Citations de Jacques Poulin (217)
La vérité, dit-il avec une colère rentrée qui ne lui était pas coutumière, c'est que le travail de l'écrivain n'a rien à voir avec la communication. Au contraire, l'écriture est une activité tout à fait égocentrique, et ceux qui s'y adonnent ne s'intéressent qu''à eux-mêmes et à la satisfaction de leurs propres besoins.
- Vos livres sont classés d'après quel principe ? demandai-je ?
- Le principe du désordre absolu, dit-il.
En ce qui concerne l'indépendance, j'avais au moins deux modèles: ma mère et Isabelle Eberhardt. (p. 49)
- Vous avez presque fini votre livre...[ il s'agit d'"Une saison ardente" de Richard Ford]
-Oui, dit-elle. Maintenant je lis seulement une ou deux pages à la fois parce que je voudrais que la fin n'arrive jamais.
-Ca vous plaît à ce point-là ?
- C'est une merveille !... Pourquoi riez-vous ?
-Parce que j'aurais employé le même mot
Le roman de Ford était l'un de mes préférés. (p. 29)
Dans les librairies elle volait les livres sans aucun scrupule, car elle trouvait que la plupart des libraires aimaient davantage l’argent que les livres.
Ils comprirent tous les deux et sans avoir besoin de se dire un mot que c’était le Mississippi, le Père des Eaux, le fleuve qui séparait l’Amérique en deux et qui reliait le Nord au Sud, le grand fleuve de Louis Jolliet et du père Marquette, le fleuve sacré des Indiens, le fleuve des esclaves noirs et du coton, le fleuve de Mark Twain et de Faulkner, du jazz et des bayous, le fleuve mythique et légendaire dont on disait qu’il se confondait avec l’âme de l’Amérique.
"Dans le camion, l'air était frais et humide, alors ils firent brûler de l'alcool et préparèrent du chocolat chaud. Une fois de plus, ils burent le chocolat, assis par terre, l'un en face de l'autre, et adossés aux étagères de livres. Au cours de la soirée, ils se racontèrent des souvenirs. Le Chauffeur expliqua comment son père, au tout début, avait conçu dans sa tête, sans rien mettre sur le papier, le plan qui avait permis de transformer le camion de laitier en bibliobus original ... Comment, la première fois qu'il s'était garé sur un quai, il avait eu très peur que personne ne vienne ... Comment il avait eu l'idée de créer des réseaux de lecteurs ... Comment, avec le temps, il avait renoncé aux fiches de prêt et à toutes les autres formalités ..."
Le livre de John Irving, la fille l'avait "emprunté" à la bibliothèque municipale. Quand il s’agissait de se procurer un livre, elle faisait une distinction entre les librairies et les bibliothèques. Dans les librairies, elle volait les livre sans aucun scrupule, car elle trouvait que la plupart des libraires aimaient davantage l'argent que les livre; dans les bibliothèques, cependant elle les empruntait c'est à dire qu'elle les glissait sous ses vêtements ou dans son sacs et les retournait par la poste après les avoir lus, ...
Quand je la saluai, elle répondit par un signe de tête sans lever les yeux, mais ne pouvais pas lui en vouloir: chaque livre semblait être pour elle une sorte de château où l'on avait le droit de se promener à sa guise, de négliger le monde réel et même de se perdre dans les oubliettes.
- En vous lisant, je me suis demandé pourquoi votre protagoniste était si passif...
-c'est un mot ridicule, dit jack.
- Passif ?
- Non, protagoniste ! Je sais que c'est un mot à la mode, mais quand vous le dites, j'entends "prout "! et "agonie" ! C'est difficile de ne pas se mettre à rire...(p.49)
- Là n'est pas la question n'est pas là, répliqua le professeur.
-Ce murmure, il venait d'où exactement ?
-Oh! c'est un truc assez connu dans le milieu des libraires, dit-il. On place des recueils de poésie ici et là dans les rayons, parmi les autres livres. Comme tu le sais, les poètes sont les dépositaires de la tradition orale et, pour cette raison, ils sont toujours prêts à réciter leurs vers. Alors la nuit, quand on ne peut pas dormir et qu'on fait les cent pas dans la librairie silencieuse, on peut entendre le murmure de leurs voix et ça nous donne un peu de réconfort. (p.12)
Autre problème à résoudre: les nouvelles parutions. Le ministère lui en avait fait parvenir une vingtaine. Elles étaient en haut, à l'appartement; il en terminait la lecture. Ou allait-il pouvoir les mettre ?...Il répugnait à leur donner la place des vieux livres. Ceux-ci, même s'ils n'étaient empruntés qu'une fois par-ci par là, étaient aussi importants à ses yeux que les livres récents. et puis, il ne fallait pas oublier que, nouveaux ou anciens, les livres passaient de main en main, ce qui avait permis de créer des réseaux de lecteurs.(p.14)
Comme tous les timides, le Chauffeur avait quelques idées très personnelles: il était convaincu, par exemple, que si deux personnes étaient vraiment faites pours se comprendre, elles devaient aimer non seulement les mêmes livres et les mêmes chansons, mais aussi les mêmes passages dans ces livres et dans ces chansons. (p.35)
L’homme aimait beaucoup le vieux Volks.
Lorsqu’il l’avait acheté, l’année où il avait obtenu un prix littéraire, le Volks était déjà vieux de quatre ans et rongé par la rouille. Il avait refait presque toute la partie inférieure de la carrosserie en utilisant des feuilles de tôle galvanisée qu’il avait découpées, recourbées et fixées avec des rivets, puis il avait repeint le véhicule avec une peinture antirouille. La tôle épaisse et les gros rivets donnaient au minibus une allure de camion blindé. Sous la nouvelle tôle, cependant le rouille continuait à faire son œuvre et on pouvait le constater lorsque le Volks quittait un espace de stationnement : il laissait sur le sol une fine poussière de métal rouillé.
De vieillis factures, que Jack avait trouvées dans le coffre à gants en faisant le ménage, révélaient que le Volks avait été acheté en Allemagne ; il avait parcouru l’Europe et traversé l’Atlantique sur un cargo, ensuite il avait voyagé le long de la côte Est , depuis les Provinces Maritimes jusqu’au sud de la Floride. Au fonds d’un compartiment à bagages, on voyait des coquillages et des pierres de couleur. Dans l’armoire qui se trouvait à l’arrière de la banquette , il y avait une odeur de parfum bon marché qui se répandait parfois dans le véhicule la nuit, lorsque le temps était chaud et humide. Et on remarquait ici et là, sur les murs ou à l’intérieur des portes d’armoire en contre-plaqué, toutes sortes de graffiti ; une mystérieuse inscription n allemand, sous le pare-soleil du conducteur, se lisait comme suit : Die Spache ist das Haus des Seins.
Sans doute à cause de son âge, le Volks avait ses habitudes et ses manies. Par exemple, les ceintures de sécurité : une fois qu’elles étaient bouclées, il était très difficile de les détacher et on avait l’impression que le Volks ne voulait pas se résigner à laisser partir les gens. De même, les essuie-glace : ils s’arrêtaient quand on fermait le bouton de commande, mais tout à coup, mus par la crainte d’avoir oublié quelque chose, ils se remettaient en marche et faisait un tour supplémentaire avant de s’arrêter définitivement. Mais la principale caractéristique du minibus était qu’il n’aimait pas du tout se faire bousculer. Tant qu’il n’était pas réchauffé, le matin, il aimait mieux rouler à vitesse réduite.
En tout circonstance, il avait horreur qu’on le pousse au-delà de sa vitesse de croisière, qui était de cent kilomètres à l’heure, et le conducteur impatient qui dépassait cette limite pouvait s’attendre à toutes sortes de protestations : le pare-soleil tombait soudainement et lui masquait la vue, ou bien le toit se décrochait et menaçait de se soulever, ou encore le moteur ou la boîte de vitesses faisaient entendre des bruits suspects.
Le vieux Volks avait parcouru 195 000 kilomètres dans sa vie et il entendait faire respecter son âge, son expérience et ses petites habitudes. (p 91 – 92)
Prière Sioux pour le retour des Bisons (1889), pp191-192
Père, aie pitié de nous ;
Nous pleurons parce que nous avons soif,
Tout est fini.
Nous n'avons rien à manger,
Père, nous sommes misérables.
Nous sommes très malheureux.
Le bison n'est plus,
Ils ont tous disparu.
Aie pitié de nous, Père ;
Nous dansons comme tu le désires
Puisque tu nous l'as ordonné.
Nous dansons avec peine,
Nous dansons longtemps.
Aie pitié,
Père, aide-nous ;
Nous sommes près de toi dans les ténèbres ;
Entends-nous et aide-nous,
Chasse les hommes blancs,
Ramène le bison,
Nous sommes pauvre et faibles,
Nous ne pouvons rien seuls ;
Aide-nous à être ce que nous étions
D'heureux chasseurs de bisons.
Un très bon livre, étudié depuis des années dans les cégeps (l'équivalent de la terminale en France, mais en plus avancé). Riche en thème, il fait voyager et nous enseigne plein de références à la culture et à l'histoire des États-Unis.
Un must pour un voyageur !
On jour qu'on était à ... et il se mettait à raconter.
- Ça veut dire quoi, vieillir, pour toi?
- Devenir raisonnable.