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Citations de Jean Hougron (147)


Il fait nuit quand elle entend le Père rentrer. Elle écoute son pas qui va et vient dans la grande salle du rez-de-chaussée. Elle l'a écouté trop souvent pour ne pas savoir que le père est contrarié. Elle en est satisfaite. Elle boit un dernier verre d'élixir et va cacher la bouteille sur une étagère derrière une boîte de biscuits. Elle sort ensuite son porte-monnaie et compte son argent. Il lui reste quarante-deux piastres. Elle hoche la tête, puis se dit que février n'a que vingt-huit jours. Malgré tout, quarante-deux piastres, c'est peu pour finir la semaine. Quand Henri n'est pas en prison, il l'aide à la fin du mois. La Mère essaie de se rappeler, quand son fils doit être libéré. Elle ne se souvient pas si il a été arrêté en octobre ou en novembre. Elle cherche un instant, pense: "c'est en octobre", mais n'en est pas certaine. Il faudra qu'elle demande à Nam, la boyesse.
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Le Junker de la ligne Saigon - Louang Phrabang passait juste au-dessus et nous étions seize à le regarder, serrés coude à coude, les oreilles bourdonnantes, assourdis par le vacarme des trois moteurs ronflant à plein régime. Juste un village comme les autres, semblable à tous ceux que nous avions survolés depuis l'aube, colorié comme un jeu de construction avec le rouge ocré de ses deux routes en croix, les quatre angles d'un blanc crayeux des bâtiments européens pointés vers la place rectangulaire et un peu partout, au hasard des jardins, le vert jaunissant des arbres et des pelouses. Rouge, blanc, vert. L'arc détendu du Mékong, immense et dérisoire des hectares de sable rongés d'herbe malsaine emprisonnés dans des mailles d'eau paresseuse. Étreignant de nos mains fiévreuses le rebord de nos strapontins nous regardions, la rétine blessée par un soleil vertical, les muscles endoloris par quatre heures de vibrations. Le Junker obliqua vers le Siam, rabotant durement l'air inégal. Le village fila au long du fuselage, disparut d'un coup avalé par une secousse plus violente.
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[...] ... - (...) Quand nous sommes arrivés dans ce pays, la population était exploitée depuis des siècles par le mandarin, le chef de canton et toute une pouillerie administrative. Nous sommes venus, et au moins peut-on dire qu'une certaine paix régna. Plus de razzias, plus de pirates incendiant les paillottes, volant le bétail et emmenant les femmes ; plus de petits despotes levant l'impôt à leur gré ... Ton père a transformé ce pays, il a révélé sa richesse et cela reste à son crédit. Il a ouvert des routes, créé deux hôpitaux, assaini les marais, doté toutes les écoles techniques de la région et certains collèges vivent encore de ses dons ..."

J'avais haussé les épaules, car je savais bien ce que recouvraient les bienfaits de mon père. Jellanet leva la main.

- " ... On l'a trop souvent dit et redit, et cela peut te paraître naïf, bien sûr, mais je crois que les gestes concrets demeurent, et, à mes yeux, ils valent mieux que ces bonnes intentions dont l'Enfer, dit-on, est pavé ... Et puis, ce système colonial que l'on condamne aujourd'hui, il faudrait peut-être, pour être équitable, le replacer dans son cadre véritable, qui n'est pas celui de ces dernières années. Pendant plusieurs siècles, il a répondu à une nécessité car il a permis d'absorber l'énorme vitalité d'une Europe dans le plein de son éclat qui se lançait à la découverte du monde. Et cette nécessité, née d'un déséquilibre, d'un excès de force, cet appétit en vaut bien d'autres. Il est là, comme la puissance du fauve ou les cyclones de février ; et les morales qui viennent après coup, alors que les conditions ont changé, ont beau jeu ..."

Jellanet posa son verre sur la table.

- "... Aujourd'hui, la mode veut que l'on ne considère plus que les défauts du système depuis quelques années, mais on oublie ce que ce système a apporté, non seulement aux colons mais aux indigènes. Il faut attendre que les esprits se soient calmés et dans un siècle, peut-être moins, il n'est pas impossible qu'on fasse des héros d'hommes comme ton père. Et, après tout, je me demande si par la violence de leur nature, l'ampleur de leurs conceptions, leur égoïsme qui, par sa démesure même, finissait par rejoindre le souci du bien commun, ils n'auront pas mérité d'être distingués des autres hommes. Ils auront été grands à leur manière, ils auront eu un destin d'exception, avec les servitudes de cette sorte de destins, et cela n'est pas si commun ..."

Jellanet poursuivit et un peu de colère passa dans sa voix :

- "Les journaux de France arrivent ici avec quelques semaines de retard, mais les soirées sont longues et j'ai le temps de les lire. J'ai passé presque toute ma vie dans ce pays et j'espère bien y mourir. Je sais comment je l'ai trouvé ; je sais ce que des gens comme ton père, en croyant servir leurs seuls intérêts, en ont fait. Je sais aussi que le système ne vaut plus rien et qu'il est bon qu'il disparaisse car il a fait son temps, mais je juge méprisable la politique du coup de pied de l'âne et je vois chez ceux qui s'acharnent contre ce qui doit disparaître inévitablement un signe de médiocrité."

Jellanet planta son regard dans le mien. Il ajouta avec calme :

- "Je sais quelles sont tes opinions, combien elles diffèrent des miennes et c'est pourquoi je t'ai dit ce que je pensais. Nous avons fait notre temps, nous avons fait aussi de notre mieux, en dépit des erreurs que nous avons commises et nous n'acceptons pas que ceux qui n'ont rien fait nous jugent et voient en nous la plus mauvaise part d'une nation. Une époque est jugée par celle qui la suit, et, sachant cela, je préfère encore ma place à la vôtre ..." ... [...]
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Pourquoi ne pas avoir demandé une de ces bonnes petites musiques terriennes qui chatouillent les jointures et donnent envie de grimper aux murs ?
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Les hommes et les femmes avaient des visages fiévreux de malades. On les devinait lâches, prêts à toutes les concessions. Ils étaient mornes, avec cependant une étrange férocité d’êtres faibles dans leurs yeux agiles. Des bêtes trop souvent battues qui auraient sans cesse ravalé leur désir de mordre et d’égorger.
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Il avait obéi. Parce qu’il ne pouvait plus agir autrement. Non qu’il fût héroïque ou même simplement hardi. C’était quelque chose de différent, qui n’avait rien à voir avec une morale ou quoi que ce fût de ce genre. Il ne lui venait jamais à l’esprit que cette vérité qu’il avait conquise jour après jour dans le marais n’était peut-être valable que pour lui seul. Pas plus d’ailleurs qu’il ne prétendait l’étendre au reste des hommes.
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Les contreforts himalayens qui protégeaient le golfe des souffles glacés du nord avaient été si profondément bouleversés par les bombes et les charges nucleaires que le socle montagneux s'était soulevé ,dressant aujourd'hui avec ses enchainements de pics ,hauts parfois de quinze mille metres ....

Le seul auteur de science-fiction qui reçu un prix de l'académie francaise .
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J'avais vu sa petite gueule pâle et méchante quand Bertin avait ouvert la porte d'un coup de pied. Oui, on s'était fait un ennemi, et de la pire espèce, celle qui ne fait pas front, qui évite le corps à corps, l'espèce qui se sert des lois, des règlements pour étrangler l'adversaire en douceur.
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Tout le monde n'a pas le courage de se mettre un tuyau à gaz entre les dents pour faire tomber le rideau. Mais l'occasion, on peut toujours la saisir au passage. Il suffit de ne pas de défendre, et de laisser les autres se débrouiller. Il arrive toujours un moment où vivre et mourir s'équilibrent assez justement, mais le plus souvent, par lâcheté, on rate ce moment-là
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l, amour propre est un ballon gonflé de vent dont il sort des tempêtes quand
ont y fait une piqûre.
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L'histoire de Nam et de Hong glissait sur la rizière, où la pluie levait de courtes étincelles brillantes. Elle montait vers le ciel gris, simple et éternelle, avec l'amour, le plaisir, la souffrance et la mort, tout ce qui fait le poids de la vie des hommes. Une autre voix très claire relaya celle de la vieille femme. Une voix pointue, ardente, de très jeune fille, qui filait d'un jet, s'élançait encore, puis devenait étrangement grave.
Dans la rivière, l'averse faisait bouillir l'eau sombre.
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[...] ... - "Pourquoi avez-vous ordonné au chef de respecter l'ancien cérémonial pour l'enterrement de mon grand-père ? Beaucoup protesteront car le Viêt-minh peut l'apprendre.

- Il faut qu'un homme soit enterré comme il doit l'être et non pas comme une bête dont on se débarrasse. Depuis quelques années, les habitants de ce village ont oublié trop de choses. Demain, ils devront choisir, et ceux qui ne seront pas avec nous, je les déclarerai nos ennemis et je les combattrai."

Il s'était animé mais s'arrêta brusquement et fronça les sourcils pour mieux cacher sa gêne d'avoir parlé si longtemps et avec une telle force.

Ahn se redressa :

- "Vous parlez comme si vous vouliez que Vinh-Bao soit détruit. Croyez-vous que d'autres villages de la Plaine des Joncs n'aient pas tenté de se révolter ? Le Viêt-minh les a incendiés et leurs habitants ont été tués en exemple."

Horcier ne répondit pas. Cette nuit-là, il avait réfléchi jusqu'à l'aube, et, en quittant la paillote ce matin, il était persuadé que seules la violence et la contrainte redonneraient à Vinh-Bao son visage d'autrefois. Car si les hommes de ce village ne méritaient plus le nom d'hommes, seule la violence, qui ne laisse subsister que la peur, pouvait en rendre compte. Mais, maintenant, il en était moins sûr. Que pouvait une poignée d'hommes affaiblis contre des bataillons bien armés ? ... [...]
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Barassis m'avait annoncé sa visite pour cinq heures.
Il était en retard comme d'habitude. Il aimait qu'on l'attende. Quand il s'agissait de prendre avantage sur les gens, il n'y avait pas de petits moyens pour Barassis.

(Incipit).
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Ça n’empêchait pas que c’était idiot d’être venu se perdre dans ce pays, avec une fille qu’il ne connaissait même pas et qui ne l’aidait que pour de l’argent. Sans compter le Viêt Minh… Si toutes les histoires que les journaux de France racontaient étaient vraies…
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Plus les gens sont savants, moins ils écrivent bien… Regardez les docteurs…
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Mallart avança d'un pas dans le salon.
"Et je parie que ce soir, tu seras à Ban-Khao en train de jouer les médiateurs gentils... Tu aimes ce que tu prends et refuses ce qu'on te donne. Tu crèves d'orgueil avec ta manie de ne rien devoir..."
J'aimais ce que je prenais parce que je l'avais choisi et que ma nature m'y portait. Je n'avais jamais rien espéré de ceux qui se satisfont des cadeaux des autres, en font un héritage certain et les attendent avec la patience des faibles.
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Tout valait mieux que vivre dans la paillote entre la mère qui criaillait sans cesse et Anh qui ne manquait jamais de lui faire sentir qu’elle ne le considérait pas tout à fait comme un homme.
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Elle fait souvent tout son possible pour prolonger notre union, quoiqu’elle appartienne à ce genre de personnes qui allumeraient un incendie afin de prouver leur dévouement en s’employant à l’éteindre.
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Chaque heure avait sa couleur, son poids sonore, jusqu'à son odeur. A onze heures, il commençait à entendre couler le Mékong : un froissement doux que crevait parfois l'aboi sourd et rageur de l'eau irritée sur une saillie de roche, et il s'endormait peu après, avec l'image du fleuve lisse, chromé de lune.
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Dans une semaine, je partirai et en route pour l'aventure, pour ce 5ème territoire si mal connu, dont ils parlaient ici comme d'un pays de légende, plein d'embûches et de merveilles, avec ses grandes forêts, ses mines de rubis et ses arbres à benjoin.
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