Citations de Daniel Picouly (328)
Une dernière fois mon garçon, je vous le demande, comme le règlement l'exige, déshabillez-vous !
- Non !
Le commandant monte d'une teinte dans l'écarlate.
- Je vous préviens, si vous n'obtempérez pas, mon gaillard, vous serez déclaré BSA d'office ! Je veux dire bon pour le service.
- Parfait !
ça ne va pas. Ce n'est pas la réponse qu'il attendait . Celle qui était prévue. C'est donc vrai, comme le conseil le craignait, cette mule est déterminée à partir à la guerre. L'affaire se complique. Ne pas le braquer. Surtout ne pas le braquer.
A croire qu'il s'est abattu sur la Martinique la 8 ème plaie d'Egypte : une nuée putride et foudroyante de varicocèles, hydrocèles, hypertrophies cardiaques, anémies, ankylostomiases, hernies ombilicales, goutte, scrofules, gibbosités et autres disgrâces créoles.
On s'interroge. Où est passé l'homme martiniquais, le mâle, cette liane vigoureuse au regard de feu et au sourire de nacre ? Qu'est devenu ce fils aimant, ce père oublieux, cet amant infatigable ? Les mères se vexent, les femmes rechignent et les putains exigent le Bon tampon sur le livret militaire.
Dans les journaux on accuse les membres des conseils de révision de saboter le recrutement des Martiniquais pour prouver à la nation qu'ils sont Indignes de supporter le poids de l'impôt du sang.
Possible. Les mêmes journaux insinuent que les médecins militaires sont soudoyés par les gros planteurs pour déclarer leurs travailleurs inaptes à la chose militaire et les garder aux champs. Probable. La preuve, dès le lendemain du conseil de révision, le "Bataillon créole des réformés" reprend gaillardement la coupe de la canne comme une assemblée de miraculés touchés par la grâce de la sainte Machette.
Jules se demande si les membres du conseil savent que c'est sur cette longue table qu'a été transporté en panique le corps d'Antoine Siger après son assassinat.
J'avais compté, il y avait 93 feuilles ! Mon chiffre fétiche. Je pourrais écrire 93 fois à Marie. Je l'ai fait. A chaque fois, je commençais ma lettre par: Je t'écris avant de mourir. Une phrase magique. Un talisman. [ ...]
Il y aura peu d'élus. Depuis le début des conseils de révision, l'ajournement et l'exemption sont les deux maladies les plus répandues en Martinique. Une véritable épidémie. Les journaux s'en sont émus et pissent de la copie outrée. Ils envoient dans tous les centres de recrutement des reporters qui en rendent compte comme des correspondants de guerre sur le champ de bataille. C'est la guerre sans la guerre. On compte les cadavres qui vont manquer à la gloire de la Martinique.
Pour les classes 1889 à 1895 du Canton de Fort-de-France, 9 hommes sur 500 ont été reconnus "bons pour le service armé", soit 1,8%.
Marie m'apportait de l'eau qu'elle m'avait appris à boire comme un berger de son pays. Les Pyrénées. Elle épongeait ma sueur, humectait de camomille ma paupière meurtrie. Je laisser aller sur moi toute ces batteries de gestes tendres que je n'avais concédés jusqu'alors qu'à ma mère. Puis je retournais cogner.
Marie avait les yeux bleus, j'étais d'un noir absolu. Quand a-t-on osé ? Qui d'elle ou de moi a risqué cette infime avancée de la main ? A qui de nous deux doit-on ces quelques millimètres abolis qui ont établi l'histoire de notre famille ? Personne ne le saura jamais.
Je me suis précipité avec les autres sur le pont. Après treize jours de traversée, nous étions des Christophe Colomb noirs qui découvraient la France. C'était la première fois que je posais le pied Là-bas, sur cette terre qu'on appelait la mère patrie ou qu'on n'appelait pas. Ce fut à Saint-Nazaire. Les autorités militaires avaient évité de débarquer des Noirs dans les anciens ports négriers de La Rochelle, Nantes, Saint Malo et Bordeaux. Ils ne voulaient pas donner l'impression d'ajouter un quatrième côté au commerce triangulaire.
Merci, les autorités !
Zamor et Seiffert vont jusqu'à une porte tellement verte qu'on a l'impression qu'elle va s'ouvrir sur un potager.
La Marmotte avait l'impression qu'on ne pouvait pas couper la tête de quelqu'un qui a une paille aux lèvres.
Il faudrait qu'on puisse enfoncer son doigt quelque part dans la tête pour faire vomir sa mémoire.
Hondo alluma sa lampe de chevet et s’épongea le visage. Il venait encore de faire ce cauchemar. Toujours le même : à une fenêtre, deux hommes se battaient. Tout à coup, l’un basculait dans le vide en criant.
C’est ce cri qui réveillait Hondo. Le plus étrange c’est que la scène semblait se dérouler dans sa chambre. Là, sur le mur. Comme si l’homme en chemise blanche tombait du poster qui était accroché en face de son lit.
LIVRE A LIRE IMMEDIATEMENT!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Parfait. Les prisons sont faites pour qu'on s'en évade.
Elle les tue au lit !
Dans Trenelle on disait de Rosalie que c'était elle la Grande Guerre . La Faucheuse !
On ne comptait plus les croix sur son ventre .
Elle en avait épuisé sous elle du coquin! Éreinte des Gaillards.
Elle les pressait , les tordait , les essorait leur prenait sang , sueur et semence et ne leur laissait qu'une pelure : leur nom .
la seule chose qu'elle ne voulait pas . P16
à embarquer lui aussi sur l'île déserte...
- Dites, on a le droit de tuer une maman ?
Les affreux ne savent pas quoi dire quand le gamin les regarde avec ces yeux en auréoles.
- Dites, on a le droit ?
- On ne tue pas une maman, on juge une reine.
- Alors, quand on est reine, on n'est plus une maman ?
Ed et Jones regrettent soudain les cahots, les cris, les coups de fouet. Tout ce qui évite de répondre à des questions qui contiennent le mot "maman".
- Moi, je dis que dès qu'on a commencé d'être une maman, on ne peut pas s'arrêter.
Comment leur avouer que si le griot africain n'écrit pas, c'est à cause d'une remarque de mon maître:
- Tes histoires sont jolies, mais on ne les voit pas. Elles disparaissent sous les fautes d'orthographe.
Le soir, quand on lit son texte, c'est la passion amoureuse.
Ce qu'on a écrit et ce qu'on voulait écrire sont au lit ensemble.
Deux corps mêlés dans la sueur.
On ne fait plus de différence entre le désir du texte et le texte.
Le lendemain matin on tend la main et...les draps sont froids.
Il ne reste que le texte nu.
Et maintenant on doit le rhabiller.
Il faut écrire en amant et relire en mari.
Notre" somptueuse médiocrité" n'est que la primitive du réel.
Je pousse l'écrou dans un coin sombre.
- Ne me fais plus jamais ça !
Mon père me prend pas les épaules. Ses yeux me perforent.
- A cause de cet écrou qui manque, peut-être qu'un jour en pleine vitesse, le moteur explosera. Et alors ? Tu imagines ?
J'imaginais.
- Allez ! On redémonte tout.
C'est pareil dans un texte: il ne faut pas laisser traîner d'écrou.