AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Don Carpenter (115)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Un dernier verre au bar sans nom

Charlie et Jaime se sont rencontrés à la fac de San Francisco.

Ils se sont aimés,se sont mariés. Nous sommes à la fin des années 50, ils ont un même rêve,un même projet, faire de la littérature comme leurs aînés de la beat génération.

Charlie veut écrire " son grand roman de guerre " lui le vétéran de la guerre de Corée.

A la naissance de Kira ils quittent la Californie et s'installent à Portland en Oregon."Un dernier verre au bar sans nom" est un roman qui parle des écrivains,des livres et de la difficulté à être reconnu.

C'est un récit où l'amitié à sa place malgré les jalousies,les rancœurs.

Il y a un personnage que j'ai adoré et qui sort du lot c'est Stan Winger le cambrioleur,un homme que la vie n'a pas ménagé,un homme qui doute de tout et qui va découvrir sa voie dans sa cellule.

Le roman s'étale sur une quinzaine d'années, on retrouve les personnages à San Francisco, dans les bars de Sausalito,ces quartiers bohèmes où l'alcool coule à flot et la marijuana embaume l'air de Malibu ou Venice, les paradis artificiels façon Baudelaire.

Hollywood n'est pas loin pour peu que l'on veuille vendre son âme au diable.

Pas besoin d'être grand clerc pour vous dire que j'ai aimé ce roman même si par moment j'ai été dérouté par le style de Don Carpenter."un dernier verre au bar sans nom"est un roman qui donne envie d'écrire,ce fut le cas pour moi, j'ai redécouvert deux debuts de roman que j'avais écrit il y a quelques années.

J'espère vous avoir donné envie de lire le dernier livre de Don Carpenter avant son suicide en 1995.
Commenter  J’apprécie          503
Clair-obscur

Irwin Semple est différent. Une gueule tordue, une élocution limitée, un air absent, un comportement imprévisible… Bénêt, simplet, idiot, où placer le curseur ? Peu importe. Les ingrédients d'une enfance et d'une adolescence difficiles sont constitués.



Pourtant, dans l'adversité et les railleries, Irwin n'a de cesse que de chercher à s'intégrer aux autres ados et en particulier à Harold, beau gosse et cynique chef de bande. Leurs moqueries, leur mépris, leurs sévices – moraux comme physiques - glissent sur Irwin, qui n'y voit que de réconfortantes et encourageantes marques d'intérêt.



Et pourtant c'est lui qui trinque à chaque fois, viré du bar, mutilé par une boule de billard ou exclu du collège. Et le jour où le défi est poussé à son paroxysme avec Carole, l'amie d'Harold, le drame survient : Irwin y gagnera un séjour de dix-huit ans en HP. À sa sortie, il est temps pour Irwin de tout recommencer et d'apprendre à vivre. Jusqu'à ce qu'il recroise Harold…



Dans Clair obscur, Don Carpenter – traduit par Céline Leroy – nous entraîne dans une histoire sombre, empreinte de fatalisme, de désespoir et d'une certaine forme de cruauté sordide, celles des petits riens et des petites bassesses de tous les jours qui font les grands maux de ceux qui les subissent. Mais dans toute cette injuste noirceur, Carpenter laisse constamment transparaître une – faible – lueur d'espoir : l'idée d'une rédemption toujours possible, de vies résignées mais de vies quand même, d'une éventualité de bonheur qui peut suffire à justifier toute existence.



Enfin, comme cela m'avait déjà frappé dans Un dernier verre au bar sans nom, Carpenter est un portraitiste surdoué, qui porte un regard incroyablement bienveillant sur ses personnages qui en deviennent immédiatement attachants : Irwin, bien sûr. Mais aussi la tendre Rosemary qui trouve dans la chaleur mêlée de leurs corps le réconfort recherché. L'écriture de Carpenter transpire cette bienveillance : douce, fluide, rêveuse par moments, elle est paradoxalement apaisante dans cet univers si sombre, ce qui mérite au passage une mention spéciale pour la traductrice.

Commenter  J’apprécie          413
Un dernier verre au bar sans nom

Un de mes potes me file tout le temps les bouquins qu'il n’a pas réussi à finir. Il me dit "tiens, j'ai pas du tout accroché". Évidemment, je ne les lis pas. Je les prends, je les feuillète, je le remercie, mais je ne les lis pas. J'en ai trois ou quatre des comme ça. Ils sont bien rangés dans ma bibliothèque, celle dans la chambre. Ils prennent la poussière avec ceux que j'ai dévoré, ceux qui ont changé ma vie, ceux que j'ai acheté mais pas lu et puis aussi avec ceux de ma nana. Quand j'ai acheté "un dernier verre au bar sans nom" dans une librairie de mon quartier, la libraire m'a complimenté. Elle a dit « Oh Carpenter ! » comme si elle avait retrouvé une vieille connaissance. Et puis « super ». J’ai dit « C’est bien ? », elle m’a dit « Vous avez lu « Sale temps pour les braves » ? », j’ai dit « Non, c’est celui que je cherchais. » et elle a dit « Je l’ai vendu hier… Mais celui-ci est vraiment bien aussi. »



Je suis sorti fier comme un coq comme à chaque fois qu'un libraire me dit autre chose que le prix du bouquin. Et puis, trois mètres et deux crottes de chien évitées plus tard, je me suis senti comme un con. J'ai dit à ma nana "merde, je crois que je l'ai déjà". Elle m'a dit "si tu l'as déjà, je te tue". J'ai dit " non mais t'inquiète, ils reprennent les livres facilement ici. Même sans ticket de caisse.", et elle m'a dit "J'espère pour toi.". Alors, j'ai appelé mon pote, celui qui me file les bouquins qu'il aime pas, et il m'a confirmé qu'il m'avait bien donné "un dernier verre au bar sans nom". « J’ai pas dépassé les 50 premières pages ».



J'ai passé une heure à retourner l'appart' sans parvenir à remettre la main dessus. Parce que j'avais soif, j'ai fini par m'ouvrir une cannette et fatalement, j'ai ouvert le bouquin neuf en même temps en me disant que j'étais quand même bien nigaud. Et puis, j'ai lu. Le lendemain, j'étais aux alentours de la page 200 et ma nana m'a dit "on a pas le droit de lire un bouquin dans le week-end. Ça coûte trop cher." Sans savoir pourquoi, peut-être car elle a la gestion dans le sang, je l'ai écouté. J'ai dû m’ouvrir une cannette à nouveau, même si j’en suis pas complétement sûr, et je me suis demandé ce que j’allais bien pouvoir faire d'autre que lire ce bouquin. J'ai attendu un voyage en train. J'ai lu dans le train et, une semaine après être sorti de cette librairie, j'étais encore au Enrico avec Jaime, Charly et toute cette clique de gens qui écrivent et boivent sans y trouver aucun soulagement. C’est pas que leur histoire m’a habité. C’est que j’ai vécu avec eux. Pendant tout ce temps, j’étais au bistrot à boire des espressos avec eux, j’étais mal pour mes potes honteux d’avoir trompé leurs femmes et surtout, j’écrivais un roman. Bordel, cette vie n’était ni meilleure ni pire que la mienne mais qu’est-ce qu’elle était réelle. Tout semblait vrai.



J’ai fermé le bouquin et je me suis dit : « Vivement que ce si précieux pote foireux bloque à nouveau dans une lecture."



Histoire que j’aggrave encore un peu mon cas.
Commenter  J’apprécie          332
La promo 49

Un dernier verre avant l’âge adulte…



À Portland, Oregon, la promo 49 du lycée vit ses dernières semaines ensemble. Passé l’été, Tommy, Jud, Toby, Mike, Sissy, Ruth ou Cassie s’éparpilleront : dans l’armée, à l’université, pour un premier boulot, un mariage arrangé ou une carrière prometteuse... En attendant, que jeunesse se passe !



En une vingtaine de courts chapitres - qui pourraient s’apparenter à autant de nouvelles si les protagonistes ne les reliaient entre elles – Don Carpenter, traduit par Céline Leroy, nous conte avec douceur et nostalgie ces tranches de vie qui marquent le passage d’un âge à un autre. Les soirées, les virées à Seaside, les joies des banquettes arrière, l’alcool, les bagarres… Mais aussi l’amitié, l’insouciance, l’angoisse face au mur de l’avenir qu’il va bien falloir affronter.



Faut-il encore redire combien l’écriture de Don Carpenter est simple et belle à en pleurer tellement c’est simple et beau ? Combien il sait dépeindre et rendre le moindre de ses personnages attachant en quelques lignes ? Combien ces saynètes forment un portrait juste de l’Amérique du milieu du siècle dernier ? Combien sous l’écrivain perce le scénariste qui nous fait si bien visualiser ce portrait de groupe avec jeunes ?



Autant de qualités qui sont l’apanage des grands, des très grands !
Commenter  J’apprécie          320
Clair-obscur

La 4ème de couverture m'avait attirée.

Ne sachant trop quoi dire, j'en reprends ici le résumé (bien consciente que je ne fais pas ici une "critique") :

Irwin Semple sorte de l'asile psychiatrique après 18 ans d'internement. Il a 35 ans et doit commencer sa vie; à force de persévérance, il parvient à se réinsérer jusqu'au jour où il croise Harold Hunt, ancien leader d'un clan qu'il rêvait d'intégrer au lycée. Associé à l'événement qui l'a conduit à son internement, la vision de Harold provoque un nouveau choc chez Semple. Partagé entre son besoin de reconnaissance et un certain désir de vengeance, parviendra-t-il à passer outre et aller de l'avant ?



Je crois bien être passée à côté de ce roman pourtant très bien écrit. J'en attendais plus, mais je l'ai oublié quinze jours plus tard.

Peut-être est-ce d'avoir lu récemment d'autres auteurs qui m'ont enchanté. Petite déception donc.
Commenter  J’apprécie          310
Un rêve lointain

Livre après livre, Cambourakis poursuit son travail de republication de l’intégrale de Don Carpenter avec Un rêve lointain – toujours traduit par Céline Leroy -, dernier roman fini de son vivant.



Ce qui est bien avec Donnie, c’est qu’il ne lui faut que quelques pages pour te réinstaller dans ses atmosphères que j’affectionne : Frisco et sa banlieue, des bars et commerces envahis par la chaleur humaine, des fêtes qui tentent de masquer les solitudes de leurs protagonistes.



Le décor en place, les acteurs peuvent entrer en scène. Ici Jackie Jeminovski dont le passé flamboyant (job d’hôtesse de l’air, famille nombreuse, maison accueillante) est désormais derrière elle. Seule, indécise, alcoolique.



Ça ne va pas mieux pour son fils Derek qui se cherche depuis longtemps, entre zonages et fréquentations louches, espoir d’un rebond possible grâce à l’argent que son père n’est pourtant pas prêt de lui lâcher et passivité agaçante face à une réalité sociétale qu’il ne comprend pas.



« Elle en avait assez vu pour savoir quel genre d’hommes réussissait et Derek n’était pas l’un d’eux. Il était déphasé, voilà tout. Pas assez pour être un rebelle mais assez pour être toujours à côté de la plaque. »



Ces deux-là végètent donc, sous l’œil de Kittie Brown la serveuse du Buttermilk Corner, pas vraiment mieux lotie par la vie mais qui s’accroche et accompagne de son humanité ce microcosme qui se cherche.



On retrouve dans Un rêve lointain cette habileté de Carpenter à nous faire immédiatement entrer en empathie avec ses personnages paumés, qui luttent encore pour trouver leur place, pour leur avenir ou seulement les quelques années qu’il leur reste.



Comme d’hab’, c’est stylé, cosy et nostalgique à souhait, avec en prime un petit clin d’œil au Bar Sans Nom.

Commenter  J’apprécie          290
Sale temps pour les braves

Le titre original de ce roman paru en 1966, « Hard Rain Falling », a été traduit en français par le moyen « Sale temps pour les braves ». Du sale temps temps, il y en a beaucoup, c'est certain. Et pas seulement parce qu'une grande partie de l'action a pour cadre l'Oregon, qui a la réputation d'être particulièrement arrosé. Pour les braves, selon moi, c'est un peu « abusé » comme on dit aujourd'hui.



Le personnage principal, Jack Levitt, est né sous une mauvaise étoile. Sa mère, une jeune adolescente perturbée, l'a abandonné à la naissance, en 1931. Son père, une franche crapule à peine plus âgé qu'elle n'était de toute façon qu'une passade.



Jack ira d' orphelinat en maison de redressement. En prison aussi. Il devient un homme massif et fait jouer ses poings à chaque occasion. Au début du roman il traîne à Portland. Il est à l'affût du moindre petit billet, vit de rapines et de petites arnaques autour d'une salle de billard. Trois choses seulement l'intéressent : l'argent, le sexe débridé et des substances pour se mettre la tête à l'envers. Ce qui est assez rock-n'-roll dans une époque où ce style musical n'existait pas encore.



Il est arrêté une fois de trop. Il ira en prison pour une longue durée.



Don Carpenter a connu le succès avec ce premier roman. Il était un proche de Richard Brautigan et d'autres écrivains de la Côte Ouest. J'ai aimé ce roman, pourtant si peu aimable à bien des égards. Quelques longueurs, autour des jeux de billard, m'ont un peu gêné. Mais c'est surtout son ton sec que je lui reprocherais. Le mauvais temps se déchaîne, les personnages n'ont d'autre choix que de tracer leur chemin avec leurs manques et leur courage. En ce sens, ce sont peut-être des braves qui n'ont pas le choix ou bien seulement des rebelles définitifs.
Commenter  J’apprécie          290
Sale temps pour les braves

Etonnant comme certains personnages littéraires violemment antipathiques se révèlent être, au fil des pages qui déroulent leurs vies, des plus attachants.



Jack Levitt aura beau cogner, feuler, insulter, mépriser, feinter, rentrer dans le lard ou esquiver les coups de la société sans pitié qui l'a vu naître, le déterminisme social est ce qu'il est dans l'Amérique pauvre des années cinquante, et l'horizon de liberté que Jack poursuit comme un rêve est un leurre.

Enfant de la grande dépression, endurci par le climat délétère de l'orphelinat, encanaillé à l'adolescence dans ces bandes qui traînent de salles de billards glauques en coups foireux, enragé par son passage abominable en maison de correction (passage fabuleux et terrible du livre où l'on retrouve l'esprit du "Vagabond des étoiles" de Jack London), Jack aboutira sans surprise en prison où, devenu plus mature, il étouffera sa rage, retrouvera sa liberté pour retomber dans le filet social d'une vie sans moyens et d'un mariage raté.



Seule lueur dans ce roman d'une noirceur rageuse, la découverte improbable de l'amour avec Billy le métis, as du billard qui rêve de s'extraire de sa condition mais tombera plus lourdement encore que Jack, ouvre à ce dernier une possibilité radicalement neuve d'appréhender le monde : celle dans laquelle une vie trouve son sens dans l'amour porté à l'autre. La fin du roman, ambiguë quant à l'avenir de la relation entre Jack et son enfant, donne le choix au lecteur de sombrer dans le désespoir ou de croire à la lumière. Pour ma part, j'oscille encore entre les deux.
Commenter  J’apprécie          290
Un dernier verre au bar sans nom

Livre sur l'écriture mais aussi sur la famille, la désillusion et la quête du succès, Un dernier verre au bar sans nom est paré d'une douce mélancolie, celle de la Californie des années 1960. Entre attirance pour Hollywood et appels longue distance vers la côte Est, les héros de ce roman choral vacillent, tapent sur leur machine à écrire tout en tenant un biberon dans une main et un verre dans l'autre (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2023/02/28/un-dernier-verre-au-bar-sans-nom-don-carpenter/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
Commenter  J’apprécie          281
Sale temps pour les braves

Jack le fataliste aux poings d'acier

ou le roman d'apprentissage et le portrait - de l'adolescence à la paternité - d'un laissé pour compte de l'Amérique d'après-guerre.



une histoire poignante :

Jack Levitt, jeune homme costaud, au regard dur, bleu azur, la rage au ventre, n'a que 17 ans (on n'est pas sérieux...) quand il s'enfuit de l'orphelinat pour tenter de vivre une vie faite de besoins ordinaires pour des garçons de son âge- sexe, argent, voitures, alcools - mais il n'a pas d'argent pour satisfaire ses désirs. Ses poings, sa carrure et sa débrouillardise sont ses seules armes. La galère l'amène à trainer dans des salles de billards où il vit d'arnaques et de combines entouré de petites frappes comme Denny Mellon le rouquin et de jeunes prodiges du billard comme le jeune noir Billy Lancing. Des petits larcins, des vols de voitures, des squats qui tournent mal. Pas encore majeur, Jack est bon pour un séjour dans une maison de correction et va découvrir l'isolement, l'enfermement, les brimades, les vexations en tout genre. Expérience sordide qu'il va enchaîner, devenu majeur avec un long séjour en prison où il va revoir et tisser des liens très fort avec son ami Billy Lancing le pro de l'arnaque au billard. Ce dernier meurt lors d'une altercation. Jack, fou d'amour va sombrer. Libéré de prison à 26 ans, Jack rêve de se réinsérer, de mener une vie rangée, de se marier et de fonder une famille. Il rencontre Sally, une femme émancipée avec qui il souhaite avoir un enfant pour lui donner la chance qu'il n'a pas eue ...Mais la vie est semée d'embûches et Jack est fataliste...



Un roman culte de des années 60 réédité.



Un livre profond sur la société américaine des années après-guerre aux années 60 qui traite de nombreux sujets aussi divers que : les institutions carcérales (orphelinat, maison de redressement, prison) la description du système judiciaire, la vie difficile et les mœurs en prisons, l'homosexualité, l'amitié, le racisme, la violence, les gangs, la spirale de l'échec, la paternité, l'amour, le mariage, l'émancipation des femmes...

Les passages sur le séjour en prison, l'incarcération, la réinsertion font écho aux livres du romancier Edward Bunker et le portrait des laissés pour compte aux personnages de Hubert Selby Jr.



Des personnages secondaires mémorables : Denny Mellon le copain rouquin, Billy Lancing, un jeune noir surdoué au billard , Clancy Philipps un dur à cuire, Kol Mano, un flambeur à la voie rauque qui déstabilise, le procureur Forbes qui met cartes sur table, un millionnaire aux cheveux gris et aux assurances-vie, la belle, dévergondée, mélancolique puis tapageuse et outrancière Sally son amour.



Un inoubliable roman initiatique de Don Carpenter à la fois dur au cœur tendre, mélancolique et fataliste qui trace une route moins freaks que Kerouac, un monde d'arnaque, d'injustice, de violence, de "loosers magnifiques" emprisonnés face à un monde libre et riche inaccessible pour des garçons sauvages comme Jack "l'optimiste cynique".



Un roman coup de poing vengeur qui frappe au cœur de l'Amérique nantie.

Commenter  J’apprécie          272
Strass et paillettes : Souvenir

Tout petit livre de 80 pages (mini-roman ou grande nouvelle) Strass et paillettes : souvenirs, de Don Carpenter -traduit comme d'hab' par Céline Leroy- est un doux moment de nostalgie du Hollywood des années 60.



Pas de monument littéraire ici, mais une belle capacité de Carpenter à plonger son lecteur dès les premières pages dans l'ambiance des studios de la grande époque, montrant le off du cinéma et sa hiérarchie non dite, vue depuis l'échelon moyen (le second scénariste) : les producteurs, acteurs, acteurs de séries, juristes, réalisateurs, scénaristes, agents...



Et les à-côtés : la virée d'une nuit arrosée, les bars, les bagnoles, le billard, les filles. Et chez Carpenter comme au cinéma, tout se finit sur un baiser...



PS : recueil lu en écho, juste après avoir vu le dernier Tarantino, Once upon a time in Hollywood, histoire de rester dans l'ambiance.





Commenter  J’apprécie          221
Un dernier verre au bar sans nom

Don Carpenter (1931-1995) est un écrivain américain, auteur d’une dizaine de romans, de nouvelles et scénarios de film. A la fin des années 80 il est touché par différentes maladies, tuberculose, diabète, glaucome et après plusieurs années de souffrances, il se suicide en 1995. Un dernier verre au bar sans nom, n’était pas complètement finalisé quand Don Carpenter s’est donné la mort ; l’écrivain Jonathan Lethem explique dans la postface les quelques retouches qu’il a apportées au bouquin avant qu’il ne soit enfin édité aujourd’hui.

Le roman court de la fin des années 50 jusqu’au milieu des 70, entre San Francisco et Portland. Alors que la Beat Generation rebat les cartes de la littérature, un groupe de jeunes gens rêve d’une vie d’écriture dont Charlie qui revient du conflit en Corée avec le puissant désir d’écrire « LE » grand livre sur la guerre. Sur les bancs de la fac, il rencontre la très talentueuse Jaime, jeune fille de la classe moyenne. Quels écrivains vont devenir Charlie, Jaime et leurs amis… ?

Si le premier roman de l’écrivain, Sale temps pour les braves m’avait tapé dans l’œil, celui-ci m’a crevé le second. Tout y est excellent. Le sujet, la construction et l’écriture.

Le sujet, c’est la littérature ou plus précisément, sa place dans la vie de ceux qui se rêvent écrivains. Tous les personnages du roman écrivent, la différence entre les uns et les autres, c’est que certains seront publiés, d’autres non. L’écrivain décrit ces parcours, faits de hauts et de bas, d’espoirs, de déceptions ou de réussites, de compromis. En choisissant des figures chargées de passés divers, Charlie revient de la guerre, Jaime est une jeune fille de la classe moyenne avec des ambitions, Stan est un cambrioleur, Dick s’est forgé une petite réputation locale à Portland après qu’une de ses nouvelles soit publiée par Playboy, Don Carpenter peut couvrir tout le champ des possibles. De San Francisco à Hollywood, il n’y a qu’un pas et les sirènes du cinéma corneront aux oreilles de certains avec des promesses d’argent facile, sauf que le cinéma n’a pas besoin d’écrivains, il veut des scénaristes, ce qui n’est pas exactement la même chose…

La construction du bouquin rend parfaitement compte de ces destins qui se croiseront, se lieront, se délieront ou se recroiseront au fil des années, tissant une toile où tel ou tel apparaît puis disparaît durant plusieurs chapitres avant de revenir, changé par les ans et les évènements. Ce très beau roman est servi par l’écriture de Don Carpenter, qui là encore, comme je l’avais noté dans son premier ouvrage, s’avère d’une très grande simplicité à la lecture, pas de mots compliqués ou de tournures de phrases chiadées, tout coule, laissant croire que la littérature serait à la portée de tous, la forme démentant le propos.

Si l’écriture et l’ambition de devenir écrivain sont au cœur du livre, il y est aussi question d’amour et d’amitié, en un combat perpétuel toujours difficile à gérer, « Les écrivains ne devraient jamais se marier entre eux, de toute façon, songea Jaime. On est trop égoïstes. »

A consommer sans modération.

Commenter  J’apprécie          220
Sale temps pour les braves

Les qualificatifs étaient des plus élogieux pour ce roman, alors, je me suis laissée tenter… Là aussi, ce fut une lecture en forme de montagnes russes.



Ce que j’ai le plus apprécié, c’est le côté hard-boiled du roman : les personnages de petites frappes, de loosers, de mauvais garçons qui passent leur temps à jouer aux cartes, au billard, au snooker et à monter des mauvais coups, plutôt que d’aller bosser.



Jack Levitt abandonné à sa naissance, ses parents avant la page 30, n’a pas eu de chance. Il traîne avec son ami, Denny Mellon et ils vont croiser la route de Billy Lancing, un jeune noir surdoué au billard… et ensuite, aller de galère en galère.



Ceci est un vrai roman noir, pur et dur, noir comme un café, sombre, violent, rempli d’injustices et de descriptions des maisons de corrections et des prisons américaines, où notre Jack Levitt sera incarcéré.



L’injustice de la justice est flagrante et elle est à plusieurs vitesses : une pour les pauvres, une pour les Noirs, une pour les WASP. Devinez qui s’en sort le mieux ?



Ce roman noir parle très bien de la société américaine des années 30 (grande dépression) en passant par celle d’après-guerre et allant jusqu’au aux années 60, en abordant plein de sujets, dont le racisme. Oui, durant une grande partie de ce roman, j’ai passé un bon moment et j’ai apprécié l’histoire d’amour contrariée de Jack. C’était inattendu.



Hélas, ce qui a ralentit la lecture, ce sont les descriptions des parties de billard, de snooker, avec des tas de termes qui ne feront plaisir qu’aux connaisseurs et pas à la lectrice lambda qui sait juste que les balles doivent aller dans un trou. Me demandez pas plus.



Malgré tout les bons points de ce roman, je n’ai pas vraiment frémi durant ma lecture et à un moment donné, j’ai même décroché. Il y a des choses qui ne s’explique pas vraiment.



Un roman sombre, démoralisant et désespéré. Ne cherchez pas de la lumière, vous n’en trouverez pas.



Un roman d’apprentissage, celui d’un jeune garçon devenu jeune homme, un laissé pour compte, un paumé qui ne sait pas quoi faire de sa vie (hormis voler, baiser, boire, s’amuser), sachant très bien que la malédiction a pesé sur lui dès sa conception et que jamais il ne pourra sortir de sa condition, dans cette Amérique qui vend de la poudre aux yeux en vous parlant que tout est possible. Oui, pour quelques uns…


Lien : https://thecanniballecteur.w..
Commenter  J’apprécie          200
Un dernier verre au bar sans nom

Vous avez lu les histoires de Fante, Bukowski ou Brautigan ?

Comment ils écrivent, comment ils racontent ;

ça vous a plu hein,

vous en demandez encore ?

Et bien écoutez l’histoire de Jaime et Charlie.





Tout juste revenu de la guerre de Corée, Charlie se retrouve sur les mêmes bancs de fac de littérature que la jolie Jaime. Elle est jeune, belle et appliquée. Il est un peu plus âgé, brouillon, mais ambitieux, séduisant et sa plume est talentueuse. Même pas majeure, Jaime épouse Charlie dans une union vouée au même destin : écrire, être publié, devenir célèbre.



De Portland à San Francisco en passant par Hollywood, des années 50 à 70, Jaime et Charlie vont être des acteurs centraux de ces années glorieuses de la beat generation sur la côte Est des États-Unis. Comme leurs pairs, ils écrivent, mais ce petit monde se divise en deux : ceux qui ont été publiés et les autres.



Pour Charlie, son premier livre se doit d'être son grand livre, celui qui racontera sa guerre de Corée et marquera la littérature du genre. Mais plus il tarde, plus d'autres écrivent, et plus il doute... Pendant ce temps et contre toute attente, Jaime achève son premier livre qui est immédiatement publié ; elle devient riche ; Charlie gamberge et saisit l'opportunité d'écrire pour Hollywood. Mais est-ce toujours écrire ? Combien de couleuvres faut-il avaler pour amasser quelques dollars ?



Au-delà du couple Jaime-Charlie, Un dernier verre au bar sans nom de Don Carpenter - remarquablement traduit par Céline Leroy - est une plongée au cœur d'une galerie de personnages plus atypiques (et le plus souvent, attachants) les uns que les autres. Tous ont en commun le désir d'écrire, qu'ils soient étudiants, voleurs, agents, ou scénaristes. Mais pour quelle finalité ? Une nouvelle publiée par Playboy ? Un roman devenu best-seller ? Un polar "charté" et encadré par les codes d'une collection ? Un scénario sans âme au risque d'y perdre la sienne ?



Fourmillant de bribes autobiographiques, Carpenter nous livre un regard très complet sur la littérature et la création, exercice à nouveau présenté comme destructeur pour l'individu comme pour ses proches, galvanisé par l'alcool omniprésent ou par la stimulation du travail en commun ou plutôt, la sensation d'appartenance à une même communauté.



Mais ce qui frappe surtout, c'est l'incroyable fluidité de l'écriture de Carpenter : des mots simples, des chapitres courts, des portraits croisés qui font sens au fil des pages, et un regard toujours humain et bienveillant sur ses personnages.



Un livre que je ne manquerai pas de relire dans quelques temps.
Commenter  J’apprécie          190
La promo 49

Un livre qui peut paraitre un peu anecdotique : personnage après personnage, la vie d'une bande de lycéens et lycéennes, à Portland, à cet instant charnière de la dernière année avant la fac ou le travail. C'est ce que je me suis dit en pensant à Un dernier verre au bar sans nom qui m'a donné envie de découvrir tout Don Carpenter... mais au final c'est plus profond que ça en a l'air et j'aime ça. Ça se passe en 1949 (écrit par un auteur né en 1931) mais bizarrement, c'est très peu ancré historiquement... les problématiques sociétales des jeunes américains semblent assez les mêmes dans les (télé)films et séries de nos jours : la place dans le groupe, l'alcool, les choix et les non-choix (être reine du festival de la Rose, se marier parce qu'il y a grossesse...), peut-être parce que ce roman parle des relations, du désir, des peurs, des coups du sort, des envies, de la difficulté d'être... bref, la vie, intemporelle. Avec une écriture "des petits riens saisis parce qu'ils changent tout". (comme le dit la 4e de couv' des éditions 10/18)
Commenter  J’apprécie          170
Sale temps pour les braves

Portland, 1947. Billy Lancing, un jeune métisse espiègle et culotté vient d’arriver en ville avec l’espoir de faire fortune grâce aux jeux et aux paris. Malgré le racisme ambiant, l’adolescent, grâce à son talent pour le billard, va parvenir à trouver sa place dans ce milieu populaire et impitoyable. Il va alors faire la connaissance de Jack Levitt, un orphelin taciturne et violent, et de Denny, deux jeunes escrocs sans le sous, toujours en quête d’une nouvelle magouille… Mais les trois compères vont apprendre à leurs dépens que lorsque l’on bafoue les lois, les sanctions ne se font pas attendre… La maison de correction et la prison seront des étapes inévitables pour chacun d’eux, avec des conséquences malheureuses, voire fatales…



Alors que l’on s’attend à suivre le parcours de Billy et ses mésaventures dans le monde illégal du jeu, c’est finalement Jack Levitt qui est au centre du roman et, même si leurs destins sont intimement liés, c’est avec Jack que nous faisons l’expérience de l’univers carcéral, de la solitude, de la douleur d’avoir été abandonné et de la difficulté de s’adapter dans un monde qui, dès le départ, vous rejette…



Avec ce premier roman écrit en 1966, Don Carpenter nous offre un texte fort et parfaitement maîtrisé, dans lequel il dresse le portrait brutal et sans concessions du monde de la rue où la force, la violence et la ruse sont les seules valeurs qui inspirent le respect et font office de loi… Une véritable plongée dans le monde crapuleux de Portland, où les dés sont pipés d’avance pour ceux qui n’ont pas eu la chance de naître dans les beaux quartiers et qui ne peuvent compter que sur leur instinct de survie… « Sale temps pour les braves » est un roman puissant et percutant, une peinture sociale éblouissante de la classe des oubliés et des laissés pour compte dans l’Amérique des années 50-60. C’est un livre dur, intense, constamment sous tension et néanmoins terriblement émouvant sur une jeunesse pleine de rage et de colère, qui cherche sa place dans une société hostile et qui condamne l’échec… Un texte majeur, à découvrir absolument !
Commenter  J’apprécie          170
Sale temps pour les braves

Le superlatif ça peut en repousser plus d’un.

Ca vient, ça pète, ça t’enfume, t’en prend plein la gueule, t’en ressort pas indemne. Alors c’est vrai, faut pas trop en faire, parce qu’après t’aura toujours des déçus. Mais là, mais là…

Un putain de roman. Une vacherie de bombe dans le salon. C’est bien simple, presque à chaque page, des bouts de chairs, de bouts de pensées qui explosent, des images qui s’évadent.

Faut une sacré poigne pour retenir tout ces vies qui veulent le grand air. Là entre les pages, ça pousse, ça vibre, ça essaye de comprendre le monde, la vie, l’amour.

C’est pas un roman. C’est un copain qui a su s’asseoir, prendre le temps et me raconter son petit bout de chemin. Je l’ai écouté, avide, curieux, le cœur pincé, l’âme vagabonde.

C’est pas un roman. C’est la vie tapé à grands coups d’encre dans votre iris. Ce n’est pas de la syntaxe, c’est des bouts de votre sang qui coagule avec celui de votre codétenu…

Ouais, ce n’est pas un livre commun, il transpire.

Sale temps pour les braves est un grand, très grand roman américain, un grand roman tout court...

Commenter  J’apprécie          160
Sale temps pour les braves

Hard rain falling en version originale: premier roman choc de Don Carpenter, sorti en 1966 et prenant un chemin tout opposé de celui du trip baba psyché de Kerouac. Proche de Richard Brautigan, l'auteur fait partie des écrivains se situant entre la mouvance de la Beat generation et celle de la contre-culture des années 60. Il a fallu 45 ans d’attente pour que ce roman soit traduit en français.

On suit les tribulations de Jack Levitt, jeune voyou de Portland, qui fait les quatre-cents coups avec sa bande de gamins des rues. Sa route croisera celle de Billy Lancing, petite frappe championne de billard, avec qui il noue une relation intime et forte qui l’aidera à sortir la tête du bourbier dans lequel il se démène. En guise de réinsertion, un mariage tumultueux et un aperçu d’un monde inaccessible, celui des riches jeunes oisifs californiens, finiront de forger l’homme qu’il deviendra par la suite : solitaire, misanthrope et profondément désabusé.

Livre d’initiation, essai sur la jeunesse américaine perdue des années d’après-guerre, roman de prison, dénonciation sans fard des problèmes raciaux aux États-Unis, ce roman est tout cela à la fois. C’est aussi une histoire d’amour digne d’une tragédie grecque entre deux êtres enfermés dans leur solitude. L’écriture maîtrisée et précise de Don Carpenter porte ce récit haletant de bout en bout. Seule réserve : on peut vite se lasser de certaines descriptions assez longues du monde nocturne des joueurs de billard et des ambiances poisseuses associées. Reste quand même au final une belle découverte.
Commenter  J’apprécie          161
Un dernier verre au bar sans nom

Avant de vous parler du contenu de ce roman, je veux d'abord vous raconter son histoire. Ce roman écrit par Don Carpenter a été découvert bien après le décès de l'auteur. Bien qu’il soit inachevé, Jonathan Lethem admirateur passionné s’y est attelé car "la voix était là, l’architecture solide, les intentions astucieuses de Carpenter abouties. Savoir que le livre était bien là, que Carpenter l’avait mené à son terme, qu'il soit publié ou non, rendait le monde plus vaste, pas énormément, mais de manière décisive." Et comme il le dit dans la postface, il a principalement "élagué ». "Et en tout, ce livre ne doit pas contenir plus cinq ou de huit pages" de sa main.



Fin des années 50. Portland. Charlie ancien combattant de la guerre de Corée a débuté un "grand " livre sur la guerre. A la fac, il rencontre Jaime âgée de dix-neuf ans dont le père est journaliste mais aussi alcoolique. Elle tombe amoureuse de Charlie que les professeurs jugent brillants. Elle aussi a l’ambition de devenir écrivain. Cette fille de la classe moyenne voit son monde s’écrouler à la mort (peu glorieuse) de son père. Dick a une une de ses nouvelle publiée dans Playboy alors que Stan petit cambrioleur se met à écrire en prison. Jaime enceinte, Charlie et elle partent en Oregon où il a décroché un boulot d’enseignant à la fac.



Ils sont tous amis et rêvent de dérocher le sésame de l’écrivain. De Portland à San Francisco en passant par Hollywood, entre fêtes, alcool, gueules de bois, désillusions, espoirs et compromis, c’est une immersion globale. Se frayer un chemin, se faite publier, écrire pour le cinéma, renoncer à ses ambitions : dans cette Amérique post "Beat Generation" chacun d'entre eux tente de réaliser son rêve.

Avec réalisme et sans concession, Don Carpenter dépeint ces parcours sur plus d'une dizaine d'années qui se séparent, se croisent, se retrouvent où l’amitié et l’amour sont égratignés. Des personnages habités par l'écriture, attachants, humains avec des failles.

C‘est bluffant et ce roman est complètement addictif. Que ça soit l‘atmosphère d’un bar ou les états d’âme des personnages, tout est parfaitement réussi !

Un livre brillant servi par une excellente traduction !




Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
Commenter  J’apprécie          150
Sale temps pour les braves

Orphelin, Jack Levitt grandit pendant la Grande Dépression. Épris de liberté, Jack veut et entend bien prendre : « Il savait ce qu’il voulait. Il voulait de l’argent. Il voulait une fille. Il voulait un repas nourrissant avec toutes les garnitures au menu. Il voulait une bouteille de whisky. Il voulait une voiture pour rouler à cent soixante à l’heure (…) Il voulait un automatique calibre 45. Il voulait un tourne-disques dans la grande chambre d’hôtel qu’il convoitait pour pouvoir traîner au lit avec la fille et le whisky tout en écoutant How High the Moon et Artistry Jumps. C’était ça qu’il voulait. Il ne lui restait plus qu’à se procurer toutes ces choses. Il se sentait déjà mieux, rien qu’à inventorier ses désirs. »

Après l’orphelinat viendra la maison de correction et, plus tard, la prison, à San Quentin. Le lien qu’il tisse avec Billy Lancig, son codétenu, et surtout la forme d’amour tragique qui les unit, le poussera à tenter de retrouver une vie normale dans un monde qu’il veut apprivoiser et qui peine à l’apprivoiser lui.



Publié en 1966, il aura fallu quarante cinq ans et une première traduction aux éditions Cambourakis en 2011 pour que Sale temps pour les braves nous parvienne. Et pourtant, indéniablement, ce roman gagne à être connu. On nous dit en introduction à ce roman que Don Carpenter était un proche de Richard Brautigan. De fait, on trouve dans son roman à la fois l’aspect libertaire de la littérature de ces écrivains, avec par exemple Ken Kesey, qui font le lien entre la Beat Generation et la contre-culture des années 1960, en même temps qu’un grand travail stylistique.

Après une courte, sèche mais violente introduction mettant en scène la rencontre des parents de Jack Levitt, Don Carpenter nous entraîne dans le sillage de son personnage de la fin de son adolescence jusqu’à sa propre paternité. Il nous présente sans emphase ni pathos inutile la trajectoire d’un homme et de quelques uns de ses semblables, fugueurs que personne ne recherche vivant à la marge et habités d’une farouche et désespérée volonté d’exister. D’être, mais aussi d’avoir.

Cynique et fataliste, Jack Levitt représente cette jeunesse aussi perdue qu’abandonnée dont la société n’attend plus rien et qui n’attend rien d’elle en retour. Il ne s’agit pas pour lui de défier l’ordre établi, mais de simplement l’ignorer pour poursuivre son chemin en essayant de ne pas le payer trop cher : « Quant aux véritables crimes qui avaient marqué son existence, le crime d’être né orphelin, celui d’avoir un physique puissant et rapide, celui d’être dépourvu d’une conscience puritaine, celui de vivre dans une société où tout le monde, dont lui, acceptait que le crime existe sans se rebeller : eh bien, il était entièrement coupable de tout cela aussi, comme tout le monde. Donc, ça n’avait pas grande importance. L’astuce était d’éviter d’être « puni » pour ses « crimes ». Il décida que se battre contre les autorités, regimber, reviendrait à admettre qu’ils avaient raison et qu’il avait tort. Mais bien sûr, le tort et la raison n’existaient pas. Alors mieux valait coopérer et tout faire pour atténuer le châtiment. »

Refusant l’auto apitoiement et de devoir quoi que ce soit à cette société dont il estime qu’elle est aussi pourrie que lui, Jack Levitt s’enferme en lui-même et apparait comme un personnage tragique marqué par un violent désir d’obtenir plus que ce que le destin lui a accordé mais que le monde dans lequel il évolue ne cessera de rappeler à sa condition et à sa faute originelle : celle d’être né.



Sombre et désespéré, Sale temps pour les braves, porte en lui le souffle de ces fameux « grands romans américains ». Du formidable et complexe personnage de Jack Levitt à l’écriture tout en finesse en passant par ce grand talent de conteur qui lui permet de nous accrocher même lorsqu’il se lance dans la description de parties de billard a priori incompréhensibles, Don Carpenter signe là une œuvre magistrale que l’on découvre avec bonheur.




Lien : http://www.encoredunoir.com/..
Commenter  J’apprécie          150




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Don Carpenter (511)Voir plus

Quiz Voir plus

Portraits d'écrivains par des peintres

Bien avant de devenir Premier peintre du roi, et de réaliser les décors de la galerie des Glaces à Versailles, Charles Le Brun fut élève de Simon Vouet. De quel tragédien fit-il le portrait en 1642 ?

Corneille
Desmarets de Saint-Sorlin
Molière
Racine

12 questions
40 lecteurs ont répondu
Thèmes : portraits d'écrivains , Peinture française , peinture anglaiseCréer un quiz sur cet auteur

{* *}