AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Jean Bottéro (62)


Dans la vieille Mésopotamie, pour autant que nous en comprenions les demi-mots, la seule ambition de l'homme, compte tenu de son état et de l'idée qu'en donnaient de lui ses représentations religieuses, ce n'était pas de changer sa vie, mais de la réussir. Il est frappant combien la notion de réussite est au fond de tous les efforts que nous constatons et devinons chez ces gens, lorsqu'ils pensent à leur conduite.

Tout un genre littéraire particulier, et hautement significatif, dont les plus anciens témoignages figurent déjà parmi la plus vénérable collection littéraire connue, celle trouvée à Fâra-Abû-Salâbi'h et datable de vers 2600, le font toucher du doigt, à travers les nombreux fragments qui nous en sont restés, d'abord et surtout en sumérien, plus tard en akkadien : les "Conseils d'un père à son fils", à qui il voulait "apprendre la vie" en lui transmettant sa propre expérience et sagesse.

Ne te porte pas garant pour quelqu'un : il aurait prise sur toi !
Ne rôde pas où les gens se querellent : on te prendrait pour témoin !
Ne commets pas de meurtre : ce serait te suicider à la hache !
Ne couche pas avec ta servante : elle t'appellerait canaille.
...

p. 223
Commenter  J’apprécie          220
La preuve était faite qu'après un demi-siècle de travail de bureau, obstiné et aride, d'erreurs, d'hésitations, de reprises, de comparaisons minutieuses, de réflexions critiques infinies... et de céphalées, on avait enfin, par le détour miraculeux des "inscriptions persépolitaines", suite à l'éclair de génie de Grotefend, percé le secret de cette impossible écriture cunéiforme [...].

"Il était une fois la Mésopotamie", p.46
Commenter  J’apprécie          170
Restait la "troisième colonne", avec son inquiétante panoplie d'un demi-millier de signes d'écriture. On brûlait d'autant plus d'en venir à bout qu'on y avait reconnu sans peine une complète identité avec le système partout présent en Mésopotamie propre : sur des briques, des plaquettes d'argile, des parois, des statues. En déchiffrer l'écriture et la langue, c'était donc revenir à cette Babylonie fameuse, conquise par Cyrus le Grand en 538 avant notre ère, d'où la place qu'elle tenait, et dans son vaste empire, et dans ses inscriptions solennelles.

"Il était une fois la Mésopotamie", p.38
Commenter  J’apprécie          170
En revanche, on a, semble-t-il, quasi unanimement adopté la version des origines de l'homme que détaille un lumineux poème mythologique, "Le Supersage", comme nous l'appelons, traduction du non akkadien du héros : Atrahasîs. Selon ce mythe, les dieux, d'abord réduits à besogner par eux-mêmes pour vivre, s'étaient, à la fin, mis en grève, pour être dispensé d'une aussi épuisante corvée et traités sur le même pied sue leurs chefs, qui n'étaient pas astreints au travail. C'est alors que l’astucieux Enki/Ea avait eu l'idée d'une sorte de suppléant : l'homme, fait à la fois d’une argile tirée de la terre et qui le rappellerait un jour à la terre - à sa mort ; et du sang d'un dieu mineur, immolé pour la circonstance, qui lui conférerait quelque chose de l'intelligence, de l'énergie et de la productivité des ouvriers divins. Ce poème résumait les raisons d'être des hommes telles que se les imaginaient les Mésopotamiens : ils ne voyaient pas d’autre sens à leur existence que dans l'exploitation laborieuse et sans fin des matières premières du monde, pour en tirer tous les produits nécessaires, utiles ou agréables, destinés à assurer d'abord aux maîtres de l'univers, aux dieux, une vie insouciante et comblée, quitte à profiter eux-mêmes, subsidiairement, des surplus. La vie humaine n'avait de valeur qu’ordonnée au service-culte des dieux, tant la religiosité dominait tout.
Commenter  J’apprécie          160
Il en naquit une controverse si vive et si atroce que deux vénérables savants français, après d'aigres, puis véhémentes polémiques imprimées, en vinrent aux coups de parapluie dans les couloirs mêmes de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, raconte la légende de ces temps héroïques !

"Il était une fois la Mésopotamie", p.52
Commenter  J’apprécie          160
Que l'on adhère ou non à son message, qu'on le rattache ou non à Dieu, la Bible résume évidemment un des plus hauts moments de l'histoire humaine. Et quand l'homme devrait encore changer beaucoup, on ne pourra jamais arracher de son passé ce glorieux millénaire : qui donc, même après une vie tourmentée et plusieurs fois remise en question, est jamais parvenu à abolir les souvenirs lumineux de son enfance ?

p. 179
Commenter  J’apprécie          150
(Sur l'Ecclésiaste) Il ne faut pas oublier que c'est l'oeuvre d'un Sémite et d'un Sémite d'autrefois. Ces gens-là ne raisonnaient pas comme nous. Nos développements sont construits pour évoquer des idées claires, bien découpées, bien en ordre autour d'une arête centrale : ils visent d'abord l'esprit. Les leurs, extrêmement concis d'ailleurs, sans transitions, sans moyens termes, ce qui nous déroute toujours, les leurs visent plutôt le point où l'esprit et le coeur se rejoignent : ils font penser à des variations musicales sur un thème donné. Si l'on consent à les sentir plutôt qu'à les voir, ils donnent une conviction moins claire, mais plus profonde.

p. 325
Commenter  J’apprécie          150
Jean Bottéro
Autour de Jean Bottéro sur le site de l'INRAP http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Ressources/p-9967-Autour-de-Jean-Bottero.htm
Commenter  J’apprécie          150
Les Assyriens, comme tout peuple guerrier, recherchaient d'abord un emplacement dominant et c'est ainsi qu'ils s'installaient presque toujours dans les ruines de quelques constructions plus anciennes. C'est là sur la colline appelée Quyunjik - ce qui signifie "agneau" en turc - , qu'ils avaient signé une page de leur histoire, mais la sagesse, née sans doute de quelque discussion, les avait incités à établir d'autres établissements ailleurs, à Assur, à Nimrud et à Khorsabad. Après avoir élevé des temples en l'honneur de leurs dieux à Assur, ils entreprirent d'édifier Ninive. Cette métropole s' étendait sur près de 700 hectares et elle devait être ceinturée d'une muraille longue de 18 kilomètres qui n'était toujours pas terminée lorsque la ville fut pillée en 612 av. J.-C.

Alors que j'écris ces lignes, trente ans après avoir planté notre chantier au point le plus haut de Ninive et avoir fouillé ses vestiges, un sentiment de joie profonde me revient, comme si ces travaux dataient d'hier. Comment pourrait-il, d'ailleurs, en être autrement lorsque l'on contemple d'un côté le Tigre et de l'autre les hauteurs enneigées du djebel Makloub ? (p.140).

Campagne de fouilles à Ninive. Max Mallowan, Nimrud and its Remains, 1966.
Commenter  J’apprécie          130
Hormis, dans la partie centrale, quelques sources de bitume, et, à peu de distance dans le désert, quelques gisements d'un pauvre calcaire, on ne trouvait, surtout dans le Sud, pas la moindre pierre, pas le moindre minerai. Tous trésors, tant végétaux que minéraux, qui abondaient pourtant, à l'entour du pays.
Dans sa propre constitution géographique, la Mésopotamie portait inscrit son destin : à la fois enclose sur elle-même et vouée à une centiare unité et indépendance politiques, non moins qu'à l’opulence économique ; et fortement attirée vers toutes les richesses de son environnement, oriental et occidental, qui lui faisaient si radicalement défaut.
Commenter  J’apprécie          120
Incipit : Dans mon jeune âge - ce n'est pas d'hier !-, j'ai beaucoup fréquenté le vieil Aristote, qui m'a fortement marqué par sa manière de voir le monde, de poser et de résoudre les questions universelles et essentielles, dont on ne s'occupe plus guère, aujourd'hui, et desquelles, pourtant, tout dépend, en un sens. Aristote m'a donc appris, entre autres maximes, que, pour bien comprendre les choses, il faut les voir naître et grandir. Si je veux acquérir la connaissance totale d'un insecte, il ne me suffit pas de le disséquer, car je n'ai alors sous les yeux qu'un cadavre, un mécanisme figé et devenu tout autre chose que le véritable insecte : pour le voir, pas seulement comme une machine, admirable bien qu'inerte, mais comme un être remuant, inattendu, se dirigeant lui-même et soumis à des lois autrement plus compliquées que celles de la mécanique, il me faut l'observer vivant, le regarder vivre - c'est-à-dire naître, se développer et agir. Aristote avait raison.
Commenter  J’apprécie          120
Après trois millénaires d'existence et de rayonnement, et quelques siècles de vieillesse, l'antique et magnifique civilisation mésopotamienne est morte, à la naissance de la nôtre, abondemment nourrie de ses dépouilles. Sortie alors de la mémoire pour près de deux mille ans, on l'a lentement redécouverte au long du XIXe siècle. Exceptionnelle et exemplaire, cette résurrection n'a pas été d'abord l'oeuvre de têtes brûlées, d'explorateurs, de fouilleurs, d'archéologues, mais avant tout de déchiffreurs et d'historiens, paisiblement assis à leur table de travail, à réfléchir sur d'impossibles grimoires, à supputer, comparer et déduire. Un peu comme ce Le Verrier qui avait découvert, sans l'avoir jamais aperçue, au bout de ses équations seules, la planète Neptune, que les astronomes purent alors voir briller, leurs lunettes pointées sur ses indications.
Commenter  J’apprécie          80
C'est le 3 décembre 1872 que la Bible a perdu à jamais sa prérogative immémoriale d'être "le plus ancien livre connu", "un livre pas comme les autres", "écrit ou dicté par Dieu en personne".
Commenter  J’apprécie          60
... il n'y avait donc pas d'anxiété proprement religieuse, et la hantise du "péché" était tout autre chose.

Du moins, à peser tous nos témoignages, pouvons-nous être assurés qu'une telle pression, même réduite, s'exerçait uniquement dans la ligne de cette religiosité "centrifuge" : pas une ombre d'attachement du coeur, de recherche attendrie, d'amour authentique, mais seulement de la révérence, du respect, de l'abaissement, de la crainte, enracinés dans la profonde conviction de l'état de servitude, zélée et modeste, à la fois, à l'égard des dieux.

Reste à poser ici une dernière question, de poids : la moralité, la conduite honnête et droite, avaient-elles une valeur religieuse et culturelle authentique, une place dans la pratique de la religion, une incidence directe sur les dieux ? Nous n'avons pas le moindre écho, dans tout notre dossier, d'une interrogation pareille, que nous nous faisons, nous, avec notre propre vision religieuse et "biblique" des choses. Les anciens Mésopotamiens ne se sont visiblement jamais préoccupés ou doutés de cette manière de voir, qui nous est familière. Ce devait être une des grandes révolutions de Moïse, en Israël, que de substituer à l'entretien purement matériel des dieux, la seule et unique obligation "liturgique" d'obéir, dans sa vie, à une loi morale, pour rendre véritablement à Dieu le seul hommage digne de lui.

p. 324
Commenter  J’apprécie          50
On l'entendra mieux si, pour éclairage indirect, l'on met en avant une autre de nos inclinations particulières, mettons l'amour. Inné et irrationnel, il pousse irrésistiblement chacun de nous vers un "autre", à notre portée, dans lequel nous pressentons obscurément comme un enrichissement de notre personne, qu'il nous faut rechercher et nous approprier à toute force. Ce qui légitime et justifie de même la Religion ne se trouve pas, lui, à notre niveau, sur notre plan, disons "horizontal", mais, pour ainsi parler, "vertical", au-dessus de nous. C'est l'attraction irréfléchie, et intime, d'autant plus forte qu'elle est instinctive et imprécise, qui nous oriente vers quelque chose, non pas d'accessible, mais qui nous dépasse totalement : la vague appréhension, l'obscur pressentiment qu'il existe, beaucoup plus haut, beaucoup plus grand que nous, un ordre de choses indéfini, absolument supérieur à nous et à tout ce que nous connaissons ici-bas, mais à quoi nous sommes en quelque sorte impulsivement enclins à nous soumettre, vers qui nous nous sentons poussés à nous tourner, si nous voulons nous accomplir nous-mêmes. Cet "ordre de choses" (que je désigne ainsi parce qu'il nous apparaît, d'abord, ontologiquement indéterminé : ni personnalisé, ni impersonnel), c'est ce que, faute de mieux, on appelle le Surnaturel, mais aussi le Sacré, le Numineux, le Divin - objet premier de la Religion, et sans quoi elle n'existerait pas, n'ayant aucune raison d'être.

p. 24
Commenter  J’apprécie          50
Il y a longtemps que j'avais appris à tenir la métaphysique pour la science la plus élaborée, la plus noble, parce que la plus inutile, la plus inutilisable. Ce qui est utile, ou utilisable, est de fait servile et inférieur à ce à quoi il sert. La science, purement contemplative, qui a pour objet de considérer à la fois tout ce qui existe sous l'angle de plus universel, par le seul trait que tout ce qui existe, possède en commun, à savoir l'être, cette science ne peut servir à rien : qu'à voir et à comprendre précisément l'être, à voir et à comprendre les choses par en haut, et de très haut.
Commenter  J’apprécie          50
Les dieux étaient imaginés "écrire" les choses et, comme tous ceux qui écrivent, y faire passer délibérément un message, lequel portait de préférence sur un des objets qui intéressent le plus les hommes, et qui, à la différence des dieux, leur échappe complètement : le dévoilement de l'inconnu, et, avant tout, du futur ... Il suffisait de "lire" les choses ainsi faites, de les examiner, d'y réfléchir pour les "décrypter", comme il suffisait d'examiner et de déchiffrer une tablette cunéiforme pour la lire et apprendre ainsi ce que son auteur voulait dire.
(...)
De ces recherches sont nés les "traités", dont la rédaction doit avoir commencé au début du II° millénaire, et dont le contenu s'est peu à peu enflé et étendu, systématiquement, à toutes les classes de réalités, toutes également l'objet de l'action efficace des dieux, et, par suite, propres à en retenir et convoyer les messages. Il y en avait donc ... d'astrologie ... ; de chronomancie (hasards et coïncidences des événements avec le calendrier) ; de tocomancie (présentation des nouveau-nés humains ou animaux) ; de physiognomonie (aspect du corps des hommes, mais aussi de leur tempérament et caractère) ; d'extipicine et notamment d'hépatoscopie (examen des entrailles, et surtout du foie des animaux sacrifiés) ; d'oniromancie (les rêves) ; des aléas et rencontres multiples de la vie quotidienne ; et plus d'une autre encore ...

pp. 342-345
Commenter  J’apprécie          40
Par exemple, pour dépeindre, sinon définir, ce qu'avait de particulier, par elle-même, Leur nature, on avait imaginé, depuis longtemps, l'espèce d'éblouissement et de terreur qui devait émaner d'Eux, en même temps que Leur extraordinaire densité d'être, sur le modèle d'une luminosité prodigieuse, qui résidait en Eux, ou qu'Ils portaient sur Eux, comme un vêtement de lumière, ou qu'ils avaient placé, sur Leur corps ou sur Leur tête, tel un bijou étincelant, qui rayonnait alentour, éclairant et ensorcelant tout d'un "éclat surnaturel", merveilleux en même temps que terrible - comme tout ce qui est fascinant. On appelait "melammu" (du composé sumérien ME, pouvoir, et LAM, incandescent) cette source d'émerveillement et d'effroi tout ensemble, qui distinguait les dieux ...

p. 90
Commenter  J’apprécie          40
Voici plus de cent ans que les deux premiers mythes assyriens, comme on disait alors : le récit du Déluge et la Descente d'Istar aux Enfers, ont été découverts, avec quelque stupeur, par les premiers déchiffreurs des cunéiformes. Depuis, trois ou quatre générations de ces spécialistes ont continué de suer sang et eau pour en retrouver d'autres, dans les monceaux de tablettes inscrites, sorties de terre par les archéologues et trop souvent réensevelies aussitôt dans les tiroirs des musées ; pour les recomposer de leur débris, les décrypter, les traduire, les éplucher et les expliquer, parmi bien d'autres pièces, littéraires ou non.
Commenter  J’apprécie          30
Les Princes se sont retirés :
Les verrous sont baissés, les barres sont en place !
La foule tapageuse se tait !
Les portes, grand-ouvertes le jour, sont closes,
Et les dieux et déesses du pays :
Samas, Sîn, Adad et Istar,
Sont entrés dans le Ciel pour S'y reposer.
Ils ne portent plus de jugements,
Ils ne décident plus d'affaires !
La nuit a jeté son voile.
Le Palais est engourdi,
La Steppe est silencieuse !
L'homme encore en chemin se recommande à son dieu,
Tandis que même le plaideur sommeille !
Le Juge véritable, le Père des chétifs,
Samas, S'est retiré en Sa chambre !
Commenter  J’apprécie          20



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jean Bottéro (366)Voir plus

Quiz Voir plus

Quand les enquêteurs parlent...

— Il s’en est fallu d’un cheveu ! Sans son regard rapide, sans ses yeux de lynx, XXX XXXX, en ce moment, ne serait peut-être plus de ce monde ! Quel désastre pour l’humanité ! Sans parler de vous, Hastings ! Qu’auriez-vous fait sans moi dans la vie, mon pauvre ami ? Je vous félicite de m’avoir encore à vos côtés ! Vous-même d’ailleurs, auriez pu être tué. Mais cela, au moins, ce ne serait pas un deuil national ! Héros de Agatha Christie

Arsène Lupin
Hercule Poirot
Rouletabille
Sherlock Holmes

13 questions
79 lecteurs ont répondu
Thèmes : romans policiers et polars , humour , enquêteursCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..