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Citations de Jean Hougron (147)


Pourvu qu’il ne se venge pas sur sa femme.
-Pourquoi qu’elle fout pas le camp, celle-là aussi ?
-Où veux-tu qu’elle aille ? … Et puis, il l’a complètement terrifiée. Pourtant une bonne petite…
-Quel âge elle a ?
-Dix-sept ans.
-Et lui pas loin de cinquante.
-Oui, et syphilitique au troisième degré, alcoolique pour compléter. Il est pourri jusqu’aux moelles.
-Il a la syphilis en plus ?
 -Oui… je ne pardonnerai jamais aux bonnes sœurs d’avoir poussé la gamine au mariage. Et ce n’est pas le seul cas malheureusement t. Ça arrive à cinquante ans, ça veut se marier et, parce que c’est le meilleur moyen, on va trouver les religieuses du couvent. On fait le brave homme, le bon père de famille qui veut prendre avec lui une jeune fille, la plus jeune possible, bien élevée, gentille et jolie de préférence. Même on insiste pour obtenir du tout neuf. Tant qu’à faire… On montre sa croix de guerre, ses citations ou celles du copain qu’on a empruntées pour la circonstance. On parle de son grade, de sa solde, que tout gosse on allait au catéchisme, que c’était le bon temps, que la religion est une bonne chose. Quatre ou cinq billets pour les bonnes œuvres et pour prouver qu’on a du cœur, et voilà… 
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Je savais que vivre, c𠆞st cela même: un enchevêtrement confus, un rythme sans cesse brisé, une force qui s’étale, croît, se ramifie comme un arbre, d�ord informé puis riche de sens, dressé enfin dans sa surprenante signification.
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Quand ils parlaient de liberté, c’était toujours de la leur.
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Il faut un coupable à certains échecs pour leur ôter un peu de leur portée.
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Monde sans péché qui se disait libre, où la faute n’était jamais punie qu’à proportion du dommage causé et était tenue simplement pour une erreur qui compromet l’avenir de qui l’a commise.
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"Tu me fais mal au ventre, petit Couvray. Tu as le scrupule trop facile... Avec ça que tu es devenu plutôt feignant... Je t'assure, j'ai la colique quand je te vois broder tes petites idées au point de croix... Tu dépares pas ceux de ta génération: tout dans le cerveau, rien dans les bras."
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Les derniers aventuriers de leur temps peut être.Ils ne le savaient pas et croyaient se battre pour gagner leur vie alors qu’ils la vivaient simplement.
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Dans ce pays, et dès le premier jour, la France, allant au plus facile , avait voulu mettre dans son jeu les grands dignitaires indigènes ; or, la plupart de ces dignitaires qui n'avaient jamais entendu parler du bien public et croyaient fermement que le peuple est fait pour le plaisir du seigneur, se voyaient ainsi encouragés et confirmés dans leur mise à sac du pays. Les accepter pour alliés, c'était accepter leurs vols et leurs concussions ; et le Viet-Minh, qui en faisait ses ennemis au même titre que les Blancs, ne s'y était pas trompé. Nous reperdions ici le crédit et la gloire que certaines entreprises nous avaient acquis ailleurs , car je suis de ceux qui croient que les alliés qu'on se donne vous jugent de manière aussi implacable que les ennemis que l'on se fait. Il n'y a pas deux mesures quand il s'agit de la chose publique, être honnête à demi c'est être malhonnête.
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[...] ... Il était facile de voir qu'il se retenait d'ajouter : "Vous vous êtes pris de querelle avec lui et vous l'avez tué." Ma réputation était trop bien établie. Pour Parnel, je n'étais qu'un repris de justice, fils d'Antoine Couvray, bien sûr, mais cette parenté ne m'en rendait que plus suspect. Entre nous, il y avait ce lot d'accusations plus ou moins nettement formulées qui m'escortaient depuis des années ; il y avait surtout la prison où j'avais passé six mois et mes rapports avec le commissaire s'en trouvaient faussés sans retour. Nous ne pouvions oublier ni l'un ni l'autre la lutte que j'avais engagée contre mon père quatre ans auparavant.

Cette lutte s'était prolongée pendant quinze mois et tout ce qui avait un nom en Indochine et même plus loin, dans les Etats voisins, en avait âprement suivi le déroulement : la paralysie progressive du recrutement de la main d'œuvre dans le 4ème Territoire, la révolte des coolies de la mine de Kabong puis - mais, à ce moment-là, je n'avais plus le contrôle des événements - l'assassinat de Privat, le directeur du consortium minier, enfin le massacre par ceux qu'on s'obstinait à qualifier de "rebelles" de quarante partisans indigènes dans les villages frontaliers du 2ème Territoire. La destruction de la centrale électrique de la Haute-Melim qui commandait l'exploitation des quatre Territoires sous mandat avait clos cette lutte dans laquelle, par les excès des nationalistes, j'avais été entraîné beaucoup plus loin que je ne l'aurais souhaité.

J'avais été arrêté dans mon bureau d'ingénieur de la mine de Kabong, livré à la police de Sécurité du Territoire et accusé de sabotage par Antoine Couvray. Son influence avait orienté la décision du tribunal qui n'avait retenu que les délits de droit commun. En dépit de mes attaches évidentes avec les rebelles, on avait ainsi évité de transférer les débats sur le plan politique. Au cours de sa déposition, mon père avait simplement déclaré que j'avais voulu me venger. Il n'avait pas précisé de quoi, et le tribunal n'avait pas osé s'enquérir plus avant.

J'avais purgé ma peine à Saigon et j'étais revenu à Vinh-Lung. Il entrait du défi dans ce retour, mais malgré ce que certains prétendirent, je n'avais pas l'intention de prendre ma revanche. Je repoussai même les offres des groupes révolutionnaires camouflés sous diverses étiquettes. Une certaine coïncidence dans les buts poursuivis nous avait passagèrement rapprochés, mais je réprouvais leurs méthodes, et plus encore le régime qu'ils voulaient imposer aux populations indigènes. Incertain de ne pas avoir fait fausse route six mois plus tôt - je me reprochais en particulier les massacres du 2ème Territoire - j'avais décidé de laisser à d'autres le soin de reprendre un combat que je n'avais pas su mener à bonne fin.

Depuis, et cela ne me déplaisait pas, j'étais classé parmi les innombrables traîne-misère qui végètent au jour le jour dans les villes d'Extrême-Orient. A Vinh-Lung, chacun, même les nouveau venus, avait une opinion précise à mon sujet. J'y avais ma légende, et, comme dans toutes les légendes, la part de vérité, et même de vraisemblance, y était réduite. Je n'avais jamais essayé de me défendre, et, aujourd'hui, je risquais de payer assez chèrement mon indifférence à l'opinion commune. ... [...]
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[...] ... POULO-CONDOR :

"Haumier, qui avait apporté une pioche, a voulu retourner un des cadavres. Il a glissé la pointe de son outil sous la viande et a pesé sur le manche. Le fer a traversé le corps comme une motte de beurre et il a fallu trois ou quatre essais, en repérant bien les endroits où il y a de l'os, pour retourner le gars. Des crabes par dizaines étaient collés dessous et le suçaient des reins jusqu'aux oreilles. Tu les aurais vus cavaler de travers comme de grosses araignées !

"Et toujours pas plus de coffres que de beurre en broche. Parce que je n'oubliais quand même pas mon trésor, depuis bientôt huit mois que j'en rêvais jour et nuit. Haumier, lui, n'y pensait plus. Il allait d'un cadavre à l'autre, leur tripotait la viande du bout de sa pioche et me faisait ses commentaires. Moi, j'écrasais les crabes. Ca crépitait sous mes semelles avant de devenir mou à t'en donner la nausée. En plus de ça, l'odeur qui aurait fait reculer un fossoyeur. J'ai remonté le boyau qui prolongeait la caverne jusqu'à une poche d'eau formée par les infiltrations. Je criais de temps en temps à Haumier, sans trop d'espoir :

- "Tu ne trouves rien ?

- Non."

A un moment je l'ai entendu qui s'exclamait et je suis vite revenu vers lui. Il m'a montré le mur de ciment :

- "Regarde. Avant de mourir, ils ont essayé d'entamer le béton avec leurs couteaux."

Je dirigeai le jet de ma torche sur l'endroit qu'il m'indiquait. Haumier a tâté le mur de la main.

- "C'était de l'ouvrage solide. La muraille a bien soixante centimètres d'épaisseur."

Je ne l'écoutais plus. Il vit mon regard fixé deux pieds plus bas, au bord même de la brèche ouverte par le plastic.

- "Qu'est-ce qui est écrit là ?"

Il y avait une date en annamite et un nom qui me sembla être un nom propre : Ng. Van-Giang, le mot Hoa-Binh, puis un autre mot annamite profondément gravé. Haumier le traduisit : "Le chat ..." ... [...]
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[...] ... - "J'ai pensé qu'il fallait que je te parle avant de me remettre au travail."

Sabatier acquiesça d'un signe de tête. Il ralluma sa cigarette éteinte et précisa de lui-même en tirant la première bouffée :

- "Au sujet de Khoung ?

- Oui.

- Rien de particulier. Il fallait s'attendre à ce qu'il te vole. Il ne s'en est pas privé. Je crois même qu'il a pris du mobilier.

- J'ai vu.

- Ce n'est pas grave. Dans quarante-huit heures, tout peut être revenu chez toi avec les excuses du "monsieur."

- Et la ferme ?

- Là, il sera plus difficile de contrôler. On m'a parlé de disparition de bétail, de combinaisons avec les fournisseurs dans les factures. Tu connaissais tes stocks ?

- A peu près.

- Dans ce cas, tu pourras vérifier et te faire une idée précise. Mais j'ai peur que tu ne puisses pas récupérer la marchandise et surtout le bétail volé. Il a écoulé ça chez les Méos et dans les villages du Nord. Ce que tu pourras tenter, c'est réclamer une indemnité.

- Et Oanh, sa femme ?

- Rien d'important, je pense. Oanh est plutôt de ton côté. Elle a certainement empêché son mari de faire des ventes derrière le comptoir. Mais tu la connais ! Gentille, malheureusement pas plus de cervelle qu'un poulet, et Khoung n'aura pas de mal à lui fermer la bouche à coups de rotin. Déjà, de ton temps ... Pas difficile de lui prendre les clefs de la caisse et d'étouffer quelques billets de cent piastres, par-ci, par-là. Mais, là encore, si tu as un état détaillé des marchandises avant ton départ, tu pourras contrôler ... Tenais-tu un livre de caisse ?

- Oui.

- Ca l'aura rendu prudent.

- Et le reste ?"

Sabatier se balança pensivement sur sa chaise.

- "Tu dois te douter que ton histoire a fait couler pas mal de salive. ..." ... [...]
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[...] ... Li-Mieng était absent. Son boy, un jeune Laotien endormi, partit nonchalamment à sa recherche.

Kérol répéta, tenace :

- "Il fait soif."

Et Lastin le suivit chez Soclauze. Ce dernier était mélancoliquement accoudé à son comptoir et regardait sans joie apparente une photo obscène fixée au mur par deux punaises. Depuis qu'il était à Takvane, le docteur le soignait : tuberculose pulmonaire. Soclauze prenait les médicaments de Lastin et les faisait descendre à grands verres de pastis et de cognac-soda. Comme il disait, le métier voulait cela. Un drôle de bonhomme. Jamais à le voir, maigre et chétif, avec ses petits yeux bleus naïfs, on ne se serait douté qu'il passait en moyenne deux à trois mois par an dans la prison de Takvane. Pour des motifs variables d'ailleurs, vols dérisoires, menus trafics. Ceux qui entraient chez lui avaient intérêt à surveiller de près leur portefeuille, stylo et porte-cigarettes. Parfois aussi, pour couronner une cuite marquante, il passait une tournée aux Laotiens, insultait les autorités en remontant la voie hiérarchique, du gendarme verbalisateur au gouverneur général. D'une stricte amoralité, il volait ses meilleurs amis sans scrupule et aurait empoisonné ses clients d'une main paisible s'il avait été certain de l'impunité.

Il vint s'asseoir en face du docteur.

- "J'ai eu une de ces fièvres depuis deux jours ....

- Tu n'as pas recraché de sang ?

- Non, mais ça ne va pas.

- Si tu n'étais pas toujours à te saouler la gueule."

Soclauze hocha la tête.

- "Mais tout ça va finir. L'an prochain, je rentre en France. Encore les pluies à passer."

Il rêva, son regard ingénu dans le vague.

- "Ce qu'ils seront contents, les vieux. Quinze ans que je traîne dans ce putain de pays, vous vous rendez compte, quinze ans !"

Lastin le laissait dire. Il savait que Soclauze ne rentrerait jamais en France. Depuis des années, il parlait de faire ses valises après les pluies. Un espoir qu'il se donnait à lui-même, une revanche obscure contre sa vie ratée. .... [...]
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Les délinquants sont laissés libres et la couleur de leur vêtement seule les désigne au mépris public. En cas de récidive et si la faute est grave, ils sont bannis de la cité.
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À Xieng Muh, nous vivions comme dans n’importe quelle ville d’Occident, mais les sentiments y étaient portés à leur point culminant, car le Blanc qui vit en vase clos dans une ville coloniale ne peut choisir qu’entre deux attitudes : ou bien dépouiller peu à peu ce qui fait de lui un homme blanc, « retourner à l’argile » comme on dit ici, ou bien se murer en lui-même et devenir un Blanc au paroxysme ; c’est son unique moyen de défense contre un milieu qui tend sans cesse à l’absorber. Mon père devint un Blanc au carré, un Blanc au cube, et ceux qui l’entouraient suivirent son exemple.
Certains, bien sûr, essaient de résister. Ils finissent par être dévorés, car ici, bien plus qu’en France, il faut qu’un individu ait une insertion précise dans le cadre social. Au moindre écart on crie à l’aventurier ; j’en avais fait l’expérience.
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Il se sentait coupable. Coupable d’avoir déçu ceux qui l’attendaient maintenant chaque matin au village. Coupable aussi de ne pas avoir su mener à bien ce qu’il avait commencé. Coupable comme on l’est d’une promesse mal tenue.
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Ils mouraient et se regardaient mourir sans rancune. Comme s’il ne s’agissait pas d’eux. Ils vivaient et disparaissaient comme des mouches. Sans jamais rien imaginer d’autre que leur vie de mouche.
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Les femmes sont faites pour le malheur , bien que toutes prétendent le contraire.Peut être parce qu'elles savent l'organiser , alors qu'au mieux les hommes ne savent qu'en sortir.
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Même les coups de botte ne le sortaient plus de sa torpeur. Il tournait au zombie mais chez lui, c’était l’âme qui était atteinte, pas le corps.
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Je vivais dans la peur, peur de la cravache du Mafflu, peur des sangsues, peur qu’on me tue d’une balle ou qu’on me fasse éclater le crâne à propos de rien. Car ils étaient ainsi, imprévisibles et féroces, sans pitié, et je savais que ma vie ne tenait qu’à un fil, je savais qu’ils étaient fous, incurables et cependant méthodiques dans leur folie, le sergent, le Mafflu, les hommes avec leurs yeux de drogués, le bep qui m’aurait assassiné, le rire aux dents, qui un jour m’a lâché dans les jambes une bassine d’huile bouillante, j’ai sauté de justesse.
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Les soldats de la garnison ne sont pas des gars faciles. On en raconte d’ailleurs pas mal sur leur compte, surtout sur celui du sergent, un maniaque du service, un lunatique aussi.
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