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Citations de Jorge Luis Borges (1148)


GENESE IV, 8

Ce fut dans le premier désert.
Deux bras lancèrent une grosse pierre.
Il n'y eut pas de cri. Il y eut du sang.
Il y eut pour la première fois la mort.
Je ne me souviens plus si je fus Abel ou Caïn.
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ASTÉRION

L'année me paie son tribut, ma pâture d'hommes,
et dans la citerne il y a de l'eau.
En moi se nouent les chemins de pierre.
De quoi puis-je me plaindre ?
Parfois vers la tombée du soir
je sens un peu lourde la tête de taureau.
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L'Agaréen te rêva en extase
ravi, le cœur transpercé par l'épine,
de la rose chantée que vient rougir
ton sang final. Assidûment je vais
tissant dans le soir creux cet exercice,
rossignol des sables et des mers qui
dans la fable et la mémoire exaltée
flambes d'amour et meurs mélodieux.
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Dans quelle nuit secrète d'Angleterre
ou du constant, incalculable Rhin,
entre les nuits de mes nuits égarée,
à mon oreille ignorante parvint
ta voix au long poids de mythologies,
rossignol de Virgile et des Persans ?
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SUICIDE

Il ne restera dans la nuit nulle étoile.
Il ne restera pas la nuit.
Je mourrai et avec moi la somme
de l'intolérable univers.
J'effacerai les pyramides, les médailles,
les continents et les visages.
J'effacerai l'accumulation du passé.
Pour moi poussière sera l'histoire, poussière la poussière.
Je regarde le dernier couchant.
J'entends le dernier oiseau.
Je lègue le rien à personne.
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Si une femme partage mon amour
mon vers frôlera la dixième sphère des ciels concentriques,
si une femme dédaigne mon amour
je ferai de ma tristesse une musique,
une haute rivière dont le temps ne puisse arrêter la résonance.
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Comme les alchimistes
qui cherchèrent la pierre philosophale
dans le mercure fugitif,
j'amènerai les mots de tous les jours
-cartes biseautées du tricheur, monnaie de la plèbe-
à restituer leur magie originelle,
quand Thor était la divinité et le fracas,
le tonnerre et la prière.
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LE RÊVE

Quand les horloges de la mi-nuit prodigueront
un temps généreux,
j'irai plus loin que les proues d'Ulysse
jusqu'au pays du rêve, inaccessible
à la mémoire humaine.
De ce pays immergé je rachète des restes
que je m'efforce encore de bien comprendre :
des herbes de simple botanique,
des bêtes quelques peu différentes,
des dialogues avec les morts,
des visages qui en réalité sont des masques,
des mots de très anciens langages
et parfois une horreur incomparable
à celle que le jour peut nous apporter.
Je serai tous ou personne, je serai l'autre
que sans le savoir je suis, celui qui a regardé
cet autre rêve, ma veille. Il la juge,
résigné et souriant.
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COSMOGONIE

Ni chaos, ni ténèbre. Il faut, pour que le noir
Soit, des yeux. Il n'y a rien qui veille, rien qui dorme.
De silence et de son, point sans ouïe. La forme
N'est pas non plus, inapte à peuple le miroir.
Ni espace, ni temps. Pas même, le génie
De la divinité de qui le Tout dépend
Et qui médite le silence précédant
Une première nuit qui va être infinie.
Le grand fleuve à jamais d'Héraclite l'Obscur
Attend, n'est pas encor l'étrange flot qui coule
Du plus profond passé au plus profond futur,
Et d'un oubli à l'autre éternellement roule.
Quelque chose déjà d'implorant, de peinant.
Demain, l'histoire universelle. Maintenant.
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Le poète proclame son renom

Le cercle du ciel mesure ma gloire ;
Les bibliothèques de l'Orient se disputent mes poèmes ;
Les émirs me cherchent pour emplir ma bouche de leur or ;
Les anges savent par cœur ma dernière strophe ;
Mes instruments de travail sont l'humiliation et l'angoisse ;
Plût au Ciel que je fusse né mort.

Divan de Aboulkassim el Hadrami (XIIe siècle).
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LE GOLEM

Dans « Cratyle », le Grec - et se tromperait-il - ?
Dit que le mot est l’archétype de la chose :
Dans les lettres de « rose » embaume la fleur rose,
Et le Nil entre en crue aux lettres du mot « Nil ».
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Abel et Caïn se rencontrèrent après la mort d'Abel. Ils marchèrent dans le désert et se reconnurent de loin, parce qu'ils étaient tout deux très grands. Les frères s'assirent par terre, firent du feu et mangèrent. Ils gardèrent le silence, à la manière des gens fatigués lorsque le jour décline. Dans le ciel apparaissaient quelques étoiles, qui n'avaient pas encore reçu de noms. A la lumière des flammes, Caïn aperçut au front d'Abel la marque de la pierre. Il laissa tomber le pain qu'il allait porter à sa bouche et demanda que son crime lui fût pardonné.
Abel répondit :
- C'est toi qui m'as tué ou c'est moi qui t'ai tué ? Je ne me souviens pas ; nous sommes ici ensemble comme avant.
- Maintenant je sais que tu m'as vraiment pardonné, dit Caïn, parce qu'oublier c'est pardonner. Moi aussi j'essaierai d'oublier.
Abel dit lentement :
- C'est cela. Tant que dure le remords dure la faute.
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Je ferme les yeux et je vois un vol d'oiseaux. La vision dure une seconde, peut-être moins. Leur nombre était-il ou non défini ? Le problème englobe celui de l'existence de Dieu. Si Dieu existe, le nombre est défini, car Dieu sait combien d'oiseaux j'ai vu. Si Dieu n'existe pas, le nombre n'est pas défini, car personne n'a pu en faire le compte. Dans ce cas j'ai vu un nombre d'oiseaux, disons inférieur à dix et supérieur à un, mais je n'ai pas vu neuf, huit, sept, six, cinq, quatre, trois ni deux oiseaux. J'en ai vu un nombre compris en dix et un, qui n'est ni neuf, ni huit, ni sept, ni six, ni cinq, etc. Ce nombre entier est inconcevable ; donc, Dieu existe.
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Dans mon enfance, je professais avec ferveur l'adoration du tigre : non du tigre ocellé des îles flottantes du Paranà et de la confusion amazonique, mais du tigre rayé, asiatique, royal, que peuvent seulement affronter les hommes de guerre, du haut d'un fort dressé sur un éléphant. Souvent, je m'attardais sans fin devant l'une des cages du Jardin zoologique ; j'appréciais les vastes encyclopédies et les livres d'histoire naturelle, pour la splendeur de leurs tigres (je me souviens encore de ces images, moi qui ne peux me souvenir sans le confondre du front ou du sourire d'une femme). L'enfance passa, les tigres devinrent caducs et ma passion pour eux, mais ils demeurent dans mes rêves. A ce niveau submergé ou chaotique, ils continuent à prévaloir, et de la manière suivante. Assoupi, un rêve quelconque me distrait et tout à coup je sais que c'est un rêve. Alors, je me mets à penser : ceci est un rêve, une diversion pure de ma volonté et puisque j'ai un pouvoir illimité, je vais causer un tigre.
Quelle incompétence ! Mes songes n'arrivent jamais à engendrer le fauve convoité. Certes le tigre apparaît, mais disséqué ou fragile, avec de ridicules variations morphologiques, ou d'un format inadmissible, ou terriblement fugace, ou tirant sur le chien ou sur l'oiseau.
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Peut-être, dans leurs pauvres vies rustiques, leur haine était-elle leur seul bien, aussi l'accumulaient-ils jour après jour.
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TANKAS

Haut sur la cime
Tout le jardin est lune,
Est lune d’or.
Plus précieuse en l’ombre
Ta bouche qui me frôle.

La voix de l’oiseau
Que la pénombre cache
Est devenue muette.
Dans ton jardin tu marches.
Quelque chose te manque, je le sais.

Cette autre coupe,
Le sabre qui fut sabre,
En d’autres mains,
La lune de la rue,
Dis, ce n’est pas assez ?

Dessous la lune,
Le tigre d’or et d’ombre
Regarde ses griffes.
Il ne sait pas qu’à l’aube
Elle ont brisé un homme.
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—En el Punjab —dijo el mayor— me indicaron un pordiosero. Una tradición del Islam atribuye al rey Salomón una sortija que le permitía entender la lengua de los pájaros. Era fama que el pordiosero tenía en su poder la sortija. Su valor era tan inapreciable que no pudo nunca venderla y murió en uno de los patios de la mezquita de Wazil Khan, en Lahore.
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Vi en el reloj de la pequeña estación que eran las once de la noche pasadas. Fui caminando hasta el hotel. Sentí, como otras veces, la resignación y el alivio que nos infunden los lugares muy conocidos. El ancho portón estaba abierto; la quinta, a oscuras. Entré en el vestíbulo, cuyos espejos pálidos repetían las plantas del salón. Curiosamente el dueño no me reconoció y me tendió el registro. Tomé la pluma que estaba sujeta al pupitre, la mojé en el tintero de bronce y al inclinarme sobre el libro abierto, ocurrió la primera sorpresa de las muchas que me depararía esa noche. Mi nombre, Jorge Luis Borges, ya estaba escrito y la tinta, todavía fresca.
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Hay devotos de Goethe, de las Eddas y del tardío cantar de los Nibelungos; Shakespeare ha sido mi destino. Lo es aún, pero de una manera que nadie pudo haber presentido, salvo un solo hombre, Daniel Thorpe, que acaba de morir en Pretoria. Hay otro cuya cara no he visto nunca.
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I.LE RÉDEMPTEUR EFFROYABLE LAZARUS MORELL

LA CAUSE LOINTAINE

En 1517, le Père Bartholomé de la Casas eut très grande pitié des indiens qui périssaient dans les laborieux enfers des mines d'or antillaises. Il proposa à l'empereur Charles Quint d'importer des nègres qui peineraient moins à leur place dans les laborieux enfers des mines d'or antillaises.
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