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Critiques de Georges Bataille (112)
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Le procès de Gilles de Rais

Gilles de Rais , dont le père est décédé sur le champ de bataille d’Azincourt en 1415 , fut Marechal de France et le compagnon de Jeanne d'Arc , le Duc d'Anjou et aussi seigneur en Bretagne , comme ailleurs en France .

Grand seigneur de l'ouest donc.

Pour résumer , il fut ainsi détenteur de fiefs stratégiques , car finalement au voisinage de trois puissances , Bretagne , Domaine royal et roi de France et enfin de l’Angleterre .



Cette histoire du procès de Gilles de Rais par un historien compétant est à mon humble avis le seul texte qui permet d’approcher de façons méticuleuses toutes les problématiques qui se croisent autour de Gilles de Rais ( ce n’est pas une biographie ).



Ce seigneur fut un grand personnage public et il fut aussi le véritable Barbe Bleue de la légende .

C'est le procès des agissements d'un seigneur que ce livre et c'est donc de fait , une histoire politique ( au sens large ) , qui va de Azincourt en 1415 , jusque le décès de ce personnage de premier plan en 1440 .



On appréciera au passage le regard que porte l'auteur sur le moyen-âge .

Un regard cru , loin des clichés , où le lecteur découvrira intimement à quoi tient le statut de noble et le rapport qu'il entretient avec la terre en bénéfice avec les droits et les devoirs qui découlent de ce statut du point de vue local de la seigneurie banale , comme de celui de la haute politique .

A cette époque la noblesse est encore un acteur indépendant et majeur , à côté des rois et de l'église catholique .



Le lecteur arpentera donc ici les allées des crimes et des impunités dues au pouvoir et les exigences morales qui obligeront l’église et son bras séculier , le pouvoir royal , à agir contre le seigneur de Retz .



Gilles de Rais fut un seigneur flamboyant et bien titré , toujours volontaire pour chevaucher , mais largement désargenté . Ce seigneur et Duc , s'employa obsessionnellement à l'alchimie pour renflouer ses caisses , mais les éléments étaient véritablement obstinés à ne pas devenir autrement que ce qu'ils étaient de prime abord , et ainsi l'or n'apparut pas , malgré des invocations aussi ardentes que les méthodes de recherche employées étaient aussi élaborées et que la démarche devenait de plus en plus obsessionnelle .



Il fut , n'en déplaise à des tentatives de révisionnisme , un assassin d'enfants en grand nombre , un véritable meurtrier affamé de meurtres .

Un meurtrier dont la position sociale retarda le moment de la punition , en autorisant le crime et en nourrissant de surcroit abondamment la légende .

L’histoire est en effet ici à la hauteur de la légende ( de Barbe Bleue ) , comme en atteste crument les archives qui sont terriblement abondantes et éloquentes .



Le procès fut rondement mené , le brutal et rapide dénouement de cette lancinante et douloureuse affaire , est aussi étonnant que bien approché par l'auteur .



C'est un peu une biographie très teintée d'histoire politique que cet ouvrage , qui de surcroit livre énormément de paroles et de matière directement issue des acteurs de ces drames et tragédies .

C’est principalement aussi et c’est fascinant , de l’ethno-criminologie qui décevra forcément ceux qui serait à la recherche d’une biographie plus générale sur la vie de ce meurtrier en série .



C’est incontestablement un ouvrage de qualité donné par un juriste , un criminologue et un historien qui reprend l'histoire de Gilles de Rais, selon l'angle de la criminologie ainsi que selon celui de la justice médiévale , selon celui de l'histoire ecclésiastique , et enfin selon celui de l’histoire des mentalités également . C'est un ouvrage qui va au-delà de son sujet , qui permet de saisir l’âme d’une époque , dans ce qu’elle peut avoir de plus confidentielle et d’intime , c’est à dire de ce qui se tient dans les rouages de la pensée des individus , quasiment saisis en instantanés par les documents.



Sincèrement , si vous souhaitez accompagner le légiste et criminologue dans les méandres de la pensée et des agissements de Gilles de Rais , munissez-vous de patience , de beaucoup d'endurance , c'est très difficile d'aborder le sujet de front . Même sans entrer dans la description détaillée de l'insipide , ainsi que malgré les temps lointains où se déroule la tragédie : il est difficile de se frotter au sujet tant il est affectivement éprouvant car alimenté constamment par une véritable horreur hallucinante .



Ce naufrage sanglant est évoqué par des éléments assez bien documentés , intimes et méticuleux , sachez , que le seigneur de Retz fut un pédéraste forcené , qui est allé très loin dans le délire et qui a tué des enfants en grand nombre à l'ombre de la folie la plus sordide et dans la plus grande souffrance aussi , et selon des modalités tristement sophistiquées .



C’est pire qu’un roman d’horreur et en même temps c’est toute une époque qui s’exprime .

Ambiguës nécessairement comme impressions de lectures .



Ce texte existe en grand format et en poche , je le souligne pour conclure .

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Ma mère

Jouir jusqu'au bout. Absolument. À mort. C'est le leitmotiv de ce live hallucinant que Georges Bataille a laissé inachevé.

L'auteur a poussé loin, et même au-delà, l'esprit du tabou et de la transgression. Il vous décortique la lumière noire de la débauche, portée par une écriture serrée, élégante et fiévreuse... Et ce que d'aucun qualifieront de ténèbres, éclairent le lecteur curieux et débarrassé un instant de ses préjugés.

L'amour-plaisir, à l'encontre d'une morale étranglée par l' église, laisse entrevoir le portrait du Dieu terrible et primitif d'avant les religions. L'amour issu, pour cette mère friponne et atypique, d'un grenier et des bois.

Le fruit de ce plaisir, c'est le fils Pierre. L'œuvre doit être achevée, par l'initiation à la perversion la plus débridée... Mais le fils ne peut-être copie de la mère.

Ce récit va encore longtemps tourner dans ma tête.

Un livre, Ma mère, non essentiel mais fort indispensable.
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Ma mère

Ce roman inachevé de Georges Bataille traite d'une relation mère/fils dérangeante, incestueuse ou le fils est sous l'emprise de la mère.

Pierre a 17 ans son père qu'il déteste meurt.

Sa mère à qui il voue un culte depuis le plus jeune âge, qu'il vénère comme une sainte va lui montrer un autre visage de sa personnalité qui la déborde. Elle va lui faire découvrir son monde ou il n'y pas de limite à la débauche. Elle va l'initier à sa perversion ou se mêle l'extase, l'angoisse, la honte, la jouissance, et le dégoût.

On ne ressort pas indemne de cette lecture puissante, psychologique, à l'atmosphère glauque, accompagnée d'une très belle écriture.
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Le Bleu du ciel

Bataille, c'est l'obsession de l'érotisme et de la transgression dans un horizon de médiocrité, de petitesse et d'aigreur.

Comme il l'écrivait dans l'avant-propos à L'expérience intérieure :



« N'importe qui, sournoisement, voulant éviter de souffrir se confond avec le tout de l'univers, juge de chaque chose comme s'il l'était, de la même façon qu'il imagine au fond, ne jamais mourir. Ces illusions nuageuses, nous les recevons avec la vie comme un narcotique nécessaire à la supporter. Mais qu'en est-il de nous quand, désintoxiqués, nous apprenons ce que nous sommes? Perdus entre des bavards, dans une nuit où nous ne pouvons que haïr l'apparence de lumière qui vient des bavardages. »(10)



Cet état d'existence qu'il explore de manière qui paraît si authentique qu'il sera compris comme un malade nécessitant des soins par Breton (qui en a pourtant vu d'autres), voilà qu'il l'expose ici par le biais d'un roman au titre on ne peut plus trompeur.

Le titre est en effet l'antithèse du contenu de la trame principale du roman, consacrée à la noirceur la plus plate et déchéante qui soit.

Lorsque quelque chose comme un « ciel bleu » apparaît tout de même, c'est par le biais de personnages secondaires féminins qui croisent la route du personnage principal et à chaque fois, c'est pour être contaminé, sali, rabaissé et finalement rejeté à l'extérieur des possibilités actualisées par le personnage principal.

Manifestement, pour Bataille, la femme comporte quelque chose de beau, de bien, de saint qui doit être rabaissé, traîné dans la boue, maltraité. Chacune des femmes qui croise sa route est détentrice d'une qualité (beauté physique pour Dorothée (surnommée Dirty dans le roman)), empathie pour Xénie (nom qui évoque l'étranger, l'extérieur), implication politique idéaliste pour Lazare (qui ne ressuscite pas d'ailleurs) que le personnage s'ingénie à entraîner dans son désarrois vers quelques mauvais quarts d'heures de mal être profond.

Rien ne résume mieux le contenu du roman que la citation suivante :



« Un soir, à la lumière du gaz, j'avais levé mon pupitre devant moi. Personne ne pouvait me voir. J'avais saisi mon porte-plume, le tenant, dans le poing droit fermé, comme un couteau, je me donnai de grands coups de plume d'acier sur le dos de la main gauche et sur l'avant-bras. Pour voir... Pour voir, et encore : Je voulais m'endurcir contre la douleur. Je m'étais fait un certain nombre de blessures sales, moins rouges que noirâtres (à cause de l'encre). Ces petites blessures avaient la forme d'un croissant, qui avait en coupe la forme de la plume. »(149)



Ces méchants chapitres défilent en effet comme de petits coups sournois sur l'âme bonne, sur l'esprit serein, sur l'existence saine, pour en faire gicler le sang en le maculant d'encre noire et sale.

Bref, ce roman sans âme, souillé, rance, où la déchéance est si complète et dénuée de grandeur qu'elle en devient franchement ennuyante saura à coup sur affecter la bonne humeur la plus radieuse et ne décevra certainement pas son lecteur averti.
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Poèmes et nouvelles érotiques

Me voici avec des sentiments mitigés, selon celle que je suis.

Suis je double !

Moi, celle qui se doit d'être BCBG , une étiquette bien collée dès mon plus jeune âge, étiquette indécollable, indécrotable, indélébile qu'au fil des années j'essaie difficilement de décoller (un peu !) afin d'être enfin MOI telle que je suis vraiment multiples et qui se cherche et qui se trouve parfois !



Quel choc ces poèmes et nouvelles érotiques de Bataille, que de mots crus et "culs" qui choquent, bousculent, renversent !



Mots qui nous font découvrir un autre Univers, celui des sens dans tous les sens du terme ; celui des jouissances intenses voire intolérables, mais tellement attirantes et inimaginables ; puissantes, violentes où les corps se découvrent, se cherchent, se mélangent, s'introspectent, se blessent, saignent, Jouissent !



L'amour physique qui côtoie le Toujours, le Encore, le Plus jusqu'aux limites de l'Indélimitable !



ça peut être fortement dérangeant !



Ce fut une découverte de plus dans mes lectures inhabituelles et je me suis surprise à :

- sucer les mots comme un bonbon défendu,

- tendre mon corps à plus d'Indécentes Imaginations,

- imaginer le goût des sucs des corps emmêlés,

- transpirer de leurs désirs et leurs plaisirs inassouvis et de leurs extravagantes et délirantes gymnastiques sexuelles et sensuelles.



En bref, j'ai apprécié n'en déplaise aux biens pensants !



Sans jugement de bien ou de mal , propre ou sale, limite ou no limit !



Découvertes indécentes mais tellement humaines.



"Toute la mise en oeuvre de l'érotisme a pour fin d'atteindre l'être au plus intime, là où le coeur manque".

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Ma mère

J'adore Bataille ! Cette propension qu'il a de nous mettre le nez dans notre m...

Et oui, la Mère dont il s'agit va initier son fils au sexe, à la dépravation et pour finir à l'inceste, laissant son fils complètement désemparé. Il fallait l'imaginer ! Seul Sade aurait pu y penser.

J'aime cette littérature qui va au bout de l'Humain, au-delà du bien et du mal, au-delà de notre société bien pensante de consommateurs ahuris.

Outre que ce livre est un chef-d’œuvre d'écriture - la dépravation de ce pauvre garçon est toute graduelle et j'oserais dire en finesse - la pensée qui l'accompagne ne devrait jamais être perdue de vue : l'Humain est capable de tout ! Un livre à mettre dans (presque) toutes les mains.
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L'Archangélique et autres poèmes

Si l'on prend le temps, en lisant les notes, de jouer à l'exégète des brouillons, l'on percevra combien Bataille a bataillé pour dépouiller ses vers de toute évidence, pour comprimer le sens jusqu'à ce qu'il se révèle sous un nouveau jour, polysémique, difficile à appréhender sinon à lui inventer les liens qui n'y sont point. Poésie en forme de squelette donc traitant des limites du corps, squelette de l'esprit, de la vie, du langage... limites toujours à transgresser afin de les reconnaître.



De ce squelette naît donc à la fois l'exigence d'une attention sérieuse et celle du pouvoir de se laisser couler le long de la ligne de l'indépassable : la mort mais aussi le précipice de l'excès des passions, l'inacceptable obscénité des souillures pour pourfendre la poésie et la rendre à cette autre forme de langage qu'est l'expérience intérieure de l'au-delà, vraie poésie au-delà du langage.



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Poèmes et nouvelles érotiques

Georges Bataille a renoncé à sa vocation de prêtre.

Son défoulement sexuel devint alors proportionnel à sa chasteté initiale et comme si il fallait encore relier ces deux thèmes extrêmes, il mixte à la façon d’un DJ : sexe et religion.



Il rajoute du sang et vous avez des poèmes détonnant de cul, une sorte de pornographie cléricale où la croix est fichée à l’envers et l’urine coule le long.



Si vous voulez repousser vos limites érotiques, puisez alors dans les poèmes sulfureux de Bataille qui sera généreux pour vous inspirer.

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Le Bleu du ciel

Écrit en 1935, ce court roman ne sera publié qu’en 1957. L’auteur, dans l’Avant-propos, affirme avoir renoncé de lui-même à faire publié le texte dans les années 30, mais encouragé par des amis qui trouvaient de l’intérêt au texte, il finit par le présenter au public, même s’il considère que les événements survenu depuis l’écriture du texte ont diminué sa pertinence « devant la tragédie elle-même, quelle attention prêter à ses signes annonciateurs ? »



Parce qu’en effet, on peut lire le texte en partie comme prémonitoire des guerres et horreurs à venir en Europe. Henri Troppmann, le personnage principal et narrateur semble être un riche oisif, marié avec une femme que nous ne verrons jamais, et qui se livre à des excès divers, en particulier avec sa maîtresse, Dirty. Le livre commence à Londres, dans un bouge, puis dans un hôtel, dans lequel Dirty et Troppmann se réfugient, dans un état plus que lamentable, et se livrent à des excès. Le reste du roman est une sorte de fuite en avant, à travers le continent européen. Finalement, le narrateur, abandonné par Dirty, se retrouve à Barcelone, juste avant le début de la guerre civile. Il arrive à y faire accourir Xénie, une jeune femme rencontrée à Paris, sur laquelle il a assis son emprise, bien qu’il ne lui ai pas caché grand-chose de ses turpitudes (impuissance, nécrophilie etc). Et Dirty s’apprête aussi à le rejoindre, ce qui provoque une situation pour le moins compliquée, dans un monde en train de s’embraser. Le livre se clôt en Allemagne, à la fois sur les excès du couple, et sur la violence qui monte dans le monde.



Il y a sans aucun doute le désir de choquer, de provoquer le lecteur chez Bataille, même si actuellement tout le contenu sulfureux est devenu bien plus banal qu’au moment de l’écriture du livre. Plus intéressant est le personnage de Troppmann, qui se débat dans l’absurdité du monde, auquel correspond un vide intérieur. Comme les excès et cruauté du personnage renvoient à la violence et aux excès du monde dans lequel il évolue. Cela annonce d’autres personnages du même acabit, comme le Meursault de Camus.



Ce n’est sans doute pas complètement convaincant, mais il y a des sortes d’intuitions, d’annonces, de fulgurances qui rendent le livre intéressant.



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Les larmes d'Eros

Que dire de plus que les critiques qui précèdent à propos de ce dernier opus d'un George Bataille vieillissant ? Art, érotisme, violence et mort, ce cocktail fondateur de sa pensée ne devait-il pas avoir un goût un peu plus amer pour cet écrivain philosophe qui voyait sa fin venir ?

A-t-il, quand le moment est venu, pu éprouver cette vérité de "la mort qui se dérobe au moment où elle se révèle" ? A-t-il, lui le premier, lui seul, démêlé cette "contradiction obscure" sans pourtant pouvoir - et pour cause - nous la partager ?
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Histoire de l'oeil

Livre culte, inclassable. Ni érotique ni pornographique, ni d'ailleurs entre les deux. Et pourtant les descriptions de sexe gore et parfois franchement, argh, dégoûtantes (pourtant je ne suis pas bégueule) y foisonnent. Peut-être l'auteur l'a-t-il voulu comme une forme de catharsis ou encore une exploration de l'indicible frontière séparant l'horreur du sublime...

Je ne l'ai lu qu'une fois, il y a longtemps, et il y a peu de chances que je le relise. Pourtant j'en garde le souvenir d'une lecture importante, sans vraiment pouvoir me formuler pourquoi (et dans ce cas-ci ce n'est peut-être pas important de le savoir) et ce bouquin conserve une place de choix dans ma bibliothèque...
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Les larmes d'Eros

Avant l'essai, des lettres de Bataille nous sont données à lire : un Bataille dépressif, pour lequel cet essai est fondamental.

Relativement court, mais très (trop ?) dense, ce texte cherche à mettre en lumière "la petite mort".



"Le sens de ce livre est, en un premier pas, d'ouvrir la conscience à l'identité de la "petite mort" et d'une mort définitive. De la volupté, du délire de la mort sans limites."



Plusieurs figures sont analysées dans cet essai : Bataille part de la naissance d’éros et nous emmène jusqu'aux Surréalistes. Entre les deux, une multitude de notions s'enchaînent sans que le lecteur ne parvienne toujours à s'y retrouver... Ainsi, il est question de La Conscience de la mort, de la mort et du "diable", viennent ensuite les hommes préhistoriques et les cavernes peintes. Plus tard, Le Travail et le jeu sont analysés, puis La Fin, c'est-à-dire de l'Antiquité à nos jours où Dionysos intervient et revient avec l'idée de transgression et de fête (entre les deux, Bataille analyse notamment le travail, l'esclavage et la prostitution...).

Et cela n'est pas tout : l'auteur convoque Sade, Goya, Delacroix et quelques autres grandes figures... en moins de 70 pages (!) ... pour toujours montrer et chercher à démontrer ce lien fort et indéfectible, pour Bataille, entre l'érotisme et la mort.

Y parvient-il ? L'analyse plus profonde de certains thèmes abordés aurait-elle été plus décisive et convaincante que cette "série" de figures parfois effleurées ?



"Cette vérité, sans doute, n'a pas cessé de s'affirmer. Pourtant, si elle s'affirme, elle ne cesse pas d'être dérobée. Tel est le propre à la fois de la mort et de l'érotisme. L'une et l'autre en effet se dérobent : ils se dérobent dans l'instant même où ils se révèlent...

Nous ne pouvions imaginer contradiction plus obscure, mieux faite pour assurer le désordre des pensées."







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Ma mère

L'oeuvre inachevée de Georges Bataille : ma mère, n'est pas à mettre entre toutes les mains. Il s'agit comme toujours de littérature érotique, certes, mais celle-ci aborde un sujet tabou : l'inceste.

Là où le bas blesse, c'est que ce tabou de base va servir de tremplin au reste du récit. Les esprits les plus sensibles sont priés de s'abstenir de ce genre de lecture ! Pour les autres... On ne ressort jamais indemne d'une lecture de Bataille. Cet homme a un don pour mettre en lumière les recoins sombres de votre être. Et plus c'est sombre, plus vous allez le suivre...



Sans s'apesantir sur le fond, la forme est aussi intrigante. Le style de Bataille est d'ordinaire composé de phrases courtes, percutantes. Ici, la part belle est donnée aux longues phrases souvent alambiquées. Bref, nous sommes dans les brouillons de Bataille. J'ai compris en lisant ce livre, que son travail de relecture et de correction devait être aussi important que celui de Baudelaire.



Même si cela n'est pas une oeuvre majeure de Bataille, les amateurs du genre devraient apprécier.
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La mutilation sacrificielle et l'oreille co..

Dans ce court essai, Georges Bataille s'intéresse à l'automutilation de Van Gogh. Faisant le rapprochement avec le cas de Gaston F. qui s'est arraché un doigt avec les dents (cf. le 2nd texte du livre), l'auteur considère l'acte du peintre relevant du rite sacrificiel. Évoquant la propitiation, les orgies sanglantes de certaines sectes religieuses, la circoncision et l'ablation du doigt dans certains pays du monde, Bataille explique que l'automutilation serait pour le sacrifiant une immense liberté dont peu de gens ont joui comme Van Gogh l'a fait : " Toutefois, il est permis de douter que même les plus furieux de ceux qui se sont jamais déchirés ou mutilés au milieu des cris et de coups de tambour aient abusé de cette merveilleuse liberté autant que l'a fait Van Gogh : allant porter l'oreille qu'il venait de trancher précisément dans le lieu qui répugne à la société. Il est admirable qu'il ait ainsi témoigné d'un amour qui ne tenait compte de rien et en quelques sorte cracher à la figure de tous ceux qui gardent de la vie qu'ils ont reçue l'idée élevée, officielle, que l'on connaît." (p.31).



Ce texte est une nouvelle preuve de la fascination que Van Gogh a exercé sur les esprits. Nombreux sont d'ailleurs les hommages qui ont été portés au peintre à titre posthume. Le mystère qui se dégage de sa personnalité fascine. On l'a dit fou. On l'a interné. Antonin Artaud a accusé la société de l'avoir tué (cf. Van Gogh ou le suicidé de la société). Mais pourquoi s'est-il coupé l'oreille ? Est-ce que cet acte, pour nous le signe d'un être dérangé, torturé, était-il vraiment insensé ? Pour Bataille il s'agissait d'un acte prémédité qui " représenterait l'intention de ressembler parfaitement à un terme idéal caractérisé assez généralement, dans la mythologie comme dieu solaire, par le déchirement et l'arrachement de ses propres parties." (p.16). Si les mystères qui auréolent cette mutilation restent entiers, Bataille est persuadé que la mutilation de Van Gogh est volontaire et qu'elle est la manifestation d'un esprit aliéné et cynique : "Cependant l'oreille monstrueuse envoyée dans son enveloppe sort brusquement du cercle magique à l'intérieur duquel avortaient stupidement les rites de libération. Elle en sort avec la langue d'Anaxarque d'Abère tranchée avec les dents et crachée sanglante à la figure du tyran Nicocréon, avec la langue de Zénon d'Élée crachée à celle de Demylos... l'un et l'autre de ces philosophes ayant été soumis à d'effroyables supplices, le premier pilé dans un mortier."(p.31-32). Cette courte analyse est intéressante mais pas incontournable. Lisez-la si vous en avez l'occasion. Par contre, je trouve son prix un peu excessif.
Lien : http://livresacentalheure-al..
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Le Bleu du ciel

Avec ce genre de texte, on ne se pose plus la question de savoir si c'est bien écrit... C'est écrit ! C'est-à-dire que c'est risqué, je suis du même avis que Bataille en ce qui concerne les œuvres méritant d'être lues et les autres.. La différence est affaire de nécessité, d'urgence ; si l'on s'assoupit (à la lecture ou pendant l'écriture..), c'est raté !
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Le Bleu du ciel

Ecrit en 1935, mais paru en 1957, Le Bleu du Ciel annonce la Seconde Guerre mondiale qui ébranlera encore une fois toute l'Europe. On suit le narrateur, Henry Troppman, dans ses pérégrinations à travers l'Europe et ses désirs morbides, ses souffrances nauséeuses. Des bouges de Londres aux cabarets de Paris, des insurrections communistes de Barcelone aux défilés nazis de l'Allemagne, ce roman est un long cauchemar parsemé de quelques lueurs d'espoir. Henry Troppman annonce le Meursault de Camus ou le Corentin de Sartre, des êtres un peu perdus face à l'absurdité du monde, dégoûtés par les horreurs de la réalité. Mais plus qu'un simple regard lucide et froid sur notre condition, le personnage de Bataille fusionne les pulsions de mort et de vie, allie Éros et Thanatos.
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Le Bleu du ciel

« Le bleu du ciel », écrit en 1935 mais publié dans son intégralité qu'en 1957, est un récit assez étrange parce qu'il n'y a pas de réelle évolution de la narration entre le début et le dénouement de l'histoire. On est très loin, ici, d'autres de ses œuvres obscènes tel que « Histoire de l'œil ».



On pourrait penser justement, en lisant l'introduction, que l'auteur succomberait encore une fois à ses vieux démons d'écriture, lors de cette soirée d'ivresse dans la chambre d'un bouge des plus crasseux d'un quartier de Londres, entre le narrateur Troppmann et sa femme surnommée Dirty.

Puis arrive la première partie et l'intrigue se resserre uniquement sur Troppmann à Paris et de sa rencontre avec Lazare, une femme pour laquelle il ne ressent aucune attirance aux premiers abords mais avec qui va finalement se nouer une amitié si l'on peut dire. Enfin, Il rencontrera, lors d'un dîner, Xénie. Son dégoût de lui-même ainsi que son instinct bilieux le mèneront jusqu'à Barcelone, en pleine guerre civile, là où sa femme le rejoindra dans un état aussi misérable que lui. Étrangers en partie de ce qui approche à grand pas, l'horreur de la seconde guerre mondiale, mais sous la nécessité de subir ses aléas, ils voguent de-ci de-là sur un torrent d'amertume et de douleur d'où ils se sortiront par la seule force de leur courage à vivre malgré tout.



On peut s'apercevoir que chaque protagoniste possède son lieu, son décor de prédilection : pour Troppmann et Xénie il s'agit de Paris, pour Dirty c'est toujours à l'étranger que ce soit Londres ou l'Allemagne et Barcelone pour Lazare.



L'un des meilleurs romans de Georges Bataille, et on comprend également pourquoi le cinéaste Jean Eustache s'en est inspiré en filigrane dans son film fleuve "La maman et la putain" car la mort, la terre et la cendre y sont présents à chaque page.
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La part maudite

Bataille décrit la manière dont, à l'instar de l'énergie produite par le soleil, la richesse produite par les hommes dans leur sphère d'activités multiples et variées suivant les civilisations et les époques (il s'intéresse aux aztèques, au potlatch, à l'islam et au Tibet) est vouée à la dilapidation au-delà de toute saisie utilitariste et rationnelle, saisie que la pensée économique moderne ne cesse pourtant de rationaliser à des fins utilitaires. Cette saisie, rendue rationnelle à l'aune de nos propres systèmes de valeur, est pour Bataille une supercherie, où pire, une croyance mortifère qui vogue à contre sens du flux de la vie.

Mais surtout, le tour de force de Bataille, dont j'ai pour l'instant de la difficulté à réaliser l'intuition, est cet élan qui traverse tout son essai. Pour lui, l'économie dont les motivations semblent les plus éloignées de toute recherche vers l'intériorité, vers la connaissance de soi, Bataille les lie ensemble. Il ose écrire un livre d'économie politique d'un point de vue mystique sans rattachement précis avec une tradition spirituelle définie. Bataille était très inspiré, et très audacieux aussi. Je trouve ça complètement dingue d'avoir eu cette audace…

Ce n'est pas de trouver des contre-exemples qui m'intéresse, parce que je pense qu'il est facile d'en trouver surtout si on reste ancré dans notre manière de comprendre les choses. Non ce qui m'intéresse, c'est de respecter suffisamment cette intuition (dont je trouve le cheminement très sensé, même s'il est très surprenant) pour la suivre et voir sur quoi elle débouche: vers quel horizon nouveau Bataille mène-t-il son lecteur? Ça je suis vraiment curieux de le découvrir avec ma propre assiduité de lecteur.
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La littérature et le mal

On ne fait pas, dit-on, de la littérature avec des bons sentiments. Pour Bataille, il semble même nécessaire que la littérature se tourne vers le mal, qu'elle l'explore jusqu'au bout, qu'elle s'en saisisse. Il étudie alors quelques auteurs qui s'y sont frottés, qui s'y sont parfois, en mots ou en vie, vautrés, sans que ce soit pour dénoncer le mal ou pour en dire du mal en vue d'un plus grand bien. Deux exemples peut-être sortent du lot. Bien entendu, Bataille évoque Sade, qui détaille le mal parce qu'il l'aime, qui s'enfonce sans frémir ou en frémissant de joie dans des horreurs qui lassent le lecteur, le mettent mal à l'aise, le bousculent par leur monotonie. Il évoque aussi Genet, le malfrat écrivain, celui qui s'adonne au mal et qui l'écrit pour être souverain, pour échapper à l'ordinaire de la morale, pour devenir sacré. Le mal en littérature, au fond, c'est le moment où les mots s'échappent du terre à terre pour se confronter au divin, pour vivre dans la page ce que des mots venus d'ailleurs interdisent, pour affirmer une liberté sans limite.
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Madame Edwarda / Le mort / Histoire de l'œil

Etranges, dérangeants et obscènes, voilà ce que l’on serait tenté de penser à la lecture de ces trois nouvelles de Georges Bataille. Les textes ont pour point commun la sexualité et la mort poussées à leur paroxysme. La transgression comme moyen de dépasser notre condition humaine revêt chez Bataille un parfum de scandale et de blasphème. On sent chez l’auteur une fascination pour la cruauté et la façon dont il met en scène ses obsessions peut paraître outrancière mais à relire attentivement les textes, on y découvre bien plus que cela. Madame Edwarda, Le mort et L’histoire de l’oeil peuvent au premier abord choquer les lecteurs par leur caractère pervers, scatologique ou pornographique mais ce qu’on y décèle relève d’une toute autre démarche : le plaisir sexuel et la douleur, tous deux intimement liés, relèvent du domaine du sacré. Ne pas le reconnaître, c’est ne pas se donner les moyens de comprendre la nature humaine...



« Penser ce qui excède la possibilité de penser, gagner le point où le coeur manque, les moments où l’horreur et la joie coïncident dans leur plénitude, où l’être nous est donné dans un dépassement intolérable de l’être qui le rend semblable à Dieu, semblable à rien. Tel est le sens de ce livre insensé. Les trois récits rassemblés ici sont l’expression la plus concise, la plus terrible exigence d’un homme qui avait voué sa vie et son écriture à l’expérience des limites. A travers le blasphème et l’indécence, c’est bien la voix la plus pure que nous entendons et le cri que profère cette bouche tordue est un alléluia perdu dans le silence sans fin.» (quatrième de couverture). Voilà pour justifier ces textes de Georges Bataille, la présentation de l’éditeur. S’il est vrai que le plaisir, la douleur et la mort constituent pour l’auteur un tryptique indissociable, il est en revanche difficile de comprendre par quel biais, Georges Bataille en arrive à ces conclusions. Son cheminement à la fois simple et tortueux soulève des questionnements, qui peuvent à la fois nous échapper et nous dérouter.



Madame Edwarda

Un homme rencontre Madame Edwarda au bordel. Attiré par cette femme au comportement plus qu'étrange, il la suit dans la nuit parisienne. Georges bataille explique en préface de ce texte (publié sous le pseudonyme de Pierre Angélique) que « nous ne savons rien et nous sommes dans le fond de la nuit. Mais au moins pouvons-nous voir ce qui nous trompe, ce qui nous détourne de savoir notre détresse, de savoir, plus exactement, que la joie est la même chose que la douleur, la même chose que la mort. » p.14 Cette course fantasque après Madame Edwarda se termine comme on peut le supposer, mal : « Ma vie n’a de sens qu’à la condition que j’en manque ; que je sois fou : comprenne qui peut, comprenne qui meurt...; » p.54. Ainsi que le souligne Georges Bataille dans sa préface, « Si le coeur nous manque, il n’est rien de plus suppliciant. Et jamais le moment suppliciant ne manquera : comment, s’il nous manquait, le surmonter ? Mais l’être ouvert - à la mort, au supplice, à la joie - sans réserve, l’être ouvert et mourant douloureux et heureux, paraît déjà dans sa lumière voilée : cette lumière est divine. » p.20



Le mort

Edouard meurt auprès de Marie, qui s’enfuyant nue dans la rue, se retrouve dans une auberge où elle se livre à la luxure avant de mourir.



L’histoire de l’oeil

Deux adolescents s’adonnant à des jeux sexuels pervers, entraînent la mort de la jeune Marcelle devenue folle. Leur départ pour l’Espagne en compagnie du curieux Sir Edmond les conduit à commettre les pires sacrilèges. Obsédé par l’oeil et l’oeuf, Bataille livre à travers ce texte, ses obsessions. Poussant le vice des adolescents à l’excès, l’auteur montre comment l’horreur et le sublime peuvent lorsqu’ils se rencontrent, dépasser notre intelligence. L’oeil, en tant qu’organe sexuel à part entière, prend dans ce texte une dimension surréaliste : les hantises de Georges Bataille s’invitent insolemment dans cette histoire et apportent au récit une atmosphère érotique (voire pornographique) des plus repoussantes et excitantes à la fois. Aussi scandaleux et immonde que puisse paraître ce récit, la fascination est là et la tension sexuelle qui s’en dégage, est des plus troublantes.



Le procès de Gilles de Rais (dont je recommande la lecture) avait exercé sur moi, la même fascination que L’histoire de l’oeil. Pourtant, je ne saurais dire si j’ai vraiment apprécié ces nouvelles. Probablement, que j’oublierai vite Madame Edwarda et Le mort. Quant à L’histoire de l’oeil, ce sera beaucoup plus difficile...
Lien : http://livresacentalheure-al..
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