AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Georges Perec (685)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La Disparition

Il lui a fallu plus d’un tour dans son sac, à GP, pour finir son ahurissant roman, gagnant ainsi son pari haut la main ! Bravo l’original ! Saluons son brio !

La Disparition, un roman parcouru sans jamais pouvoir voir un truc qui a disparu : « un rond pas tout à fait clos, fini par un trait horizontal ». Pas mal non pour un roman ? Plutôt couillu !

Pour ma part, j’avais lu son roman d’un coup, jusqu’au bout, sans souffrir, sans qu’aucun soupir n’ait pu trahir mon irritation.

Mais non, gros fanfaron… pourquoi vouloir ainsi discourir dans l’affabulation ? J’avais au bas mot lu un quart du roman, tout au plus ! Alors, basta, au final tout ça suffira pour la publication d’un post.

Il s’agit avant tout d’un roman racontant la disparition d’un quidam, Anton Voyl. Son nom, à coup sûr, fait allusion au truc disparu.

Quant à la construction du roman, on dirait du polar (plutôt noir a priori, il y a un mort, puis moult assassinats).

La conclusion, pour finir : imagination puis fiction au pouvoir ! Alors pourquoi vouloir plus ? Allons-y ! Pour plus tard, au hasard dans vos discussions, pouvoir sans rougir sortir l'affirmation choc : « J’ai lu La Disparition… jusqu’au bout ! » Plaisir garanti !
Commenter  J’apprécie          18116
La Disparition

Il s’agit d’un roman inouï . Oui tout à fait inouï. On pourrait tout aussi grossir un listing utilisant d'adroits qualificatifs, original, ahurissant, innovant, subtil, imaginatif, savant , surtout fort, brillant, troublant aussi.



Imaginons-nous !

Savoir ainsi bâtir tout un roman sans jamais – ô grand jamais – saisir un trait si vital au patois du français, aux discours, aux allocutions, aux rapports, à la narration quoi !

G. P l'a fait ! Il l'a accompli son bijou. Un diamant parfait plutôt !

Pourtant on n'a jamais fait ainsi, un don jamais transcrit par nul distinct scribouillard. Aucun n'imita son art.



G.P fut un grand clown ravissant aux mots, un bouffon parfait pour son sport moral mais toujours amusant ; sa composition.

Pour l'individu qui n'aurait pas compris, tout un roman sans l'important truc qui surgit avant F, oui, oui ! Mais si, l'absolu signifiant machin qui nait à l'aval d'A, B, C, D ..

G. P disait : «  un rond pas tout à fait clos, fini par un trait horizontal »



Mouais, tout un bouquin sans ça ! G.P l'a produit !! Trop fort !

Il a du avoir la passion par son travail fourni, un travail colossal mais amusant, gratifiant, où il faut bannir un mot, non pas qu’un, mais à foison, car dans son corps, il a un rond pas tout à fait clos. Il s’agit d’un boulot long mais jouissif lorsqu’on a su ou pu saisir un bon nom puis un prochain garantissant un final accompagnant la loi qu’on poursuit.

Il n'a pas bâti son roman d'un coup, durant un jour ou dix. Non. Il lui a fallu pas moins d' hardis longs mois pour sa fabrication.

Moi, j'ai pris un grand plaisir à agir ainsi, brandir tout un roman ainsi j'aurais voulu (j'ignorais qu' Yoda fut parmi nous), j'aurai voulu accomplir à l’instar d'un GP son roman mais il l’a saisi avant moi.

L’imitation apparait toujours un art à abolir pour un bouquin. Puis, j'aurais construit un roman tout pourri. Garanti.



GP incorpora cinq, six, huit, ou plus champs hors français dans son polar. On y voit : anglais, maths, bio, chansons, plagiats ou imitations d'un Victor Hugo, d'un Arthur Rimbaud, maints trucs marrants plus ou moins. A l'introduction, on dit amusant, distrayant. À la fin ça parait assommant.



Alors passons à mon opinion. Hou là là , ça fait snob, pardon.

* Primo, il s'agit d'un bon polar, pas parfait mais sain dirons nous. Il n' y a ni sang, ni viol, ni intimidation. Un roman pourtant captivant mais ni angoissant ni bluffant, ni poignant. Ça vaut pas la glorification d'un "nous n'irons plus aux bois"  , mary higgins Clark, ou d'un Vargas,  ou d'un Chattam, d'un Thomas Harris, non ! Faudrait pas non plus qu'on trompât la nation ou nos amis d'ici.



* Puis, il y a un hic, la diction du roman paraît parfois bancal ou confus dirons-nous. Dans sa fiction, G.P …

- Un instant Pictura !

- Quoi donc ?

- T 'as fait un faux accord dans bancal ! Aussi dans confus. Oubli d'un …

- Mais abruti ! Tais-toi donc !

- T'as omis un ….

- Chut bon sang idiot !! Faut surtout pas promouvoir l'affirmation.

- Mais pourquoi donc ?

- Ahgrrr, tu fais chi.... BIPP

(On bannit ici gros mots discourtois plus tout un tas d'annotations d'un mauvais goût sur Bab )



Rattrapons nos moutons. On disait quoi ? Ah oui, la confusion du roman, l'approximation.

On dirait parfois du mauvais français, un mauvais gars qui aurait fait la traduction d'un manuscrit polonais tandis qu'il connait qu'un avoisinant picard. Profusion d'attributs, surplus vain d'ingrats noms. Pis ! Au dos du roman, la maison Gallimard saisit un bilan pas clair du tout. Trop ardu. Mal transcrit. On avilit son latin.

Mais bon, on s'y fait à la vocalisation du charmant bouffon.

On parcourt la fiction sans accroc, sans maux, du plaisir surgit, la maldiction (mot accompagnant la composition) nous saisit. Il faut voir la disparition à l'instar d'un sport, un loisir. Pour ça qu'avant, j'ai dit clown ou bouffon parlant du G.P . Chinons pas trop sur la grammaticalisation du roman, ni sur mon allocution aussi. Hum hum. Passons.



Discutons ici : suivant la loi du bouquin, pourrait-on bâtir tout distinct roman ?

A mon avis, on pourrait mais l’art parait trop dur, on bannit trop d’importants noms ou mots,  l’information mincit, puis du coup apparait un discours claudicant, branlant, maladroit. Un vrai torchon ! On a pourtant l'important droit d'avoir du bon français non ? Non au français approchant ou insignifiant. Voilà pour ma position.



Conclusion :

Un bouquin plus qu’original, hors clou, un grand roman français. J’ai un discours vantant son action, qu’il soit anobli G.P ! J'suis fort satisfait ou ravi du travail accompli par lui. Car sans faillir, il s'agit d'un grand champion, un caïd du mot, pas un plumitif (un bon dico vous dira la signification, moi j'ignorais jusqu'à un instant). Congratulations !





Post- Scriptum : Aspirant n'avoir pas fait un avis trop long, j'ai voulu fournir un tract sympa, clair (Sic !), sans ambition, souhaitant l'avis marrant, garantir un support sain dirait-on, amusant, sans saisir d'anormaux mots ou inconnus (mis à part plumitif, ca fait plaisir, lui G. P fait dans l'adoration).

Bon, Pictura, faut finir là. Saoulant à la fin. Zut alors !

A trop vouloir discourir, l'ami biblio fuit lui, sans affront, sans souci, sans tracas. Point final.



FIN

Commenter  J’apprécie          11622
La Vie mode d'emploi

Les listes ont quelque chose de rassurant. Elles nomment les choses, leur donnent vie et sans qu’il soit nécessaire de dire à quoi elles servent, elles peuvent suffire à décrire un monde ou à ouvrir des perspectives sur une multiplicité d’histoires, de vies.



On ne se lasse pas de parcourir celles dressées par un Georges Perec ironique et facétieux, celles qui nomment tous les objets d’un immeuble parisien. Les témoins de la vie de ses habitants racontant leurs histoires loufoques, tendres ou érudites qui nous font faire le tour du monde en prenant toutes les formes de la littérature romanesque.



Un roman vertigineux et magistral, une prouesse littéraire écrite selon les contraintes définies par l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), un groupe d’écrivains et de mathématiciens se définissant comme des « rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir ».

Commenter  J’apprécie          993
Les choses : Une histoire des années soixante

Jérôme et Sylvie sont jeunes et l'immensité de leurs désirs les paralysent. Ils succombent aux signes de la richesse ; ils aiment la richesse avant d'aimer la vie. Ils attendent de vivre, ils attendent l'argent. Mais cette passion, celle du mieux vivre les épuise, submergés qu'ils sont par l'ampleur de leurs besoins. Alors que peut-être ils se trompent ; ils sont en train de se perdre.



Jérôme et Sylvie nous montrent qu'avoir vingt ans dans les années soixante, quand on est enfants de petits bourgeois, et un tant soit peu intellectuel, c'est balancer entre un bonheur lié à une certaine richesse et un bonheur lié à un travail qui laisserait du temps pour se cultiver, faire ce que l'on aime, mais priverait de l'aisance financière. Un désir de posséder des choses qui serait donc une option envisageable comme source de bonheur, à condition de s'en donner les moyens, et de renoncer à une forme de liberté.



On l'aura compris cette réflexion sur le bonheur et la fascinante possession des choses, remarquable de modernité, a été inspirée à Georges Perec par sa jeunesse. Lui qui avait vingt-quatre ans en 1960 explique : « Il y a entre les choses du monde moderne et le bonheur, un rapport obligé. Une certaine richesse de notre civilisation rend un type de bonheur possible ... Ceux qui se sont imaginé que je condamnais la société de consommation n'ont vraiment rien compris à mon livre. Mais ce bonheur demeure un possible ; car, dans notre société capitaliste, c'est : choses promises ne sont pas choses dues. »



Challenge MULTI-DÉFIS 2020
Commenter  J’apprécie          924
Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cou..

Une pépite !

Georges Perec adore jouer avec les mots. C'est parce qu'il les connaît bien qu'il s'amuse avec les figures de style, les néologismes et les métaphores.



L'histoire tient en deux lignes mais l'auteur arrive à l'étirer sur 119 pages parfois hilarantes, en tout cas burlesques.



Une bande de copains se donne pour mission de faire réformer un pote de leur pote pour qu'il ne parte pas crapahuter dans les djebels de Sidi-Belles-Abbesses (sic). Leur pote, après sa journée réglementaire, circule sur un petit vélomoteur pétaradant (à guidon chromé) entre la caserne de son pote et l'appartement de ses potes qui ne connaissent pas son pote.



Son pote s'appelle Karatruc, ou chose ou Karamel ou Karalélipipède, bref, un nom indéfinissable un peu comme la Castafiore qui écorche sans arrêt le nom du capitaine Haddock.



Perec ne s'encombre ni de syntaxe, ni de grammaire et encore moins de concordance des temps. Il s'agite, il répète, il embobine, il embrouille, il ajoute, il asticote, il part, il revient, il repart. C'est très drôle et on se prend à son jeu avec une bonne humeur contagieuse.



Une liste des figures de style utilisées (ou non) dans l'opus, clôt cette partie de rigolade en s'arrêtant toutefois après le "p" pour éviter la méningite au lecteur qui se gondole.



Lisez-le et offrez-le, tout le monde aura la banane.

Commenter  J’apprécie          867
La Vie mode d'emploi

A.S. (Ante Scriptum).

Quand je ferai, pour la n.ieme fois, naufrage, je tacherai de sauver ce livre et de l'amener, sec ou detrempe, en l'ile deserte que j'essaierai d'atteindre a la nage.

Comment choisir les livres a sauver en premier? A chacun ses criteres. Moi je les choisirais d'abord bien gros, vu qu'avec ma chance je risque de rester fort longtemps abandonne a ma solitude (a moins que n'apparaisse un Vendredi de derriere un girembellier ou un latanier rouge).

Ce seront surtout des livres que je pourrai lire et relire, encore et encore, avec interet. Celui-ci, ce Mode D'emploi qui ne me servira de rien dans mon insularite, ce sera pour du plaisir pur et simple. Une masturbation cerebrale tres recommandee en longue periode de solitude (a moins que je ne decouvre un Jeudi cache dans des fougeres arborescentes).



A.S.2 (Au Secours!).

Je croyais entrer dans un immeuble parisien. Grosse erreur! Fatale! A peine franchie la porte cochere c'est la jungle! Il me faut franchir des amoncellements d'objets impenetrables a premiere vue. Enfouis dans les caves; dormant dans les combles; se dandinant (eux aussi?) dans les escaliers; se cachant derriere des portes ouvertes ou plutot fermees; franchissant des ponts-levis (j'ai des hallucinations); camoufles en armoires normandes, en bahuts d'un autre age ferres aux coins. Et chaque objet tient a etre connu et reconnu, dans ses plus infimes details, dans sa plus intime histoire, dans tous ses passages d'un maitre a un autre, dans toutes ses deformations causees par des mains malhabiles ou voulues par des esprits modernisateurs, et chacun m'assene en plus l'histoire et les devenirs de tous ceux qui l'ont manipule. Sauve qui peut! Comment franchir ce livre sans perdre la raison?



A.S.3 (Assistance Sociale).

Perec decrit les faits et gestes des habitants d'un immeuble parisien, sis au 11 rue Simon-Crubellier, pendant la journee du 23 juin 1975. Un immeuble de 5 etages, plus 2 de combles, plus 1 de mansardes. Une journee, de l'aube a 8 heures du soir. Et leurs gestes, leurs mouvements, leurs postures le long de la journee, et les objets dont ils s'entourent, et leurs facons de les arranger, de les deplacer, de les manier, de s'en servir, nous disent beaucoup plus sur eux qu'une quelconque analyse psychologique (que Perec fuit comme la peste). Je les ai sentis. Je crois les avoir compris. Comme tout lecteur qui ne saute pas les enumerations, qui ne passe pas outre les accumulations de details. Car c'est peut-etre ce qui les rend vivants, proches.



Une journee. Mais insidieusement Perec nous fait entrer dans toute leur vie anterieure, tout ce qui aboutit, sans pourtant toujours expliquer, a cette journee.

Un immeuble. Et par chacun de ses appartements, luxueux duplex ou mansardes de serviteurs, nous sommes amenes a connaitre non seulement ceux qui l'habitent en ce jour, mais aussi tous les locataires qui les ont precedes, depuis la construction du batiment fin 19e siecle. Cela fait une foule. Cela fait un monde. Un pan d'histoire, expose aux ignorants. Une civilisation, revelee aux mecreants. Qui se deploie en une multitude de details culturels, melangeant l'erudition la plus sophistiquee a la sagesse, a l'experience de vie la plus populaire; en une ribambelle de petites histoires, qui se cotoient, s'attirent et se repoussent, se provoquent, se melangent pour finir former les cent et une nuits francaises, les cent et une nuits occidentales en fait. Le puzzle du 20e siecle occidental.



Perec met beaucoup d'humour dans ses histoires. Beaucoup d'ironie, tournee parfois envers son propre vecu (comme quand les locataires de l'immeuble se demandent comment prononcer le nom d'un nouveau venu, un certain Cinoc: Sinoque? Tsinoc? Kinotch? Sinotz? Et le lecteur pense immediatement a un certain Georges, fils d'Itzik Peretz, que les passages d'un pays a un autre ont rendu Perecque). Mais aussi beaucoup de tendresse, beaucoup d'empathie envers ses personnages. En douceur il arrive a rendre les desirs, les peurs, les amours, les lubies, les obsessions de ces personnages non seulement comprehensibles, mais meme familiers. Nous en avons deja rencontre des semblables chez nos voisins, chez nos amis. Avouons-le, chez nous-memes? Perec nous a perces. Et son bienveillant regard confere aux etres et a la trivialite des choses dont ils s'entourent une densite inesperee. Presque tous ses personnages deviennent denses au fil des pages, depuis Bartlebooth, le richissime anglais qui veut depenser son argent et son temps en l'action la plus gratuite imaginable, dediant sa vie a ne laisser aucune trace, jusqu'a Smautf, son fidele valet, son gardien, son protecteur, son ami le plus cache.



A.S.4 (Avis aux Sceptiques).

La plus belle femme ne pourra etre belle aux yeux de tous. Ah! Pardon! le plus bel homme ne pourra etre beau aux yeux de toutes (il y a des moments ou je ne suis pas tres concentre).

Ce livre n'est pas concu pour provoquer un consensus. Il y aura (et il y a eu) surement des lecteurs, meme des plus reguliers, qui ne l'aimeront pas. Mais a mon avis tous sont tenus de l'essayer. Bon, tenus, tenus, disons pries, pour rester tant soit peu humble. Les 25 premieres pages (et peut-etre les 10?) suffiront pour decider si on veut defenestrer cet objet imprime ou en faire son compagnon de vie. Toutes voies legitimes. Ceux qui continueront connaitront, avec ces "romans" (oui, oui, au pluriel, comme c'est imprime dans la couverture de mon vieil exemplaire de poche), un plaisir etrange, insolite, truculent. Puissant. Le fort des halles a la Sorbonne.
Commenter  J’apprécie          8523
Un homme qui dort

« Un homme qui dort » décrit par le menu une non existence, la tentative de négation d'une vie par un homme à qui le narrateur s'adresse directement en lui disant tu, un étudiant de 25 ans pour qui tout commence dans ce récit par le refus de se rendre à un examen. Mais d'après mes rapides soupçons (confirmés par la 4ème de couv' elle-même), le narrateur s'adresserait à lui-même, dans un monologue schizophrène et sans aucune altérité, en l'absence de dialogues cela va de soi. La boucle est donc bouclée en ce qui concerne les personnages (1+1=1), dans une 'figure de style' finalement bien sentie. Sinon, tout semble être passé au crible le long de ses 150 pages qui peuvent paraître longues : les pensées, les actions, l'environnement, le quotidien, les promenades. De détails en... détails, de gouttes d'eau qui fuitent du robinet en striures au plafond de la chambre que le héros examine, le temps semble prendre l'essor d'un élastique infatigable qui revient inlassablement à sa position de départ. Sauf à la fin, où le narrateur prend conscience de la vacuité de son entreprise, comme dans une démonstration par l'absurde.

Au final le récit me semble très réussi, perché quelque part entre exercice de style et entreprise métaphysique, dans une adéquation entre fond et forme. De là à dire que cela m'a plu, il faudrait pour cela aimer la sensation de malaise amer et glauque qu'il m'a laissé en bouche.
Commenter  J’apprécie          844
Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cou..

C'est l'histoire d'un jeune militaire, un certain Kara quelque chose, qui en pleine guerre ne veut pas aller en Algérie. Prêt à tout pour cela (il imagine même se faire rouler sur un pied), derechef il s'adresse au maréchal des logis Henri Pollack, un de ses potes, qui lui-même demande à ses potes de l'aider à éviter à son pote l'enfer du djebel. En attendant, chaque soir, après sa journée au Fort Neuf de Vincennes, Henri Pollack enfourche son pétaradant petit vélomoteur (à guidon chromé) pour regagner son Montparnasse natal où l'attend sa bien-aimée.



À lire et à relire, un texte jubilatoire beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, puisque comme souvent Georges Perec se joue des mots, truffant son récit de syllogismes et de figures de style, dont il fait d'ailleurs à la fin du livre une liste, qui bien que non exhaustive est fort longue, et que paru en 1966 ce texte signe aussi l'engagement de Perec pour l'indépendance des colonies.



Challenge MULTI-DEFIS 2022



Commenter  J’apprécie          806
La Disparition

S’il fallait discourir à propos du roman La Disparition, il faudrait l’accomplir ainsi.

A sa façon, G. P. a agi pour l’innovation ou l’imagination dans la production d’albums.

Il nous a donc pondu un roman grinçant, agaçant, usant, torturant la plupart par l’omission, l’oubli d’utilisation d’«un rond pas tout à fait clos, fini par un trait horizontal», lui donnant un ton non commun.

Pour qui lit toujours un roman banal, La Disparition aura l’air d’un torchon.

Pourtant, jamais G.P. n’osa trahir un quidam connaissant son art, livrant à tout friand, un roman dur à haïr.

Pour ma part, il m’a abasourdi ; j’y ai pris grand plaisir.

Commenter  J’apprécie          802
L'art et la manière d'aborder son chef de ser..

Lecteurs, êtes-vous prêts pour le grand marathon ? Alors, on inspire…on expire…et on y va !

Car s’il est toujours difficile d’avoir "l’art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation", avec Georges Perec, la situation se corse d’autant plus qu’il n’y pas de ponctuation…

Sans virgule, ni point-virgule, ni point de suspension, encore moins d’exclamation, et donc sans point du tout, son récit, qui a tout d’une démonstration, est une seule et grande phrase s’alignant gentiment sur près de 80 pages.

Mais ah quelle phrase !

Une phrase qui recense toutes les possibilités qui pourraient advenir si d’aventure vous souhaitiez demander une augmentation à votre chef de service.

Est-il dans son bureau ? Ou non ? Et que faut-il faire s’il ne s’y trouve pas ? Attendre dans le couloir ? Aller voir Mlle Yolande ? «Faire le tour des différents services dont l’ensemble constitue tout ou partie de l’organisation qui vous emploie »?...

Une multitude d’éventualités, options, choix et autres alternatives que le génial Perec, avec un esprit tout mathématique doublé d’une imparable logique et d’une délicieuse fantaisie, inventorie point par point, évaluant à l’infini les divers obstacles rencontrés (et Dieu sait s’il y en a !) pour aviser ce fameux chef de service.

Répétitions, reprises, recommencements sempiternels - toutefois jamais à l’identique - offrent une lecture jubilatoire, rythmée, énergique, entraînante, vivifiante, revigorante…bref réjouissante.



Adepte des jeux littéraires, des contraintes grammaticales et des exercices de style aussi ardus que farfelus, l’auteur de la « Disparition » - véritable tour de force dans lequel la voyelle « e » n’apparait jamais - nous entraîne dans une folle équipée, une course effrénée qui nous laisse, au terme de la démonstration, certes un peu essoufflés mais avec le visage fendu jusqu’aux oreilles d’un grand sourire de reconnaissance.

Livre ludique s’il en est, « L’art et la manière… » n’en dépeint pas moins avec une ironie fine les petites aberrations d’une entreprise au fonctionnement souvent surréaliste.



Deux fois primé, en 1965 avec son premier roman « Les choses », puis en 1978 pour son chef-d’œuvre « La vie mode d’emploi », membre de l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle) au côté de Raymond Queneau et d’Italo Calvino, Georges Perec (1936-1982) réalise encore une fois une remarquable épreuve littéraire, un travail synthétique, analytique, aussi olympien qu’« oulipien ».

Ecrit en 1968, ce petit ouvrage a conservé une modernité, une fraîcheur et un allant qui, pour « simplifier car il faut toujours simplifier », est un régal d’humour et d’esprit.
Commenter  J’apprécie          796
Un homme qui dort

Un Homme qui dort. Ce livre de Perec m'a dans un premier temps complètement déroutée. Pas de chapitres, mais des paragraphes espacés de zones blanches plus ou moins longues. le tutoiement. L'emploi du présent de l'indicatif. le personnage principal dont on ne connaît jamais le nom. le titre du livre.

Un étudiant, qui vit dans une petite chambre à Paris, refuse un matin de se lever et de se présenter à un examen. Tout le livre découle de ce premier acte. Nous assistons lentement à la mise entre parenthèse de sa vie, la vacuité des instants, un repli sur lui-même et le refus de fréquenter les autres, la description de comportements répétitifs. Grâce à des séries d'accumulations, Pérec nous fait toucher du doigt le mal être qui s'apparente probablement à la dépression.

Tout le génie de l'auteur est bien présent ici. A partir de cette trame, qui peut se suffire à elle-même, Perec renvoie en permanence à d'autres oeuvres qui s'enchâssent de façon spontanée. du grand art.
Commenter  J’apprécie          765
Cahiers Georges Perec, n°2 : W ou Le souven..

W - VV - Double V

Deux histoires croisées, tressées par endroits, qui ne se rejoignent qu'à la subtile intersection des deux V. L'une autobiographique, l'autre inventée.

La première est la vie quotidienne de Georges Perec au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Elle ne présente comme aventure remarquable "que" le fait d'être élevé par sa tante et celui de ne jamais revoir ses parents. Il se fie tant bien que mal à des photos, à des souvenirs imprécis ou imaginés, à des recoupements d'après guerre. C'est minutieux et volontaire.



La deuxième, fictive, décrit un camp idéal pour athlètes olympiques. Idéal ?? Au fil des chapitres (un sur deux pour chaque narration), on n'y croit plus, le malaise s'installe. Les athlètes ont été acheminés sur l'île W, au large de la Terre de Feu, formés, forcés, écrasés pour devenir les meilleurs aux Jeux. Ils ne quitteront jamais l'île. Ils s'y reproduisent au terme d'une Atlantiade mensuelle (les plus forts ayant le droit de violer la cinquantaine de femmes qui bénéficient de 200 m d'avance sur le peloton). le goût de Perec pour les nombres est ici bien pesé : 4 villages, 22 disciplines, les 2 meilleurs de chaque discipline, soit 176 hommes aux instincts débridés, qui ne respectent qu'une règle, celle de gagner à tout prix.



FORTIUS ALTIUS CIVIUS. Pierre de Coubertin a dû se retourner dans sa tombe.



Mais, bien sûr, c'est une fiction ! Ramenée à l"époque réelle, entre 1942 et 1945, elle prend des allures plus explicites et chaque mot sonne comme un glas.



Bien des années plus tard, Georges Perec découvre le livre de David Rousset "L'univers concentrationnaire", prix Renaudot 1946 et il en cite un paragraphe à la dernière page. Terrible.



Toute la prouesse de l'auteur se révèle au compte-gouttes dans une sorte de détachement né d'une profonde souffrance. Assez exceptionnel dans sa construction.





Commenter  J’apprécie          750
Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cou..

Autant vous prévenir tout de suite : ce court roman paru en 1966 est inclassable, fantaisiste, répétitif, allumé, poétique, malicieux, inventif, corrosif, génial et...totalement inutile ! Mais que c'est drôle et imprévisible, une parenthèse, un chemin de traverse, en dehors des chemins balisés de la littérature. Préfacé avec tendresse, je trouve, par Richard Bohringer.

Bref, on aime ou on n'aime pas !



Bien sûr, il y a une trame principale, un prétexte à semer " des fleurs et ornements rhétoriques, et, plus précisément, des métaboles et des parataxes que l'auteur croit avoir identifiées dans le texte qu'on vient de lire. ", autrement dit une quantité incalculable de figures de style répertoriées par l'auteur lui-même dans un index en fin d'ouvrage.

Très synthétiquement, pendant la guerre d'Algérie, un groupe de jeunes gens s'ingénient à trouver une solution pour faire réformer un de leur camarade engagé. Mais cela ne suffit évidemment pas à résumer l'état d'esprit de cette pure fantaisie littéraire, deuxième roman de Georges Perec, membre il ne faut pas l'oublier de L'Oulipo - OUvroir de LIttérature POtentielle - ce groupe international de littéraires et de mathématiciens fondé en 1961 que R. Queneau définissait comme des " rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir ".

" Un club de liberté. Liberté d'écrire, liberté de créer "comme le nomme Bohringer dans sa préface.



C'est typiquement le genre de livre qui résiste bien au-delà d'une première lecture, dont on n'épuise pas le contenu si facilement. Comme une balade en montagne ou en forêt que l'on affectionne, on y revient avec plaisir pour découvrir d'autres points de vue, d'autres figures de style savoureuses.
Commenter  J’apprécie          725
La Vie mode d'emploi

Le Graal du romancier: écrire le roman somme, le roman tout, l'oeuvre ultime par laquelle le romancier devient l'égal de dieu. Dans son siècle rationaliste, Balzac voulait concurrencer l'état-civil et ratisser la France de Paris en provinces; il noircit des milliers de pages sans mettre un terme à son grand oeuvre et ce n'est pas par hasard si Perec plante son livre dans un immeuble haussmannien pour relever le défi: la comédie humaine réduite à un seul livre (600 pages police 8 quand même).

Un seul livre pour un instant T: celui de la mort de Bartlebooth pendant lequel les habitants des 31 appartements et chambres de bonnes sont saisis dans leurs occupations triviales, mais qui se déploie vers le passé pour nous narrer les souvenirs des résidents présents et passés, tout en charriant les mots des écrivains aimés (non, pas Balzac) insérés, mine de rien, au coeur du texte perecquien. Vies minuscules, mythes, tableaux, littérature: tout cela mêlé suffit-il pour créer le roman suprême?

On le sait, Perec est l'homme des contraintes. Et pas des moindres. Que peut faire un écrivain capable d'écrire 300 pages sans le moindre E qui puisse surpasser cet exploit retentissant? « La Vie mode d'emploi » est un truc pété de règles, plus délirantes les unes que les autres. On sait généralement que le déplacement dans l'immeuble suit un ordre déterminé par le cavalier aux échecs, et que Perec a découpé son immeuble en 100 cases explorées l'une après l'autre sans jamais s'arrêter 2 fois au même endroit. Je ne vais pas lister toutes les autres contraintes auxquelles il s'est astreint (il existe d'ailleurs un cahier des charges de « La Vie mode d'emploi » publié au CNRS qui reprend toutes les fiches préparatoires à l'oeuvre qui fut terminée en un peu moins de 10 ans). Parce que l'essentiel c'est quand même: à quoi bon?

Ce qui fait que « La Disparition » est beaucoup plus qu'une pochade (qui serait déjà géniale par elle-même), c'est que le « E » manquant renvoie aux « eux » des parents disparus sans guère laisser de traces dans le ciel d'Auschwitz. Alors, que nous disent les mille et un détours empruntés par « La Vie mode d'emploi »?

Ces détours sont d'abord un moyen de compresser le monde en un volume. J'y ai trouvé ma ville de naissance (dans le genre cambrousse, pourtant…), celle où ma meilleure amie a eu son premier travail (là encore, trou du cul du monde): et je suis presque sûre que ça marche pour n'importe qui. Que nous sommes tous reliés à ce livre, que Perec nous a insérés dans sa trame comme Jan van Eyck a peint le spectateur de son tableau dans « Les Epoux Arnolfini ». Et nous y sommes d'autant plus que « La Vie mode d'emploi » est un immense terrain de jeu. On y trouve des énigmes en toutes lettres (« Faire du vieux avec du neuf », définition sublime de « nonagénaire »), et d'autres qui surgissent inattendues, les échos d'une page à l'autre (comme ce Romeo Daddi évoqué p. 247 qui oblige à rétropédaler p. 37), les descriptions de tableaux dont on cherche le titre, mais surtout ces trouvailles poétiques si bien cachées que quand par miracle on en trouve une on est saisi de bonheur: pourquoi 99 chapitres seulement quand l'immeuble a été découpé en 100 carrés ? On finit par trouver qu'une cave située à l'extrême-gauche n'a pas été visitée et on se souvient d'une fillette qui a croqué un coin de son biscuit Lu…

Mais le meilleur moyen de tout dire en 600 pages est de créer des effets de miroir à l'infini (comme une vache hilare à boucles d'oreilles représentant une vache hilare à boucles d'oreilles). Au centre de l'immeuble que le peintre Valène tente de restituer, le riche Barnabooth se contraint à reconstituer des puzzles dont les pièces renvoient aux pièces de l'immeuble et se laisse piéger par celui qui a imaginé les découpes les plus perverses pour l'orienter vers des solutions trop évidentes pour être honnêtes, comme le lecteur croit résoudre les énigmes que Perec s'est lui-même créées.

Car le livre ne parle peut-être que de son auteur qui dans chaque appartement a mis sa vie à lui avec de micro événements arrivés pendant l'écriture. Tous ses livres aussi sont rassemblés dans ce dernier roman comme l'attestent un Gaspar Winckler échappé de « W ou le souvenir d'enfance » et « Les Choses » entassées décrites à l'infini.

Roman de l'écrivain, roman du lecteur, roman du roman qui raconte sa propre construction et se reflète lui-même... Ce livre est d'autant plus un concentré d'univers que le « jeu » gagne, jeu de puzzle, jeu d'échec, jeu de mots, jeu aussi dans le mécanisme qui ne s'emboîte pas comme il le devrait: la dernière pièce du puzzle ne s'insère pas, et c'est bien une oeuvre totale qui peut se permettre de n'avoir rien oublié, pas même l'échec où nous a conduit le cavalier qui zigzague sur le damier bicolore.

(Bon. Il va falloir que je le relise encore une fois.)
Commenter  J’apprécie          6917
Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cou..

En exclusivité exclusive : de la naissance d'une oeuvre ou quand le couple Perec passe à table. Action.



- Georges, as-tu une idée pour ton prochain livre?

- Justement Marie-Jo, j'y pensais. Je m'ennuie dans l'écriture. J'aimerais désormais me rajouter quelques contraintes.

- Euh... Mais... Ce n'est pas assez compliqué déjà d'écrire sans contrainte?

- Ce n'est pas faux... Quoique : premier roman, prix Renaudot. Tranquille Emile, les doigts dans le nez René. Mais j'aime les challenges. Beaucoup plus excitant et enrichissant d'avoir un cadre à respecter.

- Mais quand tu dis "contraintes", tu veux dire contrainte comme "je n'utilise aucun e dans mon roman" par exemple?

- ...

- Georges?

- Pardon. Je réfléchissais à ton histoire de disparition du e. Ça se tente... Bref. Non, là je pensais plutôt écrire un roman en y insérant tout ce qu'on compte de figures de style.

- Ah oui rien que ça... Tu réalises que tu vas faire fuir tes lecteurs?! Car à part l'oxymore et la litote, les figures de rhétorique, c'est du costaud à détecter... le lecteur lambda sera peut-être limité pour comprendre l'astuce, non?

- Arrête de prendre mon lecteur pour ce qu'il n'est peut-être pas. Puis je lui mettrai un lexique à la fin. Au kazoo. Enfin, juste quelques notes, histoire de lui montrer la voix. Au-delà d'un mètre soixante dix, ils sont grands, ils se débrouilleront. Et je ne vais pas caser de l'anacoluthe et du zeugme à tout-va non plus. Ce sera aussi plein d'humour, de jeux de mots, rassure toi, je vais éviter le relou.

- Relou...?

- Lourd à l'envers. Ça n'existe pas je sais, mais je voulais essayer un nouveau truc.

- Ok le créateur. Mais ce n'est que ton deuxième roman, penses-y! le Renaudot t'a rudement retourné, rien à rajouter le rhétoricien?

- Wow... Mon modeste palindrome ne vaut ton tautogramme.

- Toto qui?

- Laisse tomber le tautogramme, mais pas le plat, merci.

- Tu es relou Georges... Et sinon, il va parler de quoi ton roman? Parce que c'est pas le tout de mettre Anna Biloute et ses oeufs, faut une histoire.

- Anacoluthe et zeugme. Bon, je pensais à pondre un truc sur la guerre. Mais avec une écrasante légèreté tu vois. Juste pour montrer cette connerie d'envoyer de braves types qui préfèrent dormir plutôt que partir et revenir avec deux trous rouges sur le côté droit.

- Pourquoi pas. Tu as des idées?

- Oui, je pensais créer un gars dont personne ne retiendrait le nom. Genre Karabistouille, Karaoké ou quelque chose approchant, qui cherche à tout pris à échapper à l'enrôlement pour l'Algérie.

- Mmm... Peut-être risqué le sujet. T'as intérêt à marcher sur des zeugmes..! Mdr!

- Mdr?

- Acronyme pour mort de rire. Ça n'existe pas je sais, mais tu me donnes envie d'essayer de nouveaux trucs. Et sinon, il ne se sentira pas un peu seul ton Karamachin là?

- Non, je vais lui coller un margis et sa bande de potes pour l'aider à se faire réformer.

- Un mar-quoi?

- Margis. Mot-valise. Contraction de maréchal des logis si tu préfères.

- Curieusement je préfère oui... Ça ne va pas être simple à repérer tes trucs stylés vu comme ça...

- Mais ce sera justement tout l'intérêt de l'oeuvre! le lecteur, s'il le souhaite, devra lire et relire, chercher, fureter, fouiner, farfouiller! Décortiquer chaque phrase, analyser chaque mot! Une lecture infinie avec toujours de nouvelles découvertes! Tu imagines le potentiel littéraire? Digne de l'Ouvroir. (Il serait temps que je contacte Raymond moi). Et ils pourront même l'utiliser au collège pour apprendre les figures de rhétorique! du pain béni pour les jeûnes.

- Mouais... Je parie qu'ils ne retiendront quand même que la litote et l'oxymore tes collégiens. Et tu as déjà trouvé un titre?

- Non, j'expire là. Mais j'attends l'inspiration. Allez suffit, à table maintenant.

- Y a pas de figure là?

- Je meurs de faim si tu préfères.

- Très bien, alors à table. Mais s'il te plaît, avant de dîner, tu peux aller ranger ton vélo à guidon chromé au fond de la cour?

- ...

- Georges?

- Je viens de l'avoir.

- Tu as vu qui?

- L'inspiration.

Commenter  J’apprécie          6818
L'art et la manière d'aborder son chef de ser..

Avec un texte aussi facétieux que l'illustre Georges Pérec nous sert, il va sans dire que des situations cocasses pleuvent dans cette pièce où le comique de répétition a largement sa part. "L'augmentation", c'est l'histoire du parcours du combattant qu'est appelé à connaitre un modeste employé dans une grande entreprise et qui s'emploie à utiliser tous les arguments et stratagèmes possibles et imaginables pour bénéficier (lui et pas les autres !) d'une augmentation auprès de son chef. C'est tout à la fois, beau, intelligemment pensé, malicieux, épatant mais aussi féroce et cruel ...

Bref, l'univers du travail dans toute sa splendeur et ses travers, et c'est drôle.
Commenter  J’apprécie          614
Les choses : Une histoire des années soixante

"Les choses", c'est l'histoire d'un couple des années 60. Un couple qui ne veut pas se poser, qui a peur, sans doute, de perdre sa liberté. Et pourtant, ce que nous décrit Georges Perec, c'est un couple embourbé dans ses envies matérielles, un couple qui veut atteindre le Beau grâce à la mode, en suivant les conseil des magazines tendance. Un couple qui finalement cherche à être ce qu'il n'est pas, ou alors est ce qu'il croit être. C'est l'histoire de la course sans fin de deux personnages sans identité.



Au départ, le style d'écriture très distancié de l'auteur, digne d'un universitaire qui se veut objectif m'a séduite, notamment car il se fait l'écho de la profession des deux personnages, psychosociologues. Mais, à la longue, je l'ai trouvé presque fatigant, ennuyeux, car avec une telle distance le lecteur ne ressent aucune empathie pour les personnages. Il n'y a pas d'identification possible même si c'est là le but de l'auteur, qui veut peindre des personnages pouvant être n'importe qui.



Néanmoins, l'évolution du roman, qui commence au conditionnel pour continuer au présent et finir au futur m'a beaucoup plu. Cet artifice rhétorique constitue à mes yeux un trucage de l'auteur pour montrer à ses lecteurs à quel point, finalement, le roman de la vie de Jérôme et Sylvie était prévisible.



Généralement considéré comme un récit sur la société de consommation, ce livre restera plutôt pour moi le portrait de deux jeunes gens passifs, influençables, incapables de mettre de la distance entre les modèles qui leur sont proposés et ce qu'ils peuvent réellement obtenir. En somme, des jeunes gens épris d'argent et de matérialité se camouflant derrière un masque d'intellectuels à la mode et surtout incapables d'une quelconque adaptation à un autre milieu que le leur. Deux personnages qui ne vivent pas et se contentent d'exister.



Commenter  J’apprécie          600
La Vie mode d'emploi

On voit certains commentaires annoncer un livre foisonnant qu’on peut lire en entier (ou pas), dans le désordre (ou dans l’ordre)… C’est bien là mon problème avec ce genre de livre : j’ai besoin que l’auteur m’embarque dans son texte, qu’il le structure ; qu’il m’empoigne et conduise plus ou moins fermement vers le mot FIN…



Alors là, c’est raté… Et puis ces descriptions du quotidien… à la longue (pas si longue que ça, d’ailleurs), je m’ennuie ; et je stoppe, conscient qu’il y a encore tant de choses à lire qui me procureront surprises et bonheur, sans être obligé à un effort surhumain de lecture que je ne suis jamais bien prêt à fournir.



Certains architectes (j’en connais au moins un personnellement) disent que la ville de Royan est une ville d’architecte et qu’elle ne peut être « lue » que par un architecte. C’est peut être vrai, mais voilà bien une ville que je trouve laide…



Finalement je me demande si dans le même ordre d’idée, « La vie mode d’emploi » n’est pas un livre de prof de Français, uniquement lisible par des prof de Français… A moins que nous ne soyons là dans une expression de l’art conceptuel en littérature ; art conceptuel qui ne me touche généralement pas.



Désolé de ne pas participer concert de louanges... Pas pu finir !



Commenter  J’apprécie          554
Ellis Island

Je me sens "toute, toute petite" pour écrire quoi que ce soit sur ce texte incroyable, après avoir lu, très émotionnée et admirative la chronique de PetiteBijou !!!



Je vais tenter toutefois... car je ressens le besoin et l'élan d'offrir ma reconnaissance et ma gratitude à Gaëlle Josse. Grâce à son texte « Le dernier gardien d’Ellis Island », qui m’a littéralement « tourneboulée »… j’ai éprouvé l’intense besoin d’aller plus loin , dans ce « non-lieu », et passage qui a transformé, amélioré , abîmé, transformé des millions de familles, qui ont abandonné leurs racines, pour TOUT reconstruire ailleurs, dans un autre pays.





A ma grande honte, Gaëlle Josse m’a mené au texte de Georges Perec (dont je ne connaissais pas même l’existence). je viens de l'achever; c'est un autre coup de poing. Lorsque nous nous plaignons de nos quotidiens, soucis, préoccupations diverses, De grâce !... songeons à toutes ces personnes, à nos « frères » de tous les pays , ayant tout perdu , tout laissé dans l’espoir d’une autre vie meilleure, pour eux et leurs enfants, sur une terre étrangère.



Le texte de Georges Perec, est d’autant plus percutant et dérangeant, qu’il écrit les dénuements extrêmes du déracinement, sans affect… de façon distante, et étrangement, pour ma part, cela prend une dimension universelle, d’autant plus cinglante et dérangeante…



Je me permets d’établir un bref rappel des circonstances de ce texte. En 1978, L’Institut National de l’Audiovisuel confia à Georges Perec et à Robert Bober, sur une idée de celui-ci, le soin de réaliser un film sur Ellis Island. Ceux-ci allèrent sur place, à New-York, une première fois procéder aux repérages, puis y retournèrent en 1979 effectuer le tournage de ce qui devait devenir « Récits d’Ellis Island, Histoires d’errance et d’espoir », film en deux parties : « L’ile des larmes » et « Mémoires », dont la première diffusion eut lieu sur TF les 25 et 26 novembre 1980.

La présente édition présente exclusivement le texte brut de Georges Perec, sans les interviews.



Georges Perec, parle d’Ellis Island, de tous les arrachements à sa terre ; mais aussi de ses propres racines, juives...

« Etre juif, pour lui (Robert Bober), c’est avoir reçu, pour le transmettre à son tour, tout un ensemble de coutumes, de manières de manger, de danser, de chanter, des mots, des goûts, des habitudes,

Et c’est surtout avoir le sentiment de partager ces geste et ces rites avec d’autres , au-delà des frontières et des nationalités, partager ces choses devenues racines, tout en sachant qu’elles sont en même temps fragiles et essentielles, menacées par le temps et par les hommes (…) (p.60)



Georges Perec, parle aussi des descendants de ces migrants, qui viennent à Ellis Island, chercher les éléments manquants de leur histoire , rassembler le « puzzle » des chemins courageux de leurs aïeux.



Ce texte est court mais d’une densité sans comparaison !



Il est un peu déplacé ou inutile de commenter, je préfère redonner la parole à l’auteur lui-même !



« Quelles sommes d’espoirs, d’attentes, de risques,

D’enthousiasmes, d’énergies étaient ici rassemblées

Ne pas dire seulement : seize millions d’émigrants

Sont passés en trente ans par Ellis Island



Mais tenter de se représenter

Ce que furent ces seize millions d’histoires individuelles,

Ces seize millions d’histoires identiques et différentes

De ces hommes, de ces femmes et de ces enfants chassés

De leur terre natale par la famine ou la misère,

L’oppression politique, raciale ou religieuse,

Et quittant tout, leur village, leur famille, leurs

Amis, mettant des mois et des années à rassembler

L’argent nécessaire au voyage (…)



Il ne s’agit pas de s’apitoyer mais de comprendre

quatre émigrants sur cinq n’ont passé sur Ellis

Island que quelques heures

Ce n’était, tout compte fait, qu’une formalité anodine,

Le temps de transformer l’émigrant en immigrant,

Celui qui était parti en celui qui était arrivé



Mais chacun de ceux qui défilaient

Devant les docteurs et les officiers d’état civil,

Ce qui était en jeu était vital :



Ils avaient renoncé à leur passé et à leur histoire,

Ils avaient tout abandonné pour tenter de venir vivre

Ici une vie qu’on ne leur avait pas donné le droit de

vivre dans leur pays natal

Et ils étaient désormais en face de l’inexorable » (p.52-53)



On ne ressort pas indemne d’un texte comme celui-ci, comme celui, fictionnel de Gaëlle Josse . Un hommage au courage extrême, à la détermination de

ces millions de migrants. De quoi effacer à jamais de son vocabulaire, le

terme d’ »étranger » !!!



Commenter  J’apprécie          538
Les Revenentes

Eh ben, eh ben…

Eh, E des lettres !

L' E en bec règne et Pérec en excelle (l'e-beek, certes).

E-le-chef enterre et preste en lettre extrême.

Elle, E, éternelle présente et dense, excède ses degrés !

E se venge, présentement, en Les revenentes, d'être délestée précédemment de chez Pérec-l'éternel expert en lettres.

Cette fête du E ! Fête d'Excellence, d'Ernest et ses éphèbes, des femmes, des gemmes scellées .

Les excès pervers des sexes ensemencent ( !) ces belles lettres fermement brèves .

L'enfer (éden) du E s'est levé, et Pérec (G) s'est dressé en éther.

Pérec écrème les lettres, étrenne l'extrême détergent E !

E en dextre, centré, en senestre, en dévers, en revers, der ou pré.

Des E, des E, des E, créer et mettre les E et… les mettre !

C'est l'événement E. Les revenentes, c'est l' ère, terre d' E.

E, de l'éternel présent. L'encre est jetée, et E erre.

Sec.

Etc...
Commenter  J’apprécie          528




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Georges Perec Voir plus

Quiz Voir plus

Je me souviens de Georges Perec

Quel était le nom d'origine (polonaise) de Georges Perec ?

Perecki
Peretz
Peretscki
Peretzkaia

15 questions
111 lecteurs ont répondu
Thème : Georges PerecCréer un quiz sur cet auteur

{* *}