AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Christopher Priest (439)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


L'Adjacent

Ce que j’ai ressenti: …Une envolée spectaculaire…



S’il est vrai que dans certaines de mes attentes, elles ont été un peu tronquées, je peux pourtant affirmer que ce livre vaut le détour de lecture! J’avais vu sur certaines critiques: « Magnifique histoire d’amour » avec l’association « Science Fiction », autant dire que j’étais emballée d’avance…Mon petit cœur de midinette n’y a pas vu le romantisme mielleux espéré, mais quand même un concept d’Ame sœur fort intéressant.



Pour ce qui est de cette lecture, j’en suis encore retournée. Le talent de cet auteur, vient de par sa construction du récit, d’une écriture riche en passion, et de cette invitation au lecteur à combler le phénomène Adjacent. Sous l’effet de l’illusion, la magie de ce livre vous apparaîtra au détour d’un looping vertigineux. C’est avec brio et force qu’il nous parle de la Guerre, c’est d’un œil avisé qu’il nous décrit un monde au bord du chaos, c’est avec émotion qu’il nous livre des rencontres exceptionnelles. Chaque chapitre nous entraîne plus loin, plus intensément dans son spectacle de haute voltige! Univers parallèle, illusion d’optique ou réalité paranormale, on est au centre de cet imbroglio d’évènements et de sentiments mené d’une main de maître et on se laisse plaisamment envolé! ♫ ♫ Envole moi, envole moi… ♫♫.



« Je dupe et je trompe. Voilà ce que je fais. p 135 »



C’est tout de même un petit pavé qui ne se laisse pas tant apprivoiser que cela, alors certes il est passionnant, mais mérite une certaine attention. Je vous conseille de le lire sans trop de coupures et avec grand intérêt pour en apprécier tout le plaisir!!!



Meilleurs moments du livre:

•La rencontre entre Tom et Bert. Quelle magnifique instant nous est offert entre notre héros et cet auteur de renom qu’est H.G.Wells. La deuxième partie donc intitulée La rue des bêtes a été un des plus forts moments de cette lecture.

•J’ai beaucoup apprécié l’immersion dans la seconde Guerre mondiale, on sent l’oppression et l’urgence des enchaînements. Même si, Elle est vue du ciel la plupart du temps, (et ce qui en fait le « petit plus » original de cette vision), ça reste un moment saisissant et terriblement efficace.


Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          386
Conséquences d'une disparition

Si les romans ont longtemps tenté de se faire passer pour des tranches de réel (lettres opportunément retrouvées, confessions…), d’autres se sont ingéniés à nous dévoiler l’envers du décor et la fabrique de l’illusion. Mais ici, c’est autre chose: c’est un roman qui veut nous apprendre à douter, non pas de la fiction (nous ne sommes plus des enfants), non pas de la réalité (Matrix n’est plus à la mode) mais de ces « vérités alternatives » auxquelles notre paresse intellectuelle s’interdit de réfléchir.

Soit un fait indubitable : l’attaque du 11/09. Soit un autre fait guère plus sujet à caution: la réaction de l’Amérique de Busch envers des pays qui n’avaient ni armes de destruction massive ni grand chose à y voir. Et entre les deux, un récit d’autant plus ancré dans la réalité que ses conséquences le sont. « Si des gens définissent des situations comme réelles, alors elles sont réelles dans leurs conséquences. Autrement dit, c’est l’interprétation d’une situation qui détermine l’action.  ». Puisque les U.S.A. ont objectivement envahi l’Afghanistan et l’Irak, c’est parce que ces pays étaient coupables ; la conséquence façonne la cause.

Le 11/09 est à la fois un récit américain et le fantasme préféré des complotistes de tout poil. Priest s’en tient à égale distance:

Il pointe un certain nombre d’incohérences du discours officiel.

Il fait mener l’enquête par un journaliste scientifique (caution de véracité) qui a perdu sa petite amie dans l’attentat contre le Pentagone (biais affectif : narrateur peu fiable mais auquel le lecteur s’identifie facilement).

Il insère sa mise en cause du récit des attentats (mise en cause dont le sérieux est patent) dans un univers où l’Ecosse a quitté le Royaume-Uni et où le Français Jean-Louis Pèlerin est un des plus grands mathématiciens du XX° siècle. L’Écosse se séparera peut-être de l’Angleterre et Pèlerin renvoie clairement à Poincaré, mais le fait est que Priest place sa réfutation des mensonges du gouvernement U.S. dans un cadre non réaliste.

Ajoutons à cela des femmes aux prénoms évolutifs (Lilian/Lyli/Lil et Jacqueline/Jacqui/Jaye), et une autre qui, sous l’effet de l’âge, a des faux souvenirs qui lui permettent de s’insérer dans les vrais souvenirs de ses proches, un mari jaloux aux mobiles préoccupants et une postface ponce-pilatienne: « Conséquences d’une disparition est évidemment une fiction, un roman. Il ne s’agit pas de journalisme d’investigation. Néanmoins, le narrateur est un journaliste, et il enquête. Les opinions de Ben Matson ne sont pas nécessairement les miennes, mais nous avons en grande partie fait les mêmes recherches. » Ou bien « The 9/11 Best Evidence Panel (même titre en français). Il est maintenu à jour, disponible en de nombreuses langues, et met à disposition de tout chercheur sérieux une base de données complètement indexée et référencée, y compris des vidéos particulièrement difficiles à trouver ailleurs. […] Par souci d’équité, je me dois d’ajouter que le magazine américain Practical Mechanics a publié une longue réfutation technique de ce qu’ils appellent les théories du complot. »

Et donc, ami lecteur, il ne te reste plus qu’à faire marcher ta comprenette, parce qu’il n’y aura pas de solution prête-à-penser.

Mais j’ai cru comprendre que le roman n’a pas d’édition américaine
Commenter  J’apprécie          374
Superman Lost

Christopher Priest, l'un des premiers auteurs noirs de Marvel/DC, sort de sa retraite après 20 ans de quasi mutisme pour nous offrir ce Superman tout frais.



(Rien à voir, donc, avec l'excellent auteur de science-fiction du même nom décédé la semaine dernière.)



L'histoire est apparemment simple : un jour, Superman embrasse Lois Lane avant de partir en mission. Quand il revient, quelques heures plus tard, 20 ans se sont passés pour lui.



La BD alterne donc entre 1- ce qui s'est passé pendant ces 20 ans. Et 2- Lane qui tente d'aider un Clark Kent plutôt amoché psychologiquement.



C'est un comic sans vilain ni baston, donc. On explore en profondeur la psyché de Superman et de Lois Lane. Dans leurs doutes et leur amour.



Dans 1-, on voit Superman qui débarque sur une planète dont le soleil rouge (qui supprime ses pouvoirs) menace de devenir une supernova qui tuera tout le monde. Superman promet de retourner sur Terre pour aller chercher de l'aide pour sauver la population.



Dans 2-, Superman, de retour sur Terre ne sait pas comment retrouver la planète qu'il doit sauver. L'idée qu'il brise sa promesse, qu'il abandonne des milliards de personnes à leur sort le met en dépression. Il se réveille la nuit et réalise qu'il oublie de respirer. Parce qu'il a dû retenir son souffle pendant 20 ans, seul, dans l'espace.



Lane en est au point de demander de l'aide à Lex Luthor, pour sortir Kent de son état.



Oh, et la fin est vraiment... Quelque chose qui laisse méditatif, disons.



Vraiment un retour en force pour Christopher Priest.
Commenter  J’apprécie          369
Le monde inverti

La première phrase accroche le lecteur : « j’avais atteint l’âge de mille kilomètres. » Mesurer le temps avec des unités de distance ? Déconcertant au début mais finalement, un roman extraordinaire !

Je n’avais jamais lu Christopher Priest, je ne savais donc pas à quoi m’attendre. J’avais évité de trop m’attarder sur la quatrième de couverture car souvent elle en dit trop. Il a fallu toute la première partie pour que j’arrive à me représenter l’organisation, le déplacement de cette cité Terre. C’est la seconde partie qui m’a happée dans ce monde étrange. Ce voyage vers le Sud est impressionnant, j’ai aimé les descriptions du paysage « transformé ». Sans doute mon côté scientifique qui a apprécié les fonctions mathématiques appliquées ! A l’image de son monde, le récit est va crescendo, Christopher Priest pose les bases, décrit cette ville mouvante puis, l’action commence s’accélère. Les questions s’enchainent : qui sont ses gens ? où sont-ils ? où vont-ils ? Impossible de m’arrêter avant la fin (qui arrive d’ailleurs trop vite), l’auteur aurait pu s’attarder un peu. Déçue cependant que certains moments ne soient pas développés, ses interrogations, ses enfants passés en une ligne…

Rien qui ne m’empêche tout de même de lire ses autres romans. Si ces derniers sont aussi originaux que Le monde inverti, ça vaut le coup !

Commenter  J’apprécie          363
Le prestige

"Enfin, la dernière étape, aussi appelée effet ou prestige, qui est le produit de la magie. Si l’illusionniste tire un lapin de son chapeau, l’animal apparemment dépourvu de toute existence avant l’exécution du tour, peut être qualifié de prestige de ce tour."



Rupert Angier (le Grand Danton) et Alfred Borden (le Professeur de la Magie) sont deux illusionnistes célèbres dans le Royaume-Uni du Tournant du XXème siècle. Une haine inextinguible les oppose : peu importe de savoir qui des deux a commencé cette vendetta ; au fil des années le résultat en sera seulement dommageable pour ce duo infernal et leurs proches…



Cette rivalité les mènera aussi à un tel niveau d’exigence qu’ils seront les meilleurs dans leur domaine. Sans pourtant jamais expliquer directement certains tours, l’auteur nous en apprend beaucoup sur les coulisses des spectacles d’illusionnisme.



Je suppose que beaucoup a déjà été écrit sur l’intrigue. Je préfère pour ma part en dire le moins possible. Je peux seulement conseiller une lecture attentive. Des petits décalages, des incompréhensions fugitives, des sensations vagues que quelque chose nous échappe trouveront tous une explication.



J’ai encore une fois été soufflé par la construction phénoménale de ce roman de Christopher Priest : on croit, à plusieurs reprises, en avoir terminé avec les apparences et les illusions. Mais ce n’est qu’un leurre de plus : il y a encore un double-fond invisible dans la malle de la narration. L’effet est proprement vertigineux. Véritablement du grand art, soutenu par un style exemplaire.

Commenter  J’apprécie          343
Le monde inverti

Et hop ,encore une excellente découverte de science-fiction :)

J'avoue que les premières pages sont un peu déroutantes , j'ai mis un peu de temps à admettre que c'était bien la ville qui se déplaçait sur des rails et à comprendre le fonctionnement de cette cité-terre . C'est tellement original ,ne lisant pas la quatrième de couverture ,j'étais un peu perdue au début . Mais finalement c'est fait exprès ,pour entretenir le mystère ...pourquoi cette cité se déplace-t-elle sans cesse ,pourquoi seulement les ligues sont-elles au courant etc ...on se pose beaucoup de questions et les réponses viennent ...pour au final ne pas forcement être les bonnes ! C'est juste excellent ,cette tension qui monte en nous au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture tellement on veut savoir et comprendre . Beaucoup de thèmes sont abordés : le contrôle de la population ,les liens entre les peuples , les mathématiques (berk) ...ce roman est très riche , nous pose de nombreux questionnements et la lecture est tout simplement addictive .

J'ai adoré et ça me donne bien envie de lire d'autres livres de cet auteur .
Commenter  J’apprécie          3311
Rendez-vous demain

Entre deux ouvrages de sociologie, j’ai craqué. En parcourant les ouvrages de fiction offerts dans le cadre de l’opération « Masse critique » sur Babelio, je suis tombé sur le dernier roman de Christopher Priest, dont je suis un grand fan depuis « Le Prestige ». J’ai eu la chance de le recevoir – je remercie l’éditeur et Babelio au passage –, et je l’ai dévoré en quelques jours.



Les familiers de l’auteur y trouveront leur compte. Priest réexplore toutes ses obsessions habituelles : la gémellité, les paradoxes temporels, la perception de la réalité… Il y ajoute la question du réchauffement climatique. À moins que ce ne soit celle du refroidissement, cela dépend de la manière dont vous préférerez lire l’ouvrage…



Après une centaine de pages nécessaires pour mettre en place le cadre de l’intrigue, la lecture devient plaisante et prenante, le rythme s’accélère à mesure que les différents fils temporels s’entrelacent. L’ensemble est bien documenté sur le plan scientifique comme politique, ce qui achève de rendre l’œuvre crédible. Il est dès lors d’autant plus facile d’en faire une analyse qui dépasse le strict cadre du divertissement, et d’imaginer certains des bouleversements auxquels nous ferons face dans les années à venir…
Commenter  J’apprécie          320
Le monde inverti

Helward vient d'atteindre la majorité et quitte la crèche pour entrer dans la même guilde que son père, la guilde des Topographes du Futur. Le monde dans lequel évolue Helward est en effet assez particulier : une ville entière, obligée de se déplacer sur des rails que doivent éternellement construire les habitants, dans le but d'atteindre un mystérieux « optimum » qui se déplace vers le nord. La cité est pleine de paradoxes : un haut niveau technique (réacteur nucléaire, moyens de traction pour déplacer la ville) côtoie des méthodes d'un autre âge : arbalète comme arme, cheval comme moyen de transport, ville construite presque intégralement en bois.



La guilde forme ses apprentis par l'expérience : on ne leur apprend rien, on les envoie sur le terrain, où ils expérimentent eux-même ce qu'il se passe et en tirent leur propre conclusion. Le lecteur peut ainsi suivre les interrogations d'Helward, qui correspondent à peu près aux siennes.



Jusqu'à la dernière page, la compréhension de l'univers du livre nous glisse entre les doigts : à chaque fois qu'on pense avoir la réponse, de nouveaux éléments viennent semer à nouveau le doute. Lancez-vous dans la lecture avec plaisir, mais assurez-vous avant que vos neurones soient prêts à supporter la surchauffe.
Commenter  J’apprécie          321
La séparation

"Alors je pensai alors je réalisai : ce n'est pas réel. L'angoisse m'envahit, l'anxiété écoeurante habituelle, la certitude de ne plus pouvoir me fier à mes sens. Une fois de plus, j'avais émergé de ce que je prenais pour le sommeil dans ce que je prenais pour la réalité : une illusion lucide."



Et de ces "illusions lucides", Joe Sawyer, en sera de multiples fois la victime. Au point de se demander, comme dans un roman de Philip K. Dick, si une réalité commune et partagée est possible.



Jack et Joe Sawyer sont de vrais jumeaux. Nous sommes en Grande-Bretagne autour du 10 mai 1941, alors que les bombardements nazis sont incessants. Jack est pilote dans la R.A.F.. Joe, lui, est objecteur de conscience mais risque quotidiennement sa vie, car il est secouriste Croix-Rouge.



C'est à partir de cette date pivot que Christopher Priest nous entraîne dans une sorte d'uchronie, mais jamais très claire, entre ce qui s'est passé et l'alternative qu'il a imaginé. Dans une partie du roman Churchill signera un traité avec Rudolf Hess pour faire cesser les massacres. Et Joe, avec ses convictions pacifistes, y sera pour beaucoup.



Mais que croire à la fin ? On peut supposer que Joe est bloqué dans une boucle temporelle, sauf que bien des aspects du roman laissent penser que ses visions ont un lien étroit avec des changements considérables dans la réalité.



Vous l'aurez compris, je suis dubitatif à propos de ce roman. Non pas que le (grand) talent de Christopher Priest soit aux abonnés absents dans ce livre, mais il est pour moi trop compliqué à suivre. Il souffre aussi de beaucoup de redites, il est vrai subtilement décalées, mais qui renforcent encore soncôté cauchemardesque.
Commenter  J’apprécie          312
Rendez-vous demain

J'avais apprécié, sans l'avoir vu en entier, l'intrigue de ce film Le Prestige aussi ai-je voulu découvrir l'auteur. D'où la lecture de sa dernière production.

Un rendez-vous en demi-teinte en ce qui me concerne.

Intrigue à la fois dys- et utopique fragmentée où se superposent plusieurs récits aux temporalités et personnalités distinctes.

Différents thèmes à la mode sont également juxtaposés tel que le réchauffement climatique, les paradoxes temporels et la gémellité.

Tout s'emboite à la fin sur une touche presque optimiste sinon naïve.

Cependant - est-ce le fait de la traduction ? - que dire d'un roman dont il est difficile de retenir aucune phrase ni pour sa beauté ni pour la vérité percutante qu'elle exprime ?

On a ici probablement un très bon scénario de film à défaut d'une vraie écriture littéraire.

Commenter  J’apprécie          302
Le monde inverti

Une très belle écriture, fluide et consacrée à la découverte de ce monde bien étrange. On y trouve un système de guildes dont chacune a un rôle dans le cheminement - sur rails - d'une bien mystérieuse ville dont on ne sait d'où elle vient. Le décor est post-apocalyptique et l'on comprend que le monde a été ravagé, que la ville est un écosystème dont l'équilibre est lié à sa position par rapport à un "optimum". Nous découvrons, en même temps que le jeune homme entrant dans les guildes, les secrets et complexités de la vie. L'action ne manque pas et le livre, probablement trop court, se dévore.



Nous ne comprenons pas pourquoi la ville doit courir après son optimum alors que les villages qu'elle croise ne sont pas soumis à cette règle et bien d'autres. La créativité est très forte et je vous laisse le plaisir de découvrir toutes les particularités de ce monde. Et aussi quelques frustrations car l'auteur n'a pas intérêt à nous en expliquer trop ni à faire parler les personnages qui pourraient nous éclairer.



C'est à la moitié que tout dérape, la narration change et n'est d'ailleurs plus à la première personne, celle du jeune apprenti qui prend du galon. Distorsion est le mot le plus juste pour résumer tout ce qu'il se passe ensuite.



La narration revient à la première personne de l'auteur pour le final et là c'est le drame ! L'explication ne convainc pas. Ou plutôt le subjectif prend le dessus et nous force à accepter, comme notre héros, que l'impossible s'est mis en œuvre. Tout ceci s'illustre avec la rencontre d'une chercheuse, avec qui le dialogue a du mal à s'établir alors que le héros et elle auraient pu creuser tant de sujets.



Bien plus que d'offrir un parcours initiatique du héros et de ceux qu'il croise, nous sommes dans une histoire sur la subjectivité, où la perception différenciée des uns et des autres est interrogée, interpellée. Comme si nous devions tous remettre en cause nos certitudes et réviser la réalité pour tenir compte de la vision des autres. Pas forcément l'accepter car nous sommes attachés à des racines. Cela prend un tel sens pour nous à l'époque des réseaux sociaux, du complotisme exacerbé, du dilemme de la rébellion ou l'acceptation du système !



Une très bonne lecture qui finit par nous troubler avec l'obligation d'accepter l'inacceptable : la perception n'est pas la réalité.
Lien : https://www.patricedefreminv..
Commenter  J’apprécie          3010
La Machine à explorer l'Espace

Publié en 1976, deux après le Monde inverti, La Machine à explorer l'espace, roman qui tranche dans la production de Christopher Priest, a posé les bases du steampunk. Mais comme le terme, et donc le genre, n'existaient pas à l'époque - il faudra attendre Blaylock, Jeter et Powers pour ça -, on lui colle aujourd'hui l'étiquette de proto-steampunk. Peu importe.



La Machine à explorer l'espace a été pour Priest l'occasion de rendre hommage à H..G. Wells. Souvent sur un mode humoristique qu'on serait bien en mal de retrouver dans le reste de son oeuvre, Priest a conçu un roman qui pourrait constituer la genèse de la Guerre des mondes (les références à La Machine à explorer le temps n'étant finalement qu'accessoires) : car, je vous le demande, qui sont les Martiens ?



Loin des questionnements habituels qu'on trouve dans l'oeuvre priestienne, on est bien dans un roman de divertissement, qui démarre bien, avec deux personnages, Edward et Amelia, délicieusement victoriens ; puis le tout devient peu à peu plus mou, notamment lorsque que les deux héros s'immiscent dans la société martienne.



Dès qu'il y a combats, et, pire, voyage de retour sur Terre - et là, j'ai fait une pause dans le roman, je commençais sérieusement à fatiguer -, le roman est saturé de détails techniques pas très enthousiasmants : Edward tire sur tel levier, tue telle créature de telle façon, on a droit à la description assez ennuyeuse du fonctionnement d'un vaisseau d'invasion martien, et on tire encore sur des leviers, et on regarde l'écran de contrôle, et on se glisse dans des tubes, etc., etc.



Le roman reprend du chien avec la rencontre en Angleterre d'un certain Mr Wells et on retrouve alors l'univers de la Guerre des mondes mais aussi l'inflexion steampunk qui commençait à manquer.



Pourquoi pas ? Christopher Priest s'est fait plaisir. de mon côté, je ne crois pas avoir gagné grand-chose à connaître la planète Mars ou à découvrir l'origine des envahisseurs de la Terre. D'où ma lecture un peu poussive.



Un avertissement pour terminer : surtout, surtout, ne pas se lancer dans ce roman sans avoir déjà lu La Machine à explorer le temps et La Guerre des mondes ! Vous perdriez ce qui fait le sel de ce roman mineur de Priest.
Commenter  J’apprécie          300
Le monde inverti

Si j'en crois ma bibliothèque, je n'avais lu qu'un seul livre de l'auteur, "la fontaine pétrifiante", il y a fort fort longtemps, je ne m'en souvient absolument plus, ce qui ne m'étonne pas s'il est du même acabit que celui-là.



J'ai bien aimé, je n'ai pas adoré cependant.

J'ai eu un gros souci avec la visualisation des expériences d'Helward, son monde m'a complètement "échappé". Cela a été extrêmement perturbant pour moi. J'ai donc suivi l'histoire avec intérêt, mais sans arriver du tout à me "plonger" dedans comme j'ai l'habitude de le faire.



Je m'explique : en général quand je suis dans un livre, je le "vis". Je "plonge dedans", et je ne suis pas spectatrice mais actrice. D'où mon ennui dans les livres où il ne se passe rien, dans ceux qui ne me parlent pas.

Ici, l'histoire me parlait, certes, mais impossible de m'identifier aux protagonistes. Sauf à la toute fin, quand apparaît Liz ! Ouf, sauvée !



Il n'empêche que passer les trois quart du bouquin "à l'extérieur" de l'aventure m'a empêchée d'y goûter vraiment, hélas.



A côté de cela, les personnages sont bien brossés, les problèmes politiques, moraux et sociaux également, c'est très bien écrit et fabuleusement réaliste, sauf le côté "science" qui aura été définitivement trop "perché" pour moi, plus encore que dans Tau Zero.



La surprise finale m'a en plus laissée totalement perplexe, je n'y ai rien compris, parce que je ne comprends pas la perception des gens de la ville "Terre" et à aucun moment je n'ai réussi à me mettre à leur place. Limite j'ai été un brin déçue... Je veux pas spoiler et je poserai une question sur le forum une fois que tout le monde aura fini cette lecture commune, parce que vraiment je me sens "bête", et c'est très ennuyeux de sortir d'un bouquin en se sentant bête, lol !



Bref, un bon moment, pas un coup de coeur...
Commenter  J’apprécie          308
Conséquences d'une disparition

« Si des gens définissent des situations comme réelles, alors elles sont réelles dans leurs conséquences. Autrement dit, c’est l’interprétation d’une situation qui détermine l’action. »



Christopher Priest a toujours eu une forte inclinaison, sans jeu de mot, vers des sujets qui font douter ses lecteurs de la réalité communément admise. Et qui offre de belles échappées vers des temporalités alternatives.



Le sujet principal de ce roman, récent, ce sont les évènements du 11 septembre 2001. Ben Matson, le narrateur, a perdu sa compagne d'alors, Lil, pendant cette journée. Seulement son corps n'a jamais été identifié et son nom n'apparaissait pas sur les listes des passagers des vols aériens impliqués dans ces attentats. Elle semble avoir définitivement disparu. Vingt ans après, alors qu'il est journaliste pigiste dans le domaine scientifique, il n'a pas renoncé à découvrir ce qui lui est réellement arrivé.



Ce roman m'a semblé tout à fait réussi, et se lit avec intérêt. Je ne suis pas familier des théories complotistes au sujet du 11 septembre, et Christopher Priest est assez habile pour les éviter, ou du moins à les désamorcer. Reste que beaucoup d'incohérences, de faits troublants subsistent. Mais pourrait-il en être autrement dans un monde où, plus de vingt ans après ces attentats, les mensonges éhontés de beaucoup, qualifiés de "postvérité", sont monnaie courante ?



On dirait bien que le réel a fini par rejoindre les cauchemars de Priest dans ce qu'ils ont de plus noir...
Commenter  J’apprécie          290
La séparation

Découverte grâce à Babelio et à Bibliocosme, voici une lecture qui réveille les méninges !



Il est difficile de lui coller un genre : la science-fiction n’est ici clairement pas adaptée et l’uchronie non plus. Il s’agit d’un ouvrage atypique à la-croisée des chemins entre fiction, écrit pseudo scientifique rendant hommage à l’histoire vécue et à l’histoire tout court avec une bonne dose d’uchronie. Curieusement et à bien des égards, voici un roman qui rend hommage à l’Histoire, d’une manière habile et inventive.



L’orientation fantaisiste mettra du temps avant de faire réellement parler d’elle. Il en d’abord rapidement question, puis les allusions cèdent le pas à ce qui ressemble à un récit historique. La moitié de l’ouvrage passé, nous découvrons une autre réalité… avec une explication tout à fait plausible. Le résultat est assez déconcertant. Pour faire allusion à un film, tout cela fait penser à Inception. Et le dénouement est bien trouvé !



La quatrième de couverture en dit long sur la trame centrale de l’ouvrage : la guerre (essentiellement aérienne et psychologique) entre la Grande Bretagne et l’Allemagne nazie permet l’affrontement de deux grandes figures : Winston Churchill et Rudolf Hess. La dynamique romancée est basée sur deux personnages, frères jumeaux d’abord embarqués pour les jeux Olympiques de 1936 puis, chacun à sa manière, dans la Seconde guerre mondiale. Il est assez curieux que cette facette de l’histoire ne soit davantage exploitée, puisqu’il va être, à plusieurs reprises, question de gémellité.



La guerre est ici présentée de manière tout à fait originale : il va être question d’objecteurs de conscience, de la Croix rouge et d'autres facettes moins connues du conflit (notamment du côté anglais). Tout cela est dynamique et, même si pour les besoins du récit, il est parfois nécessaire de créer des répétitions, celles-ci sont toujours agréables et habilement insérées. Elles sont importantes pour l’histoire et n’entraîneront que peu de redites.



Le style de l’auteur se plie aux différents personnages qui sont sensés, chacun, laisser un témoignage qui crée le roman. La narration omnisciente ne tient pas beaucoup de place et cela est pour le mieux ! Sa manière d’écrire est des plus plaisantes, parfois complexe (notamment pour le première partie) mais toujours agréable.



Ce grand classique est une véritable pépite qui mérite d’être lue, commentée et diffusée autour de soi ! Une lecture incontournable qui saura vous donner un autre regard sur la Seconde guerre mondiale !
Commenter  J’apprécie          290
Le livre d'or de la science-fiction : Chris..

Jolie anthologie composée de six nouvelles qui sont tout de même assez inégales, que ce soit en terme de longueur comme en terme de qualité. ces textes font partie des tout premiers récits courts de la carrière de Priest. Et on remarque déjà les thèmes qui lui seront chers tout au long de sa carrière. J'ai déjà lu que l'on considère l'auteur comme un des dignes successeurs de K. Dick car remettant constamment en doute et en question notre perception du monde réel, ainsi que l'ambiguité de notre subjectivité. Et je ne puis que confirmer cette opinion.



Sa vision du monde, ou plutôt de son monde, car il introduit déjà ici son fantastique univers de l'Archipel du rêve, est absolument fascinante. Priest a une imagination incroyable et une telle intelligence dans sa façon de narrer les choses que parfois on se sent vraiment bête... une sorte de complexe d'infériorité, car un des reproches que je pourrai lui faire, c'est justement que je ne suis pas toujours certain d'avoir bien compris l'interprétation (ou du moins l'une d'entre elles) à laquelle il songeait lui-même en rédigeant tel passage ou telle conclusion. du coup, le risque c'est de parvenir à la fin d'une de ses histoires en se disant le fameux : "tout ça pour ça" qui est au final extrêmement frustrant. Et je suis d'autant plus frustré que je demeure avec quelques doutes et incompréhensions, même après pris le recul nécessaire à la réflexion. Mais bon, à l'inverse, n'est-ce pas non plus là la force de ce type de littérature, s'impregnant d'une véritable poésie et d'une beauté onirique, que de nous amener à nous interroger sur le sens des choses, et comment nous les percevons justement.



Quoiqu'il en soit, ce fut un agréable et intéressant moment de lecture, qui m'a permis de découvrir les débuts d'un génie de la littérature de SF, avec ses premiers tatônnements et ses débuts dans un monde mystérieux et fantastique.



Pour conclure, j'avais juste envie de rebondir sur la morale, ou du moins un des messages, qui émerge de la dernière nouvelle du recueil, probablement la plus belle des six histoires, à savoir qu'à l'instant présent nous ne sommes que la somme de nos expériences et choix passés. Si nous désirons ardemment changer un événement du passé mais que finalement nous savons que nous sommes heureux à l'instant présent, alors que ferions-nous si nous pouvions voyager dans le temps ? Prendrions-nous tout de même le risque de changer les choses ?
Commenter  J’apprécie          292
Le glamour

Mon deuxième livre de Christopher Priest, après son excellentissime et prestigieux le Monde Inverti, et encore un sacré tour de passe-passe pour le dénouement final de l'histoire.

D'ailleurs, le schéma est assez similaire à celui du monde inverti, dans le sens où le narrateur, et donc le point de vue, changent à chaque chapitre (ou partie plus exactement), et où, au fil de l'histoire, l'auteur nous sème, avec énormément de parcimonie, des indices et autres éléments souvent étranges et bizarres, parfois incohérents ou contradictoires, à partir desquels, nous autres lecteurs, nous efforçons immédiatement de bâtir un semblant d'explication plausible et rationnelle. L'auteur s'amuse avec nous tout en nous interrogeant également sur notre propre perception de ce que nous voyons et comment nous le voyons (et par opposition ce que nous ne voyons pas et pour quelle raison).

Au final, on se rend compte que plusieurs lectures sont possibles et l'ont été. Tout dépend à quel niveau nous nous plaçons, mais aussi à quel personnage nous nous assimilons.

Quel est notre place et notre rôle dans le monde ? Sommes-nous acteur de notre vie (ou la vie) ou l'auteur de celle-ci ?

J'ai lu à diverses reprises que Priest avait quelque chose de Philip K. Dick dans son exploration et son questionnement sur le réel, et bien je ne peux que le confirmer encore davantage désormais....



Par contre, je tiens à prévenir le futur lecteur, qu'il ne doit pas s'attendre à un livre d'actions, il s'agit plutôt ici d'une longue réflexion "aux frontières du réel".... Si, si, j'ai osé ! :-)



Bonne lecture et à bientôt !
Commenter  J’apprécie          2910
Le monde inverti

« L'histoire commençait et finissait sur la planète Terre, sans que l'on sût comment la cité se trouvait être sur ce monde, ni comment elle avait été construite, ni qui en avaient été les fondateurs, ni d'où ils étaient venus.



Omission voulue ? Ou connaissances oubliées ? »





"Le monde inverti" est un roman de science-fiction publié en 1974 - soulignons que l'idée de ce dernier germe depuis un peu moins de dix ans dans l'esprit de l'écrivain britannique Christopher Priest, et reste encore aujourd'hui son oeuvre la plus célèbre.





« J'avais atteint l'âge de mille kilomètres. »



Pour sûr, ça c'est de l'entrée en matière !

Citation de choix déjà mainte fois relevée, mais que je peux m'empêcher de rappeler à nouveau tant cet incipit intrigue et déstabilise.





Une première pour moi, mais résumons un peu...

Helward Mann atteint sa majorité avec cet âge étrange de 1000 km et choisit alors d'intégrer la guilde des Topographes du futur, dont son père fait déjà partie.

Lui qui n'a jamais rien connu d'autre que l'univers aseptisé de la Crèche, va pour la première fois de son existence pouvoir enfin sortir de la ville, la "cité-Terre", et son initiation l’amènera à percer des mystères dont il n'a même pas idée.

Pour la ville ambulante, reculer vers le Sud est synonyme de mort. Pour survivre, celle-ci doit constamment se rapprocher de l'Optimum - où les conditions de vie sont les plus proches celles de la planète Terre - , situé plus au Nord, c'est-à-dire ; dans le futur...



« Et en fait, qu'était donc le Futur ? »





Autrement dit...

Priest crée donc une société hiérarchisée avec talent et dépeint très justement un microcosme fondé sur l'ignorance de la plupart de ses habitants.

Seuls les membres des guildes, soumis à une charte du "secret" ont connaissance de la réalité qui entoure cette ville mouvante - judicieusement nommée Terre -

« - Rien n'est jamais pressé dans le futur. »

Le suspense est maintenu tout au long du roman sans que l'on puisse se douter une seconde de la vérité, des plus surprenantes qui soient, et ne serait-ce que pour cette unique raison, cette lecture en vaut déjà la peine.





« Ce que j'écris ici ne sera communiqué qu'à ceux qui s'aventurent au-dehors… Inutile de rappeler aux habitants de notre colonie l'horreur de nos perspectives.

(...)

Jusqu'alors, notre maxime doit être : la survie à n'importe quel prix. »





Des plus et des moins - enfin, 'plus ou moins'...

Je remarque que nombre d'amateurs de SF qualifie ce titre de chef-d'oeuvre, malheureusement je dois avouer que je n'ai pas véritablement ressenti le même engouement au final.

Pourtant j'ai réellement pris plaisir à lire ce livre ; l'immersion au coeur de l'histoire est rapide et on ressent très vite un vif intérêt pour cette cité ambulante, toute sa mécanique - interne comme externe - et le vaste et mystérieux monde qui l'entoure. De plus, l'auteur sème le doute dans notre esprit jusqu'à la fameuse découverte finale...

Si le protagoniste principal suit une évolution personnelle remarquable, je n'ai en ce qui me concerne pas réussi à m'attacher - même de manière éloignée - ni à lui, ni à aucun autre personnage d'ailleurs (Sauf peut-être une femme que l'on ne rencontrera qu'en fin de récit et de fait, trop peu présente pour que cela change quelque chose...).

Par la suite, certaines incohérences m'ont troublée et si la plupart ont trouvé leurs justifications dans la dernière partie, je suis tout de même restée sur ma faim. Cette partie du livre justement m'a un peu déçue, malgré le lot de réponses qu'elle apporte ; elle m'a semblé presque bâclée, trop vite expédiée.

Probablement aurai-je aimé que cela dure encore... J'ai personnellement horreur de refermer un livre avec pour seule expression en tête : "Quoi, et c'est tout ? Alors, ça finit comme ça...? "





Bref...

C'est ce "manque" qui justifie le rabais de ma note à 3,5/5, c'est cependant une lecture fondamentalement intelligente et agréable que je conseille à ceux qui ne craignent pas d'éventuelles distorsions spatiales et/ou temporelles...



J'ai pour ma part véritablement bien aimé malgré tout. Je ne peux pas dire le contraire. Je reste néanmoins mitigée.

Le hic, c'est que sans ce petit plus, indispensable, que je n'ai pas su déceler, ce n'est qu'un bon récit - à mes yeux, j'insiste - parmi d'autres, et c'est déjà pas mal ^^, mais qui n'a pas réussi à me transporter aussi loin que je l'aurais espéré, voulu même.

J'en garderai un bon souvenir je pense, et il aura au moins eu l'avantage de me faire découvrir Priest, un auteur que je relirai prochainement - car en vérité, c'est surtout sa plume et son style qui m'ont énormément plu.





« Où que se tourne mon regard,

Ne sont que choses étranges, pourtant rien de nouveau ;

Tout au long ce n'est qu'un infini labeur,

Un infini labeur pour tomber dans l'erreur. »



[Samuel Johnson]





(Lu dans le cadre du Club Imaginaire de février 2017)

Commenter  J’apprécie          294
Rendez-vous demain

Deux frères, jumeaux, au XIXe siècle. Deux autres au XXIe. De la même famille. Quel lien les unit à travers le temps ? La passion des glaciers ? Leur origine norvégienne ? Et que vient faire cet inconnu, John Smith, condamné plusieurs fois par la justice britannique ? Les réponses sont dans Rendez-vous demain, un puzzle passionnant qui nous conduit à travers le temps et nous parle aussi de notre présent.



Quel rapport peut-il bien exister entre ces personnages ? Des jumeaux ayant vécu au XIXe siècle : l’un, scientifique organisé et bien intégré dans la société, s’intéresse aux changements climatiques et comprend que des bouleversements vont avoir lieu ; l’autre, artiste souvent impécunieux, voyage à travers le monde, l’Amérique du Sud, l’Europe, afin de chanter des airs d’opéra. D’autres jumeaux en plein milieu du XIXe siècle : le premier, journaliste engagé, voyage à travers les pays où les libertés sont mises en cause ; l’autre, profileur pour la police jusqu’à son renvoi, s’intéresse par la force des choses aux bouleversements climatiques qui mettent son existence en péril. Et John Smith, dont on suit les passages devant les tribunaux : usant sans cesse du même stratagème, il aurait trompé des femmes aux abois afin de leur dérober leurs maigres possessions. Et c’est lui, en fait, cet inconnu, dont on ne découvrira l’identité qu’à la fin du roman, qui sert de lien entre les époques.



En effet, John Smith n’est qu’un alias. Et à une époque où la photographie débutait, où les communications étaient, par rapport à notre siècle, d’une lenteur désespérante, il n’était pas facile de découvrir la vraie identité d’un anonyme. Or, rapidement, l’un des jumeaux du XIXe siècle est accusé d’être ce criminel. À tort ? À raison ? La lecture seule du roman permet de le savoir (hors de question, donc, que je révèle quoi que ce soit). Mais en 2050, Gregory, l’un des jumeaux du XXIe siècle, doit faire la preuve de la « pureté » de sa famille pour espérer obtenir un poste. Et l’histoire d’Adolf, lointain ancêtre condamné pour on ne sait quel forfait, remonte à la surface. Il faut en vérifier la véracité pour ne pas compromettre le projet professionnel. Voilà pour le lien. Prétexte un peu tordu, mais on l’accepte bien volontiers parce qu’il permet de raconter une histoire fascinante. Reste le moyen : le deuxième jumeau du XIXe siècle, Chad, se trouve muni, presque malgré lui, d’un moyen de communication avec le passé. D’une efficacité très modérée, permettant d’apercevoir des images du passé sans pouvoir échanger, cette technologie ouvre tout de même un canal entre deux époques.



La grande surprise, pour moi, à la lecture de Rendez-vous demain, en sus du plaisir de découvrir des vies autres, c’est l’érudition dont a fait preuve Christopher Priest. Car tout, ses personnages, leurs recherches, part de bases réelles. Les jumeaux du XIXe siècle, les frères Beck ont vraiment existé (et je repense aux Temps ultramodernes, de Laurent Genefort, qui a créé son univers à partir de notre passé, y mêlant nombre de personnages célèbres, dans un rôle différent). Tout comme le procès dont l’un a été victime. Il en va de même de la théorie de l’autre frère, qui imaginait un prochain refroidissement climatique avec l’augmentation périlleuse de la taille des glaciers. Et c’est un autre fil qui relie les époques. LE fil, en fait : le bouleversement de notre climat. L’auteur décrit un monde, en 2050, qui ne donne vraiment pas envie : les iles britanniques sont sujettes à des vagues de chaleur, de sécheresse terribles. Les tempêtes de sable ne se contentent pas de déposer un fin voile sur les voitures. Elles forment des couches qui nécessitent le passage d’engins pour dégager les routes. Elles bouchent les climatiseurs, vitaux en ces temps où les températures dépassent allègrement les quarante degrés. Et les côtes sont progressivement ravagés par la montée des eaux. L’Europe est à peine évoquée, mais son sort paraît encore moins enviable. Le portrait de ce futur est angoissant à souhait. Pas autant que celui d’Étienne Cunge dans sa Symphonie atomique, mais suffisamment pour faire naître une sourde inquiétude. Et une goutte de sueur de couler le long de la tempe, non pas due à la chaleur mais à la peur naissante. Je ne sais si tel était le but de Christopher Priest, mais il a produit un résultat très réaliste, distillé progressivement, histoire de bien laisser infuser les multiples conséquences sur notre quotidien : température excessive, approvisionnement en carburant ou en nourriture difficile, moyens de transport aléatoires. Cela ne donne vraiment pas envie d’arriver en 2050 !



Lire Rendez-vous demain, c’est accepter de se laisser entrainer avec ravissement sans bien savoir où l’on va, d’une époque à une autre, d’un individu à un autre. C’est aussi voyager avec érudition entre la réalité et l’imaginaire. C’est enfin regarder en face le bouleversement climatique et ses effets, le monde qu’il est en train de construire. C’est avoir un aperçu de notre avenir : à demain !
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          280
La séparation

Il existe certains auteurs qui intimident par leur réputation et par l'idée que l'on se fait de leur style ou de leur univers. Christopher Priest étaient pour moi de ceux là, et c'est avec appréhension que je me suis finalement lancée dans la lecture d'une de ses œuvres les plus réputées (et les plus primées) : « La séparation ». Or je ressors de cette lecture totalement conquise et particulièrement admirative du talent de Christopher Priest, dont je suis maintenant bien décidée à éplucher la bibliographie. L’œuvre est classée en science-fiction, mais le fait est qu'il est assez difficile de lui coller une unique étiquette tant elle est complexe. Car si le roman se présente bel et bien comme une uchronie, celle-ci ne repose pas sur le classique « et si tel événement s'était passé différemment, que serait devenu le monde ? ». Les questions que se posent Priest ici sont beaucoup plus subtiles, plus insidieuses, et son uchronie repose davantage sur la mémoire que l'on se forge et que l'on garde d'un événement (avec toutes les erreurs que cela peut comporter), que sur un unique point de divergence (même s'il y a aussi un peu de cela). L'action prend place pendant la Seconde Guerre mondiale, période à laquelle on va suivre les parcours très différents de deux frères jumeaux : l'un est pilote dans la RAF et s'engage pleinement dans le conflit ; l'autre refuse de prendre part à la guerre et devient objecteur de conscience, statut qui lui permet de se mettre au service de la Croix Rouge. Deux destins différents, donc, mais aussi deux versions de l'histoire, puisque les récits des deux frères présentent de sacrées divergences. Et comme si cela ne suffisait pas pour nous embrouiller, l'auteur s'amuse à multiplier les points de vue, donnant ainsi corps à chacune de ces deux réalités. Outre le récit des deux frères, qui prennent chacun leur tour la parole, le roman, comprend également plusieurs chapitres se déroulant en 1999, date à laquelle on suit l'enquête menée par l'historien Stuart Gratton qui s'intéresse justement à l'un des jumeaux et au rôle qu'il à pu tenir en 1941 auprès de Churchill. Le texte fourmille également d'extraits de documents officiels émanant de tel ou tel service, de discours du Premier Ministre s'adressant à la population britannique, de correspondances privées de Churchill ou de Hess, mais aussi de comptes rendus de mission aérienne, ou encore d'ouvrages portant sur l'histoire de la Croix rouge ou les événements de la Seconde Guerre mondiale.



Si les récits des jumeaux ne font pas état de la même réalité, les deux ont en tout cas un point commun : les changements les plus radicaux décris dans chacun de leur témoignage ont lieu après les événements qui se sont déroulés la nuit du 10 au 11 mai 1941. Cette nuit là, Rudolf Hess, l'un des dignitaires nazis parmi les plus proches d'Hitler, s'envole pour l'Angleterre dans le but de proposer à Churchill une offre de paix dont on ne sait pas trop si elle provient de sa propose initiative ou émane directement du Führer. Toujours est-il que l'avion piloté par Hess est attaqué (par les Anglais ? ou par les Allemands eux-mêmes ?), et c'est justement là que les choses se compliquent. L'histoire telle qu'on la connaît retient que Hess a survécu à l'accident mais a été fait prisonnier par les Anglais qui le garderont captif jusqu'en 1987, date à laquelle il se suicidera. C'est d'ailleurs également la version de Jack, le premier des jumeaux, dont le récit comprend malgré tout quelques variations astucieuses dont je ne vous ferais pas part ici pour ne pas vous gâcher la surprise. Voilà pour la première version. La seconde, telle que proposée par l'autre jumeau, Joe, implique la survie de Hess qui débarque sain et sauf en Angleterre et parvient à jeter les bases d'un accord entre l'Allemagne et l'Angleterre. 1941 marquerait donc, dans cette vision de l'histoire, la fin de la Seconde Guerre mondiale. La première version correspond, à peu de choses près, à la notre, et on se doute donc que les conséquences après 1945 seront les mêmes. La seconde version, en revanche, pourrait n'être qu'un fantasme si elle n'était corroborée par le fameux historien que l'on suit en 1999 et pour qui la guerre s'est également arrêtée en 1941. On sait peu de choses des conséquences de cet armistice précoce, si ce n'est que les États-Unis ne sont pas entrés en guerre contre l'Allemagne et se sont au contraire alliés à elle pour venir à bout de la Russie et du communisme. La guerre froide a donc bien lieu, mais pas avec la Russie, et le résultat pour les États-Unis n'est pas avantageux, puisqu'ils en ressortent fragilisés tant politiquement qu'économiquement. L'auteur mentionne également à plusieurs reprises les questions soulevées par la résolution du « problème juif » par les Allemands (là encore, je vous laisse le soin de découvrir l’alternative proposée à l'histoire telle qu'on la connaît).



On trouve dans ce roman (et, me semble-t-il, dans la plupart des autres œuvres de l'auteur), un certain nombre de thèmes récurrent, à commencer par la gémellité et par les confusions qu'elle peut entraîner. Les protagonistes sont ainsi de vrais jumeaux, et c'est d'une certaine manière leur séparation qui va mettre en branle les grands événements décris dans le roman. Mais Priest s'amuse également d'autres ressemblances, notamment à propos de certaines grandes figures de l'époque, ce qui pose des questions vertigineuses auxquelles le lecteur n'aura toutefois jamais la réponse. L'auteur se livre également à tout un jeu autour des homonymes : les jumeaux ont évidemment le même nom, mais aussi les mêmes initiales, ce qui participe justement à la confusion de certains services de renseignements. D'ailleurs, Churchill mentionne aussi, à titre anecdotique, l'existence d'un homonyme écrivain avec lequel il aurait un jour été confondu. Bref, rien n'est jamais ce qu'il paraît et Priest semble s'amuser à rebattre constamment les cartes. Car si l'auteur joue de la confusion entre les jumeaux, d'autres points du roman nous plongent également dans le doute. Les comptes rendus des frères sont en effet tous deux sujets à caution à partir du printemps 1941 puisque, dans les deux cas, ils se retrouvent désorientés par une grave blessure. Le premier, Jack, souffre ainsi de pertes de mémoire et d'absences suite à de sérieuses blessures reçues après que son avion ait été descendu par les Allemands. Le second, Joe, a lui aussi été blessé, mais cette fois pendant le Blitz, alors qu'il conduisait son ambulance. Les troubles sont plus sérieux, le sujet étant en proie à des hallucinations qu'il ne parvient jamais à distinguer de la réalité. Dans ces circonstances, laquelle de ces deux versions peut-être considérée comme fiable ? Et bien les deux, et aucune à la fois. Priest pose en effet une multitude de questions mais ne nous fournit que très peu de réponses, et c'est justement cette interrogation permanente, cette frustration que l'auteur fait naître chez le lecteur, qui fait que le roman obsède aussi bien pendant toute la durée de la lecture que longtemps après la dernière page tournée.



Si le roman s'avère aussi immersif, c'est aussi et surtout grâce à l'incroyable reconstitution historique réalisée par Priest qui nous plonge complètement dans l'ambiance de l'époque. Le témoignage du premier des frères nous entraîne d'abord dans le Berlin des années 1930, où les jumeaux participent aux fameux Jeux Olympiques de 1936. En très peu de scènes, l'auteur parvient à rendre compte efficacement à la fois de la tension qui règne à l'époque, mais aussi de l'impact des premières lois antisémites, et surtout de l'état d'esprit d'une partie de la population allemande, subjuguée par la personnalité d'Hitler. Le Führer n'apparaît cela dit que très peu, le seul véritable représentant des forces nazies occupant le devant de la scène ici étant Rudolph Hess. Churchill, en revanche, est beaucoup plus présent et là encore son portrait est le fruit de recherches particulièrement poussées de la part de l'auteur qui dresse du Premier ministre un portrait captivant, tout en nuance. De Churchill, on découvre ainsi non seulement la versatilité et le caractère belliqueux, mais aussi le charisme et la détermination, autant de qualités qui lui valurent l'admiration sans borne des Anglais (en dépit de son pacifisme, Joe ne peut ainsi pas s'empêcher de succomber lui aussi au charme de Churchill). L'auteur dresse également un portrait marquant de la ville de Londres pendant le Blitz, mais (et c'est moins courant) revient également à plusieurs reprises sur les bombardements réalisés par les Anglais sur les villes allemandes qui subissent, elles aussi, d'énormes dommages. Le parcours choisit par Joe nous permet également d'en apprendre davantage sur les objecteurs de conscience, tous ceux qui, par croyance politique ou religieuse, refusaient de prendre les armes et de participer à l'effort de guerre. Priest revient ainsi en détail sur les procédures à entreprendre à l'époque pour se déclarer comme tel, sur les difficultés pour ces hommes de subir le regard méprisant de leurs compatriotes, ainsi que sur le rôle joué par la Croix Rouge dans le conflit. L'amour que vouent les deux frères à la même femme permet également à l'auteur d'aborder les conséquences de la guerre sur les familles, et notamment les couples qui doivent vivre séparés dans des conditions difficiles. Cet aspect du roman nous permet de considérer le conflit sous un aspect plus humain : il est moins question ici de guerre idéologique ou de tours de force militaires que d'hommes et de femmes qui se retrouvent confrontés à la précarité et à la peur et qui font ce qu'ils peuvent pour continuer à vivre.



« La séparation » est sans conteste un très grand livre, signé par un très grand auteur. Le roman repose sur une construction minutieusement orchestrée qui s'amuse à faire perdre au lecteur tous ses repères et le marque ainsi durablement. Car comment ne pas être tenté de ressasser encore en encore cette énigme puisqu'on ne nous en donne pas la réponse ? Outre l'originalité de l'uchronie proposée (en dépit du choix, très classique, de l'époque), le roman séduit aussi et surtout par la reconstitution particulièrement soignée et documentée de l'Europe des années 1940. Un énorme coup de cœur, que je vous recommande donc chaleureusement.
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
Commenter  J’apprécie          274




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Christopher Priest Voir plus

Quiz Voir plus

Les héros de SF : Christopher Priest

« J’avais atteint l’âge de 1000 Km ». De quelle oeuvre, cette citation..?

eXistenZ
Futur Intérieur
Le Glamour
Le Monde Inverti
Le Don
Le Prestige
La Fontaine pétrifiante
La Séparation
L'Archipel du rêve
La machine à explorer l'espace

10 questions
48 lecteurs ont répondu
Thème : Christopher PriestCréer un quiz sur cet auteur

{* *}