Citations de Elena Ferrante (2096)
Ce que c'était, la plèbe, je le sus à ce moment-là, beaucoup plus clairement que quand Mme Oliviero me l'avait demandé des années auparavant. La plèbe , c'était nous. La plèbe, c'étaient ces disputes pour la nourriture et le vin, cet énervement contre ceux qui étaient mieux servis et en premier, ce sol crasseux sur lequel les serveurs passaient et repassaient et ces toasts de plus en plus vulgaires.La plèbe, c'était ma mère, elle avait bu et maintenant se laissait aller contre l'épaule de mon père qui restait sérieux, et elle riait, bouche grande ouverte aux allusions sexuelles du commerçant en ferraille. Tout le monde riait et Lila aussi, elle semblait avoir un rôle à jouer et vouloir le jouer jusqu'au bout.
"Moi, je ne tomberai jamais amoureuse de personne et je n'écrirai jamais, mais alors jamais, de poésie.
- Je te crois pas.
- C'est pourtant vrai.
- Mais des hommes tomberont amoureux de toi.
- Tant pis pour eux.
Une société qui trouve naturel d'étouffer autant d'énergies intellectuelles féminines avec les tâches domestiques et l'éducation des enfants, est sa propre ennemie et ne s'en aperçoit même pas.
Toute la vie, on aime des gens qu'on ne connaît jamais vraiment.
Elle s'arrêta pour m'attendre et, quand je la rejoignis, me donna la main. Ce geste changea tout entre nous, et pour toujours.
Il n'existe aucun geste, aucune parole ni soupir qui ne contienne la somme de tous les crimes qu'ont commis et que continuent à commettre les êtres humains.
Toute la vie, on aime des gens qu'on ne connaît jamais vraiment.
Des mots : avec des mots on fait et on défait comme on veut.
J'éprouvai une double humiliation : j'eus honte de ne pas avoir réussi à être aussi forte qu'en primaire, et j'eus honte de la différence qu'il y avait entre la silhouette harmonieuse et bien habillée de l'enseignante, et son italien qui ressemblait un peu à celui de l'Illiade, et la silhouette toute tordue de ma mère, avec ses vieilles chaussures, ses cheveux ternes et son italien bourré de fautes dues au dialecte.
Alors que les hommes se lancent dans des aventures spatiales, pour les femmes, la vie sur la planète doit encore commencer. La femme est l'autre face de la terre.
- Tu habites toujours là-bas, sur la Via Tasso ?
- Oui.
- C'est pas pratique !
- On voit la mer.
- Qu'est-ce que c'est de là-haut, la mer ? Un peu de couleur. C'est mieux de la voir de près : comme ça tu te rends compte que c'est dégueulasse, c'est de la boue et de la pisse et ça pue. Mais vous qui lisez et écrivez des livres, vous aimez vous raconter des mensonges, pas la vérité.
Autant je m'étais sentie bien à Ishia, autant Lilas s'était sentie mal dans la désolation du quartier; autant j'avais souffert en quittant l'île, autant elle avait été de plus en plus heureuse. C'était comme si, par quelque vilain tour de magie, la joie ou la douleur de l'une impliquait la douleur ou la joie de l'autre.
Quand quelqu'un est amoureux, il est impossible de lui ouvrir les yeux.
Pour produire des idées, il n'est pas nécessaire d'être un saint. De tout façon, les vrais intellectuels, il y en a très peu. La plupart des gens cultivés passent leur vie à commenter paresseusement les idées des autres. Leur énergie est principalement consacrée à exercer leur sadisme pour contrer tout rival potentiel.
Si on n'essaie pas, rien ne change jamais.
Des mots : avec des mots on fait et on défait comme on veut.
C'était une vieille crainte, une crainte qui ne m'était jamais passée : la peur qu'en ratant des fragments de sa vie, la mienne ne perde en intensité et en importance.
Les petits ne savent pas ce que cela veut dire "hier", "avant-hier", ni même "demain", pour eux tout est ici et maintenant : ici c'est cette rue, cette porte, c'est cet escalier, ici c'est cette maman et ce papa, ce jour et cette nuit.
“Cio che eravamo.....é solo una vaga macchia di colore contemplata dal limite di cio che siamo diventati “.
( Celui que nous étions.....est seulement une tache de couleur floue contemplée de la limite de celui que nous sommes devenus)
P.s. Citation de« Premier amour » , publié cette semaine sur le journal britannique « The Guardian », où à partir de cette semaine Elena Ferrante tient sa propre rubrique littéraire.
Nous nous jetâmes dans les bras l'un de l'autre avec une fureur que je n'avais jamais connue, comme si nos corps se heurtaient l'un contre l'autre dans l'intention de se briser. C'était donc ça, le plaisir: se fracasser, se mêler, ne plus savoir ce qui était à lui ou à moi.