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Critiques de Javier Cercas (529)
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Le château de Barbe Bleue

Melchor Marín est de retour avec ce troisième et dernier volet de la série policière de Javier Cercas. Si vous n’avez pas lu les deux premiers tomes, vous filez en librairie sans plus attendre.

Pour les autres, autant le dire immédiatement, « Le château de Barbe Bleue » n'est pas le meilleur de la trilogie, mais il est toujours bon de revenir en Terra Alta et de retrouver Melchor.



Quelques années après l’action du tome 2, Melchor n'est plus policier : il travaille comme bibliothécaire et vit avec sa fille Cosette, aujourd'hui adolescente.

Quand elle découvre que son père lui a caché la vérité sur la mort de sa mère, elle est bouleversée et décide de partir prendre l’air à Majorque avec une amie. Malheureusement son voyage l’amène directement dans la gueule du loup. Ou plutôt des loups. Une meute d'hommes puissants au premier rang desquels un milliardaire qui s'avère être un prédateur sexuel, agissant en toute quiétude sur l'île, protégé par un réseau de corruption politique.

Face à l'inefficacité de la police, Melchor part sur les traces de sa fille, prêt à tout, même à se faire justice lui-même (ce à quoi il est déjà habitué). Il va ordonner sa vengeance avec l'aide de ses collègues qui l'ont accompagné tout au long de la trilogie.



Malgré le fait que l'intrigue soit peut-être la plus simple de la trilogie, l’intérêt du lecteur s'engage très rapidement et c'est en partie grâce au personnage de Melchor qui, après trois épisodes, est déjà parfaitement dessiné, avec ses lumières et ses ombres, et dont les actes, bien que parfois répréhensibles, ne peuvent qu’entraîner l’empathie.



Javier Cercas, via son personnage, nous parle à nouveau de son Espagne, sujet principal de son œuvre qu’elle qu’en soit la forme. Un pays gangrené par la violence, notamment envers les femmes, la corruption. le mensonge, les abus de pouvoir et la lâcheté.

À côté de ce tableau sinistre, l’auteur développe en contrepoint des personnages capables de tout risquer pour une juste cause.



Je suis bien évidemment un peu triste de dire adieu à Melchor (un Melchor pour le coup plus Jean Valjean que Javert) mais je ne dis pas adieu à Cercas. Je serais, sans aucune hésitation et quelque soit le genre, au rendez-vous pour son prochain roman.
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Indépendance

L’inspecteur Melchor vit mélancoliquement en Terra Alta, une région rurale catalane où la nature est prenante et la société encore marquée par la guerre civile espagnole (1936-1939). Après avoir perdu son épouse, il élève seul sa fille Cosette. Il faut dire que le flic trentenaire est un inconditionnel des Misérables de Victor Hugo qu’il a découvert en prison quinze ans plus tôt.



Malgré l’ennui doucereux qui l’accable, l’invitation de Blai, l’ancien chef de l’Unité d’Investigation de Gandesa, à rejoindre provisoirement la brigade anti-enlèvement de Barcelone, le motive moyennement.

Premièrement, parce qu’en son for intérieur, il sait que la capitale catalane ne manquera pas de lui rappeler l’assassinat de sa mère, prostituée de son état, par des fils à papa jamais identifiés.



Deuxièmement, parce qu’il espère quitter les Mossos d’Esquadra (police catalane) depuis qu’il a réussi son diplôme de bibliothécaire grâce à la formation qu’il a suivie durant son temps libre. Mais, contre toute attente, Blai parvient à le convaincre en lui expliquant que la maire de Barcelone est victime d’un chantage à la sextape (vidéo porno amateur).



Commence alors la traque aux délinquants qui, finalement, ne s'avèrent qu'un écran de fumée masquant les vrais coupables. Je n’en dirai pas plus...



Ce roman est la suite de « Terra Alta » où l’on fait la connaissance intime de l’inspecteur Melchor et de son épouse Olga. Je me réjouissais donc de découvrir ce deuxième opus, mais j’ai été un peu déçu. Pourquoi ? Essentiellement pour trois raisons.



Tout d’abord, Javier Cercas insère sciemment dès le deuxième chapitre des éléments permettant de deviner l’issue du récit. J’avoue que ce procédé littéraire me laisse dubitatif, car à part tuer une partie du suspense, il n’apporte pas grand-chose.



Ensuite, lors de l’immersion des policiers dans la haute bourgeoisie catalane, j’ai eu l’impression de lire un terne Ersatz des enquêtes de Pepe Carvalho, le mythique détective privé créé par Manuel Vázquez Montalbán. En se coupant de la Terra Alta, c’est comme si la vie de Melchor perdait sa couleur et ce qui faisait son charme.



Enfin, la qualité de l’écriture me semble inégale d’une page à l’autre. Est-ce le fait des traducteurs ou de Cercas lui-même ? Je l’ignore, mais il y a vraiment des passages où l’on a le sentiment de côtoyer un auteur débutant...



En fin de compte, l’espoir déçu de me régaler avec la même intensité que lors de la lecture de Terra Alta.
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Terra Alta

Pas mal pour un premier. Mais avec les defauts d’un premier. Premiere partie top je tope, la deuxieme, il commence a s’essouffler, je trouve moins de peaufinement, cela s’allonge. L’intrigue un peu moins intriquee. Mais c’est bon. Surtout que je suis du coin, enfin pas loin. Quelques dizaines de pages de moins cela m’aurait ete parfait, mais comme je n’aime pas les gros bouquins. Sauf ceux du roi, celui du dahlia noir. Je recommende fortement ... pour qu’il fasse une suite.
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L'Imposteur

« L'imposteur » entraîne le lecteur dans une galerie des glaces où se cachent vérité et mensonge, dissimulation et compromission. Javier Cercas dissèque l'histoire d'un homme, Enric Marco, qui s'est construit un passé en trompant tout le monde. En 2005, un historien dévoile la supercherie, l' affaire provoque consternation, réprobation… L'auteur avoue ne pas avoir voulu écrire le livre, mais il se décide à raconter l'histoire de cet homme. Enric Marco accepte de le rencontrer et de lui raconter son parcours. Vérité ou mensonge ? le doute s'installe dès la première page. Car Enric Marco ne regrette rien, il n'a rien fait de mal et a transmis des valeurs morales.

« L'imposteur » fonctionne comme un kaléidoscope. Les facettes de l'Histoire s'imbriquent avec l'histoire personnelle d'Enric Marco. Comment déceler la vérité ? Comment construire un livre de non fiction avec la fiction élaborée par un homme qualifié de « génial » par le fils de l'écrivain ? le public venu écouter le récit « héroïque » de l'antifasciste, du pseudo déporté à Flossenburg, les officiels bernés par le président de l'Amicale de Mauthausen ne sont-ils pas en attente du message annoncé ? L'Histoire de l'Espagne est sublimée par cette reconstruction .La démocratie s'installe après la mort de Franco en 1975 sur l'amnistie et l'oubli des crimes passés. La loi de la Mémoire Historique de 2006 consacre l'indispensable retour sur la période républicaine, les fosses communes sont recherchées, ouvertes… Il faut dépasser un oubli coupable ….Et le récit d'Enric Marco y répondait.

L'écrivain est confronté à ses propres pratiques, écrire n'est-ce pas tromper en inventant des fictions qui sont des réalités virtuelles ? Javier Cercas n'échappe pas à une autoanalyse . Il veut échapper au destin de Truman Capote qui s'est perdu en écrivant « De Sang -froid ». de même que Cervantès avait redonné à Don Quichotte son identité en le débarrassant de ses fantasmes, Javier Cercas veut éliminer « les peaux de l'oignon » qui constituent le personnage d'Enric Marco. Le travail a été épuisant. L'auteur livre ses raisonnements, ses doutes. Quelques passages montrent le besoin d'expliquer par le menu, de décortiquer le travail de vérité et de création littéraire. Ce souci alourdit parfois le déroulement de l'enquête.

Le livre intègre dans l'Histoire contemporaine de l'Espagne un parcours vécu et mensonger. « L'imposteur » est un ouvrage qui interroge efficacement nos rapports à « la vérité » individuelle et collective. Un livre à conseiller.





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Le monarque des ombres

Après L'Imposteur qui relatait l'histoire à peine croyable du président de l'association des anciens de Mathausen alors qu'il n'y avait pas mis les pieds, Javier Cercas aborde une nouvelle fois la conciliation impossible entre histoire et mémoire. Il est sacrément gonflé Javier Cercas: dans un pays où la repentance est obligatoire (par la loi mémorielle de 2007), écrire l'histoire de son grand oncle, jeune phalangiste, mort à 19 ans au cours de la terrible bataille de l'Ebre, fallait oser. Et bien c'est une réussite et un très beau travail d'historien (lui qui n'est pas historien), une belle et profonde réflexion sur la mort, sur la guerre et sur le bien et le mal. Jamais donneur de leçons, Javier Cercas bouleverse nos schémas et pose les questions qu'on n'a pas forcément envie de se poser.
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Le monarque des ombres

Une famille franquiste c’est lourd à porter, Javier Cercas appartient à une famille de ce genre, depuis toujours il a envie et besoin d’écrire sur sa famille, sur son grand-oncle

Comment écrire sur sa famille ? L’auteur fait le choix de l’enquête, enquête autour du héros de la famille, Manuel, l’oncle adoré de sa mère, enquête dans la petite ville d’Ibahernando berceau des Cercas.

Javier Cercas pour comprendre va interroger les anciens, ceux qui ont fait le choix du franquisme, ceux qui à contrario ont combattu dans les rangs républicains. Il reconstitue le parcours de Manuel Mena.



Il interroge les archives, livre des faits bruts : des dates, des faits. Il questionne les photos familiales, pour dresser un portrait sans fard qui peut à tout moment faire tomber le héros de son piédestal.

Le livre est aussi l’interrogation de Cercas sur le bien fondé d’un tel livre, comprendre les choix terribles qui se sont offerts à cette génération, les erreurs commises, le nationalisme exacerbé, l’impression de redonner la fierté aux pauvres, l’envie de livrer un juste combat et pour finir avoir servi un régime à l’opposé, un régime de terreur et d’exactions.







Il y a des pages magnifiques dans ce livre, le symbole de la maison où fut soigné Manuel Mena est fort et beau. Le tableau de ce village en 1938 est passionnant, ces habitants pauvres mais qui croient qu’ils ont quelques privilèges durement gagnés et vont faire le choix du franquisme pour les protéger.

Manuel est le représentant de ces hommes incapables de comprendre que le nouveau régime va les renvoyer à leur misère et que seule la République aurait pu les défendre.

On sent à travers le récit et l’histoire familiale, la faille que représente le franquisme encore aujourd’hui.

Ce livre est le récit des erreurs commises par une génération, de l’ambiguïté des choix. Que faire de ce passé si pesant ?

En lisant Javier Cercas j’ai repensé au film magnifique : Lacombe Lucien, comment on choisit la mauvaise cause, au livre de Marie Chaix Les Lauriers de Constance et la culpabilité d’appartenir à une famille de collaborateur.






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L'Imposteur

D'abord la vie d'Enric Marco telle qu'il l'a longtemps racontée. Ensuite, la longue enquête et les entretiens menés par Cercas pour démêler le vrai du faux et faire avouer à Marco que la première moitié de sa vie est, si ce n'est un mensonge, au moins un net enjolivement de la vérité. Enfin, une réflexion sur la fiction, l'écriture, le romancier, la vérité et le mensonge absolument passionnante.
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Les soldats de Salamine

Les soldats de Salamine est une oeuvre qui échappe à la classification. Dans ce récit-document autobiographique mettant en scène des personnages réels, Javier Cercas se présente comme un journaliste médiocre, dont les velléités d'écrivain semblaient être mortes avant terme jusqu’à ce qu'il se prenne curieusement d'une passion pour la destinée mouvementée de l'écrivain phalangiste Rafael Sanchez Mazas. Ce dernier échappa au peloton d'exécution de masse organisé en toute hâte par les troupes républicaines en perdition, grâce au silence d'un milicien républicain . Lors de ses pérégrinations pour passer en zone contrôlée par les troupes nationalistes, il recevra l'aide providentielle d'humbles paysans et d'autres fugitifs, déserteurs de l'armée républicaine ennemie.





Dans la première partie, agrémentée d'extraits d'articles de presse, d’annotations furtives sur un carnet rongé par les ans, Cercas nous explique le cheminement de cette forme d'enquête aboutissant à la deuxième partie du livre, c'est à dire le récit a la troisième personne du singulier de la vie de Rafael Sanchez Mazas, poète courtois et raffiné mais confidentiel, chroniqueur de talent et prosateur exalté, fasciste de la première heure et théoricien de la Phalange; et la reconstitution de ses pérégrinations, miraculé et fugitif, luttant pour sa survie. Le troisième volet est un retour à la réalité vécu par l'écrivain enquêteur que sa profession de journaliste amène à interviewer Roberto Bolano, éminent écrivain Chilien contemporain. Bolano lui conte alors une histoire sur une de ses connaissances, rencontrée durant sa vie vagabonde faite de petits boulots, qui fut vétéran de la guerre civile et de la légion étrangère, récit qui ouvre des perspectives inattendues, promettant de lui permettre, enfin, de finir son livre laissé inachevé, en souffrance.





Débutée dans une narration mâtinée d'auto dérision et d'humour complice, les Soldats de Salamine s'achève en une note résolument mélancolique. Ce récit oeuvre pour la réconciliation, mais à mon sens surtout, pour le souvenir des soldats qui sauvent toujours au dernier moment la civilisation, pour reprendre l'idée d'Oswald Spengler citée par Cercas, sacrifice qu'on a toujours tôt fait d'evincer de notre mémoires, et qui condamne ainsi les braves à une seconde mort, l'oubli. Une oeuvre intelligente, intéressante par sa structure, par la réflexion qu'elle apporte sur la création littéraire et par sa charge émotionnelle.
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Les soldats de Salamine

Il m'en aura fallu, du temps, pour venir à bout de ce roman / récit / biographie /autofiction (que ceux qui l'ont déjà lu cochent la case correspondante).

Il y a pourtant quelques belles pages (entre les pages 110 et 130, à peu près, et surtout entre les pages 159 et 237 : ce fragment-là correspond en fait à la troisième partie du livre, la seule qui ait un peu de vie. Mais peut-être que les 158 précédentes pages ne sont qu'une introduction à cette troisième partie, qui constitue, de fait, à elle seule, le roman proprement dit. Allez savoir !)

Dans ce roman, intitulé "Les Soldats de Salamine", Javier Cercas raconte comment il a eu l'idée d'écrire un "récit réel", qu'il intitulerait "Les Soldats de Salamine" et dont l'idée de départ est un épisode de la guerre d'Espagne, mettant en scène Rafael Sanchez Mazas. Cet homme, l'un des fondateurs de la Phalange et l'un des principaux (sinon le principal) théoriciens du mouvement fasciste qui prendra le pouvoir en Espagne sous les traits de Franco, a passé trois ans en prison, avant que son camp ne remporte la guerre civile. Mais, surtout, il a failli être fusillé : à quelques jours de la prise de contrôle totale et définitive de la Catalogne par les fascistes, les républicains ont procédé à une exécution groupée de tous les prisonniers un peu importants que contenait la prison du Collel, près de Gérone. Ces hommes sont rassemblés et conduits dans la forêt voisine. Mais, au moment où les premiers coups de feu retentissent, deux ou trois d'entre eux se jettent dans les fourrés voisins puis prennent leurs jambes à leur cou et foncent droit devant eux. Sanchez Mazas est l'un de ceux-là.

Cependant, ce ne sont pas uniquement ses aptitudes de coureur qui le sauveront de la mort : sa fuite ne l'emmènera pas bien loin, puisque, se sachant poursuivi et incapable de tenir longtemps, il se planquera dans un petit recoin, en se couvrant de feuilles et de branchages. Et c'est là que l'un des miliciens lancés à sa poursuite le trouvera. Les deux ennemis, Sanchez Mazas et l'homme armé, se dévisageront pendant un long moment. Sanchez Mazas ne bougera pas de son terrier improvisé. Le communiste restera immobile également, ruisselant de pluie, les mains cramponnées sur son arme. Puis, sans quitter le fuyard des yeux, il lancera à ses compagnons, occupés à fouiller d'autres buissons : "Par ici, il n'y a personne !" Et il partira.

Javier Cercas nous fait connaître cet épisode dès le début de son roman. Et c'est cette petite anecdote qui lui donne l'envie de se remettre à écrire, lui qui a abandonné, quelques années plus tôt, l'idée d'être écrivain, après le bide de ses deux premiers romans. Il va donc se mettre en tête de rechercher des gens qui ont connu cette période de la Guerre Civile, mais surtout des gens qui ont été impliqué dans l'exécution de la prison du Collel ou ses suites.

Il retrouvera notamment la trace de l'autre "échappé du peloton", qui, depuis, a écrit un livre sur ce sujet. Il retrouvera aussi les fermiers qui ont accueilli Sanchez Mazas, après quelques jours d'errance dans la forêt. Il retrouvera de même trois déserteurs de l'armée républicaine qui ont tenu compagnie au ponte fasciste, dans cette même forêt, en attendant que les troupes de Franco arrivent jusqu'à eux. Et il retrouvera encore, dans la troisième partie du roman, une dernière personne, un vieillard qui fut soldat pendant cette guerre et bien d'autres ensuite et qui finit ses jours dans un hospice de la banlieue de Dijon.

Voilà donc, en gros, le contenu du roman. Mais tout ça arrive de façon plutôt désordonnée, que ce soit les entretiens avec les témoins de l'époque ou les bribes de la vie de Javier Cercas, qui ne sait pas par où commencer à écrire son histoire. Par ailleurs, beaucoup de points sont survolés, sans jamais être approfondis et on a l'impression de contempler une exposition de petits tableaux, juxtaposés sur un mur, sans aucune explication, aucune possibilité d'approfondir chaque sujet.

Sanchez Mazas, qui était écrivain et poète, fut, par ses écrits, un grand inspirateur des fascistes espagnols. Ah bon ? Comment ? On ne le sait pas.

Dans les gouvernements de Franco, il occupera à un moment donné un poste de ministre, mais la politique ne l'intéressant pas, il prendra cette fonction un peu par dessus la jambe. C'est-à-dire ? Qu'a-t-il fait précisément ? A-t-il voulu vraiment se démarquer de Franco ? Javier Cercas ne donne pas de précisions à ce sujet.

Sanchez Mazas a également promis à ses "amis de la forêt", les trois déserteurs qui ont vécu avec lui, de tout faire pour eux, une fois qu'il aura retrouvé la place d'honneur à laquelle il a droit, auprès de Franco. Il fera effectivement libérer des prisonniers, sur la demande de ses "amis de la forêt" ou des fermiers qui l'ont nourri, mais on passe là-dessus à toute vitesse.

Ce ne sont que des exemples, mais, j'ai vraiment eu l'impression qu'à force d'accumuler de simples "constatations" (ils ont fait ci, ils ont dit ça) il n'y a finalement pas vraiment d'histoire, dans ce livre, et pas vraiment de vision de l'Histoire non plus, alors qu'on aurait pu s'y attendre. Et j'ai même eu l'impression qu'il n'y avait pas non plus d'idées. Je ne parle pas d'idéologie : le but de Javier Cercas n'est évidemment pas de démontrer qui, parmi les communistes ou les fascistes, étaient les bons et les mauvais ni qui avait raison. Je parle des deux idées qui fondent le roman / récit / biographie / autofiction : premièrement, la difficulté de l'écrivain à donner naissance à un livre à partir d'une idée, et deuxièmement, la notion d'héroïsme et tous ses corollaires (courage, dévouement, magnanimité vis-à-vis de l'ennemi). Ces deux grands concepts sont, à mon sens, tellement survolés, qu'on ne parvient pas à vraiment les toucher du doigt.



Pourtant, il y a la troisième partie.

Il faut lire ce livre pour cette troisième partie. Mais comme on ne peut pas la comprendre sans avoir lu les deux précédentes, il faut lire tout le livre.

Dans cette troisième partie, il y a de l'humanité, il y a des leçons de vie, à la fois à propos de la vie de l'écrivain, mais aussi à propos de la vie de ces combattants, dont certains furent des héros. Et l'on aperçoit avec un peu plus de précision ce que peuvent être les deux grandes idées que Javier Cercas voulait faire passer dans son livre... même si, là encore, il y a certaines pages de survol qui nous éloignent un peu du sujet.
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Le château de Barbe Bleue

Melchor Marin, l'ex-inspecteur reconverti en bibliothécaire, mène une vie tranquille quand sa fille Cosette en vacances à Majorque disparaît. Il s'avère qu'elle a été victime d'un réseau de prédateurs sexuels dirigé par un magnat tout puissant, richissime, et tenant dans ses mains la police et la justice des Baléares.

Melchor veut venger sa fille, et rendre justice aux victimes en révélant l'affaire, en récoltant les preuves et en les divulguant. Pour ce faire, il contacte ses anciens collègues et amis et monte une opération sur l'île de Majorque.

Il s'agit donc là du troisième polar de la série Terra Alta. C'est écrit dans un style cinématographique, les faits, rien que les faits, allant à l'essentiel, sans fioriture, d'une écriture un peu blanche, la psychologie des personnages s'en dégageant tout de suite. L'accent est mis sur les compromissions des autorités locales, et avant tout celles de la police et de la justice. Un polar passionnant.
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Indépendance

Après "Terra Alta", Javier Cercas nous offre un second polar de haute volée. Il s'agit d'une suite avec les mêmes personnages.

Nous ne sommes plus dans la région perdue du Terra Alta, mais à Barcelone le centre du pouvoir en Catalogne. Melchor, le héros - on peut le dire, tout y contribue – est appelé à renforcer une équipe de policiers enquêtant sur une tentative de chantage visant la maire de Barcelone, par le biais d'une vidéo à caractère sexuel. (Une "sex tape" comme on dit vilainement aujourd'hui, comme si la langue française manquait de mots pour dire la chose).

Et c'est l'occasion d'une plongée au coeur de la bourgeoisie catalane, du pouvoir et de ses moeurs, qui n'ont sans doute rien de spéciales, sont impitoyables et n'ont que faire de la morale.

A côté du policier Melchor au caractère si attachant, évolue une galerie de personnages croqués avec talent.

Le genre polar est ici pleinement maîtrisé, avec une construction remarquable. le récit est mené avec maestria jusqu'à un double dénouement : celui de l'intrigue et celui du drame qui pèse sur Melchor depuis son enfance.

Une mention particulière pour les traducteurs : la lecture du livre est d'une grande fluidité.
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Terra Alta

Policier aux frasques aussi héroïques que problématiques, Melchor a été muté en Terra Alta, coin très rural de la Catalogne, pour se mettre au vert. Jusqu'au jour où une affaire sordide, touchant la famille la plus célèbre et fortunée de la région, vient perturber le calme apparent dans lequel s'est glissé notre policier.



C'est bien sûr la résolution de l'affaire qui importe en premier, dans ce roman policier somme toute classique, et donc pas désagréable pour moi à lire. Mais c'est aussi, et plus encore, la complexité de son protagoniste qui devient centrale, alors que son passé refait surface au fil des chapitres mêlant actualité de l'enquête et retours en arrière dans la vie de Melchor, vie ancrée dans Les misérables, roman qui a été, comme Valjean en son intrigue, source d'absolution et de rédemption pour le jeune homme dont la vie avait basculé du mauvais côté. Mais n'est-il pas, plus encore, un Javert, personnage dans lequel il se reconnaît encore davantage, en sa qualité même de policier, de garant d'une justice sévère, parfois violente et implacable, mais finalement juste ? C'est enfin une incursion, pas inintéressante, dans la Catalogne plus en marge, celle des espaces peu habités, où les secrets familiaux, sociétaux... ont encore une belle vie devant eux.



Un roman que j'ai trouvé très sympathique à lire, mais dont je ne garderai pas pour autant un souvenir impérissable. Je suis restée assez hermétique aux divers personnages, et me suis un peu trop laissé glisser au fil des pages sans pénétrer suffisamment dans l'intrigue.

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Terra Alta

Terra Alta est une comarque de Catalogne, région viticole. Site de la Bataille de l'Ebre (juillet-septembre 1938). 



Melchor, ancien voyou de Barcelone, découvre en prison Les Misérables. Cette lecture est une révélation. A sa sortie de prison, il deviendra policier comme Javert et poursuivra les assassins de sa mère. Policier bien noté, il se distingue par un geste de bravoure lors d'une attaque terroriste. Pour sa sécurité, il est muté à Terra Alta. 



Un crime horrible y est commis. Melchor s'investit dans l'enquête qui piétine et qui est rapidement classée. Le policier ne lâche pas l'affaire, comme Javert... et décide de continuer seul contre l'avis de sa hiérarchie.









" -Ecoutez, faire  justice, c'est bien. C'est pour cela que nous sommes devenus policiers. mais quand on pousse le bien à l'extrême, il se transforme en mal. C'est ce que j'ai appris au cours des années. Et autre chose. La justice n'est pas seulement une question de fond. C'est surtout. Aussi, ne pas respecter els formes de la justice revient à ne pas respecter la justice? Vous le comprenez, n'est-ce pas? 





Melchor ne dit rien ; le sous-inspecteur esquisse un sourire tolérant.



Bon, vous comprendrez. Mais n'oubliez pas ce que je vous ai dit Marin : la justice absolue peut être la plus absolue des injustices."



Terra Alta est un roman policier très littéraire. Melchor tombe amoureux de la bibliothécaire qui lui conseille d'autres livres. Ensemble , ils relisent les Misérables (et cela me donne bien envie de le relire moi-même). J'aime que des correspondances s'établissent entre des livres, qu'elles m'entrainent très loin et qu'un nouvel éclairage me fasse découvrir des facettes d'un livre que je croyais connaître. Pour moi, le personnage intéressant était Jean Valjean et non Javert. Cet aspect m'a plus intéressée que l'enquête qui n'avance pas.



Jusqu'au final : sublime!
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Terra Alta



Javier Cercas décide pour ce dernier opus de s'aventurer dans une contrée inabordée par sa plume jusqu'alors avec un polar plutôt bien troussé !

Une saison consacrée à la découverte du genre pour moi .

Hormis un plaisir facile et quelquefois soporifique tant la banalité des intrigues finit par éculer ma curiosité , mon incursion dans le genre risque fort de se terminer plus tôt que prévu .

Meurtres , enquêtes, résolutions , un contexte social et/ou géographique agrémentant un peu la sauce et" envoyé c'est pesé ", un de plus sur les têtes de gondole ...

Alors pour se distinguer parmi cette abondance de productions , il en faut du talent : d'aucuns sauront sortir du peloton par leur griffe , d'autres par l'attachement du lecteur à un enquêteur en produisant une série , certains sauront rallier les deux et rentrer dans les classiques ( L'inimitable et unique Simenon ) ...

Cercas évidemment ne brillera pas par son style littéraire : brouillon souvent , journalistique ( n'oublions-pas qu'il est avant tout un chroniqueur au journal " El pais") , désordonné, foisonnant et redondant ... Mais tout comme Carrère qui écrit comme un cochon ( Chut ) , voilà un homme qui a des choses à dire , et pas des moindres ... Cependant , loin de tourner autour de son nombril contrairement à Carrère( pas toujours... Rappelons-nous l'excellent "L'adversaire") , ses thématiques quasi obsessionnelles tournent autour de la douloureuse histoire de son pays , du sens de la vérité , de l'identité, la justice etc ...

Alors oui , il sera bien question d'un meurtre , d'une enquête , et tout le tsoin-tsoin classique d'un polar convenu et les amateurs du genre ne seront pas déstabilisés .

Classiquement aussi le microcosme sociétal est utilisé , ce qui lui permet de nous faire voyager sur ces Terra Alta , région située au sud de La Catalogne , terre aride et sans grand attrait, mais aussi et surtout marquée par l'histoire récente avec la sanglante bataille de l'EBRE .

On y retrouvera Melchor , ancien délinquant en quête de résilience , devenu policier par souci non pas de rachat mais de vengeance , Melchor, le gamin des rues de Barcelonne, élevé à la" vas-y que je te pousse ", immergé brutalement sur ces terres inconnues accompagné de son vade-mecum" Les misérables " , puisant inlassablement des réponses auprès de Victor Hugo et s'identifiant à Jabert , " ce faux-méchant" selon son regard d'écorché avec une finesse d'analyse amputée par des carences culturelles .

Melchor , personnalité toute de guingois , cherchant des accroches pour appréhender le monde , se réfugiant auprès de son livre doudou , sa bible, compagnon de route .

Melchor et ses blessures évoluant à l'instinct primitif , sens en éveil tentant d'intellectualiser ses ressentis .

Et en échos , une société toute aussi meurtrie , par l'histoire , cette grande histoire s'infiltrant insidieusement dans l'inconscient collectif , cette grande histoire effaçant la plus petite , celle des petites luttes intestines inhérentes à ces terroirs repliés sur eux-mêmes produisant des bombes à retardement (car la loi de cause à effet , personne ni rien n' y échappe ).

A travers une banale histoire de meurtre , Cercas reprend ses thèmes de prédilection et construit un polar intelligent et finement équilibré entre l'intrigue et la dimension d'ouverture .



Indulgente je suis peut-être ...Mais après toutes les daubes que je me suis enfilées ces derniers temps dans ce registre , Cercas s'échappe un chouilla du peloton .
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Le mobile

Écrire un poème lyrique ou bien épique ? Ou alors une épopée en prose ? Non, ce sera un roman.

Álvaro, homme solitaire et ponctuel, modeste conseiller juridique dans un... modeste cabinet d'affaires, veut soumettre sa vie, ses ambitions, ses intérêts, ses amitiés à la littérature, à l'écriture. Il pense que le genre romanesque est en voie de disparition, condamné à l'inanité. Le seul moyen, pour lui, d'enrayer cette mort programmée est de "s'imprégner de tous les apports, et notamment techniques, que le siècle avait offerts et qu'il serait pour le moins idiot de gaspiller. Il fallait revenir au XIXème siècle ; il fallait revenir à Flaubert".

Cette filiation posée, reste à trouver le sujet du roman...



Álvaro réside dans un petit immeuble de quatre étages. Il n'entretient aucun contact avec ses co-résidents et...

Et si... Álvaro vient de comprendre : peu importe le sujet, cela n'a pas grande importance. Finalement, "Tout sujet est bon pour la littérature ; ce qui compte c'est la manière de l'exprimer. Le sujet n'est qu'un prétexte".

Militaire à la retraite, Monsieur Montero est un homme âgé, silencieux et réticent. Il vit seul et ne quitte son appartement que pour aller faire ses courses. Le vieil homme a une passion : les échecs. De leur côté, Monsieur et Madame Casares, forment un couple uni. Parents de jeunes enfants, ils vivent un bonheur paisible. Ávaro, lui, est leur plus proche voisin. Pour composer son roman, il va vouloir s'inspirer de leur réalité, de leur quotidien. Pour cela, il va utiliser des moyens pour le moins très détournés...



Une écriture dans l'écriture, un roman dans le roman, j'ai beaucoup apprécié ce petit livre de Javier Cercas, le second après "Les soldats de Salamine", le second d'un auteur que j'ai envie de découvrir encore un peu plus. Intrigue resserrée, récit linéaire puis circulaire, "Le mobile" a tous les ingrédients du roman qui, enroulé sur lui-même, se déploie habilement au fil des pages. L'écrivain réel (Javier Cercas) semble se confondre avec l'écrivain fictif (Álvaro). Qui de la réalité ou de la fiction inspire l'autre ?

Un petit roman savoureux.

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L'Imposteur

Si l'Adversaire d'Emmanuel Carrère vous a durablement marqué, ne passez pas à côté de ce "roman sans fiction", et pourtant plein des mystifications d'Enric Marco. Cet homme s'est inventé un passé de résistant, de déporté, avant et sous le franquisme, jusqu'à devenir un héros national, admirable aux yeux de tous, et sans doute de lui-même, lyrique, émouvant, il sera de tous les discours, trémolos dans la voix, de toutes les commémorations, jusqu'à ce que la vérité, et le scandale, ne le rattrapent. Et Javier Cercas a décidé de se pencher sur cet homme, qui a réellement existé, car considère-t-il, on a tous en nous quelque chose d' Enric Marco. "Oui, surtout toi" ricane doucement son entourage. Et si le premier raccourci est un peu facile - Javier Cercas le nuance bien évidemment, mais finalement, n'a-t-il pas un peu raison, n'essayons nous pas, tous, chacun à notre niveau, d' adapter la réalité à notre vérité à nous, notre vision des choses à nous), le second est profondément injuste, et toute ma solidarité va à Javier Cercas : essayer de comprendre n'est pas justifier. Bien évidemment, pour comprendre, il faut aussi accepter de s'identifier. Et Javier Cercas le peut, il n'est pas une victime, et il va non pas le réhabiliter, mais tenter de le comprendre, et y parvenir, Javier n'est pas romancier pour rien ;-) !!. Comme Carrère, il se met en scène, pour la bonne cause, lui, ses atermoiements, ses face à face avec Marco, les deux à égalité dans leur condition d'humains, le romancier face à l'emberlificoteur de génie, car, qu'on le veuille ou non, Enric est quand même un sacré personnage ! Et il nous donne à lire un roman du niveau de l'Adversaire, supérieur même, si c'est possible, c'est dire si j'ai aimé !
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Les soldats de Salamine

Peu connu en Espagne avant la parution de ce court roman, ou récit réel comme il le rappelle à maintes reprises, Javier Cercas a montré que la littérature contemporaine n'était pas morte et que, hors des frontières de la France, vivaient encore de vrais écrivains capables, en peu de pages, d'explorer les contrées infiniment profondes de l'art d'écrire.



En effet, en 282 pages, Javier Cercas aborde plusieurs thèmes pourtant complexes et, sans y paraître, attire le lecteur dans des réflexions longues et enrichissantes à travers un récit dont la force n'égale que la modestie. Modestie n'est pas médiocrité, et signifie ici l'utilisation d'une langue simple et intelligente, dénuée d'artifices verbaux, et qui va droit au but, s'égarant par moment en tentant de saisir l'indicible, c'est-à-dire ce que les mots, justement, ne peuvent saisir.



La guerre d'Espagne semble être le thème central. C'est un tort mais cet événement historique qui conduisit l'Espagne dans le marasme des années du franquisme, qui fut une sorte d'hybride entre le conservatisme et le fascisme. La guerre d'Espagne est née de la fin de la monarchie et de l'impossibilité pour la jeune République de s'imposer face aux courants nationalistes fascisants qui essaimèrent avec plus ou moins de succès dans l'Europe des années 1930. Elle est née aussi de la nostalgie de certains hommes, tels Rafael Sanchez Mazas, d'un temps révolu, peut-être jamais réel, et qui esthétisèrent la violence à travers de grands discours et de terribles pamphlets. La guerre déchira le pays et provoqua des ruptures durables dans la société espagnole. Dans un contexte si trouble, si violent, si plein de passions contradictoires, comment expliquer ce moment fatidique où, ayant passé plusieurs jours prisonnier à Barcelone, ayant été conduit en forêt pour être exécuté, ayant réchappé miraculeusement a cette exécution, Rafael Sanchez Mazas, découvert dans sa fuite par un soldat républicain, eut la vie sauve par le silence de ce dernier ? Il avait créé la Phalange, il avait harangué les foules en faveur des nationalistes, il avait appelé à ce combat et il en sortait vivant. Le destin fut ironique : rescapé d'une exécution pour assister à la décrépitude de son rêve de renaissance, à la trahison du franquisme qui déçut bien vite les membres de la Phalange qui avaient présidé à son succès. Cet épisode romanesque, Sanchez Mazas le raconta à beaucoup de gens : famille, amis, connaissances professionnelles, mondaines ou littéraires, et ce avec une rigueur que la mémoire n'autorise pas.



Le récit marque tellement Cercas qu'il veut en faire un roman, ou plutôt un récit réel. Là est le deuxième thème, celui de la création littéraire. La forme et la prétention originelle de ce livre induisent un mélange des genres. Où est le roman, la fiction ? Où est le récit réel, documentaire, historique ? Le romanesque s'impose à Cercas qui jure de sa véracité tout en le passant par le filtre de sa subjectivité propre. A vrai dire, cette thématique se conjugue à celle de la mémoire, obstinément triturée par l'auteur-narrateur (voilà une autre façon de confondre le réel et la fiction), que ce soit la sienne propre, celle de Sanchez Mazas par le biais des témoignages oraux et écrits qui parviennent à Cercas, celle de Miralles, enfin, qui fut ou ne fut pas ce jeune soldat républicain qui, l'instant d'un regard, décida de sauver une vie dans ce carnage sanglant. Les soldats de Salamine est une quête perpétuelle : d'un sujet de roman, d'informations sur la vie d'un homme, d'un homme probablement vivant de l'autre côté des Pyrénées, d'une vérité qui sûrement n'existe pas en tant que telle mais n'est que le choc de versions aussi diverses que les hommes eux-mêmes.



La quête, la mémoire, les indices : ceux que laissent un certain Roberto Bolaño, cet immense écrivain disparu en 2003, à propos d'un homme rencontré dans un camping et qui lui conta son histoire, romanesque elle aussi. Celle d'un jeune soldat républicain passé en France en 1939 puis engagé dans la Légion Étrangère à défendre le drapeau bleu-blanc-rouge à travers les déserts d'Afrique du Nord, la campagne normande, les avenues parisiennes, la plaine allemande. Retour à la guerre, et interrogation sur l'héroïsme. Les héros sont-ils des grands hommes qui par leur décision bouleversèrent leur siècle, leur civilisation ? Sont-ils les anonymes qui peuplent les champs de bataille et les cimetières, ces statistiques dont le cœur battit au cœur du feu et des balles, ces gens définitivement morts car personne ne se souvient d'eux ?



Ces hommes oubliés sont comme les soldats de Salamine, cette bataille navale ou les Grecs vainquirent les Perses. Ils ont connu la guerre, la mort, la souffrance, la perte des compagnons d'armes et amis. L'héroïsme, pour eux, n'est qu'une romance, un leitmotiv bon pour ceux qui n'ont pas connu la guerre. Quant à la littérature, peu importe qu'elle les magnifie. Au moins, elle les rend immortels.
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L'Imposteur



C'est l'histoire d'un homme qui se dit être un ancien combattant de la guerre d'Espagne, un ancien détenu du camp de concentration de Flosseburg. Il fait des conférences, donne des interviews, est à la tête d'associations . Il est célèbre. Mais, la gloire est éphémère.

Au delà de l'histoire, c'est essentiellement une réflexion de J.Cercas. Réflexion sur le mystère d'un homme : pourquoi a-t-il menti ? Quels motifs l'ont poussé à inventer cette imposture ? Ecrire sur lui, essayer de le comprendre, est-ce le réhabiliter ? Réflexion aussi sur le métier d'écrivain. Qu'est-ce la fiction ? Où commence-t-elle ? Où finit-elle ?

Alors, l'ouvrage de Cercas est-il un essai, une biographie, une fiction ? L'ouvrage édité dans la catégorie roman entretient le doute.

Mais, quelque soit le genre, le talent de Cercas transforme ce récit en un remarquable suspense.
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A la vitesse de la lumière

Un jeune écrivain espagnol se lie d'amitié avec un vétéran du Vietnam anéanti par le poids de son passé.

Chacun d’eux a connu un drame.

Dès lors, seul raconter l’un pourra sauver l’autre.



Un roman prodigieux sur le thème de la culpabilité.

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Le château de Barbe Bleue

« Les troisièmes parties n'ont jamais été bonnes » dit un adage espagnol. C'est bien le sentiment que j'ai eu en lisant ce troisième volet de la trilogie Terra Alta qui, d'ailleurs, a été un échec en librairie. J'ai essayé d'en comprendre les raisons mais plutôt que d'en faire une analyse, je vais laisser la parole à l'écrivain et chacun jugera.

♦On trouve dans son roman des délices littéraires telles que ces ineffables récits :

« En face de lui, Salom ronfle doucement, les mains croisées sur son ventre pendant que son thorax se soulève et s'abaisse au rythme de sa respiration ; l'air qui pénètre dans ses fosses nasales berce comme une brise les poils de sa moustache. » Beurk!

«  Avant 7 heures il arrive à l'aéroport de El Prat. Il gare sa voiture sur le parking du terminal 2, passe les contrôles de sécurité avec son billet électronique et le voilà assis à une table du Starbucks située en face de la porte d'embarquement B22, avec devant lui un express double et une madeleine aux myrtilles. » Miam !

♦On y relève des événements de cette importance :

« Chez un glacier il acheta un cornet de glace de deux boules - une à la fraise, l'autre à la noix de coco- et les lécha jusqu'au moment où, à la hauteur d'une placette ombragée, la glace finit par fondre dans ses mains ; alors il fit demi-tour et s'en retourna. » Pas de bol!

♦De la belle poésie du genre :

« À trente mètres à peine devant lui, la surface de la mer, éblouissante, évoque une plaque d'aluminium tremblante ; plus près encore, au bord de l'eau, des grappes de baigneurs s'exposent au soleil vertical de midi. » Cette « plaque » métallique qui, un peu plus loin, va devenir «une plaque de verre étamé » .

« Le jour s'est levé aussi sombre que sa fille. Souffle un vent mauvais qui agite les branches des arbres mais qui ne parvient pas à balayer les nuages du ciel de Collserola qui défilent au-dessus de leur tête comme un cortège funèbre . » Ah le bel exemple d' anthropomorphisme que voilà ! Javier s'entraînerait-il pour écrire une quatrième partie en vers libres ? C'est à la mode !

♦Des observations aussi fines et pénétrantes que celle-ci :

« C'est une après-midi sans vent et, au loin, sur les crêtes de la sierra de Fontarella, les éoliennes se profilent sur le bleu cobalt du ciel, immobiles comme de gigantesques insectes endormis. »

« Le jour s'est levé, sombre et couvert.  Bien que les fenêtres du salon restent ouvertes, les lampes du plafond sont allumées. »

♦Des aphorismes à n'en plus finir et d'une grande profondeur :

 «  Ceux qui cherchent la vérité méritent de la trouver comme punition. »

«  Parfois il faut échouer un peu pour pouvoir réussir ensuite. »

« Haïr quelqu'un c'est comme boire un verre de poison en pensant que tu vas tuer celui que tu hais. »

♦Et pour ceux qui aiment l'art du délayage et du remplissage, sachez que J. Cercas en est le maître absolu. Je me garderai bien d'en fournir des exemples : 200 pages y suffiraient à peine.



Voilà pour la forme. Reste l'histoire. Elle est simple et se lit sans ennui : c'est un bon point. Sans en révéler le contenu, je dirai simplement que ce thriller tourne autour du thème du mensonge, de la corruption, des abus sexuels chez les puissants et de la vengeance. Cependant la trame en est faible et la fin décevante, en partie bâclée.

Les trois quarts du récit ne sont guère que du blabla qui alterne avec des dialogues de machos, bourrés de vulgarités et de grossièretés. Il faut pratiquement attendre la dernière partie pour que l'action débute enfin. Cependant l'assaut de la demeure du méchant est bâclée, précipitée et invraisemblable.

Bref, la seule chose que j'ai appréciée dans ce roman ce sont les relations touchantes entre Melchor et sa fille, Cosette, la bien nommée.

Ce roman noir laisse son auteur à des années-lumière de ce qu'il nous avait montré dans Les soldats de Salamine et Les lois de la frontière. Souhaitons qu'après cette littérature économique il revienne à ses premières amours : le thriller, ce n'est pas pour lui.

PS: la traduction de ces quelques extraits est personnelle.
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