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Critiques de Jérôme Ferrari (751)
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Le sermon sur la chute de Rome

Le bar local d'un petit village Corse est le théâtre d'un curieux défilement de gérants tentant à la fois de reconstruire leur vie et de maintenir une certaine animation dans ce lieu fortement isolé.

Chacun échoue lamentablement, jusqu'à ce que deux jeunes hommes originaires du pays décident de s'y installer, abandonnant du même coup leurs études à Paris.



Les efforts qu'ils concèdent à l'entreprise et surtout l'idée maîtresse d'embaucher de jolies et "entreprenantes" serveuses font que l'opération se transforme vite en succès. Le bar ne désemplit pas, y compris hors saison, certains clients n'hésitant même pas à faire plusieurs dizaines de kilomètres pour boire le même pastis qu'ils pourraient trouver n'importe où ailleurs. La nuit, les esprits sont chauds mais la violence bien que palpable est toujours contenue.



En parallèle à ce récit principal, nous découvrons au fil des pages une histoire familiale multi-générationnelles, intrigante et complexe.



Le décor est planté. Et le récit est servi par une langue magistrale et singulièrement claire. Jérôme Ferrari annonce sa tragédie peu à peu.



La conclusion de ce très beau roman laisse la place au sermon de saint Augustin sur la chute de Rome qui résonne comme un écho très lointain (pas dans l'espace mais bien dans le temps) au destin inéluctablement tragique des hommes qui bâtissent des cités sur du sable et n'embrassent que le vent.



Janvier 2014
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À son image

Je ne connaissais pas du tout Jérôme Ferrari. Ayant passé les 50 premières pages, je ne suis pas arrivée à rentrer dans l'histoire. J'ai donc fait une petite pause, puis je l'ai repris. Impossible de continuer. Le thème de cette mort à travers la photographie raconté lors de la messe de la défunte ne m'a pas du tout inspirée. Le style m'a ennuyé, aussi, très fortement. J'ai abonné cette lecture. Thème assez spécial.
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À son image

Un livre de qualité. Grâce à une belle langue, riche, érudite, parfois envoûtante, j'ai pu aller jusqu'au bout de ce récit, mais sans jamais vraiment entrer dedans. et je me suis demandé pourquoi.

La construction? l'idée est belle: les chapitres sont découpés selon les rites de l'office religieux des funérailles d'Antonia, jeune femme Corse, morte brutalement dans un accident de voiture. Chaque chapitre renvoie à des photographies, lesquelles parlent de la guerre ou ont un rapport fréquent avec la mort.

Si j'ai aimé l'idée du découpage et de ces évocations, je l'ai trouvé un peu intellectuelle et artificielle.

Le sujet du livre? Mais au fait que veut nous dire l'auteur? Veut-il rendre hommage à Antonia? Nous montrer ce chemin de désespérance pour cette jeunesse corse qui s'est engagée dans l'indépendantisme et, non seulement a échoué, mais a déployé son énergie dans des guerres fratricides et vaines?

Ce livre est pour moi comme certains films pas faciles, vu sans éprouver de plaisir, avec un sentiment de quelque chose de fort, mais qui échappe, et dont les images continuent ensuite à nous habiter.

J'aime l'écriture de J. Ferrari, j'aime la corse, j'aime la photographie, j'ai été touchée par le personnage de l'oncle et parrain d'Antonia, devenu prêtre après un appel digne de celui vécu par Saint Paul sur le chemin de Damas, mais le livre m'est resté en partie hermétique.

Dommage!
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À son image

Comme son titre le laisse supposer, l’image est centrale dans le dernier roman de Jérôme Ferrari, A son image. C’est un thème qui m’intéresse, encore plus lorsqu’il s’agit de photographie. Suis-je ce qu’on qualifie une photographe amatrice ? En tous cas je me balade rarement sans mon appareil photo et j’essaie d’observer les choses qui m’entourent pour capter le petit détail, la scène, la lumière.



A son image, s’ouvre sur la chute d’Antonia, personnage principal, dans un ravin alors qu’elle rejoignait sa famille dans un petit village corse. Ses funérailles sont l’occasion de raconter sa vie mais aussi les conséquences de sa disparition sur ceux qui restent.



Ce qui m’a frappé au fur et à mesure que je découvrais les longues phrases de l’auteur qui semblent s’enrouler autour de nous, lecteurs, c’est l’absurdité de la vie. Celui qui a offert à Antonia son premier appareil photo à 14 ans, son parrain (le seul qui n’a pas de prénom) est celui qui l’enterre. Elle, qui derrière son viseur, semblait protégée de la peur, n’a laissé derrière elle, aucune photo.



Antonia, en prenant des photos, voulait capter « la vérité », « sa vérité » mais l’auteur ne nous suggère-t-il pas à travers son destin (et aussi celui de deux photographes extérieurs à l’intrigue principale), l’absurdité de la photographie face à la mort ? Les choses existent-elles plus parce qu’on les a photographiées ? A une époque où les images sont en surabondance suffisent-elles à révolter, à éveiller les consciences ? Ne sont-elles pas indécentes quand le photographe préfère prendre une photo que tendre une main à celui qui souffre en face de lui ?



Antonia vivait dans un petit village de Corse, où tout le monde se connait. Enfant, elle est très vite fascinée par Pascal B, membre d’un mouvement indépendantiste. Quelques années plus tard, quand celui ci fait son premier séjour en prison, elle lui envoie régulièrement des lettres et des photos. Grâce à elle, le présent reste immuable .

Là encore l’absurdité est tapie. Au fil des années, au sein de ce mouvement indépendantiste corse, la lutte pour le pouvoir devient plus importante que la lutte pour une cause. Ceux qui étaient hier des frères de combat, sont aujourd’hui des ennemis qui finissent criblés de balles.



Antonia rêvait d’ailleurs (elle partira en Yougoslavie) mais son travail de photographe consiste à immortaliser des parties de pétanque et les conseils municipaux, de se limiter au plan large pour les articles de la presse locale.



Si j’ ai été plus hermétique à la liturgie très présente et fil conducteur du roman, j’ai aimé dans A son image ce portrait de femme qui s’affranchit des traditions, de la culture corse (en se mettant en couple avec Pascal B. elle n’existe plus que comme femme de..) et se bat pour être plus libre et se réaliser.
Lien : http://www.chocoladdict.fr/2..
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À son image

Antonia est photographe de mariage depuis qu’elle s’est mise à son compte. Lorsque s’ouvre le roman, elle finit de photographier un énième couple sur un port en Corse. En fin de journée, elle rencontre son ancien ami croate, Dragan, engagé maintenant dans la légion. Il passe une douce soirée ensemble…Puis, la nuit se termine. Elle revient chez elle. Mais, en rentrant, elle est victime d’un accident de voiture et meurt sur le coup.

Son oncle, parrain et prêtre aussi, est chargé par sa sœur de célébrer la messe de ses funérailles. Avant qu’il ne voue sa vie à Dieu, c’est lui qui a offert à Antonia son premier appareil photo. Lui qui l’a regardée danser le tango avec le fils de sa compagne. Lui qui l’a encouragée à vivre sa vie, à sortir du chemin tracé du conformisme social. Lui qui doit aussi guider la douleur de ses paroissiens vers la « grandeur de Dieu » !

Sauf que la chaleur dans cette petite église de village, les chants polyphoniques et sa tristesse l’empêchent de se retrancher derrière le cérémonial dévolu à ce genre d’office. Il va se laisser aller à raconter la courte vie de sa filleule, aidé par Simon, le gamin du tango qui lui aussi va donner corps à cette Antonia afin de conjurer les perceptions de cette mort prématurée.

Pour l’ancien prix Goncourt, au delà du romanesque, le livre est aussi l’occasion d’interroger des sujets chers dont Antonia se fait l’écho.

Avant d’être photographe d’événements privés, Antonia a travaillé à la rubrique faits divers de la gazette locale. Au fil de ses souvenirs, son parrain rapporte ses souhaits de devenir un super reporter qui ferait LA photo qui la rendrait célèbre et la sortirait de sa routine professionnelle et privée.

Avec Olivier Rohe, Jérôme Ferrari a publié en 2015 « À fendre le cœur le plus dur » où ils s’interrogeaient sur la manière de rendre compte de la violence en temps de guerre, ses diverses représentations (la photo, la légende, la littérature descriptive) et sur le pouvoir des mots par rapport aux pouvoir des images. A partir de centaines de clichés, les auteurs ont reconstitué le parcours de Gaston Chérau, photographe du début du siècle, qui a publié la première photo de journalisme de l’histoire » Arabes pendus sur la place du Marché–au-pain. Tripoli en 1911″. A travers des lettres envoyées à sa femme, ils rapportent que Chérau s’interroge sur la portée de ses photos, leur contexte, leurs conséquences pour lui mais aussi pour le regard que vont porter ses compatriotes sur les événements qu’il montre. On retrouve les mêmes préoccupations avec Antonia sur les différents attentats qui endeuillent son île et qu’elle couvre au fur et à mesure de ses reportages.

Faut-il publier, ou pas, une photo qui montre l’innommable? Antonia choisit de ne pas publier ni celles du conflit dans l’ex-Yougoslavie ni celles des différents assassinats qui ont ruiné le mouvement indépendantiste en Corse.

La photographie de ce petit garçon rejeté par la mer et échoué, mort, sur une plage le nez enfoui dans le sable a choqué tout le monde. »Aucune photo, aucun article n’a jamais jusqu’ici provoqué aucun choc si ce n’est peut-être le choc inutile et éphémère de l’horreur et de la compassion. » Que faisons-nous ? On s’indigne, on s’émeut car … »(…)c’est impossible de regarder ses choses en sachant qu’on ne peut strictement rien y changer. On n’a pas le droit d’attendre ça d’eux.(de nous) La seule chose qui est en leur pouvoir, c’est détourné le regard. Ils s’indignent. Et, puis ils retournent le regard. » Jérôme Ferrari absout notre « indifférence » en la transformant en impuissance et du coup, nous libère de cette culpabilité qui englue.

Où est l’obscénité qu’Antonia décrit à son parrain? « Toutes ces précautions, les subtilités de cadrage, l’abonné conscience du hors-série champs, les répugnantes pudeurs, la jouissance. » Est-ce lorsque le photographe « jouit » de son sujet, c’est à dire qu’il aime, qu’il se régale de cadrer l’insoutenable, qu’il s’en réjouit tellement d’avoir pris la Bonne, la Superbe photo…qu’il en oublie son humanité, sa bienveillance et son empathie pour son sujet et pour par exemple, ne pas poser son appareil et porter secours. « Mais surtout, écrit-elle à son parrain, ils aiment ça, ils adorent ça, tous, et moi aussi. «

Et, comment les reconnaître, nous le public, ces photos obscènes ? Je crois sincèrement que l’œil du public s’est un peu éduqué au fil des années. Mais, nous ne sommes absolument pas à l’abri d’un retour en arrière. Alors, continuons à nous éduquer aux médias pour permettre à tous, y compris la jeunesse, d’avoir les armes nécessaire pour lutter contre les propagandes de toutes sortes !

Jérôme Ferrari pense que la légende de la photo explique le contexte et l’enrichi. Mais, qu’est-ce qu’une légende? Comment l’écrit-on? L’auteur nous rappelle ce qu’on a reproché à Kévin Carter au sujet de sa photo dont la légende était « Une petite fille, affaiblie par la faim qui s’effondre sur le chemin d’un centre d’approvisionnement alimentaire à Ayod »en 1934. A priori, Kevin Carter n’aurait rien pu faire de plus pour l’enfant. Mais sa légende mensongère et racoleuse a instrumentalisé les réactions de soutien -et celles de rejet- et du coup, y est certainement pour quelque chose dans l’obtention de ce prix. Est-ce lui ou le journal qui a écrit la légende? En tout cas, un jour après la remise du prix, il s’est suicidé !

Le constat fait dans ce livre est que la littérature ne peut rivaliser avec la puissance d’une image. En épigraphe, Jérôme Ferrari donne la légende de la photo qu’il replace au cours du chapitre, dans son contexte en la décrivant, en racontant la démarche de son photographe et en imaginant ce que la photo a changé pour ses contemporains mais aussi pour le photographe lui-même. Du coup, aucune image présente, juste des descriptions, si bien écrites que j’ai eu envie d’en lire à haute-voix pour les enregistrer.

A travers la description de l’engagement politique de Simon et surtout de Pascal B (sorte de concentré entre Pascal Paoli et d’autres) le petit ami officiel d’Antonia, l’auteur revient sur son engagement politique et les idéologies nationalistes corse des années 90. Ces mouvements que la violence et les motivations crapuleuses ont gangréné ont dégénéré au fil des années. Les conflits fratricides sont l’image de ce 20ème siècle : ceux des Balkans, ceux de l’ex-Yougoslavie et évidemment, ceux de Corse. Ces frères, ces cousins et ces familles sont devenus ennemis pour du pouvoir et se sont entretués en oubliant les liens du sang. Cette tragédie, la Corse l’a vécue, les Balkans aussi! Antonia garde ses photos dans une boîte que ses proches retrouveront après sa mort.

Comme à chaque roman, Jérôme Ferrari s’interroge sur la religion. Ici le personnage de l’oncle à l’histoire particulière lui permet à la fois de décrire le culte et les dogmes, d’en expliquer la fonction et, bien sûr, de s’en distancer. Non croyant, l’auteur semble garder une sorte de mysticisme qu’il interroge à chaque roman.

« A son image » est mon vrai coup de cœur de cette rentrée littéraire. Ce roman est profond, poignant et percutant. Sa langue fait des circonvolutions magnifiques, jamais empêtrée, toujours limpide. Sans y prendre garde, Jérôme Ferrari entraîne son lecteur avec son histoire romanesque simple et réaliste vers des réflexions et questionnements philosophiques. Un excellent moment de lecture !
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À son image

Avec un style dense, précis, J. Ferrari pose les questions philosophiques fondamentales qu'il porte en lui ès qualités. Elles sont d'autant plus pertinentes que son talent parvient à les intégrer dans le fil d'une vie émouvante, qui est cueillie par la mort dès le début du livre. Une construction subtile, qui suit les étapes d'une messe de Profundis, le contexte de la Corse, un règlement de compte sans concessions avec les absurdités des mouvements autonomistes, habilement rattaché à la guerre de Yougoslavie où cette contamination chasse de chez eux des personnages avec qui l'on aurait aimé faire plus ample connaissance. Pour développer le questionnement autour de la philosophie, J. Ferrari rappelle les photos et la problématique d'un roman précédent, écrit à deux mains, "À fendre le coeur le plus dur", en les développant. Un récit émouvant, parce qu'incarné dans le personnage d'une jeune fille photographe, mais loin du pathos, et une confrontation impitoyable avec les vices, et l'obscénité de la réalité contemporaine de la représentation consommable.
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Le Principe

Le principe, dernier roman de Jérome Ferrari, le premier après son prix Goncourt, compte 160 pages.

Découpés en 4 parties - position, vitesse, énergie, temps -, il aborde la vie du physicien allemand Werner Heisenberg au travers des yeux d'un jeune étudiant philosophe.



Les deux premières parties sont bien construites et retracent bien la vie de Heisenberg. On passe de la fascination à l'incompréhension. Héros ou "pire salaup ce Werner Heisenberg"? était la question posée sur l'émission de France Inter durant le Salon du Livre à Jérome Ferrari. A la lecture de cette moitié de livre, on a vraiment du mal à répondre.



Les deux dernières parties sont plus confuses. Si Energie parle de l'après 2ème guerre mondiale et "du sort" des physiciens allemands réservé par les alliés, je n'ai pas compris l'intérêt de Temps.

Tout est beaucoup plus confus dans cette dernière partie et on ne sait pas trop ou Ferrari veut en venir. C'est dommage...



Par contre, le très gros point fort de ce livre est l'écriture. Quelle merveille! Un texte très agréable à lire avec des mots et des tournures de phrases très recherchés. Quel bonheur de lire du subjonctif passé... et pourtant quelle "facilité" de lecture

Les phrases sont mélodiques, parfois poétiques.

Au risque de me répéter, c'est vraiment un plaisir de passer un peu plus de 2h30 à lire la prose de Ferrari.



En conclusion, je dirai qu' à l'instar d'autres lecteurs, j'attendais beaucoup de ce livre dont le sujet était très intéressant. J'ai pris plaisir à le lire mais je regrette le côté confus de la deuxième partie qui me gâche au final mes belles sensations... Je n'ai donc surement pas tout compris...

C'est dommage.



Je note plutot L'écriture (méritant haut la main la moyenne) plutôt que "l'histoire"



3/5
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Le sermon sur la chute de Rome

Un excellent roman, qui m’a tout d’abord décontenancée en raison du style de l’auteur : phrases très longues, descriptions développées, peu de dialogues. Il faut se laisser embarquer, adopter une cadence de lecture propice aux sensations que veut nous faire partager Ferrari.

Nous suivons le destin de plusieurs personnages : Marcel, le grand-père ; Matthieu, son petit-fils ; Aurélie, sa sœur et Libero, l’ami d’enfance de Matthieu. La Corse tient également une place importante dans le roman, une Corse tout autant séductrice qu’impitoyable, qui retient, envoûte et emprisonne. C’est la Corse de Mérimée et de Colomba – l’action se déroule d’ailleurs dans un petit village, tout à côté de Sartène - celle du drame, de la tragédie annoncée.

Chacun ici est aux prises avec ses désirs et ambitions. Marcel, né juste après la première guerre, enfant souffreteux dont on ne pariait pas la longévité, rêve de quitter la Corse, de découvrir le monde, d’être reconnu dans ses compétences. Son engagement dans le conflit de 39-40, puis dans l’administration coloniale aurait dû lui permettre d’accéder au destin auquel il rêvait. Las, tout le ramène vers son village natal.

Matthieu, comme le jeune Pagnol, rêve durant l’hiver parisien aux prochaines vacances ensoleillées, synonyme de liberté et d’amitié dans l’Alta Rocca. Comme tous les petits citadins (beaucoup se reconnaitront), le village, berceau familial, est un lieu désiré toute l’année. On se languit des vacances, on espère y vivre toute l’année pensant ainsi renouer avec ses attaches, y trouver l’essence dont on fait un destin. C’est ainsi qu’avec son ami Libero, alors que tous deux font de brillantes études de philo, ils décident de tout abandonner pour prendre la gérance du bar du village.

On comprend, au fil des pages, que Matthieu entreprend le chemin contraire de celui emprunté par son grand-père : loin de fuir, le jeune homme vient chercher au village un sens à son histoire.

Aurélie, archéologue ( le métier n’est pas anodin), réconcilie passé et présent. Elle est la plus à l’aise avec les espaces, les époques, elle entretient des relations équilibrées entre ce qui a participé à la construire (le village, sa famille) mais aussi avec le reste du monde – elle part faire des fouilles en Afrique mais sait revenir quand c’est nécessaire.

Tous essaient, plus ou moins adroitement, de trouver leur place, de faire des choix, d’exister au plus près de ce qu’ils ambitionnent. Pourtant, on pressent que si chacun lutte, personne ne peut totalement maitriser les voies prises par le destin.

C’est assez époustouflant à vrai dire de maîtrise de style, de montée en intensité ; la construction du récit qui alterne les passages sur la vie de Marcel, puis nous ramène au présent, nous tient haletant.

En vacances en Corse, tout à côté du lieu où se déroule l’action, j’ai complètement été happée par l’histoire, relu plusieurs fois certains passages, et vécu un vrai beau moment de lecture.

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Le sermon sur la chute de Rome

J'écris très tardivement mon avis sur ce livre, qui a déjà rencontré un grand succès auprès du public - le prix Goncourt y étant peut-être pour quelque chose ! Oui, je veux bien: ce roman a des qualités. L'idée de mettre en scène ces deux apprentis philosophes choisissant d'ouvrir un bar dans leur village corse est a priori plaisante. Le récit des diverses étapes de leur (més)aventure est agréable à lire, dans l'ensemble. Les considérations sur les familles des deux héros m'ont semblé manquer un peu d'intérêt, mais c'est sans doute pour planter le décor. Le style de l'auteur est abusivement emphatique, ses phrases sont souvent trop longues et le lecteur sent bien que c'est très "fabriqué" mais, après tout, pourquoi pas ? cela donne une couleur particulière à ce texte.



Cependant, ce qui me semble être une vraie "escroquerie", c'est le titre du livre, ainsi que ses pseudo-considérations philosophiques sur la décadence de l'Empire romain… alors que le sujet est seulement l'ouverture d'un bar dans un coin paumé de la Corse ! Tout le monde - y compris ma concierge, par exemple - sait bien que, dans la vie, il y a des gens doués pour les affaires et d'autres qui "boivent le bouillon". Pour faire comprendre ça, il n'y a pas besoin de faire appel à Saint Augustin et à Leibnitz. C'est surtout cela, bien plus que le reste (y compris le style ampoulé de l'auteur) qui me semble insupportablement prétentieux - ce qui m'a empêché d'aimer ce roman
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Le sermon sur la chute de Rome

Chronique familiale sur plusieurs générations ? Oui, mais pas seulement. Chronique sur l’impossibilité de vivre sa vie rêvée ou de rêver sa vraie vie ? Également. Chronique sur l’inéluctable fin des mondes ? Aussi. Il y a tout ceci dans « le sermon sur la chute de Rome » avec en plus et non des moindres, le style de l’auteur. Certaines descriptions sont superbes.



« Mais nous savons ceci : pour qu’une monde nouveau surgisse, il faut d’abord que meure un monde ancien. Et nous savons aussi que l’intervalle qui le sépare peut être infiniment cours ou au contraire si long que les hommes doivent apprendre pendant des dizaines d’années à vivre dans la désolation pou découvrir immanquablement qu’ils en sont incapables et qu’au bout du compte, ils n’ont pas vécu. »



Cette phrase résume la vie des protagonistes de cette histoire.



Nous sommes en Corse. Marcel, vieil homme aigri, égrène ses souvenirs lui qui n’a jamais pu réaliser son rêve de s’élever dans la société, ni fonder une famille. Il y eut toujours un obstacle insurmontable et il restera définitivement en marge de sa vie. Son retour au Pays n’est pas ce qu’il aurait voulu et il passe son temps à contempler une vieille photo sur laquelle il ne figure même pas. Le vide est sa vie, lui qui n’a pas su retenir sa jeune femme morte après avoir donné naissance à un fils qu’il a lâchement, mais non sans bon sens, abandonné à sa sœur Jeanne-Marie. Le souvenir de la scène avec la putain, crue et pleine de désespoir suivra Marcel comme une trace honteuse. C’est presque un résumé de sa vie, toujours cette honte qu’il traînera.



Par contre, il sera le coup de pouce et permettra à son petit-fils de revenir s’établir dans la Corse que ses parents, cousins germains, ont fui. Matthieu et Libero prennent un bar dans leur village. A partir de cet instant, à eux la belle vie avec des serveuses accortes, l’alcool coulant à flots….. Puis le livre s’enflamme et tout va crescendo jusqu’au coup de pistolet final.



Voici ce qu’ils étaient devenus, alcooliques, fêtards, je-m’en-foutismes, égoïstes, cyniques…la nuit de veillée du jeudi saint les dépeint très bien: « Ils étaient restés debout toute la nuit, au bar, pour ne pas avoir à se réveiller, ils s’étaient lavés les dents dans l’évier du comptoir, mâchaient maintenant des chewing-gums à la menthe fraîche pour que leurs haleines alcoolisées ne troublent pas la piété de cette nuit de deuil »



Matthieu croyait servir son rêve alors que, comme le dit sa sœur Aurélie « il demeurerait pour toujours la petite merde en laquelle il s’était métamorphosé en un temps record, avec un talent qui forçait l’admiration, elle était prête à le reconnaître et personne ne pourrait plus l’aider car il serait trop tard, et les jérémiades lui seraient interdites, comme le confort des regrets… »





Pour clore ce livre le sermon de Saint Augustin que Jérôme Ferrari nous rend si facile et agréable à lire. Il permet une focalisation sur la fin des mondes, la faillite des vies de Matthieu et Marcel, entres autres. Ce sermon garde toute sa modernité alors que, soi-disant, nous serions à la fin d’un monde.



Un livre fort, un style différent et peu banal avec, à certains moments, des phrases très longues, mais faciles à lire. Je n’avais pas de résumé, ne suis pas allée à sa recherche et ce fut, de bout en bout, une bonne découverte.


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Le Principe

Cet ouvrage m'a été remis dans le cadre d'un concours initié par un club de livres et comme j'aime beaucoup la prose de Jérôme Ferrari, je me le réservais pour une lecture ultérieure.

Werner Heisenberg, physicien allemand né en 1901, a côtoyé les plus grands scientifiques de son temps et a été l'un des fondateurs de la physique quantique. Il a établi le principe d'incertitude dans l'évaluation de la trajectoire et de la vitesse des électrons, allant ainsi à l'encontre des opinions en cours sur le sujet.

Jérôme Ferrari s'adresse à Heisenberg à travers les années, en le vouvoyant, se posant lui-même en néophyte, afin de comprendre le cheminement et les motivations de ce scientifique qui s'est constamment attaché à « voir au-delà des évidences ». « (...) ce qui vous motivait avant tout était la conviction qu'il fallait renoncer pour toujours aux représentations intuitives des phénomènes atomiques (...) »

Il n'y a pas de propos rébarbatifs ou barbants dans ce récit, malgré le thème plutôt pointu; Ferrari remet en perspective le contexte social et politique dans lequel Heisenberg et ses collègues ont évolué durant la montée du nazisme en Allemagne et comment l'issue de la Seconde guerre mondiale les a amenés à se remettre en question. L'explosion de la bombe atomique sur Hiroshima est venue ultimement sceller leur mal-être face à la fission nucléaire. Mon mari n'a pas apprécié comme moi la perspective empruntée par l'auteur pour parler de cet épisode sombre de la physique. Je persiste dans mon appréciation et lui accorde quatre étoiles.
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À son image

Ferrari Jérôme – "A son image" – Actes Sud, 2018 (EAN 978-2330109448) – format 22x12cm



Un roman tellement frappant que j'enchaîne sa première lecture avec sa re-lecture, tout en lisant en parallèle son essai "A fendre le cœur le plus dur" publié en 2015, portant spécifiquement sur le photoreportage de guerre (cf recension).



Ce roman frappe tout d'abord par sa qualité d'écriture : pas d'erreur, si Jérôme Ferrari poursuit son œuvre sur une si bonne lancée, il comptera parmi les grands écrivains de langue française, dotés d'un style affirmé.



Par ailleurs, l'idée de mélanger la réflexion sur la photographie, la guerre, la religion vécue et la mort est carrément géniale, encore fallait-il être à la hauteur de sujets aussi cruciaux. Indubitablement, Ferrari est équipé pour, il a tout un cursus de philo à son actif.



L'idée d'assurer le cheminement du récit en s'appuyant sur le déroulement de la liturgie catholique de la messe des morts est tout simplement extra-ordinaire et profondément originale, surtout à l'heure où toute la bien-pensance brocarde et vilipende depuis des décennies ce qu'elle croit être "notre héritage judéo-chrétien"...



En raison des origines corses de l'auteur, il va de soi que sa mise en littérature des indépendantistes fournit un témoignage de première importance.



Un excellent roman.



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Le sermon sur la chute de Rome

L'Histoire est fait de mondes qui naissent, vivent avec plus ou moins d'éclat et meurent de la même façon, c'est-à-dire en silence, même si certains événements qu'on qualifie alors d'historiques nous font croire le contraire. En réalité, l'avènement même de ces événements est inhérent à l'état de pourrissement qui contamine déjà ces mondes.



S'il en va ainsi de l'empire romain dont saint Augustin commente sobrement la chute - et plus exactement, la prise de Rome par Alaric en 410 -, il en va de même pour l'empire colonial français, disparu dans le formidable mouvement de décolonisation post Seconde guerre mondiale, et il en va ainsi pour tous les mondes que chaque personne peut se créer, bulle bien familière et bien rassurante dans un monde - plus global - que l'on ne comprend pas toujours. Il en va donc ainsi du monde de Mathieu Antonetti et de Libero Pintus, deux jeunes étudiants en philosophie à Paris, qui abandonnent justement leurs études pour reprendre un bar dans un haut village de Corse.

La splendeur de la vie quotidienne dans cet oasis de vie au milieu des montagnes corses s'apparente sûrement à ce que les historiens ont appelé, pour l'histoire de l'empire romain, la décadence. Les beuveries, les relations charnelles, bientôt la violence - verbale et physique -, l'humiliation et puis, bien-sûr, la mort achèvent le monde de bêtise et de liberté - pourtant pensé comme le meilleur monde possible - construit par les deux amis.



Le grand-père de Mathieu, Marcel, ancien fonctionnaire colonial, a lui aussi connu la fin du monde. L'empire colonial français a disparu ; il y a perdu sa femme, morte peu après son accouchement, et son fils qu'il a confié à sa sœur aînée. Dans cette marge de l'empire, Marcel a tenté de sauver les apparences avec un gendarme et un médecin, tous deux alcooliques, mais l'empire était déjà moribond.

Le texte peut sembler fataliste. Rien ne semble pouvoir arrêter ce rouleau compresseur qu'est le temps, pas même les illusions humaines dans ce qu'elles ont de grandiloquent ou de futile. Les textes constitutionnels d'un Etat, d'un Empire ne valent pas mieux que la bonne humeur exigée au sein d'un bar de village : rien ne résistera. Pas même l'amour, ce lien intemporel et qui ne s'encombre pas de géographie : Aurélie, la sœur de Mathieu, perd, en s'illusionnant, ses deux amants et amoureux. Ce qu'il y a de fataliste dans la fin de nos mondes, de nos mondes du 20ème et 21ème siècle, c'est peut-être l'absence d'espoir. Saint Augustin commentait à Hippone, à ses fidèles inquiets venus cueillir sa parole respectée, la mise à sac de la Ville Eternelle. L'espoir, dit-il, réside dans la vie éternelle promise par Dieu. Le monde est périssable, soyez-en sûr : mais si vous placez vos espoirs en Dieu, alors vous ne le serez pas. C'est cette lumière qui manque donc à notre monde, à nos mondes contemporains.



Malgré ce pessimisme qui imprègne le texte, celui-ci tire sa force et son aura de l'écriture de Jérôme Ferrari. C'est une écriture hypnotique qui laisse peu de répit au lecteur. Les phrases, longues, se déroulent avec une grande fluidité. Si l'auteur a un message sombre à nous faire passer, il nous prend par la main de telle manière qu'on ne saurait résister. Les pages défilent, et tout s'effondre, pour chacun des personnages, sans que l'on veuille réellement que cela se passe autrement, car cela ne se passe jamais vraiment autrement dans la réalité.
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Le sermon sur la chute de Rome

"Le sermon sur la chute de Rome", (Actes Sud, 2012) est le premier livre de Jérôme FERRARI que je lis. Etrange écriture que ces constructions de longues phrases, 'virgulées' à souhait pour permettre une respiration, un retour en arrière, un arrêt sur image, une interrogation quant au sens exact de ce qu'elles veulent dire. Lecture complexe donc, à l'image, peut-être, de la prétention que certains auront du mal à pardonner à Jérôme FERRARI (Goncourt 2012) qui nous entraîne, à la fois, dans deux, voire trois, histoires et dans une réflexion métaphorique sur la fin de toute construction humaine.



Les histoires, croisées tout au long du récit, sont belles. Tristes, mais belles parce que humaines! Marcel, né en 1918, à la fin et le début d'un monde. Il n'a rêvé que d'existence hors de sa Corse natale, il a voyagé mais c'est au pays qu'il termine sa vie dans une amer combat contre la destruction de son propre corps. Avec son ami Libro, issu d'une famille de paysans corses, Matthieu, petit-fils de Marcel, étudie la Philosophie à Paris. Pour des raisons différentes, ils abandonnent leurs études et retournent dans leur Corse d'origine pour, au coeur d'un trou perdu situé au milieu d'à peu près nulle part, transformer un modeste débit de boissons en "meilleur des mondes possibles" voulant, par là, se montrer fidèles aux enseignements de Leibniz. Et puis, troisième histoire, celle de Aurélie, la soeur de Matthieu qui n'a jamais pu vraiment trouver trouver le lieu où vivre un amour et qui, finement, analyse les relations et tensions qui président aux destinées de la famille et trouve sa place auprès du Grand-Père.



En plus de l'histoire, qui sent bon le choc entre le côté rugueux des paysans montagnards et la versatilité d'une certaine jeunesse 'citadine', il y a, dans ce "Sermon sur la chute de Rome", une réflexion philosophique sur toute construction humaine. Faisant constamment allusion aux écrits de St Augustin tâchant de faire comprendre que la chute de Rome n'était somme toute que la fin d'un empire devant en annoncer un autre, une construction humaine devant, par essence même, avoir une fin, l'auteur, dans cette relance d'un café au coeur d'un village qui se meurt, métaphoriquement souligne la même réalité philosophique. Un temps se meurt, l'Homme relance, un nouveau monde se crée, se développe, atteint son apogée, se détruit et meurt... Il en va de même pour les différentes histoires d'amour des personnages. L'homme n'est pas dieu. Même s'il se croit démiurge, capable de créer quelque chose d'important, d'unique et d'éternel, il ne fait que de jouer sa partition au sein d'une histoire qui le dépasse, qui a commencé avant lui et lui survivra.



En équilibre entre l'histoire et la réflexion, comme lecteur j'ai avancé dans le récit, me suis perdu, retrouvé. J'ai partagé certains points de vue de l'auteur, en ai rejeté d'autres ... mais, toujours, j'ai été pris par ce roman. Et même si l'écriture est quelque fois énigmatique, difficile à suivre, et dans son rythme, et dans ses références... j'ai apprécié les idées émises avec justesse, pertinence et, parfois, drôlerie.
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Le sermon sur la chute de Rome

Mon parcours avec ce livre commence par un malentendu. Je m'attendais à un roman très érudit et je me retrouve dans une chronique familiale. L'érudition de Jérôme Ferrari ne doit cependant pas être remise en cause par mes propos, ni même la pertinence du parallèle entre la chute de Rome et la chute de toute entreprise humaine.

Ce parallèle est toutefois très pessimiste. Soit Jérôme Ferrari a peu confiance en l'humanité, soit il partage la vision (mais aussi peut-être les ultimes doutes) de Saint-Augustin en opposant à la fatalité terrestre, un optimisme mystique que je goûte fort peu.

A propos de l'écriture, pour faire simple, Jérôme Ferrari aime les phrases à rallonge(s) quand il veut donner de la profondeur à son texte et des phrases courtes quand il évoque la trivialité. Du point de vue littéraire, les premières sont plus intéressantes que les secondes. La poésie de Jérôme n'est pas tant dans ses mots que dans son rythme. Certains passages du roman n'ont fait penser à Jón Kalman Stefánsson (excellent écrivain islandais traduit par Eric Boury) : des phrases qui avancent, puissantes et inexorables, des phrases qu'aucune tempête de neige ou de l'Histoire ne peuvent arrêter.

Il y a beaucoup de personnalités dans ce livre et toutes n'ont pas la place qu'elles méritent , non pas parce qu'elles sont sympathiques mais parce qu'elles sont révélatrices de la mosaïque des caractères humains. Ces personnages sont aussi parties prenantes de bouts d'histoire qui servent d'étais à l'intrigue principale, quant à elle relativement triviale et même presque irréaliste dans son dénouement. Ces bouts d'histoire sont, elles, bien plus profondes et intéressantes, comme autant de livres en devenir pour une vraie saga familiale en dix tomes.

J'ai hésité entre 3 et 4 étoiles mais la comparaison de la chute de Rome et d'une chute plus banale est vraiment une bonne idée. Je n'irai cependant pas jusqu'à qualifier l'écriture de somptueuse comme l'éditeur au risque de manquer d'épithètes pour d'autres auteurs autrement habiles avec la langue française.

Et pour finir, je me demande si le véritable héros de cette histoire ne serait pas Vincent Léandri ? Si vous avez un avis sur cette dernière question, je suis preneuse !
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Où j'ai laissé mon âme

Jérôme Ferrari nous propose une nouvelle fois une descente dans les méandres de l'âme humaine où la lumière de l'espoir n'a que peu de place. Suite à une expérience commune de souffrance et de solidarité, les deux protagonistes de ce drame vont développer chacun à leur manière, leur propre traumatisme post-guerre. L'écriture hypnotisante de l'auteur nous entraîne avec force dans cette spirale sans fin de la douleur physique et mentale.

Le thème de ce roman paraît totalement adapté au style flamboyant de Jérôme Ferrari, qui retranscrit avec lyrisme la réflexion sur soi même et la remise en cause des personnages. Le contexte est sombre, l'histoire est sous tension, et les êtres sont torturés. A tel point que le récit m'a pris aux tripes et va me laisser à coup sûr un souvenir bouleversant.



Le fait d'avoir déjà lu précédemment "Le sermon sur la chute de Rome" diminue l'effet de surprise et d'émerveillement que crée la belle écriture de Jérôme Ferrari au premier contact, mais il n'en reste pas moins que je classe Jérôme Ferrari dans le haut du panier de la littérature française.
Lien : https://leslivresdek79.wordp..
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Le sermon sur la chute de Rome

Quel dommage! Je ne suis pas sûre que le style de Ferrari dans le Sermon de la Chute de Rome ait eu pour but de communiquer la lenteur et la monotonie de vies usées, ou si il s'agit simplement de son style (j'avoue n'avoir pas lu d'autre oeuvre de l'auteur).

Après avoir lutté pour m'engager dans les présentations des vies rêvées et réelles du grand-père, du père et du fils Antonetti, le style ne m'est devenu fluide que pour quelques dizaines de pages avant de me renvoyer dans un mantra ma foi fâcheux pour tout lecteur : "Allez, plus que x pages".



Le soucis, c'est bel et bien que j'aime le maniement des mots de Ferrari, le style, la fresque familiale, le parallèle entre les mondes des Antonetti et le sermon de la chute de Rome de Saint Augustin.

Mais je n'ai lu véritablement avec plaisir et sans arrière-pensée orientée vers le nombre de pages restantes (et le roman est si court!), que lors des cinquante dernières pages...



C'est donc un sentiment mitigé qu'il me restera de cette tragédie... pourtant lue sans regret !
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Un dieu un animal

Un court texte écrit d'une plume somptueuse, qui oscille du registre quotidien au lyrisme parfois mystique, avec une force et une sincérité qui font de l'auteur un des écrivains les plus inspirés de ces dernières années.

L'interrogation existentielle sur le sens de la vie prend ici la tournure d'un dialogue avec un Dieu absent et impitoyable : "comment Dieu ferait-il, comment nous dirait-il son amour ?"

Peu importe si le héros, auquel l'auteur s'adresse fraternellement à la deuxième personne, pour fuir un village mortifère qu'il compare à un cimetière et ses petits boulots pourvoyeurs d'extases chimiques, s'engage comme mercenaire là où la mort est quotidienne, "un processus infaillible, fortuit, monotone et infiniment dérisoire", s'il a perdu son meilleur ami dans un attentat à l'explosif... Peu importe si la "déesse païenne" de son adolescence est devenue une consultante chasseuse de têtes presque uniquement préoccupée de la rentabilité de l'organisme sans âme où elle oeuvre, son entreprise. Entre ces deux-là, pas de rédemption possible, il est allé trop loin dans la colère et le désespoir pour qu'elle puisse jamais le rejoindre... Il n'est pas d'affection ni d'amour qui tienne devant ce gouffre dépressif.

Reste la prose splendide, ample, inspirée, qui tout à coup décolle dans des périodes impeccables et lyriques. Sombres pensées, superbe expression, le texte est digne du titre, son héros est à la fois un dieu, et un animal, oscillant de l'angoisse maladive et cruelle à l'inquiétude mystique et sans réponse.
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Le sermon sur la chute de Rome

J’ai eu l’occasion de lire ce livre sans avoir à le réserver et à attendre des mois entiers à la bibliothèque.



Et j’ai bien fait, ce fut une lecture très satisfaisante! C’est plutôt rare chez moi, mais je comprends tout à fait que ce roman ait eu le Prix Goncourt et je suis d’accord avec cette distinction. J’ai adoré ce livre, qui fût un véritable coup de coeur!







Quelques mots d’abord sur le style : L’écriture est belle, fluide, intéressante…je suis stupéfaite à quel point cette plume m’a plu.

Pourtant, parfois elle est très dense, voir même compliquée…mais cela m’a fait du bien, elle m’a forcé à me concentrer sur les mots, leurs sens…dernièrement j’ai lu peu de livre aussi challenging…lire une écriture compliquée c’est génial si on aime l’histoire et le style.

On est fier d’avancer et on est ravi à la fin du livre.





L’intrigue est pourtant assez simple. Il s’agit d’un bar dans un village corse. Deux amis d’enfance abandonnent leurs études pour reprendre ce bar en main, en espérant trouver une paix d’un monde meilleur et plus simple.





le lecteur sait pourtant dès le début que cette affaire, montée avec tant d’innocence et d’espérance, va tourner court et mal finir.





Cependant, au début, tout va bien. C’est presque le paradis. Le bar tourne, les gens viennent, les serveuses sont belles et jeunes, l’alcool coule à flot et ils sont les maîtres à bord de ce petit jardin d’Eden.





Le génie de Jérôme Ferari est d’avoir fait le parallèle entre cette situation et un des sermons de Saint Augustin sur la chute de Rome (d’où le titre d’ailleurs, que je trouve très bien choisi ; de toute façon j’adore les romans qui ont une facette religieuse, je trouve cela toujours très intéressant) : Il n’y a pas d’empire qui ne soit mortel.





Comme Saint Augustin le clame, il est logique que Rome arrive à sa fin, car rien n’est éternel, comme il est logique que l’expérience du bar tourne court. Tout comme le grand-père de Matthieu a vu la chute de l’Empire colonial français.





Une des questions qu’on peut se poser est pourquoi Marcel (le grand-père de Matthieu) permet à son petit-fils qu’il n’aime pas de réaliser son rêve : est-ce pour ne pas être le seul à avoir lamentablement raté sa vie ? Est-ce vraiment pour voir un autre « empire » couler comme il a vu le sien sombrer ?



Lui qui avait tellement de rêves et d’ambition et qui finalement, n’a jamais réussi à rien faire, voulait-il avoir un compagnon d’infortune ? Ou espérait-il que Matthieu réussisse là où lui avait échoué ?





J’ai beaucoup aimé le personnage de la sœur de Matthieu.

Très lucide, c’est la seule personne qui a compris (je trouve) comment fonctionne le monde. Elle a choisi sa voie et elle est prête à l’assumer (chose que Matthieu est incapable de faire). Elle assume aussi bien les avantages que les inconvénients.

Elle a choisi ce qu’elle a fait et elle se dirige vers l’inéluctable en le regardant bien en face.



Alors que Matthieu au contraire, joue plutôt l’autruche et ne veut rien voir ni entendre, croyant de toutes ses forces à son petit paradis. Il est incroyablement égoïste et stupide (je n’ai pas trop aimé ce personnage)… il a choisi sa voie et sa vie, mais est incapable de l’assumer.





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Ce livre fut un coup de coeur. J’en suis sortie presque émerveillée face au style. je vais sans hésiter m’intéresser de près à cet auteur. Je conseille vivement ce roman pour toute personne ayant envie de lire un beau livre, un peu difficile, mais très intéressant.
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Le sermon sur la chute de Rome

Des vies se perdent et se retrouvent, famille éclatée de retour au pays, cette Corse de prières et de bars à putes, qui appelle et qui rebute. Un vieux sans âge, saint Augustin raté, sans destin sinon l'amour d'une idiote morte en couche, revient sur tout ça, son rien, l'Afrique, la guerre à peine frôlée, les enterrements. Ses descendants meurent aussi, passent de la philosophie à la nuit d'alcool, filles caressées, juste des soeurs incestueuses, comme les parents, chanteur de charme tombeur, idiot de village martyrisé. Tout, bien sûr, tourne au vinaigre. La fête éternelle n'est pas de ce monde. Les amours se distendent jusqu'à ce que la corde pète, et, une nuit d'apocalypse, la mort rôde, la violence éclate, le bar ferme. Saint Augustin a beau inventer la cité de Dieu,il ne ressuscitera pas celle des hommes.

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