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Citations de Ingeborg Bachmann (224)


[...] l'histoire donne des leçons, mais elle n'a pas d'élèves.
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"Des jours plus durs approchent.
Le temps en sursis révocable
apparaît à l’horizon."
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“Il découvrit, au milieu de sa chevelure brune emmêlée, un quelque chose blanc et brillant. Il le toucha, se rapprocha de la glace : un cheveu blanc ! Son cœur se mis à battre dans sa gorge. Il regarda le cheveu bêtement et sans détourner les yeux. Le jour suivant il reprit le miroir, craignit d’en découvrir d’autres, mais il ne vit que celui de la veille et ce fut tout.”
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“se rendre à l’épouvante
ne pas lui résister
d’une clarté d’étoile la chair
dans la bouche
le goût tiède
une érection, un membre bandé
[…]
Sur ta poitrine j’ai
lu ta messe,
dans tes yeux
je me suis métamorphosée, une
colombe, je m’y suis introduite
en volant
l’hostie était un
membre raide
[…]
l’Hostie, introduite dans la bouche
le membre, et un
qui ne déchire pas
les autres, l’astre
et l’astre des autres
les êtres humains sont infinis
ils ont le droit comme moi,
de ne pas mourir.”
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“Dois-je
faire prisonnière une pensée,
l’évacuer dans une cellule éclairée de la phrase ?
alimenter œil et oreille
de bouchées de mots de premiers choix ?
analyser la libido d’une voyelle,
enquêter sur les qualités d’amants de nos consonnes ?”
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"Dans le ménage moral de l'humanité, tenu tantôt economiquement, tantôt avec prodigalité, ce sont toujours piété et anarchie qui mènent la danse en même temps. On trouve là pêle-mêle tabous et démystifications.
Comment se fait-il que quelques systèmes seulement aient prévalu? C'est que nous nous cramponnons fermement à des habitudes par crainte d'une pensée libérée des tables de la loi ou des interdits, par crainte de la liberté. Les hommes n'aiment pas la liberté. Où qu'elle ait surgi, ils se sont brouillés avec elle."
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D'un pays, d'un fleuve et des lacs – V.

Qui sait quand ils tracèrent les frontières du pays
et autour des pins les barbelés de fer?
Le torrent éteignit la mèche en sortant de son lit,
le renard expulsa l'explosif de la terre.

Qui sait ce qu'ils cherchaient sur les crêtes et sommets?
Un mot? Dans notre bouche, nous l'avons préservé ;
en deux langues il rend un son plus beau et
quand nous ferons silence restera géminé.

Ailleurs sur les cols s'abaissent les barrières ;
ici on échange un salut, on partage un pain.
Chacun apporte une poignée de ciel et un drap plein
de terre, pour que guérisse la frontière.

Même si à Babel le monde devint confus,
on étira ta langue, et la mienne on courba –
les consonnes aspirées, les labiales qui nous narguent,
l'esprit aussi traversant la Judée les forma.

Depuis que nous bercent dans les choses les noms,
que nous faisons des signes et qu'un signe nous vient,
la neige n'est pas seulement d'en haut la blanche cargaison,
la neige est aussi le silence qui s'empare de nous.

Pour que rien ne nous sépare, chacun doit sentir
la séparation ; dans les mêmes airs subir la même incise.
Seules les vertes frontières et les frontières des airs
à chaque pas de vent nocturne cicatrisent.

Mais parler des frontières*, c'est ce que nous voulons,
même si des frontières traversent chaque mot :
le mal du pays nous les fera franchir,
alors, avec chaque lieu serons à l'unisson.

-

Von einem Land, einem Fluß und den Seen – V.

Wer weiß, wann sie dem Land die Grenzen zogen
und um die Kiefern Stacheldrahtverhau ?
Der Wildbach hat die Zündschnur ausgetreten,
der Fuchs vertrieb den Sprengstoff aus dem Bau.

Wer weiß, was sie auf Grat und Gipfel suchten?
Ein Wort? Wir haben'sgut im Mund verwahrt ;
es spricht sich schöner aus in beiden Sprachen
und wird, wenn wir verstummen, noch gepaart.

Wo anders sinkt der Schlagbaum auf den Pässen ;
hier wird ein Gruß getauscht, ein Brot geteilt.
Die Handvoll Himmel und ein Tuch voll Erde
bringt jeder mit, damit die Grenze heilt.

Wenn sich in Babel auch die Welt verwirrte,
man deine Zunge dehnte, meine bog –
die Hauch- und Lippenlaute, die uns narren,
sprach auch der Geist, deir durch Judäa zog.

Seit uns die Namen in die Dinge wiegen,
wir Zeichen geben, uns ein Zeichen kommt,
ist Schnee nicht nur die weiße Fracht von oben,
ist Schnee auch Stille, die uns überkommt.

Daß uns nichts trennt, muß jeder Trennung fühlen ;
in gleicher Luft spürt er den gleichen Schnitt.
Nur grüne Grenzen und der Lüfte Grenzen
vernarben unter jedem Nachtwindschritt.

Wir aber wollen über Grenzen sprechen,
und gehn auch Grenzen noch durch jedes Wort:
wir werden sie vor Heimweh überschreiten
und dann im Einklang stehn mit jedem Ort.


''Invocation de la Grande Ourse'' / "Anrufung des Großen Bären'', 1956.
pp. 259-261
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Le jeu est fini
     
... Éveillés au camp des Tziganes et éveillés sous la tente au désert,
le sable nous coule des cheveux,
ni ton âge ni le mien ni l'âge du monde
ne peuvent se mesurer aux années. ...
     
Seul qui, au pont d'or, pour Escarboucle, la fée,
se souvient encore du mot, a gagné.
Je dois te dire, avec la dernière neige,
au jardin, le mot a fondu.
     
Par tant et tant de pierres nos pieds sont si blessés.
L'un guérit. Avec lui nous voulons sauter,
jusqu'à ce que le roi des enfants, dans la bouche la clef
de son royaume, nous emmène, et nous allons chanter :
     
Qu'il est beau le temps où germe de la datte le noyau !
Toute personne qui tombe a des ailes.
C'est un dé rouge qui ourle le linceul des pauvres
et ta feuille de coeur sombre sur mon sceau.
...
     
-
     
Das Spiel ist aus
     
... Wach im Zigeunerlager und wach im Wüstenzelt,
es rinnt uns der Sand aus den Haaren,
dein und mein Alter und das Alter der Welt
mißt man nicht mit den Jahren. ...
     
Nur wer an der goldenen Brücke für die Karfunkelfee
das Wort noch weiß, hat gewonnen.
Ich muß dir sagen, es ist mit dem letzten Schnee
im Garten zerronnen.
     
Von vielen, vielen Steinen sind unsre Füße so wund.
Einer heilt. Mit dem wollen wir springen,
bis der Kinderkönig, mit dem Schlüssel zu seinem Reich im Mund,
uns holt, und wir werden singen:
     
Es ist eine schöne Zeit, wenn der Dattelkern keimt!
Jeder, der fällt, hat Flügel.
Roter Fingerhut ist’s, der den Armen das Leichentuch säumt,
und dein Herzblatt sinkt auf mein Siegel.
...
     
''Invocation de la Grande Ourse'' / "Anrufung des Großen Bären'', 1956.
Traduction de l'allemand (Autriche) par Françoise Rétif (éd. Gallimard 2015, extraits, pp. 244-247).
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Je vais divulguer un terrible secret : le langage, c'est le châtiment. C'est par lui que toutes choses doivent passer et c'est en lui qu'elles doivent ensuite trépasser selon l'étendue de leur faute.
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L'eau, plus convoitée que le caviar et que l'or, que les diamants et les terrains, plus précieuse que les salaires et les assurances, que le droit de vote ou que toute une charter de droits. Cela tombait sous la plus ancienne des lois, que l'on ne pouvait enfreindre.
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J'ai vu, là où les rues de Rome s'arrêtent, entrer dans la ville le ciel triomphal qui ne se courbait sous aucune porte et s'élargissait sur les sept collines, bleu d'avoir piraté sur les côtes siciliennes, chargé des fruits des îles tyrrhéniennes, indemne malgré les agressions chez les brigands des Abruzzes, obscurci par les grappes noires des hirondelles, venu sain et sauf par dessus les Apennins. J'ai vu le ciel célèbre d'hermine et le misérable ciel en toile de sac, et j'ai vu dans ses plus grands moments sa main paisible ouvrir une entaille d'or au-dessus des toits.
...
Les maisons sont fixées sur une vieille toile où les couleurs ont séché. C'est seulement quand le soleil pénètre dans la matière poreuse que la couleur apparaît à nos yeux ; un brun capable de toutes les métamorphoses.
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Ingeborg Bachmann
Discours d’Ingeborg Bachmann prononcé à l’occasion de la remise du prix de la meilleure pièce radiophonique (1959). Prix décerné par les aveugles de guerre.
     
L’écrivain — c’est dans sa nature — souhaite se faire entendre. Toutefois cela lui semble prodigieux, lorsque, un jour, il sent qu’il est en mesure d’agir — d’autant plus s’il n’a rien de très consolant à dire à des êtres humains qui ont besoin de consolation comme seuls les êtres humains, blessés, offensés et pénétrés de cette grande et secrète douleur qui distingue l’homme de toutes les autres créatures. C’est une distinction terrible et incompréhensible. S’il en est ainsi et que nous devions la supporter et vivre avec elle, quelle forme pourrait bien prendre la consolation et à quoi nous servirait-elle ? Il est incongru, me semble-t-il, de vouloir consoler avec des mots. Quelque forme que cela prît, cela serait par trop mesquin, pitoyable, provisoire.
     
Ainsi, la tâche de l’écrivain ne peut-elle consister à nier la douleur ni à effacer ses traces ou à dissimuler son existence. Il doit, au contraire, en admettre la réalité et, de plus, nous la faire admettre, afin que nous puissions voir. Car nous voulons tous devenir voyants. Or seule cette douleur secrète nous rend réceptifs à l’expérience, en particulier à celle de la vérité. Nous disons très simplement et très justement, quand nous nous trouvons dans cet état, cet état lucide, douloureux, dans lequel la douleur devient féconde : mes yeux se sont dessillés. Nous ne disons pas cela pour exprimer le fait que nous percevions une chose ou un événement extérieurs, mais parce que nous comprenons ce que justement nous ne pouvons pas voir. Voilà ce que l’art devrait réaliser : réussir, dans ce sens-là, à nous dessiller les yeux.
     
L’écrivain — et cela aussi est dans sa nature — est de tout son être dirigé vers un Tu, vers l’être humain à qui il veut livrer son expérience de l’être humain (ou bien son expérience des choses, du monde et de son époque, ou tout à la fois !) ; il veut livrer en particulier son expérience de l’être humain tel que lui ou les autres peuvent être, là où lui-même et les autres sont au plus haut degré des êtres humains. Toutes antennes déployées, il palpe la forme du monde, les traits des hommes à son époque. Quels sont les sentiments des gens, que pensent-ils, comment se comportent-ils ? Quels sont leurs passions, leurs dépérissements, leurs espoirs...?
     
Lorsque dans ma pièce radiophonique Le Bon Dieu de Manhattan toutes les questions aboutissent au problème de l’amour entre un homme et une femme, ce qu’il est, comment il se déroule, comme il peut être peu de chose ou au contraire signifier tant, alors on pourrait dire : mais c’est un cas limite. Mais cela va trop loin...
     
Cependant, tout cas d’amour, même le plus quotidien, est un cas limite, que nous devrions, en y regardant de plus près, pouvoir percevoir ou nous efforcer de percevoir. Car dans tout ce que nous faisons, pensons et ressentons, nous aimerions parfois aller jusqu’à l’extrême. En nous s’éveille le désir de transgresser les frontières qui nous sont imposées. Non pour me rétracter, mais pour clarifier mon point de vue, j’ajouterai : cela ne fait pas de doute pour moi que nous devons rester à l’intérieur de l’ordre social, que l’on ne peut sortir de la société, qu’il faut nous confronter les uns aux autres. Mais de l’intérieur des frontières, notre regard tend vers la perfection, l’impossible, l’inaccessible, que cela concerne l’amour, la liberté ou tout autre valeur pure. C’est dans la confrontation du possible et de l’impossible que nous élargissons le champ de nos possibilités. Que nous engendrions cette tension, au contact de laquelle nous grandissons, c’est cela l’important selon moi ; que nous nous orientions vers un but qui, certes, s’éloigne à chaque fois que nous nous en approchons.
     
De même que l’écrivain, par ses productions, tente d’encourager les autres à chercher la vérité, les autres l’encouragent quand, par leurs louanges ou leurs critiques, ils lui font comprendre qu’ils exigent de lui la vérité et veulent atteindre l’état où leurs yeux se dessillent. On peut en effet exiger de l’homme qu’il affronte la vérité.
     
Qui sinon ceux parmi vous qu’un dur sort a frappés, qui pourrait mieux témoigner que notre force excède notre malheur, qu’après avoir beaucoup perdu, on peut se relever, qu’on peut vivre en étant désabusé, c’est-à-dire sans illusions. Je crois qu’il est permis à l’être humain d’accéder à une forme de fierté, la fierté de celui qui, prisonnier de l’obscurité du monde, ne se résigne pas et ne cesse de chercher à distinguer ce qui est juste.
     
Traduit de l'allemand (Autriche) par Françoise Rétif in Revue Europe n° 892-893: Ingeborg Bachmann - Août / sept 2003.
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Ingeborg Bachmann
Derrière le monde il y aura un arbre
aux feuilles de nuages
et à la cime d’azur
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Depuis qu'elle était descendue chancelante du car, un combat avait commencé en elle, deux adversaires s'attaquaient avec une détermination véhémente, sans se dire davantage que : Moi oui Moi. Moi et le désert. Ou Moi et le reste. Exclusifs et ne tolérant aucune demi-mesure. Moi et Moi commencèrent de s'affronter.
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L'amour se venge de tout ce qui est supportable sur terre. L'amour était insupportable, n'attendant rien, n'accordant rien. Impossible de le mettre sous cloche, d'en faire la culture, d'y planter des sentiments : il violait toutes les frontières et détruisait toute émotion.
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“Hommes et femmes, homme et femme, c’est bien, cela
doit être souvent, et homme et homme et femme femme,
n’est bien que ce qui fait du bien, cela a toujours
fait du bien.”
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Infidèle est ma bien-aimée,
je sais que parfois planant
sur ses hauts talons, elle s'en va
à la ville, dans les bars embrasse avec la paille
les verres profondément sur la bouche
et trouve les mots pour tous.
Mais c'est une langue que je ne comprends pas.
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Le désert arabe est cerné de représentations brisées de Dieu.
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Un moment, c’est Ivan et moi ; un autre moment, nous ; tout de suite après, toi et moi. Deux êtres qui n’ont aucun projet en commun, qui ne cherchent ni la coexistence ni l’accès à une autre vie, ni la rupture, ni l’accord sur une langue privilégiée. Nous nous passons d’interprète, je n’apprends rien sur lui, ni lui sur moi. Nous ne pratiquons pas d’échanges de sentiments, nous n’avons pas de positions de force, nous n’attendons aucune livraison d’armes pour la défense de nos personnes. Le terrain est léger, fertile, ce qui tombe sur mon sol prospère, en me propageant dans les mots je propage Ivan lui-même, j’engendre une race nouvelle, de notre union naît ce que Dieu a voulu :
Oiseaux de feu
Azurites
Flammes filantes
Gouttes de jade
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Ombres roses ombres

Sous un ciel étranger
ombres roses
ombres
sur une terre étrangère
entre roses et ombres
dans une eau étrangère
mon ombre
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