AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de David Foster Wallace (105)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


L'oubli

L’oubli de David Foster Wallace

Huit longues nouvelles.

Novembre 1995 la société Mister Squishy a réuni les panels de consommateurs triés sur le volet pour tester un gâteau fort en chocolat destiné aux supérettes, 27 de ces gâteaux sont disposés sur un plateau tournant. On les avait nommés Petits Délits. Les gens du panel sont au sommet d’un immeuble avec de grandes baies vitrées par lesquelles , au même moment , ils peuvent apercevoir des badauds la tête levée observer un homme assis sur une corniche à 70 mètres d’altitude…

Colombus fin des années 50.

Lui, Frankie, Mandy et Chris furent surnommés « Les 4 otages occasionnels », car ils n’avaient pas fui la classe d’éducation civique en même temps que les autres élèves. Lui étant rarement attentif se souvient vaguement qu’il neigeait et que c’était Johnson qui avait remplacé la prof habituelle, des chiens couraient à l’extérieur et que c’est en parlant du treizième amendement que ça s’est produi, il avait écrit au tableau TUE…

Il vit la casserole d’eau brûlante répandue, le bébé hurlant dans ses couches, il l’enveloppa dans une serviette, il était sûrement trop tard mais l’enfant avait déjà appris à sortir de lui même…

Un homme raconte ce qu’il a entendu d’une conversation en avion entre deux passagers devant lui. Le récit parlait d’un enfant né dans un village paléolithique primitif sans plus de précision, peut-être une jungle en Asie ou Amérique du Sud. L’enfant semblait doué d’un QI exceptionnel et malgré son très jeune âge on le consultait sur des sujets complexes qui mettaient en jeu l’existence même de la tribu. Il répondait aux questions tous les 29,518 jours synodiques et la tribu fit bientôt des sauts quantiques sans fin mode de vie suscitant la jalousie et l’inquiétude des tribus voisines restées à des stades moins développés…

Toute sa vie il a été un imposteur essayât de projeter une image de lui sur les autres. Il avait essayé la psychanalyse mais il avait manipulé Gustavson (qu’il aimait bien) qui s’en moquait, il touchait ses 65$. Il lui avait parlé du paradoxe de l’imposteur…

Sa mère avait fin un peu de chirurgie esthétique pour ses pattes d’oie, il l’avait ratée, en voulant corriger ce fut pire on aurait dit la Fiancée de Frankenstein quand elle découvre son promis. Il l’amène chez un avocat en bus…

L’orage les avait chassés des greés et ils étaient au Club House en face du 19 ème trou avec le beau père de Hope, sa femme, cadre médical. Il veut lui parler du conflit qu’il a avec elle, elle prétend qu’il ronfle alors que pour lui, elle dort et rêve qu’il ronfle!!…

Atwater au téléphone essaye de convaincre son directeur adjoint à Style d’inclure dans le magazine une exposition sur la »merde humaine » une œuvre d’art d’un artiste génial pour lui ce que son interlocuteur ne semble pas partager de prime abord, arguant du fait que ce n’était pas cohérent avec la ligne éditoriale de Style. L’artiste s’appelait Brint Moltke, sa femme, ne parvenait pas à être repoussante, Atwater imaginait qu’elle était l’image que les canidés voyaient quand ils hurlaient à la mort….

Ce ne sont pas tant les sujets des nouvelles qui font l’intérêt de ce livre mais le style. À la fois flux de conscience, on est dans la tête, souvent malade ou pour le moins perturbée du héros qui délibère avec lui même, mais aussi une forme de « naming »à la Brett Easton Ellis en plus détaillé et en plus savant. Le roi de la digression intelligente. C’est à mon sens une écriture unique qui ne peut laisser indifférent, soit on adhère rapidement et on se laisse porter par le style, soit on n’adhère pas et une quinzaine de pages de lecture suffiront à passer à autre chose. Une œuvre dans des tonalités assez sombres.

Foster Wallace est né en 1962 s’est suicidé en 2008.
Commenter  J’apprécie          110
Le sujet dépressif - Petits animaux inexpress..

Le Sujet dépressif de David Foster Wallace suivi de petits animaux inexpressifs.

Elle était incapable de mettre en mots sa souffrance alors elle utilisait les exemples, celui de son enfance où ses parents divorcés, riches, l’utilisaient pour régler leurs différends, les frais d’orthodontie dont elle avait besoin, ce que chacun reconnaissait mais qu’ils refusaient de payer estimant que c’était à l’autre de le faire suite à une « ambiguïté byzantine » dans le jugement de divorce. Il firent appel à un « Spécialiste en résolution de conflits » à 130$ l’heure plus les frais pour régler le problème. Elle était suivie par une thérapeute appartenant à une école qui préconisait pour chaque dépressif un « Échafaudage émotionnel » composé de six femmes « bienveillantes et généreuses »auprès desquelles elle pourrait se tourner sans avoir à mentionner ces épisodes d’enfance avec ses parents. Elle ne prenait en ce moment que du Prozac et savait qu’elle était un fardeau pour ses amies. Elle avait assisté à un »Week-end de retraite » thérapeutique expérientielle centrée sur l’Enfant intérieur pendant lequel lors d’une »Rage cathartique » elle avait touché au »Noyau profond de sa problématique de ressentiment ». Et puis sa thérapeute était décédée d’une combinaison de coupe faim homéopathique et de caféine…

Julie fait l’amour avec Faye, elles se connaissent depuis presque deux ans, elles échangent leurs souvenirs, ce qu’elles aiment ou détestent. Julie déteste les insectes, John Updike et curieusement aime Dee, sa mère qui l’avait abandonnée au bord d’une route avec son frère quand ils étaient jeunes, Faye travaille au département Recherche du jeu Jeopardy alors que Julie est la championne de Jeopardy depuis plus de 700 émissions…

Deux nouvelles typiques de l’esprit de cet auteur, humour et analyse psychologique des personnages, une bonne façon d’aborder l’unique Foster Wallace. Avec lui pas de demi mesure, on adore ou c’est illisible…
Commenter  J’apprécie          100
L'infinie comédie

Je ne joue pas au tennis. Je fais du vélo.

Je ne me drogue pas. Je ne bois que du vin.



J'aime bien ce récit de science-fiction où le Canada a déplacé ses frontières jusqu'à Boston, Massachusetts.



Parce que je suis citoyen du Québec, Wallace réussit à m'intéresser avec le sujet du FLQ et du séparatisme.



(Q = Québécois, E = écologiste, S = Séparatiste, V = Violent, VV = Extrêmement Violent)



Les Assassins en Fauteuil Roulant (Q, S, VV)

Le Bloc québécois (Q, S, E)

Les Fils de Montcalm (Q, E)

Les Fils de Papineau (Q, S, V)

Le Front de libération du Québec (Q, S, VV)

Le Parti québécois (Q, S, E)

La Phalange calgarienne procanadienne (E, V)



Si vous recherchez une lecture sans effort, ce n'est pas le livre que vous recherchez.



Ce roman n'est pas simple. le thème est celui du plaisir :

À propos de notre capacité à souffrir la promesse de ce plaisir, combien de dégâts cela peut nous faire, et parfois combien cela peut être tellement important jusqu'à nous obliger à subir un retrait angoissant dans l'espoir d'obtenir une sorte de plaisir spirituel à la place.



En plus, c'est hilarant. Et ça fait mal. Et ça a des mots cachés dans des concepts qui peuvent être suffisamment difficiles ou déroutants pour qu'au final vous soyez tellement désorienté pour finalement comprendre que vous pourriez être trop distrait pour remarquer avec «Fackelmann que tout ça, c’étaient des conneries ».





Commenter  J’apprécie          20
C'est de l'eau

« Votre éducation est le travail d’une vie et elle commence maintenant. »



C’est un tout petit livre, économe de mots mais riche de contenus. C’est de l’eau, de David Foster Wallace est une traduction par Francis Kerline d’un discours culte de l’auteur face à de jeunes étudiants de l’Ohio.



Sortant des obligations de l’exercice, Wallace évite le sermon ou le classique éloge de la vertu, pour inviter ces hommes et femmes en devenir à « apprendre à penser » en s’affranchissant de la configuration humaine par défaut autocentrée, « qui voit et interprète tout à travers le prisme du moi. »



Prônant l’éveil à l’altérité et l’attention accrue à son environnement, il les appelle – et nous avec - à « décider en toute conscience de ce qui a du sens et de ce qui n’en a pas. » Un manifeste à se préparer à un parcours qui ne fait que débuter, pour ceux qui sortent avec la certitude d’avoir désormais la tête armée pour affronter la vie.



C’est un peu philo, mais pas trop. Un peu intello, juste ce qu’il faut. Un peu liquide mais c’est de l’eau…

Commenter  J’apprécie          270
L'infinie comédie

Une expérience de lecture ardue, mais incroyable. Je crois que je pense à ce livre toutes les semaines, alors que je l'ai lu il y a déjà plusieurs années. Il a changé ma façon de voir le monde. Ne vous laissez pas rebuter par les cent premières pages très denses, libérez-vous des notions de chronologie, et partez pour un des plus beaux voyages de votre vie.
Commenter  J’apprécie          00
L'infinie comédie

"Infinite Jest" est un roman complexe (et volumineux !) écrit par David Foster Wallace et publié en 1996. Considéré comme l'une des œuvres majeures de la littérature américaine contemporaine, ambitieux. L'histoire se déroule dans un futur dystopique aux États-Unis et se concentre sur plusieurs personnages, dont Hal Incandenza, un jeune homme talentueux qui joue au tennis dans une prestigieuse académie, et Don Gately, un ancien toxicomane en cure de désintoxication.

De nombreux thèmes sont abordés, notamment la toxicomanie, la dépression, l'aliénation, l'absurdité de la vie moderne (la société de consommation et de la culture du divertissement, les dérives de la technologie).

Et la recherche de sens et de satisfaction dans un esprit de satire sociale, en toile de fond d’un monde littéraire dense, fascinant, où se côtoient des personnages complexes.

Le titre est direct et sans ambiguïté.

David Foster Wallace explore de manière subtile, et cela est remarquable, les désirs humains, les échecs de communication, et la recherche éperdue de satisfaction dans un monde hyper stimulant et… déshumanisé.

Une lecture exigeante est nécessaire et le lecteur ne doit pas faiblir au vu des digressions narratives, des multiples notes de bas de page complexes et du style d'écriture riche en références culturelles et en jeux de mots.

Ce qui peut intimider ou…faire perdre le fil !

Commenter  J’apprécie          140
La fonction du balai

Alors que nous ne nous lassons jamais de découvrir de nouveaux auteurs et autrices, que le champ des possibles littéraires et créatifs ne cessent de se modeler, puis dans un soubresaut générationnel de se remodeler pour dire ce qu’il n’est plus, définissant par la même occasion ce qu’il aurait aimé être tout en offrant un nouveau regard. Il est intéressant, de se plonger dans notre passé et parcours pour revenir sur des figures à part, visionnaires, voir uniques pour constater ces nombreuses parenthèses – enchantées – qui jalonnent la littérature et définissent un genre, un mouvement ou une époque.



Ce qui pose invariablement la question “qu’est-ce qu’un roman ?” L’objet livre, nous le définissons sans problème, un auteur, un traducteur, un éditeur, également. Mais qu’est-ce qu’un roman ? On parle de roman pour définir une narration fictionnelle, suivant un des schémas narratifs existants (comme le parcours du héros par exemple). Mais en soit est-ce suffisant pour définir le roman, et surtout si l’on décide de rompre ces codes, sortons-nous du roman ?



Avec la Fonction du Balai, sorti en 1987 aux États-Unis, puis en 2009 en France, avec la sublime traduction de Charles Recoursé, la question est posée implicitement par le titre comme par certaines parties du récit.



Nous suivons les aventures de Lenore Beadsman, fille d’un puissant chef d’entreprise locale, arrière petite fille d’une autre Lenore qui a disparu de la maison de retraite avec une vingtaine d’autres pensionnaires. Lenore Beadsmann est la petite amie d’un éditeur ( Frequent & Vigorous), légèrement névrosé et n’ayant rien publié. Elle est également standardiste pour F&V et vit chez une logeuse avec une amie et une perruche Vlad, douée de parole.



Une mise en contexte chaotique, pour un roman à la démesure folle. Car ici, et comme souvent, chez David Foster Wallace, l’histoire ne compte pas vraiment. La fonction du balai se veut comme un écho de lui-même, plongeant le lecteur dans l’absurdité la plus puissamment banale pour en extraire l’essence même du texte, à savoir le non-sens poétique de l’existence. Voilà pour ce qui est de sa forme primaire et de l’œuvre, et en soit, ça fait déjà un excellent roman.



Mais “La fonction du balai” est plus que ça. Ici l’œuvre nous questionne sans cesse sur la valeur du roman et de la fiction, sur ce qui fait l’œuvre et ce qui ne l’est pas. Nous le découvrons de bien des manières, par le biais des histoires que se lisent Lenore et son petit ami d’éditeur tout d’abord, mais aussi par les légendes qui entourent la famille de Lenore, par le standard téléphonique ou encore par Vlad, la perruche, tout est prétexte à la narration, et implicitement ces narrations nous questionnent sur ce qui est constitutif du roman et ce qui relève de l’anecdotique nous éloignant du registre de sa fonction première.



Et tout prend sens, dans cette folie tragi-comique, par la mise en opposition des absence de dialogues, par l’absence de l’arrière grand mère disparue ou encore par un des frères Beadsman interné. La fonction du balai dans sa grande geste metafictionnelle se permet d’exposer son ossature pour nous permettre d’observer son fonctionnement ( cf. le problème de ligne du standard téléphonique) renvoyant vers un second implicite, est-ce le lecteur ou l’auteur qui définit si le texte appartient à la grande famille du roman ou non ?



Bien que vertigineux par sa démesure, La fonction du balai n’a pas cette insolence d’être vernaculaire. Le texte se lit facilement, et se comprend dans sa fonction première, mais oser plonger dans l’analyse, c’est prendre la pleine mesure du génie d’un auteur qui, définitivement, était à part. La fonction du balai était son premier roman, et déjà, tout était incroyable à lire et découvrir. Une pépite à ne surtout pas rater.
Lien : https://www.undernierlivre.n..
Commenter  J’apprécie          10
Même si en fin de compte, on devient évidemment..

En quelques jours épiques David Lipsky, lui-même écrivain en devenir et journaliste pour Rolling Stone, a la chance de suivre David Foster Wallace en tournée promotionnelle. Il parvient dans cet ouvrage qui mêle entretiens et souvenirs personnels à retranscrire à la fois la vivacité d'esprit du romancier, tout en dissociant la part de provocation dans son discours, qui oscille entre bravade et manque de confiance en soi. Même en conduisant l'auteur parvient ainsi à saisir les pensées fugaces, et d'une telle justesse qu'on en reste parfois pantois. Ce portrait en mouvement permet d'appréhender le parcours fulgurant de celui qui aura marqué la littérature des années 90, saisissant sur le vif son époque.
Commenter  J’apprécie          10
L'infinie comédie

L'Infinie Comédie est un livre culte qui, eu égard à ses dimensions, à la diversité des thèmes abordés, aux techniques narratives mises en oeuvre et à l'univers tragico-comique dans lequel surnagent les nombreux personnages qui l'animent, défie toute tentative de résumé chez le lecteur moyen, sobre, apte à passer un contrôle antidopage inopiné.



Le roman relève à la fois de la dystopie, de la satire et du burlesque. L'excellence et l'ambition côtoie la déchéance et la déréliction dans un univers reconfiguré où chacun s'adonne à son plaisir égotiste, esclave trop souvent de son addition exclusive.



Conscient du caractère nébuleux de la présente critique votre serviteur avancera comme plaidoyer pro-domo le fait que l'Infinie Comédie représente pour un gros lecteur un bon mois de lecture environ. Le caractère foisonnant et déjanté de l'objet ajoute à la difficulté de la tâche. David Foster Wallace a séjourné dans des instituts spécialisés pour ses troubles comportementaux et a suivi des cures de désintoxication pour finalement mettre fin à ses jours par pendaison (procédé transparent, piteuse tentative d'explication du scripteur de la critique). Ce grand oeuvre, dernier roman achevé, est un véritable testament littéraire où l'apport autobiographique n'est certes pas à négliger.
Commenter  J’apprécie          70
L'infinie comédie

Au premier abord on est terrifié par l’épaisseur du volume et l’absence de résumé en même temps que l’on est séduit par la couverture, sobre mais inspirante.

Un auteur talentueux ? Oui. Un livre culte ? Sans doute. Un bon roman ? Non. Ce roman n’est pas réussi par la faute de l’éditeur de D. F. Wallace qui n’a, de toute évidence, pas assez fait travailler son auteur.

C’est fouillis. Alambiqué.

Alors oui, il y a des fulgurances, de très belles pages. Sur le tennis. Sur les addictions. Sur le monde qui tourne à l’apocalypse.

Mais pour faire un bon roman, le romancier doit commencer par construire un récit. Or, on cherche le récit qui ne s’opère que par bribes.
Commenter  J’apprécie          00
L'infinie comédie

Un livre époustouflant à lire absolument même s'il faut s'accrocher : 1486 p., style foisonnant qui passe du descriptif ( hyper réaliste, multitudes de détails) au délirant (comique, improbable) avec un vocabulaire prolifique, des phrases qui n'en finissent pas, des intermèdes....Une attention soutenue est nécessaire mais on VIT ce livre, chaque mot a son importance, tout semble aller à une vitesse grand V. Beaucoup de sujets, tous très importants : le tennis, les anxyolitiques, la drogue, l'alcool ; les addictions, la pression du sport, l'histoire géopolitique Etats-Unis/Canada/Québec, le cinėma.

Du côté délirant : le calendrier lunaire ONANiste, l'Eschaton, la filmographie de Soi-Même, les physionomies des différents personnages ainsi que leurs traits de caractère....

Aspect descriptif époustouflant : entraînement de tennis, l'Eschaton, réunion des AA, le sevrage.....

A noter que les notes de l'auteur sont un livre dans le livre, il ne faut absolument pas les passer car elles apportent des éclairages indispensables au flot d'informations (on peut passer d'une idée/situation à l'autre brutalement et les intermèdes n'aident pas toujours).

Pour conclure, l'équivalent en film à un Tarentino.
Commenter  J’apprécie          70
La fonction du balai

Sans doute, si Dieu existe, qu'Il se cache dans chaque grain de sable ou dans chaque plume colorée d'un oiseau exotique. Peut-être se demande-t-Il si ces êtres qu'il observe, dans le monde ici-bas, sont bien réels, s'ils existent vraiment parce qu'ils en ont une vague impression. Et s'Il se penche sur ce qui se passe en Ohio, peut-être pensera-t-Il, tel le lecteur lambda que nous sommes, que cette histoire n'a ni queue ni tête, que les personnages - sont-ce des êtres, s'ils pensent vraiment exister ? - sont détonants et loufoques, que l'usage de la liberté qui leur est permis de faire est peut-être un trop grand don. La fonction du balai serait un roman sans l'être. Foisonnant de personnages et de situations à la cohérence apparente, le récit de David Foster Wallace casse les codes du genre, recentrant donc le lecteur sur la seule narrativité, sur le langage. Car le langage est l'un des piliers du roman, comme source de la communication entre les personnages mais aussi de la représentation du monde. L'autre pilier est le questionnement sur l'individu, sur sa place dans un groupe social - la famille, la société - sur son utilité.



A maints égards, le foisonnement narratif de La fonction du balai rappelle les œuvres d'autres jeunes auteurs américains, de John Kennedy Toole à Jonathan Franzen en passant par Tristan Egolf. C'est une sorte de tourbillon de personnages à la fois très sérieux et loufoques, et de situations absurdes qui attendent le lecteur. Au centre de ce théâtre, Lenore Beadsman est la fille d'un magnat du petit pot pour bébé qui travaille en tant que standardiste, pour quatre dollars de l'heure, dans une maison d'édition. Elle flirte avec son patron, Rick Vigorous, dont le nom n'augure en rien de son incapacité sexuelle - il est doté d'un micro-pénis -, qui est obsédé par la possession - verbale, puisque non physique - de Lenore. Parmi la famille Beadsman, il faut encore citer LaVache, brillant étudiant unijambiste et plus gros dealer de drogue de son université ; Clarice fait front aux infidélités de son mari en organisation des thérapies familiales passant par un théâtre grotesque ; John, le frère aîné, pousse sa logique jusqu'à devenir famélique ; Lenore, l'arrière-grand-mère et matriarche ; Patrice, la mère folle à force d'avoir été humiliée, et encore Concarnadine, la grand-mère atteinte de démence. Citons également le père de Lenore, Stonecipher, un grand ponte industriel qui redoute, plus que de perdre sa grand-mère, de perdre un secret industriel. D'autres personnages, encore, doivent être cités : Andrew "Wang-Dang" Lang, étudiant bourru et comptable déprimé qui reviendra, à la faveur d'un hasard, dans la vie de Lenore ; Neil Obstat travaille pour le père de Lenore et nourrit pour cette dernière une admiration secrète ; Candy Mandible, collègue de Lenore et dont les charmes sont recherchés par les meilleurs partis de l'Ohio ; Melinda-Sue, la femme d'Andy Lang ; Peter Abbott, le réparateur des lignes téléphoniques ; Norman Bombardini, monstrueux obèse ; le docteur Jay, psychologue aux méthodes pour le moins étranges et à la déontologie douteuse. Les situations loufoques, qui s'enchaînent, donnent un caractère surréaliste au récit, depuis le repas gargantuesque de Norman Bombardini jusqu'à la scène du bar avec M. Bloemker et sa poupée gonflable en passant par l'ultime menottage de Lenore par Rick. A maints égards, La fonction du balai est un roman fou.



Mais est-ce réellement un roman ? La question mérite d'être posée. De façon évidente, David Foster Wallace casse les codes du genre. Le roman commence avec une disparition - celle de Lenore Beadsman, l'arrière-grand-mère - dont la résolution servira de fil rouge au récit. Par ailleurs, cette disparition n'est pas anodine : avec elle, Lenore Beadsman a entraîné une vingtaine de résidents de l'hospice, et la vieille dame a besoin d'une température constante de 37 degrés. Si la résolution de l'enquête paraît chose aisée en apparence - une personne âgée peu mobile, entourée de personnes comme elle, et qui a des besoins vitaux très particuliers -, rien ne le sera vraiment. Quelques indices - des dessins énigmatiques - serviront de piste à Lenore - l'arrière-petite-fille -, sans toutefois que l'enquête, au bout des 700 pages du roman, ne trouve une explication. Et cette fin, d'ailleurs, n'en est pas une. Tout l'univers du roman semble s'effondrer dans un cataclysme insensé de lignes téléphoniques folles, de tremblements de terre dus à un obèse, d'une série de questions qui demeurent sans réponse. Entre les deux points - le début et la fin -, David Foster Wallace déroule un récit d'apparence ordonnée, mais décousu, une sorte de profusion narrative que l'on pourrait voir comme un exercice de style, un enchevêtrement de situations dans lesquelles les personnages, englués dans un système d'obligations envers les autres et d'enfermement quant à eux-mêmes, ne peuvent littéralement pas avancer. Hélas pour Lenore, aucun autre personnage qu'elle ne semble porter attention à ce qui est advenu de Lenore Beadsman l'aînée, même son propre père, qui pourtant la "place" sur cette enquête, et dont le souci principal semble être la perte du secret d'une alimentation miracle pour les bébés, laquelle accélérerait l'apprentissage du langage. En réalité, tout, ou presque, est là : La fonction du balai interroge en fait le rôle du langage dans la construction de l'individu et la représentation du monde.



De fait, disqualifiant l'objet de sa narration, David Foster Wallace recentre son récit sur sa fonction langagière. Le mot, dit Wittgenstein via Lenore Beadsman, est ce qui définit le monde, et le contrôle. Ainsi le roman peut-il être compris comme un système, c'est-à-dire un ensemble de signes cohérents, bien que cela ne paraisse pas évident à nous, lecteur, mais puisque nous sommes à l'extérieur de ce système, cela ne compte pas. Le langage devient une manière de comprendre le monde, de l'appréhender. Les histoires de Rick, dans ce sens, sont très significatives. Rick raconte des histoires à Lenore, histoires qu'il est censé tirer des épreuves qui lui sont envoyées, en qualité de rédacteur en chef d'une revue littéraire, par plusieurs auteurs du pays. Ces histoires servent, en réalité, de mise en abîme, pour mieux comprendre la façon dont Rick perçoit les choses. Elles sont non seulement à l'attention de Lenore, mais également de la nôtre, en tant que lecteurs. La femme obèse et sa grenouille cachée, par exemple, est la métaphore de l'impossibilité de se départir de son milieu social ou familial. Pour Rick, ces histoires sont une manière de communiquer, et il s'agit en réalité de la seule manière de faire pour lui. Idem pour Clarice et les séances théâtrales familiales, dans lesquelles le mal-être d'une femme trompée devient scénario fictif d'une pièce qui doit agir comme thérapie. La fiction devient un moyen de dire : dire pour comprendre, dire pour contrôler. Mais des résistances apparaissent : Alvin, le mari de Clarice, ne joue pas vraiment le jeu ; Lenore réfute cette obligation de contrôle. Le langage, comme outil de la fiction, en prend alors les qualités et les défauts. Partant, ce qui concerne les personnages d'un roman - donc d'une fiction - nous concerne aussi nous, lecteurs, utilisateurs du langage. Le langage ne peut à lui seul appréhender le monde. Et l'individu, libéré d'un système langagier défaillant, peut alors appréhender sa propre liberté.



Mais est-ce réellement si simple ? Doit-on prendre au sérieux une réflexion qui n'a rien de sérieux ? Et, le cas échéant, de quelle liberté parle-t-on ? L'individu peut-il être absolument libre, ou est-il soumis à des forces, des pressions, une obligation d'utilité ? Revenons au personnage central, Lenore, autour de qui tout gravite, tel le centre d'un système. Lenore, qui rappelons-le, en tant qu'héritière, travaille comme standardiste, semble très attachée à sa liberté individuelle. Son attitude démontre son envie de ne se soumettre à aucune volonté extérieure. Tout en elle interroge la place de l'individu dans un groupe social : la famille, l'entreprise, la société. Dans une société américaine individualiste, l'exemple de Lenore démontre l'impossibilité pour l'individu d'être totalement libre. Malgré sa volonté, Lenore est tiraillée par les volontés des uns et des autres : son père qui veut qu'elle retrouve l'arrière-grand-mère, Rick qui veut la posséder par les mots, Andy Lang qui aimerait lui faire l'amour, Norman Bombardini qui lui réserve une place spéciale dans son monde ingéré. La scène finale est particulièrement symbolique, où, dans un chaos sensoriel, Lenore est écartelée par les sollicitations de tout le monde, où chacun réclame son avis, lui donne des conseils, la veut pour lui-même. Chacun attend de Lenore une fonction, une utilité, qui la définirait en tant qu'individu, tel un balai dont on attend qu'il balaie, et dont on prendra alors la partie utile, c'est-à-dire la brosse. La fonction de l'être, c'est-à-dire son utilité, est donc définie par autrui, selon son intérêt, et Lenore, malgré ses revendications de liberté individuelle, qui est prête aux sacrifices financiers que cela implique, à l'absence d'amour physique que cela implique, se fait, comme tout un chacun, le maillon d'une chaîne plus grande.



Quel est donc le sens de tout cela ? Dans une société individualiste où l'individu, en réalité, n'existe pas pour lui-même, où est le sens, et y a-t-il seulement Salut ? Celui-ci est-il en ce Dieu auquel l'Amérique croit, sans connaître toutefois son visage ? Rien n'est moins sûr. Car Dieu, comme tous les autres, s'est fondu dans le paysage. Paysage commercial du Grand Désert de l'Ohio - GOD pour l'acronyme anglais - qui n'a rien de la Thébaïde biblique, mais tout du mall du Midwest, humaine création et illusion. Paysage médiatique, où Dieu est vendu en formules d'abonnement et dont la Parole est débitée par une perruche mi divine, mi gouailleuse. A moins qu'il ne faille penser qu'il n'y aucun sens à cela, comme il y a un roman sans les codes du roman, comme le dessin de Lenore Beadsman de l'homme qui monte - ou qui descend - la dune de sable, comme le langage qui aspire à être tout - comme Norman Bombardini - et qui n'est rien.
Commenter  J’apprécie          40
L'oubli

Dans ce recueil de huit nouvelles, toutes ne se valent pas, je retiendrais surtout L’oubli, qui donne son titre au livre, L’âme n’est pas une forge et La philosophie et le miroir de la nature, plus profondes et qui m’ont plus touchées que les autres. J’aime bien le style d’écriture de l’auteur, c’est assez basique mais ça m’a paru direct, comme s’il me racontait directement les histoires, j’aime bien car je m’implique un peu plus dans la lecture.

Les sujets traités sont souvent mélancoliques, sur des thèmes comme la folie, le regard qu’on porte sur soi-même ou encore les normes sociales et ça me parle. Les personnages trouvent souvent refuge dans l’oubli, ils n’ont rien d’atypique, ils sont tout ce qu’il y a de plus banals et c’est aussi ce qui fait leurs forces, comment Monsieur-tout-le-monde peut-il s’adapter à ce monde sans visage ? Comment peut-il ne serait-ce qu’exister ?

J’ai beaucoup aimé car ce sont des questions que je me pose au quotidien et certains personnages me font penser à Bartleby le scribe de Melville, un roman que j’avais adoré par la banalité consternante de cet homme qui un jour ose se rebeller à sa façon.

Commenter  J’apprécie          60
La fonction du balai

Cleveland 1990, rien ne va plus pour Leonor Beadsman fille rebelle d’un magnat du Middle West. Son petit ami et patron l’étouffe d’une jalousie névrotique, le standard de la maison d’édition pour laquelle elle travaille reçoit tous les appels de la ville, sa perruche se met à débiter des insanités et son arrière grand mère s’est évadée de son hospice avec des complices. La structure du roman est déroutante, les scènes souvent difficiles à suivre, les personnages caricaturaux, des réflexions psychologiques voire philosophiques au travers de dialogues tellement tarabiscotés que finalement on ne comprend pas. Finalement un roman qui se veut distrayant et qui ne l’est pas ; conclusion abandon au bout de 200p sur 700p !
Commenter  J’apprécie          21
L'infinie comédie

Dommage que ce titre français ne soit pas "Plaisanterie infinie", ou "plaisanterie sans fin", ou "blague infinie", ou "blague sans fin". Parce que de un le titre anglais-américain est "Infinite Jest" et en deux parce que ça condenserait exactement ou le moins inexactement possible ce qu'est ce livre.

Livre de fou. Livre de génie. Livre extrême. David Foster Wallace pousse les curseurs quasi au maximum dès qu'il parle de quelque chose, il creuse et érudite (si je peux dire) son sujet, dépiaute, donne et donne tant et plus, beaucoup trop, indigeste. La blague indigeste, pourrait aussi être son titre, tiens.

Où en suis-je ? Oui, qu'il parle d'une académie de tennis, des cordages de raquette, de la créativité et de la filmographie d'un personnage mégalo, de partis politiques, d'inventer une nouvelle Amérique du Nord, avec une politique de rejet des déchets, d'une secte d'ados qui jouent à sauter devant les trains finissant en gang des fauteuils roulants; qu'il s'agisse de décrire une maladie ou des effets d'une drogue, de drogues, de toutes les drogues, catalogue inclusif, déroulé... Trop... Overdose...

L'écriture ne s'arrête jamais. Il y a bien quelques blancs très brefs entre des paragraphes ou des chapitres mais oubliez les respirations, la mise en page est aussi dense que le contenu du texte.

De la violence, pas trop de sexe, plein de drogue, de l'alcool, dont il décrit tout le fonctionnement et le vécu de résidents d'un centre résidentiel de rehab (il n'appelle pas ça comme ça), le fonctionnement de séances des AA, des NA, mais pas n'importe lesquels, de beaucoup, il évoque les différences entre groupes (évoquer n'est pas le bon terme)...

Tout ça c'est un peu voire beaucoup du vécu de cet homme dingue et énorme, il a joué au tennis, il a été alcoolique et toxicomane. Il s'est suicidé. Ben, tiens. Mettant fin à l'infinie farce qu'est la vie humaine sur terre ? Il n'y a pas de questions, enlevons ce point d'interrogation, D. F. Wallace l'a embarqué avec lui. Et au risque de divulgacher (terme apprécié du Québec, dont il est beaucoup question d'ailleurs, même si j'ai oublié d'en parler), il n'y a pas une fin, ni en happy end, ni rien, on reste totalement sur sa faim, le destin des personnages n'est pas scellé ni gravé dans le marbre, ni celui d'une tombe, ni d'une tablette en-dessous d'une oeuvre qui donne un titre ou une explication.

Ah, mais si il y a un titre... L'infinie comédie aka Infinite Jest.

Courage pour ceux qui oseront s'embarquer sur cette galè.. le jeu en vaut-il la peine, presque autant que d'embarquer sur un Ulysse de Joyce ou sur l'Albert Haudoulin (cherchez un peu).
Commenter  J’apprécie          97
Considérations sur le homard

Considérations sur le homard de David Foster Wallace devraient être prescrits à tout étudiant en journalisme. On y trouve ce qu’il faut attendre d’un grand reportage, et encore plus : richesse d’informations, regard distancié, mise en scène égotiste toujours justifiée, ouverture sur des questions plus cruciales que l’objet décrit…
Lien : https://www.telerama.fr/livr..
Commenter  J’apprécie          20
Brefs entretiens avec des hommes hideux

Livre très fort, des nouvelles étranges, pleine d'intelligence, un peu comme un Italo Calvino en forme, David Foster Wallace tape tout sauf sauvagement sur des thèmes super lourds, le viol, la haine d'un parent pour son enfant...

En quelques pages il dépeint et crée des univers à la fois réels et complètement décalés. L'écriture est en recherche permanente à travers les mains de cet auteur.

Le mec s'est suicidé dans la quarantaine, quoi de moins étonnant. Trop sensible, monde froid et violent.
Commenter  J’apprécie          50
La fonction du balai

Commenter  J’apprécie          11
L'infinie comédie

Ce livre, on ne peut même pas l’utiliser pour caler un véhicule en pente. Pour se déplacer avec ce machin au bout des doigts, il faut un port d’armes. On peut facilement assommer quelqu’un sans effort particulier. Le livre n’est pas seulement assommant pour le lecteur mais pour tout crâne normalement constitué. Les gens qui aiment ce genre de logorrhée ont surement dû être estourbi avant par un malfrat au coin de la rue des âmes du purgatoire littéraire, version intellectuelle de la purge intestinale, avant de se livrer à cette auto flagellation.
Commenter  J’apprécie          30
L'infinie comédie

La note parle.



Conseils à ceux qui vont le lire: En plus du foisonnement maladif, il y a plus de 200 pages de notes à la fin du livre. Elles vous paraitront au début agressives, voir franchement décourageantes (surtout quand on en arrive à la filmographie de J. Incandenza), n'hésitez pas à en sauter quelques-unes, le temps d'entrer vraiment dans le livre, vous y reviendrez ensuite avec plaisir (et certaines sont carrément des chapitres à part entière), donc oubliez vos mauvais souvenirs d'une lecture de Dostoïevski en Pléiades, où les notes vous rappelaient chaque fois votre inculture (comment, vous n'avez pas lu Schiller dans le texte !?) ou votre prof de Lettres...



Au passage, c'est le plus grand livre sur les addictions.



"Anyone who finds David Foster Wallace a literary genius has got to be included in the, Literary Doucebag-Fools Pantheon" (Bret Easton Ellis)

Y en a un qui aurait mieux fait de la fermer...
Commenter  J’apprécie          89




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de David Foster Wallace (611)Voir plus

Quiz Voir plus

R-O-M-A-I-N-G-A-R-Y

R comme Racines, celles du ciel lui valurent son (premier) Prix Goncourt en ...

1945
1956
1967

10 questions
18 lecteurs ont répondu
Thème : Romain GaryCréer un quiz sur cet auteur

{* *}