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Critiques de Gaspard Koenig (277)
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Humus

°°° Rentrée littéraire 2023 # 46 °°°



Cela fait longtemps que je n'avais pas eu une lecture aussi effervescente, paradoxale et contrastée, avec des qualités qui m'ont emportée et des bémols qui ont freiné mon enthousiasme. J'ai du laisser passer du temps avant de chroniquer, car j'ai souvent changé d'avis sur les petites étoiles à attribuer à ce roman dense et ambitieux.



La conduite narrative de ce roman d'apprentissage est admirablement balzacienne, suivant le parcours de Kevin et Arthur, étudiants d'AgroParisTech que tout oppose mais qui vont devenir inséparables ( ils veulent sauver le monde en utilisant les énormes potentialités du lombric ) avant de prendre des chemins différents. Deux parcours remplis de rebondissements liés à la mise à l'épreuve de leurs idéaux confrontés à la force de frappe du néo-libéralisme.



Des illusions perdues très houellecquiennes, sur un schéma classique. Dilemmes moraux, ascension, gloire, chute, sexe, mensonges, trahisons, fric, reniement, colère, radicalisation … tout y est et intensément vécu jusqu'à de situations outrées mais qui fonctionnent dans le tourbillon romanesque proposé par Gaspard Koenig et son écriture vive et acérée. D'autant que l'auteur excelle à la satire. La critique acerbe des grandes écoles et de leurs élites déconnectées, de l'hypocrisie du capitalisme vert et son greenwashing, de l'absurdité du système agricole productiviste, font mouche lors de scènes férocement savoureuses ( et drôles ).



Incontestablement, ce roman total résonne très intelligemment avec les questionnements contemporains portant sur la tension économie / écologie et sur l'action à envisager pour changer les choses ( ou pas ). Humus est un livre qui pense et fait penser. Parfois, le lecteur est d'accord avec Kevin, fils de paysan du Limousin devenu start-uppeur spécialisé dans le lombricompostage industriel ; d'autres fois avec Arthur, fils d'un avocat parisien et son retour à la terre cherchant à faire revivre un sol qui semble irréversiblement tué par l'agrochimie.



Les personnages de Kevin et Arthur sont nettement campés dans leurs contradictions pensée / terrain. Aucun n'est réellement attachant, peut-être un peu plus Kevin, enfin touchant dans les cinquante dernières pages car en réelle évolution ; la destinée d'Arthur le bifurqueur m'a semblé trop artificielle, comme pour cocher des cases et proposer un tableau complet de l'époque. Cela ne me dérange pas de ne pas m'attacher à des personnages étudiés en surplomb par un narrateur omniscient qui semble peu les aimer, mais j'ai vraiment été gênée - même en tenant compte que le roman est satirique - par les trois personnages féminins, tous caricaturaux et insupportables par leur perfidie ou leur naïveté exaspérante.



Tous sont raillés et risibles sans être non plus totalement excommuniés par l'auteur qui ne fait jamais montre de cynisme. Il n'empêche que les seuls personnages vraiment attachants et pour lequel l'auteur manifeste une réelle empathie, ce sont les lombrics, première biomasse animale terrestre, entre 1 et 3 tonnes à l'hectare. C'était audacieux de proposer de longs passages très érudits sur la vie des vers de terre, et j'ai adoré ces lombrics et la façon dont Gaspard Koenig a de les mettre en lumière brillamment, comme ici lorsqu'Arthur observe la sexualité des lombrics une nuit d'automne :



« Ni les vibrations des pas d'Arthur ni la lumière de sa lampe ne les dérangeaient. Arthur en toucha quelques-uns du doigt, en s'excusant à voix basse de ce geste déplacé : pas de réaction. Seul un couple se détacha avec un bruit de ventouse, comme deux amants surpris et honteux. Les autres devient considérer que leur désir primait sur toute autre considération. Arthur s'allongea sur le ventre au milieu d'un rang d'oignons verts, non pas en observateur mais en voyeur, curieux de découvrir in vivo les subtilités de l'érotisme lombricien, dont il n'avait qu'une connaissance théorique et assez confuse.

Ce qui le frappa d'abord, ce fut l'immobilité. Il y avait là deux beaux anéciques au corps brun, tête-bêche, accroché l'un à l'autre par leur clitellum respectif qui sécrétait un mucus gluant. Leurs quinze premiers anneaux étaient collés ensemble, à l'exception de la tête qui se tournait pudiquement sur le côté. Ces bêtes qui rampaient sans répit à la recherche de nourriture s'étaient soudain immobilisées. A la différence des humains qui se tortillent en tous sens, les anneaux avaient cessé de se contracter et noircissaient calmement de plaisir. Pas de caresses, pas de coups de reins. Arthur trouva cette manière de faire beaucoup plus judicieuse. Pourquoi l'amour devrait-il être une lutte essoufflée et grimaçante ? N'est-il pas mieux servi par cette union placide et langoureuse ? »



Oui définitivement, ma sympathie va aux lombrics !
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Humus

Rentrée littéraire 2023



Pas banal et plutôt audacieux de choisir les vers de terre, ces animaux mal-aimés, comme héros de roman. C'est le défi que s'est lancé Gaspard Koenig dans son dernier roman Humus.

Deux étudiants d'AgroParisTech, un peu désabusés et que tout semble opposer, se lient d'amitié après avoir assisté à une conférence intitulée Avancées et défis de la géodrilologie, la géodrilologie étant la science des vers de terre.

Angoissés comme toute leur génération par la crise écologique, ils se cherchent un destin et découvrent lors de cet exposé un domaine de recherche quasi vierge. En effet, si l'humanité s'est ruée pour comprendre l'infiniment grand des cieux, elle ne s'est guère penchée sur l'infiniment petit des sols.

Se forge vite entre eux une complicité d'explorateurs. Ils se jurent solennellement de ne jamais abandonner les vers de terre et de leur consacrer, d'une manière ou d'une autre, leur carrière et leur vie.

Kevin, fils de simples travailleurs agricoles installés dans le Limousin, dont l'intention première est de lancer sa petite entreprise de vermicompostage pour particuliers, essuie refus sur refus des banques. Il rencontre Philippine, une jeune femme aux ambitions démesurées, mais pas de son milieu, qui le propulse dans le monde de la finance et du capitalisme et le fait passer à l'échelle industrielle. Associés, ils créent en un temps record leur entreprise Veritas. Son but étant de construire des usines partout pour y installer des milliards de milliards de vers de terre qui digéreront les poubelles, produiront du terreau et sauveront ainsi la terre de l'humanité.

Arthur, enfant de la bourgeoisie parisienne, lui, reprend la propriété familiale au fin fond de la Normandie avec sa compagne Anne, pour régénérer les terres ruinées par les pesticides, en y réintroduisant des vers de terre.

Le chemin sera parsemé d'embûches pour ces deux idéalistes, tous deux transfuges de classe.

Dans Humus, Gaspard Koenig explore les vices et les vertus d'une génération qui veut changer le monde et dans ce cas-ci sauver l'humus. « Les Romains le savaient bien : Homo vient d'humus. Homo vit d'humus. Puis Homo a détruit humus. Et sans humus, pas d'Homo. Simple. »

Arthur, le néo-rural, dont le héros est Henry David Thoreau, malgré toute sa bonne volonté va devoir constater les effets néfastes et apparemment irrémédiables des pesticides et va se trouver, de plus, face aux absurdités de l'administration.

Kevin va se trouver lui, confronté à toutes les combines du capitalisme et au cynisme des greenwashers, ces éco-blanchisseurs qui utilisent l'argument écologique de manière trompeuse pour améliorer leur image et s'enrichir.

Gaspard Koenig nous offre d'ailleurs des passages savoureux avec tout ce langage anglo-saxon inspiré de la Tech et quasi incompréhensible pour qui n'est pas de ce milieu.

Humus est un roman particulièrement dense sur la crise écologique dans lequel l'auteur n'oppose pas les ruraux et les urbains et ne prend pas parti pour l‘un ou l'autre des agronomes.

Tout en rappelant le rôle fondamental des vers de terre, indispensables à la vie des sols, et pourtant souvent méprisés, Gaspard Koenig nous livre une satire de nos moeurs tant écologiques que financières absolument décapante.

Les rebondissements multiples rendent la lecture très addictive.

Une fin presque apocalyptique m'a un peu surprise, mais n'était-ce pas le chemin logique et cette violence n'était-elle pas prévisible ? En effet, quand les mouvements pacifistes et la désobéissance civile ne sont pas entendus, existe-t-il une autre alternative ?

Cette insurrection permet dans le roman à nos deux amis de se réconcilier, pour notre plus grand plaisir. L'amitié, la fraternité et la solidarité restent des valeurs sûres…

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Humus

Philosophe et essayiste aux convictions libérales, fondateur du mouvement Simple contre la complexité administrative et bref candidat à la dernière élection présidentielle, Gaspard Koenig a abandonné la politique pour une autre façon d'influencer le monde : la création littéraire. Il revient à la fiction avec un roman d'apprentissage sur fond d'engagement écologique, une satire apocalyptique où l'avenir du monde repose sur le sauvetage… des vers de terre…





Ingénieurs agronomes fraîchement diplômés, Arthur et Kevin ont noué leur amitié autour d'une idée commune : le plus grand - mais pourtant le plus ignoré, tant la science du sol et la géodrilogie restent balbutiantes - des désastres écologiques est la disparition des lombrics, première biomasse au monde indispensable à la vie des sols et donc à la production agricole. « Sans vers de terre, plus de terre ». En quelques décennies de productivisme agro-industriel, la fragile couche d'humus constituée au cours de millions d'années d'évolution biologique s'est transformée en poussière infertile que l'on continue d'épuiser à grands coups de chimie. Alors, eux qui n'ont jamais rejoint les rangs des bifurqueurs, ces étudiants de grandes écoles dont les velléités écolo-contestataires produisent à leurs yeux plus de bruit que d'effets, se lancent chacun dans un projet censé exorciser leur éco-anxiété.





Pendant qu'Arthur, Le Parisien issu d'un milieu aisé, se met en tête de faire revivre, par l'inoculation de vers de terre, la terre tuée en Normandie par son grand-père agriculteur, Kevin le fils de paysan pauvre crée une petite entreprise de vermicompostage. Dès lors, les rebondissements se bousculent dans un crescendo confrontant leurs idéaux et leurs principes à la réalité. Entre tempêtes amoureuses et financières, les erreurs et les échecs répétés de l'un, l'engrenage du succès en mode start-up pour l'autre, déboucheront sur une troisième voie beaucoup plus violente et désespérée, dans une explosion finale bouclant le tour des comportements, finalement tous voués au fiasco, adoptés par les uns ou les autres face à l'urgence écologique.





Si, soutenu par une documentation qui rend le propos fascinant, le récit fait la part belle à ses petits personnages rampants et méconnus, les « intestins du sol », que l'on ne verra plus désormais du même oeil, l'autre grande force du roman est le regard moqueur, qu'avec autant de cruelle lucidité que de vraie tendresse, il porte, sans jamais les juger, sur les différents acteurs de la société. Il faut dire que, créateur d'un think tank et un temps membre d'un cabinet ministériel, l'auteur a fréquenté l'élite et les dîners parisiens comme il a sillonné la France et l'Europe au plus près de ses habitants lors de plusieurs mois d'un périple à cheval. de ce matériau, il tire une satire percutante, n'épargnant ni zadiste, investisseur ou ministre, ni écologie libertaire, éco-frugalité ou greenwashing. Et, tandis que ses observations soulignent sans prendre parti le grand désordre de tous ces tâtonnements qui s'étagent des plus idéalistes aux plus opportunistes et hypocrites, des plus cosmétiques aux plus radicaux et violents, il recentre le débat sur une vision prophétique et, selon sa démonstration, encore très inédite : l'avenir passera par les sciences de la terre ou ne sera pas, n'en déplaise aux uns et aux autres et à leurs différentes manières de réagir face à l'urgence environnementale.





Malgré un final, à y réfléchir pas si invraisemblable, mais quand même très (trop?) spectaculaire, un livre intéressant et original, dont on retiendra les vérités satiriques d'une humanité écartelée, dans sa course folle, entre son confort immédiat et ses craintes d'un avenir menaçant, autant que son exploit inattendu de passionner son lecteur pour les vers de terre.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Humus

Ce prix Interallié 2023 est une analyse fine et décapante des dérives écologiques qui, au fil de leurs radicalisations, mênent vers le terrorisme.



Arthur et Kevin (sans accent) se rencontrent sur les bancs de la prestigieuse AgroParisTech, plantée au milieu d’autres grandes écoles sur le plateau de Saclay, et deviennent géodrilologues, c’est à dire experts du ver de terre.

L’un tente de revitaliser les terres de la ferme héritée de son grand-père, l’autre lance une start-up de vermicompostage.

L’un s’enterre au fin fond de la campagne normande, l’autre s’envole vers la Silicon Valley et ses financiers friands de pépites, fondées par des Young leaders, grassement subventionnées par Bercy et la BPI.

L’un ne récolte pas grand chose, l’autre est incubé par une entreprise du CAC 40 soucieuse de doper son image de marque par une ambitieuse (et médiatique) politique RSE.



Mais le ver est dans le fruit ; l’un et l’autre se plantent … le comble pour un agro !



L’un est alors repéré par Extinction Rébellion qui complote la prise du pouvoir dans les pays civilisés. L’autre part sac au dos vers Limoges découvrir la nature. La comédie devient apocalypse quand Predator et les black blocs d’Extinction Rébellion montent à l’assaut de Paris. La police n’a pas vu venir le grand soir et les parisiens se défendent avec les moyens du bord avant que le RAID et le GIGN réussissent, dans les jardins du Sénat, à briser l’insurrection au prix de centaines de morts.



Avec cette enquête fort bien documentée, Gérard Koenig dénonce la radicalisation qui transforme, en quelques mois, des militants écolos en khmers verts assassinant sans hésitation leurs opposants pour instaurer leur dictature « verte ».



L’écriture alterne du globich, dialecte de la « start-up nation » gavée de Business Plan, d’Executive Summary, d’EBITDA et de pognon, au français avec sa gouaille, sa satire, sa flèche assassine … un tantinet misanthrope.



Les personnages sont criants de vérité avec le vieux chercheur désabusé, la prof de marketing, la « fille à papa » (grand patron), le ministre surbooké, le Venture Capitalist californien, la naturopathe, les communicants.



Humus devient incontournable avec l’obligation du compostage imposée par la loi « anti-gaspillage » à compter du 1 janvier 2024, et il est plus que temps que les ophiophobes se cultivent et deviennent géodrilologues.



La morale de cet ouvrage était déjà exprimée par Auguste Detoeuf au siècle dernier (Propos de O. L. Barenton, confiseur) :

« Il y a trois manières de se ruiner, (…) :

le jeu, les femmes - et les ingénieurs.

Les deux premières sont plus agréables - mais la dernière est plus sûre. »



PS : sur les khmers verts Collpasus
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Humus

Et si les vers de terre étaient notre seule planche de salut ? Ou encore, si l‘on se place du côté à moitié vide, si leur disparition était un corollaire définitif de notre disparition annoncée ?



C’est ce que prétend le professeur Combe, devant cet amphi de l’école d’agronomie où étudient Kevin et Arthur. Ces deux là se sont trouvés malgré le gouffre qui les sépare socialement. Kevin est le fils d’humbles ouvriers du centre de la France, Arthur suit juste la voie que sa naissance dans un milieu aisé avait tracé de longue date. Mais le lombric les rassemblera pour un temps, même si la façon dont ils construisent leur projet est diamétralement opposée !



Cette lecture est un gros coup de coeur ! Tant par l’amélioration de mes connaissances quasi inexistantes de ces êtres rudimentaires qui peuplent ou plutôt, peuplaient nos sous-sols, mais que le labour et l’amendement des sols a condamnés à une disparition dramatique pour nous, humains, que pour le message écologique transmis.



Le romanesque n’est pas oublié, loin de là, et l’auteur par une habile construction de l’intrigue rend ses personnages très charismatiques tout en nous proposant un état des lieux de notre société moribonde.



Roman marquant de cette rentrée, pour son originalité et ses atouts pédagogiques, mais aussi pour son écriture, qui m’a convaincue



384 pages l’observatoire 23 août 2023


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Humus

« En vers et contre tous »

Voici en peu de mots la maxime de ce livre original et marquant.

Le titre Humus tout d'abord n'incite pas vraiment à la rigolade ni à l'envie irrésistible de se plonger dans ce bouquin ; la première chose qui vient à l'esprit, c'est une substance noire, à l'odeur d'humidité et de moisi, issue de la décomposition de matières organiques … On a connu plus appétissant et glamour…

Oui MAIS … appétissant et glamour ce n'est pas vraiment le sujet, quand c'est la survie de l'humanité que Gaspard Koenig interroge : « Les Romains le savaient bien : Homo vient d'humus. Homo vit d'humus. Puis Homo a détruit humus. Et sans humus, pas d'Homo. Simple. » (p.249)

Tout est dit. Simple. Basique.

La planète brule et que faisons-nous ? Nous regardons le doigt ou nos pieds, fonçant tête baissée vers notre prochaine extinction. Il ne fait plus aucun doute que l'Homme devra faire face à des catastrophes climatiques majeures qui entraineront maladies, famines, guerres, exodes massifs, …

La question n'étant plus de savoir « Si » mais « Quand »et « Qui ». Qui cela touchera-t-il de plein fouet ; notre génération, celle de nos enfants ou de nos petits-enfants ?

Le désastre est annoncé et ceux qui ont participé à une fresque de climat savent qu'il n'y a là aucun alarmisme démesuré, la conjonction de multiples facteurs montre que l'humanité a mangé son pain blanc (sachant de surcroît que nous sommes les grands privilégiés quand d'autres sont abonnés aux miettes depuis longtemps), le pire est à venir.

« Petits, petits, petits » Arthur tapote la terre doucement, il est à la recherche des lombrics, ces précieux vers de terre, les petits héros non masqués de ce livre puisqu'ils sont aveugles. Ne faites pas cette mine dégoutée, car c'est peut-être grâce à eux que nous pourrons enfin réduire nos déchets et régénérer nos sols épuisés.

Humus, c'est avant tout l'histoire d'Arthur et Kevin, deux étudiants en agronomie qui se rencontrent sur les bancs de l'école AgroParisTech. A la faveur d'une conférence donnée dans leur école par un vieux briscard, Marcel Combe, les deux étudiants découvrent la géodrilologie (étude des vers de terre) et un vaste univers peu couvert par la science s'ouvre à eux avec un champ infini de possibles.

Gaspard Koenig réussit le tour de force de réunir en un même livre partage de connaissances, humour grinçant savoureux sur les élites qui gouvernent la France, l'hypocrisie sans bornes des politiques RSE des entreprises qui tentent de ripoliner à grands coups de greenwashing leurs façades bien peu vertueuses, et de mettre en perspective les solutions existantes. Il se paye également le luxe de se mettre en scène dans son roman lors d'une brève apparition sous les traits d'un « certain Gaspard, essayiste qui se piquait d'être médiatique mais dont Kevin n'avait jamais entendu parler » (p.235)

Ne sont-elles finalement bien limitées ces solutions, et surtout avons-nous encore le temps de nous y essayer ? N'est-il pas déjà trop tard ? Ne produisons-nous pas plus de déchets qu'aucune solution ne pourra jamais absorber ? Les happenings de jeunes militants écologistes qui se collent à des tableaux dans des musées font parler les médias, mais parle-t-on pour autant des vrais problèmes ?

Ne remettons-nous pas sans cesse à plus tard les mesures de bons sens les plus élémentaires, les accords de Paris en sont le premier exemple …

Alors, quelles seront les solutions pour les jeunes générations : un retour à la vie des hommes des cavernes ou une révolution pour un changement radical de paradigme ?

Arthur et Kevin représentent ces deux attitudes. Arthur celle d'un attentisme désespéré et méprisant (en mode je vous l'avais bien dit) qui se prépare au grand effondrement en cultivant son potager et en élevant ses poules. Kevin est celui qui ose agir, avec l'espoir fou de changer les choses en montant une entreprise en mesure de traiter les déchets par vermicompostage à grande échelle.

Sous couvert d'une histoire entre deux jeunes hommes bien décidés à prendre leur avenir en main, l'auteur nous embarque dans un roman dans un roman trépidant, rondement mené dans lequel je ne me suis pas ennuyée une seconde. le lecteur suit avec curiosité les pérégrinations des deux comparses, quel sera celui qui réussira à atteindre ses objectifs ? entre d'une part, Arthur le doux rêveur parisien bobo néo-rural qui se met en tête de refertiliser la terre de la ferme normande léguée par son grand-père après des décennies d'épandage de pesticides sur les sols, et le beau mais assez terne Kevin, dont les parents ont travaillé toute leur vie dans les exploitations agricoles, en passant d'un contrat précaire à un autre.



Je n'irai pas cependant au-delà des 4 étoiles, car j'apporterai deux bémols : le premier est la vision des femmes donnée par Koenig : Anne (compagne d'Arthur) et Philippine (associée de Kevin) sont intéressées, vénales, manipulatrices, caractérielles, … et complètement caricaturales.

Gaspard Koenig fait de Philippine le cerveau de l'entreprise qu'elle va diriger avec Kevin pour mieux nous la faire détester ensuite en la ridiculisant en personne cynique, pistonnée à outrance par sa famille (comme pour lui enlever tout le mérite de ses succès), frustrée sexuellement, prête à tout pour briller (complot, fausse accusation d'agression sexuelle), et j'ai trouvé regrettable que l'auteur en fasse des tonnes pour nous la rendre à ce point insupportable et antipathique.

Anne va vite jeter l'éponge du rêve d'un retour aux sources à la campagne avec Arthur pour retourner bien à l'abri dans le confort urbain, sous les dorures d'un cabinet ministériel, toute de paraître et de superficialité vêtue, j'imagine juchée sur des talons de 12 et arborant un décolleté pigeonnant … et qui en plus se paiera le luxe d'une ultime trahison à la fin du livre (que je ne révèlerai pas ici).

Le second bémol est lié à la fin du livre qui part dans une éco-révolution guerrière. Autant j'ai trouvé le roman très perspicace et crédible dans sa dénonciation des rouages hypocrites du greenwashing, de notre incapacité individuelle et collective à réduire nos déchets (le meilleur déchet est celui que l'on ne produit pas), du capitalisme uniquement avide de profit et des fonds d'investissement cyniques, autant la fin part totalement en vrille. Pourtant, comme je le disais plus haut, il serait naïf de croire que la catastrophe climatique à venir n'engendrera pas un nouvel ordre mondial, rebattant les cartes géopolitiques avec violence (guerres de l'eau, guerre des sols fertiles, famines, montée des eaux, inondations, ouragans, maladies infectieuses, et j'ai gardé le meilleur pour la fin, celle qui pour moi accélèrera peut-être l'extinction de la race humaine, le dégel du permafrost…). Mais là encore Gaspard Koenig a poussé le curseur du délire un peu loin dans la révolution ultraviolente qu'il propose. Dommage, celle-ci n'est pas très finement amenée et, de mon point de vue, tombe comme un cheveu sur la soupe, alors qu'elle se rêvait probablement en feu d'artifice final …

Malgré mes deux bémols, je ne boude pas mon plaisir d'avoir lu ce livre que j'ai trouvé à la fois instructif, réjouissant, décapant, en un mot savoureux. S'il ne propose pas de solution, et au contraire, démontre que la solution miracle n'existe pas, il a l'immense mérite de relancer le débat et ce n'est déjà pas si mal.

Après avoir lu ce livre, vous y réfléchirez à deux fois avant d'écraser un lombric… Au passage, Gaspard Koenig fait tomber le mythe de cour de récré de CP, si vous coupez un lombric en deux, cela ne donne pas deux lombrics, juste un lombric mort … Allez, tous en chœur « Petits, petits, petits ! » …

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Humus

Kevin et Arthur, deux étudiants en agronomie, se rencontrent lors d’une conférence sur ces petites bêtes méconnues : les vers de terre.

"Famille : lombricidae. Espèce : lombricus terrestris. Et ces lombrics représentent la première biomasse animale terrestre. Autrement dit, si on les met tous sur une balance, ils pèseront plus lourds, et de loin, que les Homo Sapiens, les éléphants et les fourmis réunis… »

C’est ainsi que Marcel Combe, spécialiste émiant des lombrics, commence sa présentation. Voilà qui va changer le destin de nos deux apprentis agronomes qui vont se prendre de passion pour la géodrilologie (étude des vers de terre) et vont se lancer à l’assaut de la régénération des sols grâce aux facultés incroyables du vermisseau.

On se croirait dans une fable de La Fontaine car, derrière l’enjeu écologique se profile une satire sociale cruelle dont la morale n’a plus rien d’une fable.

Les deux amis, issus de milieux que tout oppose, vont suivre des chemins parallèles mais différents.

Arthur, issu de la bourgeoisie parisienne, et qui s’est nourri des lectures d’Henry David Thoreau et de Hubert Reeves, tente un retour aux sources en investissant ce qui reste de la ferme du grand-père. Cette aventure de néo ruraux dans un village perdu de Normandie, il va la tenter avec Anne, sa compagne bourgeoise en rupture avec son milieu.



« …les derniers terrains conservés par le Papi, en passe de devenir une friche, déjà assombris par les buissons de ronces, d’ajoncs et de fougères. Ils étaient attenants la ferme : on devait pouvoir se rendre directement de la cuisine aux champs. Sauf qu’à présent, il fallait franchir des barrières d’épines.

C’était là qu’Arthur voulait faire son Walden »



Kevin, dont les parents distants sont des prolétaires sans ambition, vient de Limoges. Paris, avec sa vie captivante et animée, l’attire comme un aimant. Lui, les lombrics, il les imagine dans chaque foyer grâce à son lombricomposteur. Le voilà qui s’improvise entrepreneur mais les portes restent closes…jusqu’à ce qu’il rencontre Philippine aux ambitions démesurées. Et son destin va prendre un tournant en le propulsant dans le monde de la finance et du capitalisme et lui permettre de monter sa start-up.

Ses origines modestes et provinciales ne lui ont pas donné les codes de la capitale et de sa bourgeoisie friquée. Il va apprendre. Mais sa sexualité, qui échappe aux catégories, surprend.

« Kevin se voyait souvent rangé parmi les « bisexuels ». Il trouvait le mot assez ridicule. Il aimait les corps, voilà tout, quel que soit l’organe se trouvant entre leurs cuisses. »



De roman initiatique avec la progression des deux amis dans la vie adulte, on glisse vers la satire sociétale et la critique du capitalisme vert et des néo ruraux.

C’est cruel, saignant et on sourit ou on grince des dents, c’est selon. En tout cas, ce roman ne peut laisser indifférent tant le désastre environnemental et l’hypocrisie de l’écologie capitaliste sont magistralement mis en scène.

Tout, vous saurez tout sur le ver de terre, qu’il soit épigé, endogé, anécide ou autre. Bien documenté, ce roman explique sans ennuyer l’enjeu environnemental.

J’ai suivi avec intérêt et curiosité le parcours de nos deux apprentis agronomes dans leur souhait de changer le monde en le rendant plus vertueux. J’ai aussi suivi leurs errements amoureux et l’échec de leur amitié avec empathie. Mais l’insurrection écologique qui va permettre aux anciens amis de se retrouver mais qui joue sur le spectaculaire, ne m’a absolument pas convaincue. J’ai également regretté certains personnages secondaires trop dans la caricature.

Malgré ces travers, j’ai apprécié ce roman qui se lit d’une traite.







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Humus

Levons un ver à notre planète !!!!



Et même une grosse poignée de lombrics. Si vous n'aimez pas ces petites bestioles gluantes, vous allez les apprécier. Et peut être même que, comme moi, vous allez tenter de les observer au jardin. Formidable bestiole semi poilue (Hé oui, apparemment il a des soies sur la moitié de son corps).



Bien entendu, nous ne sommes pas devant un ouvrage consacré à la géodrilologie mais bien devant un roman qui n'est pas trop mal fichu.



Kevin et Arthur sont tous les deux étudiants en agronomie à Paris, et sont happés par une conférence de Marcel Combe pour qui, sans ver, plus de terre. Ce sont les lombrics qui vont décider de l'avenir de nos deux étudiants idéalistes et quelque part en faire des transfuges de classe.



Kevin, le campagnard, va mettre au point un lombricomposteur de taille industrielle. Associé à Philippine, il se retrouve propulsé dans les hautes sphères du pouvoir.. non sans qu'on lui rappelle sans cesse qu'il a pris un ascenseur de classe et que c'est bon de voir qu'il y a encore un ascenseur de classe... et patati et patata. Les vers c'est le recyclage des beaucoup de déchets, sans émission de CO2... mais n'est-ce pas aller trop vite ? Du haut de sa sphère dirigeante, il n'oubliera pas Arthur.



Arthur, c'est l'idéaliste. Issu de la haute société, il reprend une ferme et entreprends de faire revivre les sols labourés grâce aux vers de terre. C'est un urbain, pas un rural. Les sols de sa terre sont pauvres, voire morts. C'est un apprentissage. Il s'essaye à l'autosuffisance. D'abord, il avait demandé le RSA comme un droit (Tiens, on retrouve là une thématique chère à l'auteur qui est aussi président du groupe GénérationLibre), qui lui a été enlevé. Il tente de survivre avec ses poules et son potager.



Un jour Arthur attaque son voisin fermier pour écocide et attire alors l'attention des terroristes verts... La suite vous le découvrirez-vous mêmes !



Ce roman c'est le parcours de deux vies diamétralement opposées. deux vies qui se sont laissées emporter par le courant. Où les actes ne sont parfois pas volontaires. D'une amitié indéfectible par delà les différences. C'est aussi une ode à notre terre nourricière mais aussi un pamphlet contre l'agriculture intensive (voire même l'agriculture tout court...).



C'est surtout hyper intéressant au niveau de la bestiole. Mes passages préférés étant sans conteste les passage où l'on raconte les moeurs des lombrics.
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Humus

Je savais les vers de terre utiles mais je ne me doutais ni qu'il y en avait autant, "entre une et trois tonnes à l'hectare, en tout cas dans les sols où l'homme n'a pas posé ses sales pattes" ni leur immense utilité pour la survie de la planète, avant de lire ce roman, extrêmement documenté, de Gaspard Koenig.



Dans ce livre, nous suivons le parcours de Kevin et Arthur, deux étudiants à AgroParisTech.

L'un, Kevin, beau gosse, vient du Limousin, issu d'une famille d'ouvriers agricoles, il rêve de conquérir Paris. L'autre, Arthur, fils d'un avocat parisien, n'aspire qu'à une vie simple à la campagne.



Aussi différents que complémentaires, leur amitié, bien que sincère, ne les empêchera pas de s'éloigner l'un de l'autre.

Kevin, sous l'influence de Philippine, de brillant ingénieur ayant mis au point le lombricompostage pour tous, va devenir un homme d'affaires millionnaire.

Arthur reprend la propriété de son grand-père en Normandie dans le but de faire revivre la terre devenue stérile à force de produits phytosanitaires déversés et abîmée par les labours profonds, grâce aux lombrics qu'il veut re introduire. Il sera aidé par Anne, bricoleuse pour un temps.



Ce côté écologue, retour aux sources, protection de l'environnement et des écosystèmes, ces projets fort louables de sauver la planète et l'humanité grâce aux vers de terre m'a beaucoup plu.



Mais Gaspard Koenig y va fort.



Alors certes, on est dans la caricature et la satire de la société capitaliste, de l'administration, de la politique, du paradoxe écologiste mais les 2 idéalistes confrontés à la réalité ne sont pas très sympathiques.



J'ai trouvé le roman assez froid comme le système que l'auteur présente, j'imagine que c'est voulu.

Les seuls "personnages" auxquels je me suis attachée ici sont... les vers de terre.



L'auteur n'apporte pas de jugement pour les 2 organisations qu'il montre, d'un côté le capitalisme vert avec les start-up, les investisseurs, etc. de l'autre, la néo ruralité de plus en plus radicale et politisée. Il éclaire sur les qualités et les défauts, la complexité et les limites des 2.



Encore une fois, il va loin, tant dans le vocabulaire, cru, que dans les actions, radicales. J'ai un peu moins aimé cet aspect du livre même si je reconnais que c'est une façon de marquer les esprits dans ce contexte d'angoisse de crise écologique. Un peu à la Houellebecq j'ai pu lire, mais n'ayant jamais lu cet auteur, je ne m'aventurerai pas à reprendre la comparaison à mon compte.



Ce livre est manifestement un roman, je l'ai vu un peu comme un essai même si l'auteur ne prend pas parti.



Malgré mes bémols, je l'ai trouvé très intéressant, il méritait sa place dans le dernier carré du prix Goncourt.



J'ai souvent changé d'avis quant au nombre d'étoiles que je mettrais tout au long de ma lecture. Cela aurait pu être 5 pour les vers de terre et ce que j'ai appris à leur sujet mais beaucoup moins pour le trait (trop) forcé à mon goût.



Un grand merci à Isabelle (Ileauxtrésors) pour m'avoir attirée vers ces vers de terre;)



Et attention à ceux qui tous les ans (sauf cette année) enlèvent les feuilles de mon jardinet côté espace public, privant mes lombrics de la nourriture qui leur revient, surtout depuis qu'ils ont le lourd travail d'aérer la terre écrasée par les engins de chantier au mépris de mes fleurs sauvages alors que cela pouvait être évité... Maintenant, je défendrai mes vers de terre ;))

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Humus

Quelle que soit notre opinion sur ce livre, on peut dire que Gaspard Koenig a réalisé l'exploit d'intéresser des milliers de lecteurs au monde des vers de terre !

Présents par millions sur notre planète, essentiels pour faire vivre le sol, constructeurs inlassables de galeries souterraines, ils mélangent l'humus et apportent les nutriments aux plantations, on peut dire que le monde ne pourrait pas se nourrir sans eux, et malgré cela ils sont irrémédiablement détruits par les pesticides et l'agriculture intensive !



C'est dans un cours sur ce sujet que se rencontrent Arthur et Kevin, étudiants à « Agro » à Saclay.

Arthur est un fils à papa parisien des beaux quartiers, alors que Kevin est un provincial, fils d'ouvrier, et très joli garçon.

Leur amitié va être fusionnelle jusqu'à la fin de leurs études et leurs choix de vie.

Arthur part cultiver la terre de son grand-père en Normandie alors que Kevin se lance dans la production de compostage à grande échelle.

Arthur, le « bobo », essaie de mettre en pratique ses cours théoriques sur l'enrichissement naturel des sols qui devrait faire revenir les vers de terre disparus.

Kevin, aidé par la riche et ambitieuse Philippine, crée une start-up qui obtient des financements internationaux et des contrats pharaoniques.

Tout les sépare et on devine que cette course effrénée va se transformer en grandeur et décadence !



Gaspard Koenig est brillant, cultivé, et il a beaucoup travaillé son sujet pour faire de ce roman une fresque satirique sur les dérives de « l'économie verte ».

Beaucoup de sujets très actuels apparaissent dans ce roman :

Les « bifurqueurs » d'Agro, mis en valeur par les médias, à chaque remise de diplôme.

Le retour à la terre des bobos, ou plutôt leur découverte du monde agricole, comme Arthur qui se heurte au bon sens des locaux, mais réussit aussi à s'intégrer dans la communauté des « rebelles » et des producteurs du terroir.

Le filon que constitue l'économie verte, tout le profit que l'on peut en tirer, et le pari des investisseurs de tirer le gros lot en faisant les choix les plus rémunérateurs.

Le green-washing des grandes entreprises qui mettent des labels « vert » partout sans véritable fondement.



Le talent de l'auteur est d'avoir réussi, sur ces thématiques foisonnantes, à écrire une fresque sociale rythmée, aux personnages sinon attachants (ils sont tous plutôt antipathiques) du moins nuancés.

C'est romanesque en diable, un peu à la manière des trilogies de Pierre Lemaître, bien construit, et on sent que cette course folle va mal se terminer.

La fin est par contre un peu décevante, l'auteur a visiblement eu du mal à choisir entre une fin apocalyptique et une ouverture plus optimiste, ce qui m'empêche de lui mettre les 5 étoiles du coup de coeur.



Une amie lectrice a aussi reproché à l'auteur de rendre vaines toutes les tentatives pour inverser la tendance et changer notre modèle ; c'est vrai que le constat est bien noir mais c'est un roman, des témoignages plus positifs sont régulièrement mis en valeur sous d'autres formes (voir l'excellent média en ligne « Reporterre, le quotidien de l'écologie »)

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Kidnapping

Le choc des cultures

*

Une bien belle découverte que ce roman qui à la fois distrait et informe.

Une histoire qui prend place à Londres, dans un quartier chic , Primrose Hill (vous savez, cet endroit avec des façades colorées dont une maison coûte un bras). Alors, oui, là je commence déjà à parler "argent", "valeur immobilière". Effectivement, ce récit est truffé de références économiques et financières. La preuve, la nanny roumaine , Roxy, adopte un langage monétaire relatif à ses heures de travail pour valoriser un bien (exemple: une coupe de cheveux = 2 heures de garde d'enfants).

Roxy, cette jeune Roumaine immigrée, babysitter mal payée par ses employeurs (Ivana et David) nous raconte son quotidien auprès de cette famille aisée. George, le petit garçon dont elle a la garde est choyé par cette maman de substitution.

En parallèle, David, banquier et porteur d'un grand projet européen bien-pensant, celui de désenclaver la Roumanie grâce à une autoroute, va finalement tomber de son piédestal d'ambitieux.

*

On observe ici deux classes sociales qui s'entrechoquent, s'observent, se méprisent. Deux univers différents qui n'arriveront pas à se comprendre.

J'ai bien aimé aussi la vie dans la campagne roumaine traditionnelle avec l'économie post-Ceaucescu aux antipodes de la nôtre.

Comment Roxy peut-elle accéder à un poste londonien à la hauteur de ses compétences de soignante?

Vous le saurez en lisant cette tranche de vie où l'épanouissement personnel n'est pas forcément synonyme de "vie moderne aisée".

L'auteur maîtrise parfaitement son sujet et nous apporte un éclaircissement sur les rêves européens. Une satire intelligente dont le mot "kidnapping" prend tout son sens à la toute fin du roman.
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Humus

Entre Arthur, le bobo parisien privilégié qui cite Platon et Marc-Aurèle, et Kévin, le boursier bouseux au magnétisme naturel qui a quitté son limousin pour intégrer la prestigieuse école AgroParisTech, l’alchimie est évidente. Tout semble les opposer et pourtant leur amitié paraît indéfectible. Ils se devinent, se comprennent, se complètent et s’admirent sans se l’avouer. Ils sont jeunes alors, ils sont brillants, ils sont bourrés d’idéaux et convaincus qu’il n’est pas trop tard pour agir et sauver la planète à l’heure de la prise de conscience écologiste.



Le déclic survient lors d’une conférence sur les vers de terre. Dès lors, les deux amis se font la promesse que les lombrics seront au cœur de leur combat. Mais si l’un choisit de retourner à la terre pour mener à bien ses projets, l’autre voit les choses en grand et se retrouve entraîné dans un monde qui n’est pas le sien, entre lobbying et enjeux politiques. Deux chemins qui vont les éloigner l’un de l’autre et auront un impact décisif sur leur vie…



Si l’on m’avait dit que je me laisserais happer durant cette rentrée littéraire par un roman qui place le lombricompostage au cœur de son intrigue, je crois que j’aurais été sceptique… Et pourtant… Gaspard Koenig a su m’offrir un délicieux moment de lecture aux côtés de ces deux idéalistes flamboyants et magnifiquement incarnés, soucieux de l’environnement dans lequel ils évoluent et désireux de changer les consciences et de sauver ce qui peut encore l’être… Un combat louable et touchant, mais mené avec une certaine naïveté et qui va violemment se heurter à la réalité du système.



A travers ce récit, Gaspard Koenig raconte, avec beaucoup de justesse et de fluidité, l’histoire d’une désillusion et d’une innocence perdues mais aussi, et surtout, il dresse le portrait d’une jeunesse engagée, prête à agir et à se battre pour défendre ses idéaux. C’est beau, c’est fort et l’on se laisse tout naturellement emporter par cette incroyable énergie qui circule dans le texte. La narration, construite sur l’alternance des points de vue de nos deux protagonistes, est prenante et addictive. “Humus” est donc un très beau roman sur l’amitié, sur les rêves, sur la jeunesse et s’avère aussi efficace qu’un thriller tout en restant riche en émotions! Une chose est sûre, après cette lecture, vous ne regarderez plus les vers de terre de la même manière!
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Humus

De tous les romans de la Rentrée littéraire 2023, c’est celui qui m’attirait le plus. Quelle déception ! La thématique écologique est bien là, mais traitée sans aucune finesse. Les personnages sont caricaturaux, tant les personnages principaux que les autres. Le plus vraisemblable est paradoxalement Mr Jobard, parce que des comme ça, il y en a au moins un dans chaque village et qu’en plus son portrait prend des nuances au fil du roman. Ce qui n’est pas le cas pour les autres, hélas, qui s’enferrent dans leur propre caricature au fil du temps, en particulier Philippine et Arthur. Au point que les scènes finales à Paris tombent dans un grotesque n’importe quoi invraisemblable. Les personnages féminins d’Anne, et surtout de Philippine, sont particulièrement horripilants, de vrais clichés. Plus qu’une question de genre, c’est sans doute une question de classe sociale, mais comme ce sont deux femmes... En fait ce livre n’est que caricatures de tous les milieux qu’il évoque. Parfois, cela sonne juste et cela donne des scènes pleines d’humour très réussies (HEC ou quand Kevin et Philippine cherchent des investisseurs, par exemple), mais dans la majorité des cas ça ne passe pas, ce n’est qu’une accumulation de poncifs exaspérants. En dehors de la poignée de proches d’Antoine et de Jobard, le village de Saint-Firmin n’a aucune existence. La campagne française est donc bien mal représentée dans ce livre. C’est d’autant plus dommage qu’on voit bien que l’auteur maîtrise son sujet, les vers de terre et la formation de l’humus, et que c’était une belle manière d’aborder les problèmes d’écologie. L’amitié improbable entre Arthur et Kevin s’effiloche pour finir par renaître, c’est au final ce qui est le mieux traité dans ce roman. Mais après leur rencontre à une conférence et la naissance de leur amitié, ça se met à tourner en rond pour virer au cliché. Impossible de s’attacher aux personnages, pas assez empathiques, bien trop lisses. Grosse déception !
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Humus

Le véritable héros de ce roman, ça semblerait bien être le ver. Sous toutes ses formes visqueuses et entortillées, sous toutes ses espèces plus ou moins répertoriées dans nos contrées. C'est en tout cas autour de lui et dans un amphi que se rencontreront les deux personnages principaux, étudiants en agronomie et futurs nomades de classe, mais pas dans le même sens.

Kevin a quitté son limousin natal pour les grandes écoles, sa trajectoire est fulgurante sans le vouloir, sa belle gueule n'y étant sans doute pas pour rien. le voilà tout en désinvolture propulsé co-dirigeant et ingénieur d'une very-start-up à millions dans le vermicompostage, à échelle industrielle.

Arthur quant à lui se tourne vers le passé et la ferme de son grand-père, d'une valeur de deux cents mille euros (à peine...). Un retour à la terre pour ce fils d'avocat promis aux hautes sphères, vers une écologie spartiate, avec pour ambition pas si mesurée que ça de réintroduire le ver dans le terroir.

Deux destinées à la Rastignac ou à l'inverse, deux trajectoires opposées autour de l'écologie du lombric, qui nous feront visiter les combines du capital comme les désastres de la terre. Sans vers pas d'humus, et sans humus plus d'Homo. le roman s'invitera ainsi entre cynisme du pouvoir et radicale violence de l'éco-anarchisme, avec des contours cataclysmiques.

Gaspard Koenig est essayiste, philosophe, romancier, homme politique libéral, enseignant. Ses multiples casquettes et son parcours riche agrémentent sans doute le roman de connaissances savoureuses et pointues, en écologie, en philosophie, en politique ou en people. Reste que son récit au déroulé plutôt classique, à l'intrigue rondement menée captivante de bout en bout, pêche à mon goût de traits trop affirmés, la nuance, l'incertitude, tout ce qui peut faire le sel d'une littérature plus sensible souvent absents de ce roman.
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Humus

A l'heure où des agriculteurs manifestent sur les routes, et coincés que vous êtes peut-être parce que bloqués et incapables de bouger, « Humus » est LE livre à lire sans attendre et sans modération.



Coup de coeur pour moi que ce livre parce qu'il me parle de mes doutes, de mon questionnement et interroge des choix qu'on peut faire parfois consciemment, parfois moins.



Avec cette histoire d'amitié entre deux copains d'AgroParisTech, Kevin et Arthur, ce sont deux facettes d'une même pièce qui nous sont exposées. Arthur et Kevin, c'est « Amicalement vôtre » au XXIème siècle : Arthur c'est Roger Moore : enfant de la bourgeoisie, il va tenter, après son école, de régénérer un champ familial autrefois cultivé par son grand-père en Normandie en mettant en sourdine son côté Brett St Clair.

Kevin c'est Tony Curtis : issu de parents ouvriers agricoles, il va grimper les marches de l'ascenseur social quatre à quatre, et se retrouver propulsé au coeur des réseaux parisiens les plus branchés, soit un parfait « transfuge de classe » comme on le dit maintenant, en mettant de côté « Danny » Wilde et ses manières de mauvais garçon.



Leur point commun ? Outre une amitié indéfectible (un côté « Tous pour un, un pour tous ») ? Une passion pour la géodrilologie, c'est-à-dire l'étude de minuscules êtres vivants, « animaux fouisseurs qui contribuent au mélange permanent des couches du sol par leurs actions de macro-bioturbation et qui fournissent de nombreux services écosystémiques » nous dit Wikipédia, j'ai nommé le précieux VERS de TERRE, et tout simplement sauveur de l'humanité.



Car oui, la thèse de Gaspard Koenig, incarné par Kevin et Arthur, c'est ce que ce sont ces petits êtres vivants qui pourraient sauver la planète, alors que les sols agricoles ont été considérablement appauvris par les nombreux pesticides qu'on y a injectés.



Si Arthur part vivre l'aventure d'une exploitation agricole sans herbicides, Kevin, lui, va s'acoquiner avec la redoutable Philippine, caricature de start-uppeuse parisienne, avec des dents capables de rayer tous les parquets du Ministère de Bercy.



Il faut dire que les personnages féminins sont bien mal traités : Anne, la compagne rencontrée en soirée étudiante, suivra d'abord Arthur en Normandie. Mais ce transfuge de classe dans le mauvais sens sera rapidement catalogué de « Looser » et rejoindra Kevin qui, lui, a tout d'un « winner ».



Il y a des scènes vraiment savoureuses dans ce livre, et je m'en suis régalée. Au summum, le week-end chez « Madame RSE » de L'Oréal, caricature de ces manifestations où l'Entre-Soi impose ses normes sociales qu'on se doit d'incarner.



Je suis persuadée que c'est du vécu, pour Gaspard Koenig.

Mais le destin d'Arthur sera moins rose. Tout d’abord il a un problème avec son voisin : il veut planter des haies. Et les haies, on entend beaucoup parler en ce moment : toutes ces normes qu’il faut respecter pour en planter, c’est kafkaïen.

Et ensuite, proche de l'association « Extinction Rébellion », bien connue pour sa lutte de désobéissance civile contre l'effondrement écologique et le dérèglement climatique, il va se radicaliser.

Celui de Kevin ne sera guère mieux. Il y a un côté évidemment « Illusions perdues » De Balzac chez Koenig. Plus haut tu monteras (savoureuse scène au Ministère de Bercy), plus dure sera la chute – je n'en dirais pas plus pour ne pas divulgâcher le plaisir de la lecture.



Il n'en reste pas moins que l'auteur nous pose les bonnes questions.

Quel choix faut-il faire aujourd'hui ? Dans la sphère professionnelle, associative, ou sociale, comment agir ? Ou bien ne pas agir, ce qui signifie prendre aussi position aussi face à cette menace qui rode autour de notre planète ?



Et les vers de terre ? Ne pourraient-ils pas être l'une des solutions de demain ? Avec des composteurs individuels ou bien utilisés pour diminuer nos déchets collectifs ?

Ce sont tous les paradoxes de notre XXIème siècle que pointe Gaspard Koenig. Entre promesse de progrès et insurrection écologique, entre amour impossible (les relations Femmes/hommes étant bien malmenées) et désespoir héroïque, comme le dit la dernière de couverture, c'est une histoire d'hommes et de femmes d'aujourd'hui qui nous est contée, et très bien racontée.



A découvrir sans attendre et sans modération.

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Humus

L'un vient du Limousin et voudrait conquérir Paris, l'autre d'un milieu aisé et rêve de se mettre au vert. Les trajectoires d'Arthur et de Kevin vont se croiser sur les bancs d'AgroParisTech.



Leur amitié se noue autour d'une passion : les lombrics. Oui, vous avez bien lu. Vous pensez peut-être qu'il n'y a pas là de quoi fouetter un ver de terre ? En lisant ce roman, vous réaliserez à quel point vous avez tort : ces sympathiques bestioles sont non seulement indispensables à la régénération des sols, mais véritablement fascinantes. Nos deux étudiants partagent un même idéal – sauver le monde grâce aux lombriciens – mais chacun le met en pratique de manière on ne peut plus différente. Tandis que l'un se lance dans le monde des start-ups et de la green tech, l'autre s'installe en Normandie pour cultiver un champ.



Le roman tire le fil de ces deux expériences, extrapolant pour sonder leurs potentialités, limites et contradictions respectives. Car nos deux idéalistes en voient des vertes et des pas mûres. C'est féroce et même outrancier – écolos et banquiers, bureaucrates et politiques, agriculteurs et dirigeants d'entreprises adeptes de la RSE, tout le monde est rhabillé pour l'(hi)ver.



J'ai trouvé que Gaspard Koenig forçait un peu (trop) le trait, particulièrement pour les personnages féminins qui sont particulièrement antipathiques, ou lorsque l'auteur libéral se laisse aller à son aversion à l'égard de l'administration. Mais on ne peut qu'être admirative de la minutie avec laquelle sont documentés les différents théâtres où se joue l'avenir de la nature. de la banque publique d'investissement à la place du village, des réunions d'extinction rebellion aux fonds d'investissements de la Sillicon Valley, on s'y croirait. Même le Canard Enchaîné est là pour tirer des vers du nez des témoins et faire des révélations fracassantes !



Les impasses et contradictions qui minent la transition écologique, empêtrée dans ses dilemmes d'action collective, ses clivages et tergiversations sur les moyens d'action légitime, sont analysés avec justesse. le ver est dans le fruit. Est-il encore temps d'agir ?



Tout cela nourrit une intrigue assez incroyable, ample, imprévisible et riche en rebondissements. Si je n'ai pas été convaincue par tout, je reste séduite par la manière dont ce roman parvient à conjuguer réflexion agronomique, philosophique, politique et fresque romanesque. Il y a aussi une poésie que l'on n'attend plus dans un monde déliquescent mais qui pourtant jaillit lors de scènes magnifiques dédiées aux lombrics ou lorsque l'auteur file la métaphore des rampants pour évoquer les masses laborieuses constamment foulées du pied.



Un roman initiatique porté par une plume acérée qui parvient à divertir tout en prenant à bras le corps les grandes questions. Si vous vous y plongez, je parie que vous finirez comme moi, captivée par la page Wikipedia consacrée aux Lumbricina, puisqu'ils sont manifestement l'avenir de l'Homme !
Lien : http://ileauxtresors.blog/20..
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Humus

Je sais, je sais. Le principe de Babelio est de donner son avis. Mais là, je suis coincé. En vers et contre tout car Je souscris en tout point à celui de @Petite Bichette. Je ne la lustre pas dans le sens du poil et je ne disqualifie pas les autres critiques (surtout celles des amis). C’est juste que je pense tout pareil pour ce livre-là. Donc pas de périphrases ni de pompage. Je reprends juste à « Petits, petits, petits… »



Car j’en suis là. J’ai reçu le bac à compost de la Métropole, j’ai mis une demi-journée à le monter. J’ai acheté la dernière petite poubelle à détritus, celle avec le filtre, pour éviter les moucherons et les odeurs. Et depuis je guette les premiers signes de vie,dans mon composteur. Comme l’Arthur d’Humus.

"Petits,petits,petits.."

Et pourtant je vais finir en Enfer (vert) pour avoir explosé le Crédit Carbone de ma misérable petite vie de vermisseau.

Vive ce cours de géodrilologie offert par Gaspard Koenig!

Vive le retour à la terre, à bas le greenwashing !

Vive extinction /révolution !

J’ai beaucoup aimé le style de l’auteur qui le range dans la catégorie des houellebecquiens . Tout comme le propos d’ailleurs.

Car il faut quand même se poser la question : où veut en venir Gaspard Koenig ?

S’il se met lui-même en scène dans le livre, c’est peut être pour nous dire quelque chose.

J’ai une hypothèse : il ne nous dit… rien.

Ce très bon roman ne sert à… rien et c’est pour cela qu’il me plaît bien. C’est aussi un tés bon moment de divertissement et il n’y en a pas tant que ça.

Président de Génération Libre, il a créé le mouvement politique « Simple ». Koenig se définit comme un libéral-démocrate et joue sur la question de l’initiative personnelle dans un monde débarrassé de sa bureaucratie avec un Revenu Universel pour chacun . Et une véritable promesse de soutien du monde agricole...



Dans le livre, Kevin et Arthur incarnent Charybde et Scylla de façon totalement jouissive. En poussant le curseur très loin...La peinture des différents microcosmes est succulente, les personnages sont épatants, ça se lit comme une BD.

Mais il n’y a rien à en tirer.

« Débrouillez vous …» semble nous dire Gaspard Koenig avec ce petit côté anarchiste de droite qui colle d’ailleurs bien avec le personnage et avec ses différents essais .

Ou alors, mais seulement si on sort du pamphlet et qu’on le prend au mot, c’est tout de même une belle histoire d’amitié.

D'ailleurs dans Humus, j’ai retrouvé tout un tas de gens que je connais et auxquels j’aurai envie d’offrir ce vrai-faux thriller apocalyptique aux accents balzaciens.



Au final ce bouquin est plutôt une bonne surprise, à mettre sous le sapin ( synthétique, re-plantable ou en bois flotté) de vos amis écologiquement responsables.
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Humus

J'ai du mal à rejoindre l'enthousiasme général concernant ce roman.

Deux jeunes gens, un fils d'avocat, l'autre fil d'ouvriers souvent précaires, vont se lier d'amitié lors de leurs études en école d'ingénieur AGRO.

La première partie m'a plu ; leur rencontre, leurs contradictions, leurs doutes et leurs espoirs.

Et puis, bien sûr, ils vont faire des choix différents avec des conséquences finalement désastreuses que l'auteur va décortiquer.

Le texte se veut une satire de la société actuelle, une dénonciation de ses idéaux, ses excès, son entre-soi et son hypocrisie.

C'est rigolo une centaine de pages puis tout devient caricatural, cela tourne en rond et les clichés ne nous sont pas épargnés.

La lecture des cent dernières pages m'a semblé laborieuse.

Alors, oui l'écriture est élégante, le style soigné et les thèmes abordés intéressants mais cela n'a suffit, ni à me captiver ni même à me toucher.

Une déception donc.



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Humus

Ce n’est pas le premier roman dont le lombric, communément appelé ver de terre, est le héros. Qualifié récemment de « poète aveugle de la glèbe » par le romancier islandais Jan Kalman Stefansson, dans l’excellent Ton absence n’est que ténèbres, le lombric voit désormais l’écrivain philosophe Gaspard Kœnig confirmer son rôle essentiel dans la transformation des déchets organiques en compost, un terreau quasi naturel équivalent à l’humus.



Dans son dernier roman, justement titré Humus, l’auteur imagine des aventures mettant en scène deux étudiants à AgroParisTech. Destinés à devenir ingénieurs agronomes, Arthur et Kevin prennent conscience qu’un élevage massif de lombrics permettrait de traiter d’immenses quantités de déchets, sans la moindre émission de carbone, tout en générant, en même temps, un volume de compost capable, sans engrais ni pesticides, de refertiliser des terres cultivables, dont la couche d’humus aurait pu être détruite par des décennies d’agriculture industrielle.



Un « en même temps » stratégique à l’heure où nul ne sait comment la Terre pourra préserver des conditions climatiques supportables par l’humanité, tout en produisant de quoi nourrir une population mondiale, dont une partie souffre encore de la faim. Nos deux agronomes en herbe croient détenir la clé susceptible de résoudre les problèmes économiques et écologiques majeurs à venir.



Mais Arthur et Kevin n’ont pas le même profil ni la même histoire personnelle. Ils n’auront pas la même approche du sujet et leurs parcours vont diverger. L’un s’orientera vers une expérience de terrain, privilégiant une agriculture paysanne de proximité, avec une tentation de radicalisation contre un monde capitaliste soutenant un agrobusiness honni. L’autre sera aspiré dans l’univers des entrepreneurs audacieux, des développeurs de start-up et des financiers créateurs de richesses mirobolantes, avec les risques afférents de dérapages incontrôlables.



Le plus ambitieux des deux ne sera pas forcément celui qu’on imagine. Mais l’ambition peut s’exprimer de diverses manières, conduire à une fuite en avant délétère et très mal se terminer. Les pérégrinations des deux personnages sont très réalistes, tout en présentant des rebondissements inattendus et captivants.



La lecture de Humus est vraiment plaisante. La plume de l’auteur navigue avec habileté et humour entre les formules langagières déconstruites des militants écolo-anticapitalistes et le sabir anglo-français inspiré de la « tech » et du business mondialisé. C’est très bien observé et j’ai trouvé savoureux certains passages.



Gaspard Kœnig commente souvent l’actualité politique avec un recul de bon aloi, même s’il est orienté par ses convictions personnelles. Il est aussi un observateur éclairé des mœurs et des pratiques de nos contemporains. Il ne s’exprime pas à la légère, même dans une fiction. Dans Humus, il étaye par des argumentations techniques très structurées les entreprises d’Arthur et de Kevin. Au risque parfois de rendre sa prose confuse — quoiqu’irréprochable — et de peut-être perdre en route quelques lectrices et lecteurs.



Comme il faut bien émettre une réserve, j’ai trouvé que les commentaires sur Le Petit Lutetia auraient pu être drôles sans être méchants. Dans cette brasserie se sont croisés pendant deux ou trois ans les mondes de la politique, des affaires, du showbiz et de la mode. Le spectacle était amusant, on y dînait pas mal. Gaspard Kœnig a probablement été un jour mal reçu. Le patron savait-il qu’il avait affaire à un futur postulant (ou presque) au poste suprême de la République ?


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Humus

«Sans vers de terre, plus de terre»



Gaspard Koenig, au meilleur de sa forme, nous offre une satire des milieux économiques et écologiques en imaginant deux ingénieurs agronomes désireux de sauver la planète. Mais Arthur et Kevin vont avoir bien de la peine à réussir dans une France éco-anxieuse. La terre n’a pas fini de souffrir.



Marcel Combe a trouvé en Arthur et Kevin deux étudiants passionnés par son cours sur le ver de terre, qu’il trouve plus précis d’appeler lombricus terrestris. Cet inépuisable retourneur de terre pourrait bien être le sauveur de l’humanité. Comme leur professeur, ils sont persuadés que «le productivisme agro-industriel avait ruiné la fertilité naturelle ; et l’humanité était parvenue à détruire en quelques décennies le subtil équilibre obtenu par des millions d’années d’évolution biologique.» Ce que le scientifique résumait de cette formule: «Sans vers de terre, plus de terre.»

Impressionnés par leur nouveau savoir, les deux garçons vont se lier d’amitié et décider de leur consacrer toute leur vie. Mais pas du tout de la même manière. Après leurs années d’études à AgroTech Paris-Saclay et à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, l’INRAE, les deux ingénieurs agronomes vont voir leurs chemins se séparer, même si tous deux croient en la terre pour sauver la planète.

Arthur, le fils d’avocat parisien, choisit de partir avec Anne s’installer dans le bocage normand. Il avait rencontré cette «brune au corps débordant, avec une bouille ronde et jolie qu’elle s’efforçait maladroitement de profaner (..) prête à tout pour s’encanailler et qui professait l’anticapitalisme» lorsqu’elle était étudiait à Sciences-Po. Avec son écolo-rebelle, il va faire la dure expérience du passage de la théorie à la pratique dans des sols brûlés par des années d’épandage de pesticides en tous genres. Car les néo-ruraux sont déterminés à mettre en œuvre une agriculture raisonnée, avec des techniques qui n’appauvrissent pas la terre et, bien sûr, sans chimie. En s’inspirant du cours de Combes, il va commencer par chercher les vers de terre dans le sol, à partir d’un mètre carré de test. Mais le résultat de sa «régénération lombricienne» est bien décevant. Le voilà contraint d’essayer autre chose. Il ensemence sa prairie. Mais loin de lui l’idée de demander conseil aux agriculteurs locaux, considérés comme héritiers de pratiques qui ont conduit au désastre écologique. Le productivisme, très peu pour lui. Peut-être que la petite épicerie bio de Laurent et Maria pourrait lui offrir un modèle, ayant finalement réussi à perdurer avec son idéal de décroissance. Anne semble du reste séduite par leurs idées et rêve de faire de leur propriété un modèle autosuffisant.

Kevin, quant à lui, veut rester à Paris, sans doute pour se prouver qu’un enfant de la classe ouvrière peut réussir. Dans la capitale, lui qui ne veut rien savoir du mariage et préfère les liaisons éphémères, se rêve entrepreneur. Sa start-up va produire des vermicomposteurs design. Il imagine déjà des usines un peu partout en France pour produire des millions de vers de terre capables de digérer des millions de tonnes de déchets. Mais il peine à trouver des capital-risqueurs pour financer ses premiers modèles. Puis il rencontre Philippine, qui s'enthousiasme pour son projet plus que pour ses performances sexuelles. Elle va lever des fonds et offrir à Kevin un poste de directeur dans l'usine qu'elle a réussi à financer, persuadée que malgré son ophiophobie, la théorie darwinienne était juste: «le lombric est l’animal le plus important de l’évolution naturelle». Ensemble, ils vont réussir à lever des fonds dans la Silicon Valley.

Gaspard Koenig a su trouver le ton idéal pour ce roman, entre idéalisme et dérèglement climatique, entre défense de la biodiversité et capitalisme conquérant. La satire convient parfaitement aux grandes envolées lyriques de ces deux héros imaginant ne pas se laisser entraîner dans l’éco-anxiété ambiante mais bien décidés à sauver la planète. Eux viendront démontrer, chacun à sa place, qu’il n’est pas trop tard ! Mais loin du manifeste écolo, l’auteur montre bien les paradoxes de cette transition écologique plus rêvée que concrètement mise en œuvre. Roman d’une génération inquiète, Humus esquisse des réponses, mais livre surtout un constat : il est vraiment temps d’agir !




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