me tromper beaucoup... »
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À la recherche de l’absolu et du beau, de la perfection et de l’AMOUR. Roman triste qui nous fait voyager de Lausanne jusqu’au Bouveret sur un Léman dont Ramuz décrit si bien les couleurs et les mouvements. La Savoie et ses paysages rudes, sauvages et en pente. Les cafés où les hommes boivent leurs maigres paies. Une fiancée délaissée par Joseph en quête d’un rêve, d’une image du bonheur. Écriture typiquement ramuzienne. C’est beau, c’est presque philosophique.
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Ils allaient par les près, où de tous les côtés sautaient les sauterelles comme les étincelles d'un grand feu allumé ; ils étaient en effet comme un grand feu, les près, sous le chaud roux soleil et la tremblotante lumière. La terre craquelée perçait par larges plaques entre les touffes d'herbe sèche ; les grillons remplissaient l'étendue de leurs cris. On glissait aux talus. Là-bas les bois, frappés d'en haut, semblaient avoir plié sous ce lourd poids de jour ; ils n'étaient plus qu'un barre grise. Il ne faisait pas frais le soir. On ne voyait plus voler les oiseaux, ils demeuraient blottis contre l'écorce froide. Puis ce fut l'automne avec ses couleurs. Et après le gris et le noir, vinrent le jaune et le violet. Après le dur soleil, les longues fines pluies. Après l'orage, les brouillards. Tout le lac s'en allait, fuyant aux profondeurs sous l'enchevêtrement des longues bandes blanches, déroulées d'abord tout le long des rives, ensuite d'une rive à l'autre ; et un moment encore par les trous de ce quadrillage, des coins d'eau morte se montraient, puis étaient détruits un à un.
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Régy : “les mots servent à libérer une matière silencieuse.” Sarraute : “une matière bien plus vaste que les mots.”
Ces citations extraites d'un entretien entre C. Régy et N. Sarraute vont comme un gant à Ramuz. Au fond, dans ses livres, il est surtout question de la conscience humaine, ce sentiment intérieur de l'existence, silencieux et vivant : comment on ressent la présence des hommes, ou notre manière de vivre, intensément, la tombée de la nuit, ou encore la sensation éphémère d'une fine pluie qui s'envole autour de nous.
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Il était deux hommes, il a été deux hommes un grand moment encore dans ces solitudes, plus solitaires que jamais, dans l'immobilité d'ici où il a été la seule chose en mouvement, ce dernier matin, parce qu'aucun oiseau, ni la corneille, ni l'aigle, ne crie, et aucun vent ne se fait entendre à l'arête des blocs et à la pointe des aiguilles, où tout pendait dans le silence à l'imitation du brouillard.
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Charles-Ferdinand Ramuz
Qu’aimez-vous ?



On demande à l’écrivain : « Qu’aimez-vous ? » —
J’aime l’eau, dit-il, un tas de planches, une belle fille,
le chaud, le froid, des bras de femme, une main d’homme,
un vieux pantalon, un pantalon neuf ; j’aime hier,
mais j’aime demain, j’aime le soleil, mais j’aime la pluie ;
j’aime tout ce en quoi je suis ; j’aime tout, parce que je suis tout,
et moi-même je n’existe pas.
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Il demeurait abattu et fermé, le soir vint, ils mangèrent encore, vint tout à fait la nuit ; quand ce fut l’heure d’aller se coucher, elle lui dit : « Viens-tu ? ». Il lui dit : « Va la première ! ». Il attendit un moment. Ensuite, poussant la porte, il s’assura d’abord que Christine était endormie, et seulement alors se glissa dans le lit. Il fit tout doucement, en sorte qu’elle ne se réveillât pas ; il s’étendit près d’elle, mais ne put s’endormir.

La chandelle brûlait sur la table avec sa petite flamme pointue, un peu fumeuse dans le bout. Et il la voyait là tout près, celle qu’il avait tant aimée ; ses tresses dénouées pendaient sur l’oreiller ; de dedans sortait sa petite oreille et, tiré en arrière, son front était lisse et luisant ; ah ! il aurait voulu mettre un baiser dessus, cependant il se contenait ; et puis, à cause qu’en rêvant elle avait sorti son bras nu, il ne put s’empêcher, il étendit la main, mais presque aussitôt il la retira, comme brûlé par ce toucher ; il se mit à trembler, il souffla la chandelle.
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On voyait les branches nues des platanes aller horizontalement à la rencontre l’une de l’autre comme les
poutres d’un plafond ; elles projetaient leurs ombres jusque
sur les tables de la salle à boire, dans le bout desquelles elles se cassaient, laissant tomber leur autre moitié sur le plancher. La lumière du lac venait par-dessus le mur bordant la
terrasse, elle frappait de bas en haut les branches et les gros troncs verts.
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Or, la tante Sabine, étant entrée un jour, à l'improviste, dans la remise, elle y surprit Cécile avec un garçon du village, qui s'appelait Ulysse Montagnon. Leur attitude, à tous les deux, ne laissait pas de doute sur ce qui les amenait là. Assis sur l'établi, l'un à côté de l'autre, ils s'y tenaient étroitement serrés, lui, le bras passé autour de sa taille, elle, la tête au creux de son épaule, car l'amour est comme un grand poids.
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Essoufflé et tout en sueur, M. Vernet avait relevé ses lunettes, et s'épongeait le front, son parasol entre les jambes. Il était habillé d'une jaquette de lasting, d'un pantalon noir et blanc à carreaux et d'une chemise en flanelle ; par là-dessus venaient un vieux chapeau de paille, des lunettes noires et le parasol ; et cet ensemble faisait rire, surtout le parasol, qui était le premier qu'on vît dans le pays, mais il le lui fallait, comme il disait, à cause de ses yeux qu'il avait faibles et malades. En effet, ils étaient enflammés et bordés de rouge aux paupières ; il les essuya avec précaution. Son front était tout en hauteur, et nu jusqu'au sommet du crâne encore à demi recouvert, mais d'où, par derrière, tombaient de longues mèches grises, plates. Il avait, en outre, un grand nez crochu, qui se perdait du bout dans une barbe rêche en pointe, laquelle cachait tout le bas de sa figure, et lui donnait l'air méchant, à distance ; seulement, de plus près, il ne semblait plus que craintif. Il avait l'air effaré et fuyant de ceux qui ont été traqués toute leur vie, avec des mouvements saccadés et nerveux ; il ne regardait jamais les gens en face quand il parlait, non par fausseté, mais par timidité : encore fallait-il le deviner, ce qu'on ne faisait pas toujours, et le plus souvent on le jugeait faux.
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Elle était comme sont les femmes, qui peuvent être fausses et sincères en même temps, n'étant pas fausses par calcul, mais d'instinct, si bien qu'elles ne savent pas elles-mêmes si ce qu'elles disent est vrai ou non, puis se laissent prendre à leur jeu.
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Il faut comprendre qu’on n’a guère ici pour vivre que le bétail. On n’a point de vignes, par ici ; on vit des bêtes. On n’a point de blé par ici, rien qu’un peu de seigle et pas beaucoup, juste ce qu’il nous en faut pour faire notre pain ; à peine si on a des légumes et des fruits : on vit de lait, on vit de viande; on vit de lait, de petit-lait, de fromage maigre, on vit de beurre; même le petit peu d’argent bon à mettre dans sa poche qu’on peut avoir vient du bétail.
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On admira beaucoup les chrysanthèmes. Ils étaient aussi hauts que des personnes et serrés par une ceinture d'osier, si bien qu'on aurait dit des dames en robe verte et à chapeaux de couleur. Ce sont des couleurs en dehors des autres ; du roux comme du vieux cuir, du jaune comme le miel, du blond comme une peau de femme ; certaines fleurs avaient le cœur plus foncé et les pétales plus clairs ; d'autres étaient d'un blanc pur, comme du duvet de cygne.
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- Et puis, c'est aussi qu'elle est belle !
Il n'a plus pu se retenir cette fois, ni se corriger :
- Elle est comme du lait, elle est rose comme la rose... Elle n'est ni brune, ni noire, ni jaune de teint comme elles sont chez nous... Rose et blanche, rose et tendre... Et puis elle est grande, dit-il. (p. 23)
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Il était de ceux dont on dit : « Il est solide comme un chêne. » On en disait autant de la tante Sabine. Pourtant, tous les deux s'en allèrent, à un an de distance, presque le même jour. Par la belle saison d'été qui semble conserver la vie, et avoir l'amour de la vie, et défendre à la mort d'entrer. Mais elle sut quand même entrer.
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Il eut le bonheur de naître planté profond en terre, et nourri de profond, comme un arbre avec ses racines. Il y en a qui sont seulement posés dans un pays. Lui, quand on lui demandait : « D'où es-tu ? » il pouvait répondre : « Je suis d'ici depuis toujours. »
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Mais moi, te prenant alors sur mes genoux, je te raconterai cette autre mort d'avant et tu seras consolée.
Je te dirai : «C'est à cause que tout doit finir que tout est si beau. C'est à cause que tout doit avoir une fin que tout commence. C'est à cause que tout commence que tu as connu le grand émerveillement. Tâche seulement d'être toujours émerveillée. Découvre toujours quelque chose comme en ces premiers jours où tu découvrais tout. Garde ces poings fermés dans l'effort joyeux et le courage, et le sourire qu'il faut aussi dans le courage. Il y aura toujours les belles fleurs des rideaux et toujours les belles fenêtres. Fais qu'elles s'ouvrent seulement plus nombreuses et que la lumière dedans aille seulement croissant en clarté. Et puis, un jour, l'amour viendra, ce nouvel amour, et tous les amours. Et ainsi tu iras, distinguant mieux, sans cesse, sans cesse plus de choses ; puis, un jour, la fatigue se fera sentir ; tu quitteras le sommet de la courbe, on te remettra au berceau. Mais que ce soit dans la douceur des grandes choses consenties et dans le respect de la symétrie, quand les lointains s'éloigneront, au lieu qu'ils avançaient alors, et la lumière s'assombrira ; naissance de nouveau, naissance en sens contraire, cercle qu'on referme, retour, mais avec ce même beau calme et le peu à peu de ce qui décroît, s'étant accru par une loi semblable : ainsi on voit sur l'horizon la plus haute de ces montagnes naître insensiblement de la plaine et y redescendre insensiblement.»

[Extrait de "Symétrie"]
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C'est un de ces matins d'octobre ; octobre a été annoncé par les calendriers. Octobre grince dans d'autres régions aux pressoirs, octobre a été introduit par la lune dans son premier quartier. Ailleurs, octobre pend en doré contre le crépi des murs et au-dessus des perrons ; ici, c'est inutilement qu'ils ont allumé, ce matin, leur lampes à pétrole, leurs falots tempête. Des fois, il semble que le bon Dieu soit resté endormi dans ses Demeures, ayant oublié, lui, d'allumer sa Grande Lampe ; alors d'autres lampes ne sont pas en état de la remplacer. Qu'est-ce qu'il arriverait (pense-t-il) si la Grande Lampe ne s'allumait pas, pour finir, quand Satan de dessous vos pieds souffle ses vapeurs à la figure par des fissures ; si l'Autre Lampe ne venait pas avec sa lumière lui faire peur.

[extrait de la nouvelle "Trajet du taupier", 1920]
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