Ken Kesey

Ils restèrent face à face quelques instants, puis l'homme au masque calciné ferma ses paupières dépourvues de cils, comme s'il avait déjà eu affaire à trop de fonctionnaires courroucés, et informa le facteur d'un air supérieur : "Il me semble bien que... j'essaye de mettre fin à mes jours, merci beaucoup ; mais je ne suis pas tout à fait sûr d'avoir trouvé exactement la bonne méthode. Bon, si vous voulez bien m'excuser, je vais refaire une nouvelle tentative."

I had to keep on acting deaf if I wanted to hear at all.

Depuis ce temps-là, elle a accumulé une bibliothèque abondante et éclectique. Toutes sortes de livres - reliés ou broches , certains qui perdaient leurs pages à force d'avoir été lus, d'autres jamais ouverts - couvrent le mur à diverses hauteurs d'une unique bibliothèque qui, du sol au plafond, forme une forteresse de mots.

Monsieur Bibbit, veuillez faire savoir à ce M. Harding que je suis tellement fou que je reconnais avoir voté pour Eisenhower.

Car quel profit tire l'homme de tout le travail qu'il abat sous le soleil si la forêt et la lande et la mousse s’efforcent éternellement de le reprendre ? De le reprendre éternellement jusqu'au jour où un chrétien eut l'impression que la ville n'était qu'une sorte de cellule aux murs verdâtres, tout entiers faits de friches et de vigne vierge, et qu'il lui fallait besogner pour l'éternité, jour après jour, dans le seul but de s'accrocher au pitoyable petit pécule qu'il avait pu glaner, besogner durant des siècles et des siècles dans le seul but de s'accrocher à un plancher de fange et à un plafond de nuages si bas qu'il se sentait parfois obligé de courber l'échine ... Plancher, plafond et muraille verte d'une prison d'arbres. Je vous le dis. La ville ? Elle peut croître, mais demeurer ? Elle peut croître et proliférer, mais demeurer ? Nullement. L'antique forêt et la glaise et la rivière vaincront, car ces choses-ci sont de la terre. Mais la ville est de l'homme. Je vous le dis. Et les choses nouvelles et forgées par la main de l'homme ne peuvent demeurer. Est-il une chose ici dont on dise : "Vois ceci, c'est nouveau" ? Elle existait déjà dans les siècles qui nous ont précédés. Je vous le dis.

Et le pire de tout, c’est qu’il est trop bête pour se rendre compte qu’il n’a pas encore gravi suffisamment d’échelons pour se faire mal en tombant.

"... Et à la cime des grands conifères, la pluie elle-même semblait oeuvrer à maintenir les troncs debout, insinuant son fil dans les millions d'aiguilles vertes pour tenter de coudre les sapins à la tenture du ciel.

A l'aube, le ruban de nuages noirs qui avait discrètement gagné la ville à la faveur de la nuit se distingue à l'horizon comme une bande de fantômes désoeuvrés, déjà impatients que s'achève la journée pour pouvoir jouer leurs mauvais tours d'Halloween.La foudre de la nuit précédente repose maintenant suspendue tête en bas parmi les sapins de la montagne, assoupie telle une chauve-souris.Et un vent charognard, galeux et famélique, court les prés glacés en criant famine, roide et froid, pleurant son compère chiroptère qui, là-haut dans les branches, rêve de belles étincelles...dans un monde comme celui-là. Il court et gémit en faisant claquer ses dents de glace.

t 'en penses quoi? je demande a joe ben . est -ce que oui ou non, on a choisi une belle journée pour souhaiter la bienvenue au petit leland stanford?

Il avait suffi d'ouvrir une fenêtre pour laisser entrer une bouffée d'air pur. Peut-être que le Système n'était pas si puissant que ça,, après tout? Qui nous empêcherait de recommencer, maintenant que nous avions sauté ce pas? Ou même de faire autre chose, si l'envie nous en prenait?

Et tandis qu'il était allongé dans la paille odorante à côté d'elle, sentant les étoiles caresser son ventre nu, il lui avait demandé de lui raconter son histoire : d'où venait-elle ?

Cette région ferait pourrir un homme comme un cadavre

J'arrête pas de me dire qu'il faudrait que j'aille lui serrer la main et lui dire comme ça me fait plaisir qu'il soit là, mais je me rends compte que c'est un truc impossible pour moi. Je serais incapable de faire ça, pas plus que je pourrais embrasser la joue poilue du paternel et lui dire combien ça me fait de la peine de le voir dans cet état. Ou pas plus que le paternel pourrait me complimenter et me dire beau boulot fiston depuis que je me suis cassé la gueule et que t'as abattu de l'ouvrage pour deux. C'est pas notre genre, c'est tout.

Si tu veux gagner, sois le plus fort possible...Et malgré tout, il aura suffi que mon petit frère vienne passer un mois à la maison pour me montrer qu'il y a d'autres façons de gagner.

Celui qui avait choisi l'endroit où suspendre ce bras au bout de sa perche avait tout fait pour donner à la scène le même air de défi à la fois comique et sinistre que la vieille maison ; celui qui s'était démené pour que le bras vienne osciller bien en vue depuis la route avait aussi pris la peine de replier tous les doigts avant de les attacher, tous sauf le majeur, de sorte que cette provocation à la raideur universelle demeure, dressée dans son mépris, bien reconnaissable par n'importe qui.

… par moments, j’oubliais la major et le système derrière elle. Je me disais que MacMurphy était assez solide pour être lui-même, qu’ il ne baisserait jamais pavillon devant elle, contrairement à ce qu’elle espérait, que, peut-être, c’était vraiment un être extraordinaire. Il était lui-même. Voilà tout.

Si je voulais entendre, il fallait continuer à faire le sourd.

Le temps se recouvre lui-même. Le souffle qu une brise vagabonde transporte n est pas le vent tout entier, pas plus que la fin d un événement passé n est le début d un autre à venir. C est plutôt - voyons un peu - comme de pincer l un des filaments arachnéens d une vaste toile des vents et faire frissonner l ensemble tout entier. Voilà, comme ça ; il se recouvre…

Bordel, c est vrai quoi, ce que les gens pensent ça laisse même pas un bleu.

Pas besoin d'avoir tort ou raison, d'être bon ou méchant, juste d'attirer. Dans une minute, ces imbéciles n'écouteront même plus, ils seront juste attirés. Ce n'est pas la peine qu'ils pensent. Juste qu'ils aient naturellement peur et soient tous attirés en même temps. Comme des gouttes de mercure qui s'amalgament en gouttes plus grosses, et encore plus grosses pour finir par n'être qu'une seule flaque, et rien ne peut vous effrayer ni vous nuire du moment que vous êtes une petite partie d'un ensemble plus grand qui grossit encore et encore, jusqu'à tout renverser pour aller se fondre dans un océan de mercure...