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Citations de Fernando Pessoa (1984)


Nous avons tous deux vies :
La vraie, celle que nous rêvons dans l'enfance,
Que nous continuons de rêver adultes, sur fond de brouillard ;
La fausse, celle que nous partageons avec les autres,
La vie pratique, la vie utile,
Celle où l'on finit dans un cercueil.
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Il y a, dans les yeux humains, une chose terrible : l'annonce inévitable de la conscience, le cri clandestin qui témoigne qu'il y a là une âme.
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Si je meurs très jeune, écoutez ceci :
je ne fus jamais qu’un enfant qui jouait.
je fus idolâtre comme le soleil et l’eau
d’une religion ignorée des seuls humains.
Je fus heureux parce que je ne demandai rien.
non plus que je ne me livrai à aucune recherche ;
de plus je ne trouvai qu’il y eût d’autre explication
que le fait pour le mot explication d’être privé de tout sens.
Je ne désirai que rester au soleil et à la pluie -
au soleil quand il faisait soleil
et à la pluie quand il pleuvait
(mais jamais l’inverse),
sentir la chaleur et le froid et le vent,
et ne pas aller plus outre.
Une fois j’aimai, et je crus qu’on m’aimerait,
mais je ne fus pas aimé.
Je ne fus pas aimé pour l’unique et grande raison
que cela ne devait pas être.
Je me consolai en retournant au soleil et à la pluie
et en m’asseyant de nouveau à la porte de ma maison.
Les champs, tout bien compté, ne sont pas aussi verts pour ceux qui sont aimés
que pour ceux qui ne le sont pas.
Sentir, c’est être inattentif.
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Au premier instant de répit, dès que je n'ai plus besoin de surveiller ma marche, pour éviter des véhicules ou ne pas gêner les passants, dès que je n'ai plus à parler au premier venu, ni la pénible obligation de franchir une porte toute proche - alors je pars de nouveau sur les eaux du rêve, comme un bateau de papier à bouts pointus, et je retourne une nouvelle fois à l'illusion languissante qui avait bercé ma vague conscience du matin naissant, au son des carrioles qui légumisent.
C'est alors, au beau milieu de la vie, que le rêve déploie ses vastes cinémas. Je descends une rue irréelle de la Ville Basse, et la réalité des vies qui n'existent pas m'enveloppe tendrement le front d'un chiffon blanc de fausses réminiscences. Je suis navigateur, sur une mer ignorée de moi-même. J'ai triomphé de tout, là où je ne suis jamais allé. Et c'est une brise nouvelle que cette somnolence dans laquelle je peux avancer, penché en avant pour cette marche sur l'impossible.
Chacun de nous a son propre alcool. Je trouve assez d'alcool dans le fait d'exister. Ivre de me sentir, j'erre et marche bien droit. Si c'est l'heure, je reviens à mon bureau, comme tout le monde. Si ce n'est pas l'heure encore, je vais jusqu'au fleuve pour regarder le fleuve, comme tout le monde. Je suis pareil. Et derrière tout cela, il y a mon ciel, où je me constelle en cachette et où je possède mon infini.
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Avant de pouvoir s'affirmer sûr de sa doctrine, l'homme lucide doit examiner toutes les objections possibles et les réfuter.
p25
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Non, il n'est pas de regret plus lancinant que le regret des choses qui n'ont jamais été !
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Nombreux sont ceux qui vivent en nous ;
Si je pense, si je ressens, j’ignore
Qui est celui qui pense, qui ressent.
Je suis seulement le lieu
Où l’on pense, où l’on ressent.

J’ai davantage d’âmes qu’une seule.
Il est plus de moi que moi-même.
J’existe cependant
À tous indifférent.
Je les fais taire : Je parle.

Les influx entrecroisés
De ce que je ressens ou ne ressent pas
Polémiquent en celui que je suis.
Je les ignore. Ils ne dictent rien
À celui que je me connais : j’écris.

Les joueurs d'échecs - Odes de Ricardo Reis ( hétéronyme ) - 1935
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J'écris avec un accablement étrange, esclave d'une asphyxie intellectuelle née de la perfection de cette fin de jour. Ce ciel d'un bleu précieux, s'évanouissant en des tons de rose pâle sous une brise égale et douce, m'éveille à une conscience de moi-même qui me donne envie de crier. Ecrire, en fin de compte, est une fuite et un refuge.
J'évite les idées. J'oublie les expressions exactes et elles se mettent à resplendir pour moi dans l'acte physique de l'écriture, comme si ma plume les créait elle-même. De ce que j'ai pensé, ou même seulement éprouvé, il me reste, obscurément, une envie stérile de pleurer.
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Et puis le rêve, la honte de m'enfuir en moi-même, la lâcheté d'avoir pour existence ces ordures de l’âme que les autres ne connaissent que dans leur sommeil, dans cette image de la mort qu'ils sont en ronflant, dans cette placidité qui les faits ressembler à des végétaux évolués !
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On peut ressentir la vie comme une nausée au creux de l'estomac, et l'existence de notre âme comme une gêne dans tous nos muscles. La détresse de notre esprit, quand elle est ressentie avec acuité, soulève de loin des marées dans tout notre corps, et nous fait souffrir par délégation.
J'ai conscience de moi dans l'un de ces jours où la douleur d'être conscient devient, comme dit le poète, langueur et nausée, et douloureux désir.
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Je promène ainsi lentement mon inconscience inconsciente, sur mon tronc d'arbre de la vie ordinaire. Ainsi vais-je promenant mon destin, qui avance, puisque moi je n'avance pas ; mon temps qui poursuit sa marche, puisque moi je ne le fais pas. Rien ne me sauve de la monotonie que ces brefs commentaires que je lui consacre. Je me contente du fait que ma cellule possède des vitres au-dedans de ses grilles - et j'écris sur les vitres, sur la poussière du nécessaire, j'écris mon nom en lettres majuscules, signature quotidienne de ma comptabilité avec la mort.
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Quelles mers résonnent au fond de nous,
dans cette nuit d'exister,
sur ces plages que nous nous sentons être,
et où déferle l'émotion en marées hautes !
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Je n'ai jamais pu appeler personne "Maître". Aucun Christ n'est venu mourir pour moi. Aucun Bouddha ne m'a montré la voie. Du haut de mes rêves ne m'est jamais apparu aucun Apollon, aucune Athéna, pour illuminer mon âme.
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La vie est creuse, notre âme est creuse, le monde entier est creux. Tous les dieux meurent, d'une mort plus profonde que la mort. Tout est plus vide que le vide. Tout se réduit à un chaos de choses nulles.

Texte n°196.
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Je serai toujours, en vers ou en prose, un employé de bureau. Je serai toujours, dans le mystique ou le non-mystique, limité et soumis, esclave de mes sensations et de l'heure où il convient de les avoir.

Texte n°166.
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Je ne sais quelle caresse imprécise, d'autant plus douce de n'être pas caresse, la brise incertaine, en cette fin de jour, vient poser sur mon front et ma réflexion. Je sais seulement que l'ennui dont je souffre s'ajuste mieux à mon être, pour un instant, tel un vêtement qui cesse de frotter une plaie.
Malheureuse la sensibilité qui dépend d'un léger mouvement de l'air pour parvenir à l’apaisement, même éphémère ! Mais il en est ainsi de la sensibilité de tout humain, et je ne crois pas que l'argent soudain gagné, ou le sourire soudain reçu, pèsent d'un plus grand poids dans la balance de chaque être ; ils représentent pour les autres ce qu'a été pour moi, en cet instant, le bref passage d'une brise vite interrompue.
Je peux songer à dormir. Je peux rêver à rêver. Je vois plus clairement l'objectivité de tout. J'use plus confortablement du sentiment extérieur de la vie. Et tout cela, en fait, parce que presque parvenu au coin de la rue, le souffle de la brise s'est brusquement retourné pour venir caresser la surface de ma peau.
Tout ce que nous aimons, tout ce que nous perdons - choses, êtres, significations -, frôle ainsi notre peau et pénètre ainsi jusqu'à notre âme ; et ce bref épisode, au sein de Dieu, n'est jamais qu'un peu de brise qui ne m'a rien apporté d'autre qu'un apaisement imaginaire, le moment propice, et la faculté de pouvoir tout perdre, splendidement.
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Fernando Pessoa
Lorsque viendra le printemps,
si je suis déjà mort,
les fleurs fleuriront de la même manière
et les arbres ne seront pas moins verts qu'au printemps passé.
La réalité n'a pas besoin de moi.
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J'ai enlevé le masque et me suis vu dans le miroir...
J'étais l'enfant d'il y a tant d'années...
Je n'avais pas du tout changé...

Voila l'intérêt qu'il y a à savoir ôter le masque.
On est toujours l'enfant,
Le passé qui demeure,
L'enfant.

J'ai enlevé le masque, et puis je l'ai remis.
Comme ça c'est mieux.
Comme ça je suis le masque.

Et je retourne à la normale comme on arrive au terminus.
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Combien de choses, que nous tenons pour justes ou certaines, ne sont que les vestiges de nos rêves, le somnambulisme de notre incompréhension ! Sait-on vraiment ce qui est juste ou certain ? Combien de choses que nous jugeons belles ne font que refléter l'usage d'une époque, la fiction du lieu et de l'heure ? Combien de choses, que nous croyons vraiment nôtres, sont en fait quelque chose d'autre dont nous ne sommes que le miroir parfait ou l'enveloppe transparente, étrangers que nous sommes, par notre sang, à sa nature profonde !
Plus je songe à notre capacité à nous tromper nous-mêmes, plus je sens couler, entre mes mains lasses, le sable aux grains menus des certitudes abolies.

Texte n° 207.
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Fernando Pessoa
Je ne puis m'empêcher de considérer l'humanité comme l'une des toutes dernières écoles de peinture figurative de la Nature.

LE LIVRE DE L'INTRANQUILLITÉ, texte n°161.
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