Dans Manière noire, Ikebana est un graveur sur cuivre, aveugle et inspiré par le corps des femmes qu’il parcoure de ses doigts, mémorise et interprète ensuite. Cette nouvelle allie une élégance mystérieuse, une passion charnelle abstraite sublimée par l’Art, une floraison des arcanes de l’être dans sa beauté transcendée.
Dans Mon journal mental, un homme se réveille tétraplégique à l’hôpital après un accident de la route, témoins des gesticulations autour de lui, de l’indifférence ou de la sollicitude, expérimentant l’enfermement et la passivité sensorielle, l’illusion hasardeuse de la volonté et un vain sursaut religieux.
Dans Une rencontre diaphane, Jed est de retour du front dans le Pacifique alors qu’il était déclaré mort, retrouve sa famille et aussi sa fiancée Margie. Ce texte est dans la tradition de l’ancien combattant qui rentre au bercail avec ses blessures, sa métamorphose, sa réalité post-traumatique et ses doutes. Mais c’est une histoire d’amour et par-delà la mort se trouve une lueur froide et éternelle, dans un traitement du sujet à la fois violent et subtil, d’une profondeur impressionnante.
Dans De l’autre côté du miroir, un homme désespéré depuis la mort de sa femme aperçoit subrepticement le reflet de son visage dans une flaque d’eau. Sur le thème du miroir liquide, les échos de la mémoire sont un passage au travers de la séparation subie, par un contact relatif et aveuglant, un amour brouillé par le vent et la pluie que la mort n’efface pas. L’histoire reste sombre et évasive entre tragédie matérialiste et espoir fébrile.
Dans Forages, un coup de foudre et un mariage sont balayés par un accident de la route et la promesse d’un enfant mène à la nécrophilie. Dans cette nouvelle l’amour par-delà la mort mène au glauque ironique avec cette petite dose de fantastique amusé pour une passion inhabituelle et contrariée.
Dans Dernier souffle, un thanatopracteur recueille l’ultime air coincé dans la poitrine des morts par un baiser comme une passation de vitalité, un don intime.
Dans La visiteuse des tombes, une présence féminine erre dans un cimetière pour offrir sa sollicitude à une âme résidente esseulée dans une démarche de réconfort partagé.
Jean-Michel Calvez écrit à propos de la perception du monde et de la conscience de soi, de l’infirmité, la perte d’un sens qui réclame une compensation et le bouillonnement philosophique d’une ontologie angoissante. Il y a toujours un avant et un après, la communication est fragile, des murs s’élèvent et l’environnement devient comme étranger
C’est une littérature synesthésique, du bombardement d’images et de pensées, de l’enfermement, de l’esprit cerné. Il est malaisé de dépasser le rapport au corps et à la sexualité une fois la spiritualité et l’amour perturbés. Le style est précis et raffiné, d’une poésie suave et d’une ironie douce-amère avec un fond philosophique discret mais affirmé tout en clair-obscur, dans un entre-deux.
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