Citations de Hélène Frappat (112)
Toi et moi avons hérité de la chevelure de Diane. Le feu est là dans nos cheveux. Le feu protecteur et vivant de Diane chasseresse. Et la lune d'Hécate doit sortir de nos cœurs.
Il n’y a rien à savoir sur vous-même. Il n’y a rien à savoir. Vous ne savez pas, vous êtes. Vous vous appropriez votre passé; vous vous appropriez ce que vous êtes … Vous vous installez dans l’impossible.
Lorsque le cadavre de la femme sera transporté sur une civière hors de la chambre, l’homme, toujours prostré au bord du lit, n’aura pas un regard pour celle dont il a rendu le visage méconnaissable.
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Mon rêve a remplacé tous les autres. Il est devenu le seul dont je me souviens. Je ferme les yeux, et bascule dans le puits noir du sommeil, du souvenir, saisie, juste avant la nuit, par un sidérant vertige.
Jadis, je rêvais comme tous les dormeurs ; je dormais comme tous les rêveurs. Mes journées ressemblaient à une salle de cinéma dont le projectionniste a oublié d'éteindre les lumières. Dans cette séance permanente, les ombres, aussi pâles que l'écran, sont invisibles. Le son, dissocié des faibles images, continue de se répandre dans la salle avec la régularité hypnotique d'une fontaine. Quand la nuit tombe, tout s'inverse. Les paroles retentissent en sourdine tandis que les fantômes sur l'écran prennent vie avec une sauvagerie déchirante.
Telle est la nuit, ma nuit, la maison où je rêve.
La porte d'entrée de la cuisine donnant sur l'escalier de service n'a plus de serrure. Pour sortir de l'appartement, il aurait fallu passer devant moi. Aucune fenêtre n'est ouverte. Dans la dernière chambre, la cabine de phare où j'entre seule, je suis assaillie par une sensation étrange. Peut-être un inconnu, derrière les murs courbes d'une illusion d'optique, m'observe-t-il. Ou les paroles de la comptine flottent dans l'air et je m'y cogne.
Chaque seconde a sa pareille
Ton rêve est l'envers du décor
Il est impossible de sortir de l'appartement où l'enfant n'est plus là.
La première fois que j'ai vu la maison, les arêtes de ses murs en briques disparaissaient sous une brume grise. La maison se dresse en haut d'une rue en pente Malgré le brouillard lumineux qui l'enveloppe, son ombre imposante se détache sur les villas environnantes. C'est une brume de fin de journée, un halo gris qu'absorberont bientôt les rayons blancs du crépuscule, juste avant la nuit, et la maison aura disparu. (p.11)
"Tout s'accélère. Je me suis cognée aux murs de la nuit et j'ai franchi la porte du rêve. Le temps n'existe pas. J'ai traversé les grilles de LUNA à la vitesse des fantômes."
Et quel amour, clandestin surtout, durerait sans posséder son territoire unique ?
Depuis plusieurs mois, mes nuits sont troublées par l’irruption d’un rêve étrange. Une maison s’introduit dans mon sommeil, accapare mes rêves. Un visage inconnu, dans une fête, au fond d’une pièce noire de monde, me fixe avec une inexplicable insistance. Intriguée par ce regard qui me lance un appel muet, je me fraie un chemin dans la foule. Mais l’inconnu a disparu. Personne ne se souvient de lui, à croire que j’ai inventé sa présence. Le rêve a fait son apparition au début de l’automne, quelques jours après mon embauche dans l’agence immobilière Geoffroy de Birague, place des Ternes. Le plus souvent, ça commence comme ça… Un lieu que je n’ai jamais vu m’emplit d’inquié¬tude et d’apaisement. J’ignore si l’écho que le lieu suscite en moi (trop faible pour se transformer en souvenir) résonne comme une sonnette d’alarme. Quand le rêve s’achève, je voudrais retourner devant la demeure où mes nuits trop courtes m’empêchent d’entrer. En fermant les yeux, chaque soir, j’attends et redoute le retour du rêve. J’hésite à inviter un homme dans mon lit, de crainte que le rêve, au contact de l’intrus, ne s’évapore. Après sa visite, je sombre dans le sommeil lourd de l’aube d’où j’émerge, certains jours, en ayant raté mes rendez-vous matinaux. Quelque part sur le trottoir d’une avenue du 17e ou du 8e arrondissement (l’agence est spécialisée dans les transactions haut de gamme du “triangle d’or”), un homme d’affaires américain ou anglais attend, en vain, une négociatrice bilingue dont le téléphone sonne dans le vide.
Le but du Gaslighting est de prendre pouvoir sur une conscience, en l'empêchant d'accéder à une forme de vérité.
Mélanie Griffin sait-elle que presque trente ans auparavant, sa mère a fui la limousine de son patron ?
Une actrice doit-elle fuir pour ne pas choisir ?
Pour ne pas mourir?
"Rien du tout ! dit la dame au sac en alligator.
’’ Rien du tout ! ’, le viol, et le meurtre.
Le compte à rebours s'arrête à onze. Onze ans, l'âge où les petites filles meurent en devenant adolescentes. Puis les adolescentes meurent en devenant des femmes qui tordent leurs mèches platines dans un chignon labyrinthique où s'accroche le regard.
Treize ans après la sortie des Oiseaux, Petite Fille a grandi et jeté ses peaux d'animaux morts pour se réfugier dans sa maison en bois.
Mon enfance est coupée en deux. La première est tombée dans le puit noir de l'oubli. De l'autre, quelques souvenirs flous s'échappent. La première est en noir et blanc ; l'autre en couleurs.
L'odeur de l'enfance oubliée et celle de l'enfance dont je me souviens sont irréconciliables.
Deux enfances ; deux odeurs.
De l'odeur de la première enfance, je possède des images muettes. Elles ressemblent à des photographies en noir et blanc ; aux instantanés d'une vie à l'arrêt.
Le noir est l'odeur domestique des pièces où, par les après-midi caniculaires, n'entre jamais la lumière, l'odeur de renfermé des armoires et des buffets, l'air poussiéreux des greniers. C'est le noir sucré des églises, où les bouquets de lys blancs, sur la nappe brodée recouvrant l'autel, face aux blancs où s'entassent les obscures silhouettes, renvoient l'unique lumière.
Si tu me cherches, je suis perdu dans mes pensées...
Elle était devenue méchante. Aux yeux de Jo, elle avait commis le pire crime : l’injustice. Voler sa pièce, dans un accès de jalousie qu’on regrette, passait encore. Mais que la coupable, en feignant la tristesse, participât aux recherches, c’était une impardonnable trahison.
Dans la nuit des temps, il existait dans le monde un fleuve immense qui coulait dans les deux sens.