Citations de Dominique Sylvain (278)
Il s'accroupit près du cadavre. Une femme grande, solide, mais qui, comme Pélissier, comme Aubernay n'avait été qu'un jouet entre les mains d'un fou de Dieu. La grotte de gypse ressemblait à un lieu de culte.
Ses vêtements se sont étalés et l'ont soutenue un moment, nouvelle sirène , pendant qu'elle chantait des brides de veilles chansons .
- Il faut qu'on se fasse une tempête sous le crâne, là, maintenant, tout de suite.
- Tu ne peux pas dire brainstorming comme tout le monde, Ingrid ?
- Je croyais que vous n'aimiez pas le franglais en France.
- Les autres, je ne sais pas. Moi je m'en fous. Ce n'est pas la restriction qui la sauvera, notre langue. C'est en la faisant vivre.
Comment oublier ces moments parfaits? Un verre en main, un poker passionnant, la vie qui perd ses limites. Une nuit, tu es clochard, le lendemain, roi du pétrole. Tu as des courbatures mentales en permanence. Tu te sens exister.
...A vrai dire, la justice n'existe que pour freiner le chaos. Elle maintient à peu près l'ordre public, mais ne défend en aucun cas la morale. Dans le fond, les anciens n'étaient pas plus mal lotis quand ils voyaient dans les forces de la Nature l'expression d'une justice brute et authentique.
L'ordalie unilatérale consistait à faire subir une épreuve physique à l'accusé potentiel sous le regard de la divinité. Aux juges de choisir le type d'épreuve, à Dieu de rendre son jugement. Aqua fervens imposait à l'accusé de plonger sa main ou son bras dans un chaudron d'eau bouillante, et de récupérer une pierre ou un anneau. L'état du membre brûlé donnait le verdict quelques jours lus tard. Les juges observaient alors la plaie. En voie de cicatrisation, elle prouvait l'innocence. Dans le cas contraire, elle affirmait la culpabilité. Sentence et punition étaient proportionnelles à l'état de la blessure.
Surprenant que l'homme ait vaincu son environnement dans nombre de domaines, mais pas dans celui de la météo.On pouvait greffer un visage, un coeur, mais on demeurait incapable de prévoir à temps l'arrivée d'une tornade ou d'un tsunami.Dans le fond, ses contemporains n'étaient pas en meilleure posture que les Anciens.La Nature les broyait comme des insectes.Elle choisissait le lieu, l'heure et l'intensité de sa colère.
Il inspecta les bourgeons frémissants de santé du ginkgo biloba mâle. Cet arbre était une merveille et résistait à tout, grands froids, trop-plein de pluies, parasites. On racontait même que l'espèce avait survécu à Hiroshima et à la dinguerie des hommes.
- Si un jour un type invente le trou noir à remonter le temps, j'achète le premier ticket. Le jour où je t'ai rencontré est à marquer d'une croix rouge.
- Thomas, je t'adore.
- Une croix rouge clignotante !
- Essaie un peu de parler anglais conformément, et tu verras, grand sot.
- Pas la peine, vous êtes déjà des milliards.
Le videur habitait près du port. Des mouettes se mettaient la pâtée pour un morceau de croissant, et deux vieux coiffés de casquettes de capitaines mataient les lointains vers lesquels ils ne vogueraient jamais. J'ai pensé à mon père. Sa belle tête, ses mains noueuses. Il avait une casquette maritime, et des potes déglingués avec qui il parlait des femmes et des bateaux qu'il avait laissé partir.
- Comment peux-tu plaisanter Lola? C'est horrible.
- J'évacue la vapeur. Fais comme moi.
- Oh, toi, pour te remuer l'émotion et te glacer la tranquillité, il faut se lever tôt.
- On dit plutôt s'émotionner et glacer les sangs, Ingrid, mais ce n'est pas grave.
- S'émotionner, c'est moche comme mot.
- Je trouve aussi. Mais ça dit bien ce que ça veut dire.
Il ne les avait pas oubliées, ces gazelles du Roch and Roll Circus, ces mômes longilignes et fraîches. Dans ces années dépourvues de sida, elles ne pensaient qu'à s'envoyer en l'air et à raconter des conneries sur l'équilibre cosmique et les portes de la perception. On arrivait toujours à en trouver une pour vous faire un massage karmique. Chouette époque.
Manger est un besoin de l’estomac, boire est un besoin de l’âme, dit Lola en remplissant leurs verres.
Le prince venait de perdre Shéhérazade et ne savait plus quoi foutre de ses mille et une nuits
Un chien nommé Grabuge ne pouvait pas être une bonne nouvelle. Les jappements nerveux
l’avaient réveillée en sursaut ; l’esprit embrumé, Philippine ne reconnaissait pas la pièce aux
ombres étrangères, les draps trop chauds, l’odeur de feuillage humide qui dansait contre sa
peau.
Quelques secondes et elle se souvint. Elle était de retour dans la maison de son enfance, sa
chambre mansardée, son lit à une place, ses draps en pilou. Le cador était celui de son grandpère.
Elle avait trois malles de vêtements à ranger, une cargaison de livres à classer, sa vie à
reprendre à zéro, et pas le début d’un mode d’emploi.
[...]
Un futon plié sur les tatamis tenait compagnie à un parapluie en plastique blanc et un vêtement de toile bleue. L'hôtesse expliqua qu'il s'agissait d'un yukata.
Elle lui fit traverser la cour silencieuse depuis que les roulements de tambour avaient cessé, lui montra une salle de bains à l'intéressante odeur d'humus, expliqua son utilisation à grand renfort de phrases roucoulantes qui mêlaient anglais et japonais. Louise comprit qu'il fallait se savonner et se rincer avant de faire trempette dans un énorme baquet fumant. La jeune femme lui remit la clé de sa chambre et s'en alla après un nouveau chapelet de formules aussi chantantes qu'incompréhensibles.
- Vous trouvez vraiment que j'ai une geule d'électron libre, commissaire Grousset ? Merci, je prends ça comme un compliment.
Ka-bu-ki-cho, quatre syllabes qui claquent.
Comme les socques d’un sumo sur le pavé.
Le quartier honteux, accolé à la respectable mairie de l’arrondissement de Shinjuku.
J’appris que son nom résultait d’un rêve inabouti, celui du maire de Tokyo qui, au lendemain de la guerre, envisagea d’ériger un théâtre kabuki en lieu et place du désastre issu des bombardements, et ce afin d’offrir à ses concitoyens un parc de divertissement familial.
Manque de chance.
Si ça ne donne rien, on aura toujours pris queques vacances à la neige. Ingrid et loala font du ski, tu ne trouves pas que c'est un joli titre ?