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Critiques de Javier Cercas (529)
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Le château de Barbe Bleue

« Les troisièmes parties n'ont jamais été bonnes » dit un adage espagnol. C'est bien le sentiment que j'ai eu en lisant ce troisième volet de la trilogie Terra Alta qui, d'ailleurs, a été un échec en librairie. J'ai essayé d'en comprendre les raisons mais plutôt que d'en faire une analyse, je vais laisser la parole à l'écrivain et chacun jugera.

♦On trouve dans son roman des délices littéraires telles que ces ineffables récits :

« En face de lui, Salom ronfle doucement, les mains croisées sur son ventre pendant que son thorax se soulève et s'abaisse au rythme de sa respiration ; l'air qui pénètre dans ses fosses nasales berce comme une brise les poils de sa moustache. » Beurk!

«  Avant 7 heures il arrive à l'aéroport de El Prat. Il gare sa voiture sur le parking du terminal 2, passe les contrôles de sécurité avec son billet électronique et le voilà assis à une table du Starbucks située en face de la porte d'embarquement B22, avec devant lui un express double et une madeleine aux myrtilles. » Miam !

♦On y relève des événements de cette importance :

« Chez un glacier il acheta un cornet de glace de deux boules - une à la fraise, l'autre à la noix de coco- et les lécha jusqu'au moment où, à la hauteur d'une placette ombragée, la glace finit par fondre dans ses mains ; alors il fit demi-tour et s'en retourna. » Pas de bol!

♦De la belle poésie du genre :

« À trente mètres à peine devant lui, la surface de la mer, éblouissante, évoque une plaque d'aluminium tremblante ; plus près encore, au bord de l'eau, des grappes de baigneurs s'exposent au soleil vertical de midi. » Cette « plaque » métallique qui, un peu plus loin, va devenir «une plaque de verre étamé » .

« Le jour s'est levé aussi sombre que sa fille. Souffle un vent mauvais qui agite les branches des arbres mais qui ne parvient pas à balayer les nuages du ciel de Collserola qui défilent au-dessus de leur tête comme un cortège funèbre . » Ah le bel exemple d' anthropomorphisme que voilà ! Javier s'entraînerait-il pour écrire une quatrième partie en vers libres ? C'est à la mode !

♦Des observations aussi fines et pénétrantes que celle-ci :

« C'est une après-midi sans vent et, au loin, sur les crêtes de la sierra de Fontarella, les éoliennes se profilent sur le bleu cobalt du ciel, immobiles comme de gigantesques insectes endormis. »

« Le jour s'est levé, sombre et couvert.  Bien que les fenêtres du salon restent ouvertes, les lampes du plafond sont allumées. »

♦Des aphorismes à n'en plus finir et d'une grande profondeur :

 «  Ceux qui cherchent la vérité méritent de la trouver comme punition. »

«  Parfois il faut échouer un peu pour pouvoir réussir ensuite. »

« Haïr quelqu'un c'est comme boire un verre de poison en pensant que tu vas tuer celui que tu hais. »

♦Et pour ceux qui aiment l'art du délayage et du remplissage, sachez que J. Cercas en est le maître absolu. Je me garderai bien d'en fournir des exemples : 200 pages y suffiraient à peine.



Voilà pour la forme. Reste l'histoire. Elle est simple et se lit sans ennui : c'est un bon point. Sans en révéler le contenu, je dirai simplement que ce thriller tourne autour du thème du mensonge, de la corruption, des abus sexuels chez les puissants et de la vengeance. Cependant la trame en est faible et la fin décevante, en partie bâclée.

Les trois quarts du récit ne sont guère que du blabla qui alterne avec des dialogues de machos, bourrés de vulgarités et de grossièretés. Il faut pratiquement attendre la dernière partie pour que l'action débute enfin. Cependant l'assaut de la demeure du méchant est bâclée, précipitée et invraisemblable.

Bref, la seule chose que j'ai appréciée dans ce roman ce sont les relations touchantes entre Melchor et sa fille, Cosette, la bien nommée.

Ce roman noir laisse son auteur à des années-lumière de ce qu'il nous avait montré dans Les soldats de Salamine et Les lois de la frontière. Souhaitons qu'après cette littérature économique il revienne à ses premières amours : le thriller, ce n'est pas pour lui.

PS: la traduction de ces quelques extraits est personnelle.
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Terra Alta

Lu en espagnol. C'est un polar, premier d'une trilogie et écrit par un écrivain considéré parmi les plus grands vivant actuellement en Espagne et dont la spécialité n'est pas le polar. Tout ceci contribue à faire de "Terra Alta" une oeuvre un peu particulière. le grand écrivain se ressent. Cercas (dont je n'avais lu jusqu'ici que "L'imposteur", que je n'avais pas aimé, m'avait semblé terriblement nombriliste) a l'art de recréer ces minuscules non-événements entourant l'Action avec un grand "A", ce qui confère une atmosphère et une respiration très réussies à l'histoire. Melchor est un personnage attachant, même si son propre attachement pour Javert (des "Misérables") demeurera toujours pour moi un mystère et que sa propension à la castagne font de lui un policier passablement atypique pour le moins. Mais ces caractères ont sans doute été voulus par l'auteur. On verra ce que ça confère comme épaisseur au récit dans les deux volumes suivants. En tant que polar, ce bouquin m'a semblé pas mal mais tout de même assez "so so", comme diraient les anglais. Des invraisemblances émaillent le récit et particulièrement le rôle du collègue de Melchor dans l'histoire m'a semblé particulièrement tiré par les cheveux, même pour l'Espagne et même pour un coin "perdu" comme Terra Alta. L'image des femmes aussi, stéréotypée à l'extrême (soit des salopes soit des saintes, en gros) donne également envie de filer quelques baffes à l'auteur (même s'il répliquerait probablement qu'il ne s'agit pas de sa vision mais de celle de Melchor). On comprend que la nécessité d'avoir des cinéastes du genre d'Almodovar se soit faite ressentir en Espagne. Je suis actuellement plongée dans le second tome, Independencia. le troisième, El castillo de Barbazul, est annoncé en traduction française en avril. J'aurai sans doute terminé avant la lecture de cette trilogie...
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Terra Alta

« Terra Alta » débute par une enquête policière, se densifie avec le personnage de Melchor Marin, policier au parcours inédit, et se termine en réflexion philosophique sur la « justice ». Javier Cercas lie le rôle salvateur de la littérature au passé « qui ne passe pas » : la guerre civile espagnole. Terra Alta est une région du sud de la Catalogne, isolée, pauvre, elle conserve des structures sociales d’un autre temps : les Adell y maintiennent un pouvoir patronal autoritaire sur un empire industriel. Melchor Marin, jeune délinquant, subit une rédemption à la lecture des « Misérables », il prend modèle sur le policier Javert et entre dans la police. La littérature lui permet de rencontrer l’âme sœur, Olga, qui donne naissance à Cosette…. Son obstination à poursuivre une enquête classée lui révèle une faille. Le roman dépasse le genre policier pour emprunter la voie philosophique. Un bain, symbolique d’une nouvelle conversion, lui révèle un autre modèle de justice : ce sera désormais Jean Valjean. La construction du livre, ses ramifications originales et ses pistes de réflexion maintiennent l’intérêt à la lecture. Je vais poursuivre avec « Indépendance », deuxième tome d’une trilogie.
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Terra Alta

J'aime beaucoup Javier Cercas ; je cite souvent ses livres précédents comme des références dans la littérature contemporaine. Je suis admirative de sa façon de mener l'enquête et de son écriture tout en nuances. Je ne l'attendais pas sur ce terrain du thriller et bien sûr, je me suis laissée séduire par le style, par la manière nuancée de considérer toutes les facettes d'un imbroglio. Tout à fait adéquat pour une enquête policière. La deuxième partie nous entraine sur le sujet de la guerre civile espagnole que l'auteur n'en finit pas d'explorer car tout nous y ramène.

Je lirai la suite, bien entendu.

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Les soldats de Salamine



Ce livre a la réputation d’avoir eu un grand succès en Espagne. Mais pour ceux qui ne connaissent pas les protagonistes de la guerre civile espagnole, il présente moins d'intérêt. Et j’ai eu un peu de peine à faire la différence entre le personnage du journaliste qui enquête sur Rafael Sanchez Mazas et Javier Cercas.

Mazas est l’un des fondateurs de la Phalange. En 1938 il a fait partie d’un groupe destiné à être fusillé, mais il a réussi à s’échapper. Et le soldat qui l’a découvert dans un fourré, l’a regardé et s’est détourné. Le journaliste voudrait retrouver ce soldat et comprendre ce geste.

Cercas fait revivre bien des personnages qui sont morts dans cette guerre ou dans le seconde guerre mondiale sans que l'on ait retenu leurs noms.

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Les soldats de Salamine

Trois parties dans ce récit

La première semble confuse, les noms propres difficiles à mémoriser et on s'y perd un peu, mais on se force à poursuivre.

La seconde partie est le cœur du récit : durant la guerre d'Espagne, un soldat chargé de poursuivre un franquiste échappé d'un peloton d'exécution le découvre caché, le regarde longuement et dit à ses supérieurs : il n'y a personne ici.

La troisième partie, l'auteur par à la recherche de ce soldat et croit le découvrir vieilli dans une maison de retraite en France. C'est sans doute ici la partie la plus lumineuse de ce récit sur la mort, le passé, le souvenir...

C'est aussi un livre en train de se faire et donc quelque peu nombriliste ; mais un grand livre !
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L'Imposteur

Construire une vie entière sur une multiplicité de mensonges, c’est ce qu'a fait Enric Marco jusqu’à ce que la vérité éclate telle une bombe en 2005. Car Enric Marco n’était pas une personne quelconque. Ce vieil homme espagnol s’est forgé un passé glorieux : syndicaliste, fervent opposant au régime franquiste, ancien déporté au camp de Mauthausen en Allemagne (et donc victime) durant la Seconde Guerre mondiale. Il devient même le président de l’Amicale de Mauthausen et consacre tout son temps à témoigner de ce qu’il a vécu et vu à Mauthausen. Sachant manier le verbe et tenir son public dans la main, il est une figure publique de la mémoire. Comment cet homme a-t-il pu embobiner tout le monde ?

Javier Cercas dans ce livre cherche à comprendre, à analyser quelles ont été ses motivations et ses raisons. Il s’est entretenu longuement avec Enric Marco pour rétablir la vérité et faire la lumière sur le passé débarrassé de ce tissu de mensonges.



Ce livre dérange, trouble profondément. L’auteure nous plonge dans le passé sombre du franquisme, met en garde de confondre Histoire et mémoire. Et quand Enric Marco Narcissique, roublard (terme qui revient très souvent) dit que son mensonge a réveillé les Espagnols et notamment la jeunesse pour leur faire prendre conscience de l’horreur du nazisme, ça choque et ça interpelle. Est-ce encore un énième mensonge ? Javier Cercas a su prendre la distance nécessaire pour rétablir les faits. Et il approfondit, va au bout de sa quête. L’Histoire de l’Espagne est toujours présente en toile de fond. Et là où certains se sont tus, ont voulu oublier, Enric Marco dans ses affabulations était un héros. Mais Javier Cercas mène également une réflexion très juste sur la littérature. L’imposteur et le romancier construisent de la fiction (il compare Enric Marco à Don Quichotte).



Un livre qu’on ne lâche pas malgré quelques petits défauts dans sa construction : de nombreuses redites qui à la fin deviennent agaçantes et quelques petites longueurs. Mais ces bémols n’enlèvent rien au fait que L’imposteur est une lecture qui marque !
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A la vitesse de la lumière

Jamais je ne pensais avoir entre mains un livre qui parle entre autres de la guerre de Vietnam,de la transformation qui s’est opérée chez certains soldats alors qu’ils combattaient et se prenaient pour Dieu en ayant cette possibilité de donner la mort, et surtout sur le sens et le pouvoir de littérature. Pourtant ce roman prenant et riche en émotions traite de ces thèmes par une écriture ô combien remarquable et par l’histoire de deux hommes.



Le narrateur, un étudiant espagnol, a pour ambition de devenir écrivain. Par le plus grand des hasards, on lui propose un poste à l’université d’Urbana. Ainsi, il pourra enseigner sa langue et écrire. Et c’est dans le cadre de son travail qu’il rencontre Rodney Falk. Cet ancien combattant du Vietnam enseigne lui aussi l’espagnol. Peu bavard, Rodney Falk est solitaire, pourtant lui et le narrateur vont devenir amis. Mais Rodney disparaît sans prévenir son ami et sans avoir donné de raison à la faculté. Retourné en Espagne, le narrateur découvre la gloire liée à la publication de ses livres. Marié et père d’un enfant, il s’abandonne à une vie de vices . Il faudra un drame personnel pour qu’il cherche à voir de retour son ancien ami.



Alors qu’il était pacifiste, Rodney Falk s’est engagé. Il a côtoyé l’abominable, il s’est vu devenir un homme qui tue sans éprouver de remords. Pire, il y a pris du plaisir. Revenu au pays, il n’a plus trouvé la paix ( "En apparence, Rodney était certes revenu du Vietnam, mais c'était en réalité comme s'il s'y trouvait encore, ou comme s'il avait ramené le Vietnam chez lui"). Le narrateur lui a perdu sa famille, sa dignité à cause de l’ivresse du succès ( "j'aurais au moins dû prévoir que personne n'est vacciné contre le succès et que c'est qu'au moment de l'affronter qu'on comprend que c'est non seulement un malentendu et la joyeuse insolence d'un jour, mais que ce malentendu et cette insolence sont humiliants; j'aurais aussi dû prévoir qu'il était impossible de survivre avec dignité au succès, parce qu'il détruit tel un ivrogne la demeure de l'âme et qu'il est si beau qu'on découvre, même si on se leurre avec des protestations d'orgueil et de démonstrations hygiéniques de cynisme, qu'en réalité on n'avait pas fait autre chose que de le chercher, de même qu'on découvre quand on l'a entre les mains et qu'il est trop tard pour le refuser, qu'il ne sert qu' à nous détruire et à détruire tout ce qui nous entoure. J'aurais dû le prévoir, mais je ne l'ai pas prévu. En conséquence , j'ai perdu tout respect pour la réalité; j'ai aussi perdu mon respect pour la littérature, la seule chose qui juqu'alors avait donné un sens ou une illusion à la réalité."). Deux vies qui ont plus d’un point de jonction, deux hommes qui saignent moralement.

En quête de rédemption, l’écriture qu’il a délaissée donnera au narrateur cette obligation morale d’écrire ce qui n’a pas été dit, ce qui ne se raconte pas.



La construction même du livre à la façon d’un puzzle, où la trame serpente entre passé et présent est magnétique tout comme l’écriture de Javier Cercas. Et la littérature, la vie, la mort, et comment ou pourquoi naît l’écriture et son pouvoir à façonner ou à rendre au plus juste la réalité, la culpabilité jaillissent de ce roman et se plantent en plein cœur.

Un livre tout simplement inoubliable…J’ai eu à de nombreuses reprises des poissons d’eau dans les yeux, le souffle coupé et j’ai relu des passages ou des pages entières tant ce livre m’a plus que remuée !


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Les soldats de Salamine

Belle lecture, dont le début peut tarder à accrocher alors que la seconde, centrée sur le récit historique et la troisième, développant le lien avec la littérature et effaçant la frontière entre réalité historique et réalité fictionnelle, ouvre magnifiquement la voie à une meilleure compréhension de l'héroïsme et de l'humanité véritable. Tous ces morts, inconnus à jamais, sont des héros réels qui avaient alors toute la vie devant eux.

Face à cet immense charnier et fosse commune si longtemps fermée que l'identification est quasi impossible, ce roman éclaire d'une belle lumière.
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Le monarque des ombres

J’ai remarqué la couverture du livre « Le monarque des ombres » de Javier Cercas dès sa parution.

Cet enfant dans son costume militaire, la tête à demi-baissée, semble interroger. On peut deviner une cigarette dans sa main, pudiquement cachée par le politiquement correct du moment. Inquiet, il regarde la caméra et malgré tout, se laisse photographier. Mais, c’est sa jeunesse presque imberbe qui frappe !

Devenu, sans le vouloir, le héros d’une famille, notamment pour la mère de Javier Cercas, cet homme est son grand-oncle. Et, il est mort lors de la bataille de l’Ebre. Son nom est Manuel Mena, son habit celui des franquistes. Et, Javier Cercas affronte la honte, presque chaque jour, d’avoir ce héros martyr mais phalangiste, lui l’homme de gauche convaincu !

Quatre-vingt ans se sont écoulés et Javier Cercas a fait paraître une œuvre littéraire de plus d’une dizaine de livres où est présente cette guerre entre frères qui empêche une nation de solder son passé et qui certainement à précipiter le second conflit mondial.

Ce livre raconte l’enquête que doit mener Javier Cercas pour dépasser ce trouble. Parce-que sa mère devient veille, parce-qu’il faudra peut-être vendre la maison familiale à sa mort, parce-qu’après cela, il ne restera plus rien des racines familiales, Javier Cercas surmonte ces appréhensions et essaye de comprendre ce tout jeune homme qui a fait le mauvais choix pensant défendre des idées qui n’étaient pourtant pas les siennes. En remontant le fil du temps, en rencontrant les survivants, les compagnons ou les ennemis du moment, tous attachés à la même terre, au même village, voisins et presque cousins, de génération en génération, l’auteur va rechercher les circonstances de ces déferlement de violence qui auront des impacts indélébiles pour les générations suivantes.

En faisant référence à L’Odyssée où Achille rencontrant Ulysse se lamente de n’être plus que « le monarque des ombres » alors qu’Ulysse va poursuivre sa vie auprès des siens, Javier Cercas discute toute l’ambiguïté de la posture de son héros familial. Comme un père face à un fils, l’auteur va dépecer cette mythique histoire familiale pour retrouver l’humanité de ce jeune homme que rien ne prédestinait à mourir de ce côté ni de cette façon-là.

Presque en même temps que la parution du livre, l’Espagne s’interrogeait sur la possibilité de déplacer la dépouille de Franco du mausolée construit en 1940 pour célébrer la victoire sur les républicains après trois ans de guerre civile. Cette décision divisait complétement la nation montrant ainsi que les blessures ne se sont pas refermées. A l’époque, le chef fasciste avait fait déplacer, sans autorisation des familles, les dépouilles de quelques républicains pour donner bonne conscience. Pourtant, tous les 20 novembre, anniversaire de sa mort, ce lieu est le lieu de recueillement des nostalgiques du régime dictatorial. Du coup, la démarche de l’auteur a été accusée de toutes parts. Et, pourtant, quoi de plus normal que de vouloir comprendre les actions, les faits, les circonstances qui ont amenés nos ancêtres à agir comme ils l’ont fait ! Une fois dépassée la honte de leurs actions, il faut aussi surmonter la peur de blesser ceux qu’on aime. Et, pourtant, comment déterrer des secrets de famille sans blesser les vivants ! Et, lorsque c’est une mère qu’on ne veut pas blesser, le chemin est encore plus escarpé ! Pourtant, qui mieux que ce fils pour lui dire la vérité ! Mais, cette vérité, est-ce qu’elle ne la connait pas déjà ! Il faudra attendre la fin du livre pour que le lecteur comprenne, comme le fils d’ailleurs, l’importance de tout ce cheminement !

L’enfant que Manuel Néra était, s’est retrouvé pris dans des griffes de batailles d’adultes sans en mesurer les conséquences. Comme le dit justement Javier Cercas, ce sont des enfants qu’on envoie à la guerre. C’est vieux comme le monde !

Outre cette partie d’enquête, Javier Cercas retrace l’histoire de ces quelques mois où les franquistes ont réalisés leur coup d’état. A la manière « de ne pas y toucher », il s’interroge sur la différence entre le style journalistique qui enquête sur le terrain et celui de la littérature qui prend des libertés avec la réalité. En revendiquant que son récit soit autobiographique, Javier Cercas nous balade gentiment : puisque c’est bien en « littérateur » qu’il nous happe ! Mais, il faut savoir prendre son temps à cette lecture car la réflexion n’est jamais loin et le retour à l’historique nécessaire pour se confronter à la réalité.

Le talent de Javier Cercas nous entraîne à considérer l’histoire sous l’angle de la responsabilité afin que les ancêtres résonnent en nous et s’inscrivent ainsi sur nos descendants. Parti-pris difficile mais que l’auteur choisi pour se réconcilier avec son passé. Pourvu qu’une nation puisse l’entendre !

Je remercie mon beau-frère, Alain, qui a accepté de me le prêter malgré sa difficulté à s’en détacher. Car, sans ce partage, je n’aurais pas découvert ce roman et le regard de Manuel Mena ne m’aurait pas autant troublée.
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L'Imposteur

Un thème hautement polémique, mais qui met en jeu les enjeux justement de la littérature et de l'écrivain: mensonge, fiction imposture.

Javier Cercas hésite longtemps à entreprendre la rédaction de son livre et a l'honnêteté de se mettre lui-même en scène dans son élaboration. Les paradoxes abondent : comment écrire un livre de non-fiction sur un personnage qui s'est créé dans la fiction ? L'auteur ne recule pas devant la difficulté et mène de front sa quête de vérité vis-à-vis de Enric Marco, de légitimité en tant qu'écrivain, et d'éthique par rapport à son rôle. Le récit qui découle de cette démarche est loin d'être aride, et même si les faits sont connus, suivre les méandres de la vie réelle et de la vie rêvée se révèle passionnant.

Javier Cercas convoque les philosophes Platon, Montaigne, Kant et Nietzsche, pas moins, pour interroger ce qu'il en est du mensonge.

Il convoque également Camus qui après avoir prêté serment affirme qu'il préférera toujours sa mère à la vérité. Mensonge qui sauve, vérité qui tue.

Il établit également le parallèle avec Don Quichotte, qui arrivé à un stade de sa vie monotone, décide de la réinventer avec plus de panache.

Le fils de l'auteur remarque que Enric Marco fait mieux encore puisque contrairement à Don Quichotte que tout le monde considère comme fou, il convainc tout le monde de la véracité de ce qu'il raconte...

L'auteur évoque pareillement d'autres tentatives d'écritures "non fictionnelles" au premier rang desquelles "In cold blood" de Truman Capote qui par sa connivence avec les protagonistes, signe sa propre déchéance, mais également Emmanuel Carrère dans l'Adversaire, où il assure ses arrières.

Passionnant livre, donc, tant par la narration que par les questions qu'il soulève, du point de vue de la littérature, de l'histoire, de l'éthique de l'écrivain. Et avec comme sujet un être humain que tout le monde condamne, mais qui nous est diablement familier.
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Le mobile

Il s'agit d'une longue nouvelle (de 86 pages) qui figurait à l'origine dans le premier recueil de textes publié par l'écrivain espagnol Javier Cercas. C'est le premier texte que je lis de cet auteur et j'ai été séduit d'emblée par son style direct et plein de cocasseries. Alvaro, le narrateur, jeune écrivain, nous fait part de ses interrogations sur l'écriture et les premières pages du récit pourraient figurer dans une anthologie consacrée au métier d'écrivain. La suite du récit nous explique comment Alvaro va réussir à écrire le roman qu'il a prévu d'écrire, dans lequel le personnage principal n'est autre qu'un jeune écrivain qui, pour trouver l'inspiration pour son prochain roman... Une belle mise en abyme racontée avec beaucoup d'humour.
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Anatomie d'un instant

Décortiquer le moment clé de la transition démocratique en Espagne, en une œuvre littéraire éblouissante.



Le 23 février 1981, alors que les parlementaires espagnols doivent entériner le choix du successeur d’Adolfo Suárez à la présidence du gouvernement, des putschistes font irruption dans le bâtiment du Congrès, emmenés par le lieutenant-colonel Antonio Tejero, sous l’œil des caméras de télévision qui filment cette tentative de coup d’état.

Des coups de feu sont tirés dans l’hémicycle, les parlementaires s’aplatissent sous leurs sièges et à terre, à l’exception de trois hommes : Adolfo Suárez, président du gouvernement démissionnaire fin janvier, et artisan du démontage du franquisme et de la transition de l’Espagne vers la démocratie depuis 1976, reste assis sur son siège. Le général Gutiérrez Mellado, vice-président du gouvernement en fonction, se tient debout, défiant les gardes civils qui criblent de balles l’hémicycle du Congrès. Le troisième homme, Santiago Carrillo, secrétaire général du Parti Communiste, reste lui aussi assis en haut de l’hémicycle et fume, impassible.



«Aucun personnage réel ne devient fiction parce qu’il est apparu à la télévision, mais il est fort probable que la télévision contamine d’irréalité tout ce qu’elle touche, et qu’un événement historique change d’une certaine façon de nature s’il est retransmis par la télévision, parce qu’elle dénature la manière dont nous le percevons (pour ne pas dire qu’elle le trivialise ou le corrompt). Le coup d’Etat du 23 février présente cette anomalie : à ma connaissance, c’est le seul coup d’Etat de l’Histoire enregistré par la télévision, et le fait qu’il a été filmé constitue sa garantie à la fois de réalité et d’irréalité.»



La suite sur mon blog ici :
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L'Imposteur

N°1660- Août 2022



L’imposteur – Javier Cercas – Actes sud.

Traduit de l’espagnol par Elizabeth Beyer et Aleksandar Grujičič.



Enric Marco (né en 1921 en Catalogne) est connu pour avoir été militant anarchiste pendant la guerre d’Espagne, exilé en France, déporté par les nazis et grand témoin de la déportation des Espagnols, anti-franquiste, syndicaliste, jusqu’à ce qu’un journaliste espagnol démontre la supercherie en 2005. Il ne pouvait donc qu’être un sujet d’étude et aussi un personnage pour Javier Cercas, observateur attentif de l’espèce humaine. Pourtant, si une telle imposture provoque à priori des réactions contradictoires compte tenu du contexte, notre auteur est tenté de faire de lui un héro de roman simplement parce que sa vie elle-même est un roman et qu’un écrivain de son importance, qui est habitué à manier la fiction dont personne n’est dupe, peut avoir ainsi l’occasion d’un best-seller. Cependant cette démarche peut parfaitement accréditer les affirmations de Marco et ainsi nourrir la légende qu’il a lui-même construite. Pourtant, Cercas, à la suite de ce journaliste, dans une enquête minutieuse qui se révèle parfois un peu fastidieuse pour le lecteur, s’attache à démonter toutes les pièces de ce dossier qui se révèle mensonger. Il s’ensuit une longue réflexion sur la démarche de Marco, sa personnalité, son parcours, ses raisons d’agir ainsi dans un contexte de mémoire de la Shoah, l’appropriation de la guerre civile, du combat des républicains pour la liberté et des crimes du franquisme par une génération qui ne les a pas connus. Ce livre peut être regardé comme un paradoxe puisque Cercas s’insurge contre la duperie de Marco mais en même temps celui-ci exerce sur lui une sorte d’attirance. En effet, de même que l’écrivain de fiction transforme sa propre existence en créant des personnages et des situations qui n’existent pas, Marco qui n’est qu’un quidam, se révolte contre sa vie minable, la réinvente à la manière d’un créateur de fiction en se prêtant à lui-même des rôles qu’il n’a jamais eus.

D’une manière générale, mentir est mal, c’est à tout le moins ce qu’on nous enseigne dans notre enfance, mais tout être normalement constitué s’aperçoit très vite que le mensonge est vital si on veut mener une vie apparemment normale au quotidien. Non seulement on ne compte plus ceux qui, de leur vivant, ont tressé et nourri leur propre légende pour s’imposer dans la société, soit pour en tirer des avantages, soit pour impressionner leur auditoire, soit simplement par orgueil personnel… et ont fini par y croire eux-mêmes mais aussi ceux qui passent leur temps à s’auto-encenser. Le mensonge sous toutes ses formes, de la simple cachotterie d’enfance au scandale d’État en passant par la tromperie banale, la trahison ordinaire ou l’adultère, fait donc partie intégrante de l‘espèce humaine et ceux qui s‘obstinent à la pratique de la sincérité sont de plus en plus rares et le font pour des motifs moraux ou religieux. Avec les promesses électorales non tenues, les palinodies et les tricherie des hommes politiques qui entretiennent l’anti parlementarisme, les « fake news » des réseaux sociaux, les propos révisionnistes,.. nous sommes servis. D’autre part, concoctez une petite escroquerie bien léchée en essayant de penser à tout, ça ne prend pas et vous vous heurtez à la dénonciation et à la critique, mais bâtissez un énorme canular sans nuances ni même sans vraisemblance et il est d’emblée accepté sans contestation, surtout quand les temps sont troublés par des guerres ou des périodes agitées où les informations ne sont que parcellaires. C’est bien connu, plus le mensonge est gros plus il prend !

Cercas, après avoir longtemps hésité à écrire ce livre, mène donc à cette occasion, en dehors de toute fiction, une réflexion sur la mémoire historique où réalités et imaginaire s’entremêlent, s’appropriant cette meurtrière guerre civile qui ensanglanta l’Espagne et ses conséquences, dénonçant autant l’amnésie que la naïveté qui font partie de la nature humaine. Il s’interroge sur le cas de cet homme qui aurait normalement dû resté inconnu mais qui a pris une dimension internationale inattendue grâce à ses couches successives d’affabulations, dans un contexte romantique de martyr laïque comme survivant des camps de concentration et de lutte pour la liberté. Le canular a certes été démonté, les contradictions révélées et la réalité reconstruite, mais l’histoire, toujours écrite par les vainqueurs, nous a légué des vérités officielles qui perdurent toujours et s’encrent dans le temps.

Cercas montre Marco tel qu’il est, narcissique, mythomane, manipulateur, amoureux de lui-même, désireux de refaire sa morne vie à sa manière mais si « la fiction sauve, la réalité tue » parce que, selon Faulkner, le passé n’est qu’un élément du présent et finit toujours par vaincre ceux qui veulent le manipuler. La morale est sauve en quelque sorte… Pour une fois !

Je trouve que Cercas s’en tire bien parce que le sujet était ardu et à priori difficile à traiter face à une opinion publique facile à abuser. En ce qui concerne Marco, il contribue à remettre les choses à leur vraie place et peut-être à inviter à contester les vérités les plus établies et entretenues par la mémoire collective à propos de certains de nos contemporains.

Depuis que je lis les œuvres de Javier Cercas j’apprécie qu’il soulève à l’occasion d’un livre des questions importantes. Ici , comme d’ailleurs dans l’enquête du journaliste espagnol auparavant, ce qui est dénoncé a peut-être (peut-être seulement) contribué à libérer Marco de la bulle dans laquelle il s’était lui-même enfermé et où il finissait par être un peu à l’étroit.



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Les soldats de Salamine

N°1656- Juillet 2022



Les Soldats de Salamine– Javier Cercas – Actes sud.

Traduit de l’espagnol par Élisabeth Beyer et Aleksandar Grujičič.



Le titre du roman fait allusion à la victoire de la flotte grecque sur les navires perses beaucoup plus nombreux, en 480 av J-C . Ce récit traite bien d’une guerre (ou d’un épisode de celle-ci), mais elle est plus contemporaine. Il s’ouvre en effet sur l’exécution manquée de l’écrivain-poète-journaliste espagnol Rafael Sanchez Mazas (1894-1966), un des fondateurs de la Phalange, par les Républicains vaincus qui fuyaient. Il eut en effet la chance d’être épargné par les balles du peloton et se cacha dans la forêt. Retrouvé par un milicien, ce dernier déclara à ses chefs n’avoir rien vu et lui sauva donc volontairement la vie. Ce genre d’épisode romanesque existe sans doute dans tous les conflits mais Mazas s’en est fait l’écho au point d’en faire une sorte de légende, voire une supercherie, savamment entretenue par lui-même de son vivant puis après sa mort par sa famille.

Javier Cercas entreprend d’écrire cette histoire à partir de cette anecdote et auparavant d’en vérifier son authenticité à travers différents témoignages disponibles mais cette recherche le transforme rapidement en biographe de Sanchez Mazas, c’est à dire ses origines familiales, son parcours littéraire et politique à l’intérieur de la Phalange, mais il ne s’interdit pas, devant les lacunes des documents à sa disposition et la confusion qui baigna cette période troublée, mais aussi face à l’insolente chance de Mazas, d’imaginer ce qu’il ne sait pas. Ainsi mêle-t-il dans son récit l’imaginaire du romancier à la précision de l’archiviste. La fin de vie de Mazas fut moins glorieuse, plus indolente et égoïste, davantage consacrée à la politique qu’à la littérature, plus mélancolique et désabusée aussi et l’oubli acheva de recouvrir les quelques traces qu’il laissa de son passage sur terre. Restait pour l’écrivain qu’est Javier Cercas, et surtout pour conclure son livre, à identifier le milicien anonyme qui sauva Mazas, ou à l’inventer. Il n’y avait à priori rien de commun entre eux et même toutes les raisons pour que cet homme le dénonce ou le tue, les troupes républicaines étant à l’agonie. .

Dès lors quel est le lien entre Mazas et les soldats de Salamine ? Mazas aurait eu l’intention de relater cette histoire d’exécution manquée et de donner ce titre à son récit, titre qui a été repris par Cercas pour le sien. Écrire un livre est toujours une aventure et comme beaucoup d’écrivains Cercas fut victime de son livre c’est à dire de la propre vie de ce dernier, de son indépendance, de sa liberté, à moins qu’il n’ait lui-même et inconsciemment manqué son but. Bref il était déçu de son travail . Il n’avait pour ce récit que la version nationaliste de Mazas, il considérait donc qu’il lui fallait pour être complet la version républicaine mais il voulait surtout mettre un visage, et peut-être un nom sur le fantôme de ce milicien. Le hasard voulut qu’il rencontra un survivant républicain de la Guerre Civile avec qui il évoqua ses derniers moments dans l’armée républicaine, sa fuite vers la France et le camp d’Argelès, son engagement dans la division Leclerc, sa folle équipée africaine puis française et l’imagination créatrice de Cercas ne put s’empêcher de relier à l’aventure de Mazas à celle de ce milicien anonyme qui lui sauva la vie.



Je voudrais en aparté évoquer le sort de ces républicains contre qui la France n’était pas en guerre mais qui les accueillit d’une façon honteuse, bien indigne du pays des droits de l’homme et de la liberté qu’elle est censée être. Dans le camp d’Argelès comme dans bien d’autres, des êtres humains sont morts faute de soins et même des plus élémentaires actes de simple humanité. Après avoir été connu l’opprobre de la défaite ils eurent à souffrir des exactions injustifiées des troupes coloniales françaises. Ils ne nous en voulurent cependant pas puisque les survivants s’engagèrent dans la légion étrangère pour combattre le nazisme. Faut-il rappeler que les premiers militaires à libérer Paris furent ceux de la 2°DB de Leclerc et plus précisément la compagnie du capitaine Dronne, « La Nueve », composée principalement … de républicains espagnols qu’on choisit d’ailleurs d’oublier une seconde fois en ne les citant pas parmi les troupes libératrices.

Je me suis très tôt passionné pour cette guerre d’Espagne mais je n’ai abordé l’œuvre de de Javier Cercas dont j’ignorais l’existence, qu’à la faveur d’un prêt amical de livre (« Terra Alta »). Je n’ai pas été déçu par ce que j’ai lu et je dois avouer que lorsque j’ouvre un de ses livres, j’ai beaucoup de mal à m’en détacher à cause du style clair (servi sans doute par une bonne traduction) et ce malgré quelques longueurs que je lui pardonne volontiers. L’intérêt qu’il a suscité m’a incité à poursuivre la découverte de son univers créatif et ce d’autant plus que j’ai ai apprécié cette invitation à réfléchir sur la dimension morale et philosophique du récit offert à la lecture. J’ai par exemple toujours été scandalisé qu’on oublie le sacrifice de quidams, souvent des étrangers, qui sont morts pour que les générations suivantes d’un pays qui n’était pas le leur soient libres et parlent le français et qu’on ne retiennent, le plus souvent, que les noms des dirigeants emblématiques.

Ce roman a été adapté au cinéma en 2003 par David Trueba.



En Espagne, sous la dictature de Franco, le souvenir de la guerre civile a été complètement occulté. Sous le régime suivant, plus démocratique, on a cherché à oublier toutes ces atrocités. Ce n’est que lors de la génération suivante, qui n’a évidemment pas connu ce conflit, que les jeunes écrivains espagnols s’en sont emparés, se le sont même approprié et l’ont intégré à leur œuvre, comme pour en exorciser toutes les horreurs. Javier Cercas, né en 1962 est de ceux-là. Je vais poursuivre la découverte de son œuvre.



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Indépendance

Merveilleux Javier Cercas! Acclamé par la critique en Espagne, l'auteur mérite toute notre admiration. Avec un "simple" polar, histoire sordide d'une sextorsion (sur la maire de Barcelone tout de même!), il arrive à décrire toutes les nuances de l'humain et prend même le temps d'évoquer la politique catalane. Ce second tome de Terra Alta surpasse son ainé grâce à une structure surprenante (ah! le deuxième chapitre) et des révélations qu'on n'osait plus attendre. Notez que contrairement à l'éditeur, je pense qu'il vaut mieux avoir lu Terra Alta car si l'enquête en elle-même est indépendante, l'évolution des personnages mérite bien deux romans. Vous me direz que peut-être j'en fais trop mais je répondrai que je n'en fais sans doute pas assez car j'ai lu Indépendance en vo et j'ai donc dû passer à côté de certaines nuances ou traits d'esprit trop hispanico-hispaniques pour une petite francophone. Je me réjouis déjà de lire le troisième volet des aventures de Melchor (déjà paru chez nos amis Espagnols).
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Terra Alta

Je recommande la lecture de Javier Cercas tant il sait raconter les histoires. Dans ce livre il s'essaie au roman policier ce qui est inédit mais on retrouve ses talents de conteur hors pair dans la veine hyperréaliste, le cadre géographique de la Catalogne et on revient quoi qu'il en soit au thème qu'il a le plus abordé dans son oeuvre, la guerre d'Espagne (1936-1939).

Il est question de faux gentils et de faux méchants. Il le fait d'ailleurs dire par son protagoniste principal, un certain Melchior Marin qui en est en quelque sorte une illustration.

Comme dans ses romans, il est aussi question de littérature et d'hommage à ses pairs. Ici, l'oeuvre citée tout du long est "Les misérables" de Victor Hugo qui sert de vade mecum à Melchior notamment dans sa transition de méchant en gentil. Sans l'avoir personnellement lue je pense l'avoir connue grâce à ce livre. J'ai pensé à un film extraordinaire récemment vu et adoré "Les misérables" de Hadj Ali qui a obtenu le Grand Prix du Jury au festival de Cannes en 2019. L'approche se résumait alors par la citation "il n'y a pas de mauvaises terres il y a des mauvais cultivateurs" me semble la même.

Un deuxième emprunt/hommage rendu, cette fois sans qu'il soit cité, me paraît être "Le dahlia noir" de James Ellroy avec le crime irrésolu d'une mère prostituée qui hante Melchior, sans peut être le caractère autobiographique.

Enfin, l'auteur s'éloigne du coeur de sa Catalogne natale et de ses grandes villes pour se perdre dans une commune périphérique, dépeuplée, une campagne pauvre, à l'extrémité sud-ouest de la communauté. J'ai d'abord cru à un lieu imaginaire de par le nom commun "terre haute" mais il s'agit bien d'une région (comarque en Espagne) de 12 000 habitants (Wikipédia) où pas grand chose apparaît dans la notice, aux confins de l'Ebre (la Bataille de l'Ebre qui serait l'une des plus meurtrières y est citée) et de l'Aragon.

Bref, un excellent roman lu d'une traite qui a ravi l'amateur de Cercas et de romans policiers que je suis.

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Terra Alta

Je suis loin d’avoir lu tous les ouvrages de Javier Cercas, mais cela ne m’a pas empêchée de l’admettre d’emblée dans mon cercle personnel des écrivains qui comptent. Entendez ceux pour qui écrire ne consiste pas simplement à raconter une histoire, mais plutôt à interroger le statut même de la littérature, à délivrer une vision du monde et à interroger celui dans lequel ils vivent.



Avec Terra Alta, Javier Cercas semble avoir renoué avec une forme romanesque plus classique que dans ses livres précédents, quittant résolument le terrain de l’autofiction et adoptant un certain nombre de codes propres au roman policier. L’auteur se défend pourtant d’avoir voulu s’inscrire dans un genre, la littérature ne comptant à ses yeux que deux types de livres : les bons et les mauvais - ce que j’aurais assez tendance à partager !



Et si meurtre il y a bien, ce n’est pas forcément sur la recherche de l’identité de l’assassin que repose l’essentiel du roman. A vrai dire, même si la résolution de l’enquête tourmente son héros, l’auteur semble quant à lui assez vite s’en désintéresser… et le lecteur avec lui !



Car ce dont Cercas rend compte avec force détails, ce sont les méandres psychologiques et les obsessions de son drôle de fonctionnaire de police - c’est quand même alors qu’il purgeait une peine de prison qu’est née sa vocation, après la lecture des Misérables - dans une Catalogne marquée au fer rouge de la guerre d’Espagne. Cercas dépeint avec une rare acuité le contraste entre une capitale régionale riche, effervescente et brutale, et un arrière-pays rural beaucoup plus pauvre et comme figé dans une forme d’inertie.



Si l’Espagne contemporaine plonge ses racines dans le drame de la guerre civile, elle est également aux prises avec le terrorisme et les questions d’indépendance régionale. Cercas parvient à articuler tous ces éléments dans un schéma narratif parfaitement cohérent qui finit certes par nous écarter de l’intrigue policière où l’on croyait qu’il voulait nous emmener, pour nous immerger dans la société espagnole et les tensions, voire les antagonismes qui la traversent. Rendant ainsi le roman d’autant plus passionnant. Et donnant diablement envie de lire les deux autres volumes à venir d’une oeuvre conçue comme une trilogie.



Mais je vous rassure, bon prince, l’auteur finit quand même par nous livrer la clé de l’énigme !
Lien : https://delphine-olympe.blog..
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Terra Alta

CERCAS se réinvente en auteur de roman policier...



Un roman policier espagnol contemporain (lu en VO) qui ne vous laisse pas indifférent. On suit le personnage principal -Melchor MARÍN- à travers une enquête très prenante, jusqu'à la fin on reste intrigué et surpris. L'auteur sait nous tenir en alerte et il dévoile son intrigue au compte-goutte.



L'auteur nous promène dans les différentes étapes de la vie de Melchor qui ont fait de lui, l'homme et l'inspecteur de police qu'il est devenu. Il est partagé entre la violence qui l'habite depuis toujours et son respect pour la loi qu'il représente. On découvre des informations sur son enfance, sa vie en prison, le décès de sa mère et l'enquête qu'il mène pour essayer de trouver les assassins, son arrivée à Terra Alta, la rencontre avec Olga qui deviendra sa femme... Tout en parallèle de l'enquête qu'il mène afin de trouver les assassins qui ont commis un crime des plus horrible dans cette ville où rien ne se passe jamais. Melchor étant passionné de lecture et surtout des Misérables de Victor Hugo, on rencontre souvent des allusions à l'oeuvre, il se compare souvent lui-même à deux des personnages, l'inspecteur JAVERT et son ennemi Jean VALJEAN.
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L'Imposteur

Troisième roman de l auteur que j ai entamé car il se trouvait dans une bibliothèque de maison de vacances

Abandonné pour l instant car je trouvais le rythme trop lent , impression de redites .

Auteur trop présent dans les chapitres et entre les lignes !

Comme dans ses autres romans , le recit s interrompt souvent pour revenir au présent , quand il donne rendez vous dans des petits bistrots à ses « informateurs ,des témoins qui peuvent lui fournir des infos pour écrire son récit .

On ne compte pas les passages de type « OUi en effet ,me dit il en se servant de ce fameux dessert et l avalant avec gourmandise d un trait,ce dessert étant une spécialité de la maison et il l avait déjà commandé lors de notre dernière rencontre...;;;; »

Cette omniprésence de l auteur fait penser à Emmanuel Carrère et l auteur en parle d ailleurs ,comparant son livre au roman de Carrère parlant de l affaire Romand ,un autre imposteur célèbre .(faux médecin qui assassina toute sa famille de peur qu elle ne découvre son imposture )

Comme dans les deux autres romans de Cercas que j ai lu ,cet opus commence par les interrogations sur sa légitimité à écrire sur le sujet et les affres de la page blanche quand ce n est pas des détails sur sa vie de famille et amoureuse .

Il faut ,je crois pour être sensible à cette histoire aussi détaillée être espagnol ou hispanophile .(Cela se dit il ? J ai un doute ..;)



l histoire de ce pauvre type banal et sans grande éducation qui arrive à se sans cesse à se remettre au premier plan des médias a une portée universelle mais Dieu que c est lent !

J ai préféré de loin les deux autres romans que j ai lu ,même structure ,même omniprésence de l,auteur mais cela fonctionne mieux
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