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Critiques de Elif Shafak (779)
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L'architecte du sultan

Jusqu'à 1928, la plus grande ville de l'empire ottoman, "la deuxième Rome", se nommait Constantinople, sa vieille ville s'appelant Stanbul. Dans L'architecte du sultan, Elif Shafak a choisi l'orthographe moderne d'Istanbul pour conter l'histoire imaginaire de Jahan, au XVIe siècle, au milieu de personnages réels comme Soliman, en bousculant quelque peu la chronologie, ce qui n'a pas une importance démesurée à partir du moment où il s'agit d'un roman historique qui permet toute licence narrative où le talent de l'auteur peut s'exprimer sans être bridé par la stricte exactitude des faits. Elif Shafak est une conteuse émérite et elle le prouve une fois encore dans ce récit situé entre les murs de la perle du Bosphore avec de brèves échappées vers l'Italie ou l'Inde. Jahan, garçon naïf, ambitieux et non dénué de défauts (le mensonge en fait partie) est notre guide dans la cité cosmopolite où la munificence des palais côtoie la puanteur des taudis. Dans ce conte oriental, les rebondissements ne manquent pas à mesure que Jahan grandit et apprend, Son regard s'enrichit de sa double profession : cornac d'un éléphant blanc et apprenti du plus grand architecte de son temps. Le parcours du héros d'Elif Shahak est marqué par la fidélité : à Chota, son animal, d'abord, sans aucun doute le plus "humain" et le moins roué de ses amis ; à Sinan, l'architecte émérite, cependant soumis au bon vouloir du sultan ; à Mihrimah, son seul et unique amour, mais impossible ; à Balaban, un gitan indomptable et narquois, qui le sortira de toutes les situations inextricables dans lesquelles il s'est fourvoyé. Au sein de la ville grouillante, la romancière multiplie les intrigues et adapte son ton à différents genres : documentaire, initiatique, mystérieux, sentimental. Du grand art pour une auteure aussi à l'aise dans la fresque que dans l'intimisme. L'architecte du sultan est un roman historique dont la modernité de style et de construction ne parait jamais anachronique. Ce qui en soi n'est pas une mince prouesse. Ce voyage dans le temps au carrefour de l'occident et de l'orient est un somptueux tableau vivant à admirer et à goûter pour ses mille et une saveurs.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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La Bâtarde d'Istanbul

Elif Shafak nous donne l'opportunité unique de voyager, sans même quitter son fauteuil. Elle nous plonge dans une Istanbul moderne, pleine de contradictions, affrontant son passé et ses traditions tout en les chérissant, mais aussi pleine d'énergie, de charme et de couleur chatoyantes.

Rien n'est jamais ni tout blanc ni tout noir pour la romancière, qui s'amuse à mettre en scène des personnages aux opinions et aux personnalités divergentes, rendant parfois le récit comique. Mais c'est aussi pour elle l'occasion d'explorer les blessures enfouies de son pays, oubliées de l'histoire turque mais transmises de générations en générations dans les familles arméniennes. Et petit à petit, elle nous montre avec doigté que nous sommes tous irrémédiablement liés par l'histoire, qu'importe où nous nous enfuyons pour y échapper.



Avec ses personnages hauts en couleurs, tous plus attachants les uns que les autres malgré leurs côtés détestables et ses ramifications labyrinthiques, à l'image des ruelles qui parcourent la nouvelle Constantinoples, ce récit est juste un voyage incroyable, au coeur d'un pays et d'un peuple, au coeur de l'histoire, au coeur des gens.

Il y a longtemps que je n'avais pas eu un tel coup de coeur.
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La Bâtarde d'Istanbul

Dans ce très beau roman, Elif Shafak nous raconte les destins liés et croisés de deux familles, l'une turque, l'autre arménienne, qui ne savent ni ne veulent rien savoir l'une de l'autre. Si les aînés préfèrent parfois garder le silence et la distance, la jeune Armanoush a soif de vérité et elle décide de partir à la recherche d'elle-même. Ce faisant, elle va délier les fils de son histoire et par cela, elle va non seulement découvrir une part d'elle même et de ses origines, mais sa quête va permettre à tous les siens de se retrouver et de s'ouvrir, les uns aux autres mais surtout à eux-même...



"La bâtarde d'Istanbul" est un très beau livre sur le génocide arménien et sur la difficulté et la nécessité de réconcilier les peuples après un drame d'un tel ampleur. Ce thème est abordé par l'auteur avec une ouverture d'esprit, une honnêteté et un discernement qui méritent d'être salués.

C'est également avec beaucoup de finesse et d'intelligence qu'Elif Shafak aborde le sujet du secret de famille et du poids qu'il peut représenter sur plusieurs générations.



J'étais déjà sa fidèle lectrice, mais avec "La bâtarde d'Istanbul", je suis définitivement conquise à l'écriture d'Elif Shafak, qui, tout en tendresse et en profondeur, décrit ses personnages et ses lieux avec tant d'amour qu'on entre dans ses romans comme on rentre chez soi, et qu'on ne cesse de s'y sentir bien. Je la recommande sans hésitation!



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Crime d'honneur



Le roman s'ouvre sur Esma en 1992, à Londres, qui s'apprête à aller chercher son frère à sa sortie de prison. Elle rumine, elle imagine la suite, elle se repasse le film... Parce que si son frère est en prison, c'est parce que c'est un meurtrier.



Voilà, le décor est planté, on sent qu'on ne va pas rigoler.



Grâce à une construction format puzzle, baladant le lecteur, à coup de chapitres courts, de la Turquie à l'Angleterre, des années 40 à l'année 1992, c'est toute la problématique de la place de la femme dans la culture kurde qui se pose. Les relations de couple, l'accès à l'éducation, le rôle de mère,... tout est abordé à travers une famille que l'on pourrait pourtant presque qualifier de moderne sous certains aspects, pas religieuse pour un sou. Sans compter que la moitié de l'intrigue se déroule à Londres où une partie de la famille a émigré et tente de s'intégrer bon an mal an.



Je découvre la plume d'Elif Shafak avec ce roman que j'ai beaucoup aimé. L'histoire de cette famille sur deux générations était très intéressante et la fluidité de l'ensemble a permis une lecture aisée. La psychologie des personnage est bien construite à travers différentes techniques y compris un aspect épistolaire qui s'intègre parfaitement à l'ensemble.

Les thèmes abordés restent d'actualité aujourd'hui, 30 ans après le moment où se situe le temps présent du roman. Au-delà de la question bateau de la cohabitation de cultures différentes, l'autrice aborde aussi subtilement les mécanismes activés ou qui font défaut, et qui peuvent entrainer certains jeunes sur une pente radicale là où le contexte n'y était a priori pas spécialement favorable. Le fait d'avoir mis le focus sur une fratrie dans laquelle chacun a évolué différemment a partir d'un postulat de départ assez similaire (quoique le diable se cache parfois dans le détail) était assez crédible.



Je ne manquerai pas de découvrir un autre roman de cette intéressante autrice à la plume très agréable.
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Trois filles d'Ève

Peri est une enfant turque.

Ses parents sont très opposés surtout sur la question religion.

Le père est plutôt mécréant, un peu porté sur la bouteille.

La mère est islamiste convaincue voire extrême.

Péri adore son père, ne supporte plus les disputes incessantes.

Elle ne sait pas vraiment où est sa place, quel est son rapport à dieu.

A dix-huit ans, son père l'incite à faire des études à Oxford.

Là, elle se fera deux amies très différentes et sera subjuguée par un professeur original mais exigeant.

Les chapitres alternent entre deux époques.

2001 à Oxford

2016 à Istanbul où Péri est père de trois enfants.

C'est un livre très dense, très ambitieux aussi.

Il parle essentiellement de femmes musulmanes très différentes selon leur personnalité, leur degré de foi, leur appréhension de dieu.

Un sujet actuel plutôt bien mené.

C'est assez rude mais passionnant.

Les personnages semblent authentiques bien que parfois proches de la caricature.

L'influence d'un professeur sur ses étudiants est bien analysé aussi.

Belle écriture jamais lassante.
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La Bâtarde d'Istanbul

Un beau livre courageux...

Quel courage de la part d'Elif Shafak d'aborder de manière aussi fine et franche tout à la fois l'histoire contemporaine de la Turquie et en particulier le génocide arménien.

Deux familles se rencontrent et cela donne lieu à un retour littéraire dans le passé, à une évocation gourmande (on parle beaucoup de nourriture) et fine de la Turquie contemporaine (le livre date toutefois de 2006).

Littérairement c'est original : des chapitres relativement traditionnels alternent avec des passages plus originaux, parfois oniriques. Les portraits de femmes sont sidérants, mais comme on se penche sur la biographie de l'autrice on comprend mieux.

Famille, génocide, nourriture, politique, amitié...J'ai trouvé que l'on avait là un livre riche et fort, d'une singulière originalité.
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10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange

Le corps d'une femme est découvert dans une benne à ordures; le cadavre est celui de Leïla Tequila, prostituée, brutalement assassinée dans une rue d'Istanbul.

10 minutes et 38 secondes, c'est le temps pendant lequel son esprit va continuer à fonctionner après sa mortbiologique, le temps pour elle de partager quelques souvenirs émouvants et nous raconter son histoire de 1947 à 1990: l'histoire de Leila, jeune femme d'une bonne famille originaire d'Anatolie, devenue prostituée en quittant les siens et arrivant sur les rives du Bosphore.

Dans ce 11ème roman, Elif Shafak, réussit brillamment à nous faire partager le parcours de Leila, sa vie et sa mort tragique, comme dans un conte.

En toile de fond, elle évoque l'histoire de sa Turquie d'origine (l'inauguration en 1973 du pont sur le Bosphore, reliant l'Europe au continent asiatique, ou aussi la répression sanglante d'une manifestation de 1977...).

Elle traite également de thèmes variés qui lui tiennent à coeur (la place de la femme dans la société turque, la place de la famille et des amis, l'égalité entre tous, l'homosexualité, la libération sexuelle dans les années 70, la transformation du pays, la montée de l'islam et la fragilité de la laïcité ...).

On sent que l'auteure aime Istanbul, cette ville incroyable, qu'elle arrive à rendre si réelle, vivante et attachante. La mégalopole ottomane est ici, un personnage à part entière.

A travers les personnages de Leila et ses cinq amis, tels des exclus de la société stambouliote, Shafak nous immerge dans cette cité tentaculaire, au carrefour de l'Orient et l'Occident.

On s'attache à ces personnages, "indésirables", pourtant bien "vivants"grâce à leur magnifique amitié pour la défunte Leila.

J'ai apprécié ce roman, profondément humain, cruel et tendre à la fois.

Une histoire d'amour et d'amitiés, dont on ne sort pas indemne.

Une fois de plus, Shafak réussit à peindre un beau portrait de ces laissés pour compte, relégués aux marges de la société stambouliote.

Pour ne rien gâcher, une magnifique couverture, clin d'oeil aux faïences d'Iznik (pour les connaisseurs).
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Bonbon palace

Pas terminé. Le live me tombe des mains. Ce style foisonnant m'énerve. On a l'impression d'être face à un conteur à l'imagination débordante qui ne sait plus s'arrêter de parler et dont le récit part dans tous les sens. Trop de descriptions, de longeurs, de flash-back, de disgressions, de personnages excentriques à en être caricaturaux, de situations rocambolesques à en être horripilantes. Te veel is te veel. Dommage. La ville d'Istanbul et ce vieux palais décrépit avaient tout pour me plaire. La rencontre n'a pas eu lieu. J'aurais mieux compris si ce texte était paru sous forme de nouvelles. A lire à voix haute, chaque jour, à petites doses ?
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10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange

Du feel-good pas trop mal foutu, l’histoire d’une prostituée retrouvée morte dans une benne à ordures d’Istanbul.



L’occasion d’approcher la condition de la femme en Turquie et de donner la voix à celles (et ceux aussi) que l’on entend jamais.



Un livre gentil et bienveillant aux nombreuses ellipses sur les sujets trop glauques, et pour autant sans complaisance tant les non dits sont clairs (un exercice d’équilibrisme assez réussi)
Lien : https://www.noid.ch/10-minut..
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La Bâtarde d'Istanbul

D'un côté, une famille arménienne expatriée aux États-Unis. Dévorée par une rancune contre les turcs, pour ce "génocide" qui n'a pas été reconnu. De ces plaies nait Armanoush.

De l'autre, une famille turc, essentiellement féminine, puisqu'une malédiction tue les hommes prématurément chez les Kazanci. Dans le silence nait Asya.

Entre les deux jeunes filles, une amitié se forme, une amitié qui va faire resurgir bien des secrets.

J'ai eu une tendresse particulière pour une petite histoire en parallèle, celle de ce café Kundera, et des quelques personnages haut en couleurs qui y vivotent. L'atmosphère y est trouble, il y flotte cette insoutenable légèreté... Clin d'œil à l'un de mes auteurs de prédilection.

Portraits de femmes, de femmes libres, excentriques, féminisme subtile, jamais agressif.

Un bon livre.
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La Bâtarde d'Istanbul

Quelle histoire !

Au début, on a l'impression que le titre est mal choisi, qu'il n'allait s'agir que du conflit arméno-turc, si bien décrit par l'écrivaine que je félicite au passage, mais une fois les deux tiers du roman entamés, des secrets sont révélés, des vérités qui éclatent après tant d'années, entre autres, le récit prend une nouvelle tournure inimaginable voire même choquante ...



Elif Shafak a réussi à tisser des liens entre les différentes histoires aussi distinctes qu'elles ont pu l'être, allant de l'Arizona, passant par San Francisco et aboutissant à Istanbul et surtout à répondre à toutes mes interrogations quant au déroulement de certains événements ..



Ce fut une aventure hors norme pour moi :)
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Trois filles d'Ève

Avant d'être attiré par le résumé, je dois dire que c'est la couverture qui m'a donné envie de prendre Trois filles d’Ève en main. Ce bleu foncé avec les motifs floraux colorés et la ville, évoquant l'Islam et l'Orient, m'ont vraiment tapé dans l’œil !



Maintenant, l'histoire : le roman relate la vie de Peri, sur deux époques. L'une contemporaine, où elle est une femme frayant dans la bourgeoisie stambouliote, mariée à un riche entrepreneur immobilier et mère de trois enfants dont une adolescente ; et l'autre, dans les année 1980-1990, où elle revient sur sa jeunesse, son enfance et ses années d'étudiante à Oxford.

La partie contemporaine du roman ne se déroule que sur une seule soirée. Son mari et elle sont invités à un dîner avec d'autres fortunes de la ville. En s'y rendant, Peri s'est fait agresser et voler son téléphone. Et elle craint d'avoir perdu une photo datant de ses années à Oxford qui lui tenait particulièrement à cœur... Tout ça la chamboule et l'amène à se remémorer sa jeunesse pendant que les plats et les conversations insipides défilent.



Ce dîner est l'occasion de servir une véritable critique de la haute bourgeoisie d'Istanbul et de son hypocrisie : coincée entre des considérations superficielles et les traditions, entre modernité et croyance... L'auteur ne mâche pas ses mots pour faire de ce petit monde un vrai cirque un peu pathétique : épouses superficielles et arrogantes, obsédées par les sacs à main de luxe ; hommes encore profondément machos, ayant un avis sur tout, prompts à hausser le ton lorsqu'il s'agit de politique, ne buvant pas une goutte d'alcool par respect de leur croyance mais détournant des millions sans scrupules,... Et évidemment hommes et femmes ne se mélangent pas, ne parlent pas ensemble. Ce qui semble déplaire fortement à Peri qui s'ennuie au milieu des conversations féminines et n'hésite pas à transgresser les règles pour se mélanger aux hommes, exprimer son avis, notamment sur des sujets politique.



L'héroïne, Peri, est complexe. Toujours coincée entre deux tendances : entre ses parents, sa mère étant très religieuse et son père un athée révolutionnaire ; ses frères, dont chacun a pris le parti d'un des parents ; plus tard, ses deux amies, Mona et Shirin, l'une étant voilée et féministe engagée dans plusieurs cause, l'autre adepte de plaisirs et de liberté, exécrant tout ce qui a trait à la religion. Elle cherche des réponses dans le séminaire du professeur Azur, un spécialiste des religions et de Dieu, controversé et adulé à la fois. Mais sa relation avec le professeur va prendre une tournure particulière qui va donner tout son sens au récit,...



J'ai bien aimé ce roman, compliqué, long parfois,... mais très intéressant ! Je ne m'étais jamais penché sur la culture turque (à part la gastronomie que j'adore :p) et je suis ravie d'avoir entraperçue un peu des mœurs et des coutumes de ce pays via Trois filles d'Eve et son héroïne. Ce livre est une vraie critique, qui ne dépeint pas une Turquie idéale, qui est même très dur avec ses habitants, mais j'ai aussi aimé ça : l'objectivité de l'auteure, capable de prendre le recul nécessaire pour critiquer son pays mais nous ravir d'en apprendre plus sur sa culture.

Cependant, je ne cache pas que j'ai été un peu déçue que l'amitié entre Peri, Mona et Shirin ne soit pas plus développé. J'avais cru comprendre que ce serait l'un des grands sujets du livre, mais non,... on dirait que le récit de cette amitié est entamé mais inachevé. Dommage. De plus, la liseuse de thrillers que je suis s'attendait à un secret beaucoup plus grave, un acte horrible, sanglant, sexuel, que sais-je ! mais j'admet que pour cet aspect là, je suis l'unique responsable de ma déception ! :P

La fin, très ouverte, m'a aussi un peu laissé sur ma faim... J'y réfléchi encore (ce qui doit vouloir dire qu'elle n'est pas si mauvaise du coup...!)



Pour résumer : c'est un beau roman, superbement écrit par une auteure qui domine visiblement parfaitement bien son sujet, qu'il s'agisse de religion ou de féminisme et qui a campé un personnage principal complexe, un peu torturé mais dans lequel on peut se reconnaître ! :)
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L'architecte du sultan

C'est un roman que j'ai d'abord estimé être un roman historique tout à fait honnête et agréable à lire mais la fin lui a donné, je trouve une autre dimension.

Le héros c'est Jahan un enfant orphelin de mère, maltraité par son beau-père qui va prendre la place du cornac pour accompagner Chota, éléphanteau blanc offert à Soliman. Là à Istanbul il deviendra l'un des apprentis de Sinan, personnage réel, architecte très prolifique qui servira trois sultans, Soliman, Sélim et Mourad. L'histoire se passe donc à cheval sur les 16e et le 17e siècles.

Amoureux de la fille de Soliman, qui vient souvent voir Chota, il ne veut pas nouer de relation avec d'autres femmes. le palais du sultan dans lequel il vit, enfin dans la ménagerie, est bien sûr un lieu d'intrigues, où l'on n'hésite pas à faire tuer ses fils ou ses frères, à manipuler les autres. Beaucoup se dévoile et s'explique à la fin.

Ce qui me fait dire que ce roman prend une autre dimension c'est que Sinan toujours présenté comme une sorte de sage, dévoué au travail, est remis en question, il est aussi celui qui a toujours su se taire pour pouvoir élever ses monuments, n'hésitant pas non seulement à chasser les pauvres de leurs masures si nécessaire, en se cachant derrière la volonté du sultan, en acceptant la destruction d'un bâtiment qu'il avait délégué à ses apprentis,mais aussi en refusant apparemment de s'interroger sur le fait que l'argent qui lui permet de tant bâtir provient des guerres incessantes. Était-il réellement un sage ou un opportuniste ? Il est vrai que face à un sultan qui n'hésite pas à faire tuer un vizir que pourtant il aimait, la marge de manoeuvre est limitée. C'est toujours la question de l'artiste pour lequel rien ne compte à côté de la création.

Cette présentation fait peu de place à Chota, pourtant personnage très important comme le sont les romanis qui parcourent l'empire ottoman et ce livre.



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La Bâtarde d'Istanbul

Ce grand roman met en scène une famille turque, les Kazanci. Vivant à Istanbul, elle est composée de quatre générations de femmes. La plus jeune des femmes, Asya - c'est elle, la bâtarde né de père inconnu - désigne tous les membres de la génération au-dessus d’elle par l’appellation "tante", y compris sa mère Zeliha. Chacune des femmes a son propre caractère; seule Zeliha se comporte vraiment en femme "libérée". Aucun homme n'habite à la maison. Il y a bien un frère, nommé Mostafa, mais il est parti aux Etats-Unis et a rompu les ponts avec sa famille d’origine. L'épouse américaine (Rose) de Mostafa a eu de son premier mari (d’origine arménienne) une fille, Armanoush (ou Amy) qui vit aussi avec son beau-père.

La première partie du roman montre longuement ce qu’est la vie d’Amy et celle d’Asya, qui évoluent dans des milieux très différents. Dans la seconde partie, l'auteur finit par mettre en présence les deux jeunes filles. En effet, Amy a décidé de partir (sans la permission parentale !) à Istanbul, pour faire connaissance avec la famille de Mostafa. Ainsi, Amy découvre une famille unie et très vivante, une culture riche et vivace (ah, les délices de la cuisine turque !), une société disparate mais pleine d’énergie, une mégalopole fascinante. Il y a quand même la question brûlante du génocide arménien de 1915 (nié par tous les gouvernements turcs): Amy aborde ce sujet devant les "tantes", qui se déclarent désolées mais ne se sentent pas responsables des atrocités.

Toutefois, le stratagème d’Amy pour accomplir son séjour incognito est finalement découvert par sa mère Rose, aux USA. Celle-ci prend le premier avion pour Istanbul, en contraignant Mostafa à l’accompagner. Cette péripétie aura une conséquence tragique, qu’il serait malséant de révéler dans ce commentaire.

Les personnages sont tous très particuliers, attachants, empreints d’authenticité. Le lecteur a un vrai plaisir à voir évoluer les deux jeunes filles Amy et Asya, mais aussi Zeliha (qui a un fort caractère) et des personnages secondaires. Toutes les atmosphères sont bien rendues, surtout à Istanbul. Elif Shafak décrit avec justesse et tendresse les petits détails de la vie, qui la rendent alternativement drôle ou triste. Tout le livre est un hymne à l’art de vivre en Turquie; c’est aussi un plaidoyer pour la coexistence pacifique de communautés différentes; c'est cette coexistence qui faisait la richesse de l’Empire Ottoman, autrefois. A mon sens, l’auteur a accordé au génocide des Arméniens sa juste place: ni trop, ni pas assez. Ceci dit, j'avouerai quand même que la seconde moitié du roman est la plus intéressante; sans la plume très nerveuse d’Elif Shafak, la première partie pourrait paraitre un peu fastidieuse. Dans l’ensemble, ce livre me semble remarquable par son sujet, par son intrigue, par ses personnages et par son style. A lire !

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Crime d'honneur

Le roman d'une famille kurde qui a du mal à rester unie en exil,certains de ses membres ne pouvant secouer le joug de la

tradition, d'autres choisissant la liberté au prix de leur vie parfois.
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Crime d'honneur

Fille de diplomate, élevée par sa mère, Elif Shafak est profondément enracinée dans la culture turque mais s'enrichit d'autres univers. Ainsi, on retrouve souvent dans ses romans les superstitions et les coutumes orientales mais aussi la défense de la femme et surtout le lien très riche de la mère à l'enfant.

L'auteur dit " J'aime me perdre quand j'écris, me trouver au niveau de mes personnages...". Effectivement, Crime d'honneur nous perd dans les différentes générations pour mieux comprendre le destin d'Iskender, fils chéri de Pembe.

Pembe et Adem quittent Istambul pour l'Angleterre avec leurs deux enfants Iskender et Esma. Yunus, le troisième enfant naîtra ensuite.

L'auteur nous dévoile les sombres histoires des familles d'Adem et de Pembe. Adem a vécu la déchéance de son père dans l'alcool et la fuite de sa mère. La mère de Pembe est morte en couches, espérant enfin mettre au monde un fils après la naissance de huit filles, dont les dernières jumelles, Pembe et Jamila.

Dans chaque famille, il y a la honte de la femme salie que ce soit avec Aïsha, la mère d'Adem ou avec Hediye, la sœur aînée de Pembe. Si la femme est salie, le mari ou à défaut le fils aîné doit défendre l'honneur de la famille.

Lorsqu'Adem se perd dans le jeu et s'installe avec une danseuse, Pembe se retrouve seule avec ses enfants. Si l'homme peut tromper ou mettre enceinte une anglaise, la femme doit rester fidèle et droite.

Dans ce mélange de cultures, ces familles turques ou immigrées, le poids des traditions se trouve confronté à une Angleterre où les extrêmes (punks, immigrés...) cohabitent. Si la jeune génération comme Yunus s'adapte facilement, les mentalités des pères, oncles et même fils aînés évoluent peu. Le devoir d'aînesse se jouera mais Elif Shafak qui mêle habilement les histoires des uns et des autres réserve un dénouement inattendu.

Avec une construction originale, l'auteur nous plonge au cœur de liens familiaux troublés par le poids ancestral d'une société patriarcale, enrichis des superstitions orientales. Mais c'est toujours la force du lien entre la mère et ses enfants, les liens familiaux quelquefois renforcés par la gémellité qui sauve les destinées.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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L'Île aux arbres disparus

Deux voix parlent en alternance au fil de cet intéressant roman:

Celle de l'auteure, Elif Shafak, qui évoque à travers le passé mouvementé de l'île de Chypre, l'histoire émouvante de deux jeunes chypriotes dont l'amour de jeunesse fut contrarié par les graves dissensions qui opposèrent au XXème siècle les communautés grecque et turque qui vivaient sur l'île. Une histoire d'amour, de séparation forcée, de retrouvailles difficiles et enfin d'exil en Angleterre.

Celle d'un arbre qui, en parallèle de ces évènements, raconte sa propre histoire. C'est un vieux figuier né à Chypre en 1898, qui connut sur son île natale des heures de gloire et de bonheur au centre d'un restaurant convivial. de belles années qui furent suivies d'une longue période d'abandon quand survint dans les années 70 la montée des hostilités, et qui, plus tard vécut les incertitudes de l'exil lorsqu'à l'initiative du protagoniste grec de ce roman devenu un éminent botaniste, une de ses bouture encore vivace fut transportée dans une valise jusqu'à Londres.

C'est le propos de cet arbre attachant qui va pimenter la narration de cette fiction par ses observations et ses remarques empreintes de sagesse et d'empathie. Qui peut en effet, mieux que ce vieil arbre plus que centenaire, parler de racines, de mémoire et de la résilience de ceux qui parviennent à renaître ailleurs ? Ainsi son récit, à la fois mélancolique et porteur d'espoir, donne à ce roman son originalité et son indéniable charme.
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La Bâtarde d'Istanbul

Ce livre m'était inconnu quand je suis tombée sur sa couverture: merci le challenge globe-trotteur qui m'a amenée à lire ce livre.



Au départ, j'avais un a priori plutôt négatif en voyant le livre, le style de mise en page et la 4ème de couverture me paraissait un peu emmêlée donc j'ai dû la lire à deux fois, notamment quand le début de l'histoire était un peu incompréhensible.

Une fois lancée dans la lecture les préjugés sont tombés. Même si à chaque chapitre le personnage change on voit au fur et à mesure se tisser le lien entre chaque, même outre Atlantique et continents.

Les personnages ont tous leur particularité et parfois cela pourrait être un peu du cliché mais finalement on s'y attache. Evidemment, deux mondes s'opposent: la Turquie traditionnaliste mais pas tellement avec son lot de "rébellion"; les USA où l'occident domine mais est en lien étroit avec la Turquie au fur et à mesure des pages.

A travers ce roman plusieurs thèmes sont évoqués:

- le génocide arménien (peu connu pour ma part) où l'auteure ne donne pas des leçons, ne semble pas être plus accusatrice envers les turcs ou les arméniens. Elle donne à voir que ce sujet est bien plus complexe que pensé et que forcément bon nombre de générations sont encore impactées et cherchent la reconnaissance de victime. L'exode est également mis en exergue avec son lot de recherche généalogique au fil des générations.

- la culture turque et l'islam avec des descriptions donnant l'impression d'y être réellement. Le côté religieux n'est pas prépondérant mais laisse imaginer malgré la spiritualité existante.

- le côté familial et "tribu" sans doute lié à la culture turque où la famille vit ensemble, a ses secrets et ses "malédictions". Le personnage principal est alors élevé dans ce fonctionnement familial où sa mère n'est pas considérée seulement à cette place et où toute la famille (uniquement les femmes, dont les tantes) prend part à son éducation et sa vie.

- le côté secret de famille qui n'est connu que de 2 personnes mais qui finit malgré tout par percer au grand jour. Ce secret est en filigrane tout du long mais il est réellement percé à la fin: c'est une beauté, en finesse et tout en pudeur.



Un agréable moment de lecture teinté d'Histoire, de voyage et de découverte.
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La Bâtarde d'Istanbul

Le différent est important entre Arméniens et Turcs, pour les uns le génocide qui a eu lieu en 1915 est toujours dans les mémoires, pour les autres, c'est de l'histoire ancienne. Avant Mustafa Kemal Atatürk, donc sans rapport avec la Turquie d'aujourd'hui. C'est ainsi que cette histoire croisée entre une Arménienne d'aujourd'hui et une une fille d'Istanbul du même âge ne peut se faire sans référence aux événements de 1915.



Aux USA une fille du Kentucky, Rose, épouse un Arménien dont elle a une fille, Armanoush Tchakhmakhchian. Mais l'entente avec la belle famille est impossible, ils divorcent et Rose se remarie à un Turc Mustafa.

A Istanbul, Zeliha est enceinte sans vouloir révéler le nom du père, ainsi naîtra Asya Karanci.

Armanoush désire comprendre d'où elle vient et en cachette de sa mère prend l'avion pour aller vivre quelques jours dans la famille de son beau-père, qui ne comprend que des femmes assez fantasques, sur 4 générations vivant dans la même konak, les hommes perdant la vie très jeunes, ce qui entre autre, a fait fuir Mustafa.

Mais l'histoire des deux familles est enchevêtrée.

J'ignore si toutes les familles turques et arméniennes sont aussi attachées à la nourriture mais qu'est ce qu'on cuisine et qu'on déguste dans ce roman. Il y a aussi au fil des pages des références de romans données par Armanoush qui lit beaucoup.



Je pense que je lirai d'autres Shafak. Je suis assez tentée par Soufi mon amour mais j'ai déjà une telle PAL !



Challenge ABC









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L'Île aux arbres disparus

Ce magnifique roman est très émouvant et nous interroge sur un thème fort : la transmission. Devons-nous faire part de notre passé et de nos erreurs aux générations futures ou ne rien leur dire afin qu'ils démarrent une nouvelle page ?



L'auteure, à travers cette interrogation extrêmement importante, va nous narrer le destin de la jeune Ada, née à Londres mais aussi de ses parents originaires de Chypre, le père étant Grec et la mère Turque. Elle nous y dévoile les difficultés rencontrées par la jeune fille et sa frustration face aux silences de son père.

Nous en apprenons également plus sur la guerre civile chypriote et les horreurs qui se sont déroulées dans l'île, la façon dont des voisins ont fini par s'entretuer : religion, langue et culture différentes.... le récit était bouleversant.



Mais l'auteure ne s'arrête pas là. Elle va également donner la parole à un figuier. Étrange me direz-vous ? Effectivement, j'ai été quelque peu déroutée à la lecture des premières pages, puis me suis finalement prise au jeu. J'ai aimé la grande sagesse et la poésie qui émanaient de ce figuier, ainsi que toutes les informations intéressantes qu'il nous apportait. J'en ai appris beaucoup plus sur la faune et la flore de cette petite île aux paysages paradisiaques mais à l'histoire sanglante.



Une fois encore, je suis charmée et profondément émue par la magnifique plume d'Elif Shafak et ses talents de conteuse.
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