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Citations de Laurent Binet (620)


« Simon ne parvient pas à se détacher de cette vision d’accouplement jupitérien et pourtant il le faut. Mais il a des scrupules à interrompre cette magnifique séance de baise. Au prix d’un violent effort de volonté, son instinct de conservation lui fait balayer le rayonnage où s’entassent les livres de Duras qu’il projette par terre. »
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Quant à toi, tu as choisi ton camp, celui des grands, dont tu ne feras jamais partie. À défaut de clairvoyance, tu auras eu le courage de la traîtrise. Sans rancune, mon ami, je prie Dieu qu'il te protège et te donne la santé. Garde-toi bien, n'oublie pas de te retourner souvent dans la rue, ne t'approche pas trop des bords de l’Arno, et quand tu iras à la taverne, assure-toi qu'on ne verse pas quelque poison dans ton verre. Tu salueras tes nouveaux amis de ma part. Sois le chien de compagnie de ces gens, Battista, puisque telle est ton ambition. Je te souhaite qu'ils te jettent beaucoup d'os. Mais prends garde, et retiens bien ceci : la mort de Pontormo a montré qu'ils sont des loups entre eux. Es-tu vraiment sûr de vouloir t'asseoir à leur table ? Laisse-moi te donner un dernier conseil : reste un chien, et n'essaie pas de te faire loup. Personne ne devrait porter un costume pour lequel il n'est pas taillé.
De Marco Moro à Giambattista Naldini
(p. 170)
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Florence, 15 février 1557
C’est un travail bien singulier qui m’a été assigné par l’insondable Providence, en me faisant d’un grand chagrin un grand honneur, en m’enlevant Jacopo d’abord, puis en me chargeant d’achever son œuvre. Dieu veuille que j’en sois digne, mais s’il s’avérait que je n’étais pas à la hauteur de la tâche, ce ne serait certes pas par manque de cœur, ni d’abnégation.
Je n’apprendrai pas au divin Michel-Ange ce que c’est que de se dévouer corps et âme à son art. Cependant, je veux vous faire part d’un sentiment que vous avez oublié peut-être, car jamais, sans doute, depuis l’époque où vous étiez jeune apprenti chez Ghirlandaio, votre génie ne s’est mis au service de celui d’un autre. Or, vous ne croiriez pas l’état tout à la fois d’exaltation et d’angoisse dans lequel me plonge le chantier de San Lorenzo. Lourde est la charge qui m’incombe de finir les fresques de Jacopo. Mais aussi, quelle joie cela me procure de marcher dans ses traces ! Jour après jour, je me pénètre du spectacle de ces murs, son Déluge, son Christ, son Moïse, ses noyés, son bestiaire, je vis au milieu des lions, des girafes et des moutons, je tremble devant la colère de Dieu, je m’enivre avec Noé, je meurs avec les morts, je ressuscite avec les élus, je monte dans l’Arche puis je monte au Ciel avec les âmes, et tandis que je m’épuise à chercher toujours le ton juste, mes mains saignent comme celles d’Adam et Ève courbés par le labeur… Suis-je au Ciel ou en Enfer ? Je ne saurais le dire. Je suis comme Eurydice qui marche derrière Orphée, je place mes pas dans ceux de Jacopo, je le suis comme son ombre, et cependant je reste à la merci de son génie.
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Le spectateur aussi doit mériter son tableau. J'étais un sot, et si je le suis encore certainement, au moins incliné-je aujourd'hui à rendre justice à qui de droit : Florence, au mitan du XVIème siècle, était un creuset dans lequel bouillonnaient les passions tout autant qu'un terreau où fleurissaient les génies - et ceci, bien entendu, explique cela. La manière voila tout !
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L'inconscience est une forme de courage.
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Aucun de nous ne retournera au Groenland. Mon père avait nommé ainsi ce pays qu’il avait découvert pour attirer des Islandais comme vous, afin de renforcer sa colonie. En vérité, la terre n’était pas verte mais blanche, la plus grande partie de l’année. Ce soi-disant pays vert n’était pas accueillant comme ici. Regardez ces oiseaux dans le ciel. Regardez ces fruits dans les arbres. Ici, nous n’avons pas besoin de nous couvrir de peaux de bête ni de faire du feu pour nous réchauffer ou de nous abriter du vent dans des maisons de glace. Nous allons explorer cette terre jusqu’à ce que nous trouvions le meilleur emplacement pour fonder notre propre colonie. Car c’est ici qu’est le véritable Groenland. Ici, nous achèverons l’œuvre d’Erik le Rouge.
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Brunelleschi découvrant les lois de la perspective, c'est Prométhée volant le feu Dieu pour le donner aux hommes. Grâce à lui, nous avons pu, non pas seulement enluminer des murs comme jadis Giotto avec ses doigts d'or, mais reproduire le monde tel qu'il est, à l'identique. Et c'est ainsi que le peintre a pu se croire l'égal de Dieu : désormais, nous pouvions, nous aussi, créer le réel.
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Les circonstances, comme il advient presque toujours pour chacun de nous (s'il veut bien avoir l'honnêteté de le reconnaître sans se croire maître de son destin) décideraient pour lui.
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Les sacrifices humains n’étaient pas étrangers aux Incas. Pourtant nous savons qu’Atahualpa, même s’il n’ne voulut rien laisser paraitre, fut choqué par le spectacle des corps qui se tordaient en se consumant, et par les cris des suppliciés.

....

Il voulut leur expliquer qu’un dieu qui exigeait qu’on brûlât des hommes vivants, quel qu’ait pu être leur crime, était un dieu mauvais, car le corps des morts devait être conservé afin qu’ils puissent continuer à vivre après la mort, et qu’un tel dieu ne méritait pas qu’on l’adore.
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Ceux qui sont morts sont morts, et il leur est bien égal qu'on leur rende hommage. Mais c'est pour nous, les vivants, que cela signifie quelque chose.
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Depuis des années que je porte ce livre en moi, je n'ai jamais pensé à l'intituler autrement que "Opération Anthropoïde" (et si jamais ce n'est pas le titre que vous pourrez lire sur la couverture, vous aurez que j'ai cédé à l'éditeur qui ne l'aimait pas trop : trop SF, trop Robert Ludmum paraît-il....). Or Heidrich est la cible et non l'acteur de l'opération. Tout ce que je raconte sur lui revient à poser le décor, en quelque sorte. Mais il fait bien reconnaître que d'un point de vue littéraire, Heidrich est un beau personnage. C'est comme si un docteur Frankenstein romancier avait accouché d'une créature terrifiante à partir des plus grands monstres de la littérature. Sauf que Heidrich n'est pas un monstre de papier. (P. 138)
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Ce n’est pas un hasard si Umberto Eco, le sage de Bologne, l’un des derniers sémiologues encore vivants, se réfère aussi souvent aux grandes inventions décisives dans l’histoire de l’humanité : la roue, la cuillère, le livre…, outils parfaits, selon lui, à l’efficacité indépassable. Tout laisse supposer, en effet, que la sémiologie est en réalité l’une des inventions capitales de l’histoire de l’humanité et l’un des plus puissants outils jamais forgés par l’homme, mais c’est comme le feu ou l’atome : au début, on ne sait pas toujours à quoi ça sert, ni comment s’en servir.
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Un homme mérite le nom d’intellectuel quand il se fait la voix des sans-voix.
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BHL arrive. On le fout poliment à la porte. Naturellement, il reviendra par la fenêtre.
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C'est la perspective qui permet de voir l'infini, de le comprendre, de le sentir. La profondeur sur un plan coupant perpendiculairement l'axe du cône visuel, c'est l'infini qu'on peut toucher du doigt. La perspective, c'est l'infini à la portée de tout ce qui a des yeux. La perception sensible ne connaissait et ne pouvait connaître la notion d'infini, croyait-on. Eh bien, grâce aux peintres qui maîtrisent les effets d'optique, ce prodige a été rendu possible : on peut voir au-delà. Permettre à l'œil de transpercer les murs. Cette voûte en demi-cintre à Santa Maria Novella, tracée en perspective, divisée en caissons ornés de rosaces, qui vont en diminuant, en sorte qu'on dirait que la voûte s'enfonce dans le mur : trompe-l'œil, illusion sans doute, mais quelle merveille !
(p.244-245)
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Messire Strozzi m’a un peu expliqué votre affaire : il s’agit donc d’aller dérober un tableau au coeur même de la Seigneurie, dans la propre garde-robe du Duc, là où celui-ci passe plusieurs heures par jour, au milieu d’une foule de gens et de gardes, puis de sortir le tableau du Palais et de lui faire franchir en secret les portes de Florence pour l’expédier à Venise ? C’est parfait.
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Après tout, il ne sera pas dit que je ne sais pas me repentir.

J'avais des vues très arrêtées sur Florence et les Florentins : gens raisonnables, bien élevés et bien polis, aimables même, mais dénués de passions, inaptes au tragique et à la folie. Parlez-moi de Bologne, de Rome ou de Naples ! Pourquoi donc (pensais-je) Michel-Ange avait-il fui sa patrie pour ne jamais y revenir ? Rome, qu'il a pourtant vilipendée toute sa vie, était l'écrin qu'il lui fallait. Et les autres ? Dante, Pétrarque, Vinci, Galilée ! Des fuyards et des exilés. Florence produisait des génies, puis les chassait, ou ne savait comment les retenir, et voilà pourquoi elle avait cessé de briller depuis son glorieux Moyen Age. Je voulais revivre au temps des guelfes et des gibelins, mais guère au-delà car je pensais que, passé, mettons, 1492 et la mort du Magnifique, tout s'était éteint là-bas. Le moine Savonarole n'avait pas seulement tué la beauté en intimant à Botticelli de brûler ses toiles. Il avait épuisé le goût de l'idéal en réduisant l'idéalisme à son Fanatisme borné,

Après le départ de Léonard et celui de Michel-Ange, que restait-il ? Ou plutôt qui ? Je faisais peu de cas des Pontormo, des Salviati, des Cigoli, et Bronzino me semblait trop sec et trop froid, avec ses teints de porcelaine et sa manière dure. Aucun de ces maniéristes, selon moi, ne pouvait souffrir la comparaison avec n'importe qui de l'école de Bologne, et je me moquais de Vasari qui nous avait si bien vendu ses peintres florentins. Quant à moi, j'idolâtrais Guido Reni, dont j'estimais qu'il avait porté la beauté au point le plus élevé parmi les hommes. Je pouvais rendre aux Florentins qu'ils savaient dessiner, mais je leur reprochais leur manque d'expression. Tout était trop sage, trop lisse. Au fond, je leur préférais de loin n'importe quel Hollandais !

Eh bien, j'avais tort, je le confesse, et il fallut les circonstances que je m'en vais vous conter maintenant pour tirer de mon aveuglement. Car voir, c'est penser. 

(INCIPIT)
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Normalement, Simon est supposé avoir un niveau correcte en anglais, mais bizarrement, ce qui est considéré comme normal en France, en matière de maîtrise d'une langue étrangère, se révèle toujours en situation largement insuffisant.
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Je crois que je suis coincé dans un putain de roman.
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Je retiens du troisième débat cette phrase de François Hollande à propos des médecins qu'on ne peut pas contraindre à aller s'installer en banlieue (ou à la campagne): "Franchement, vous pensez qu'on peut obliger quelqu'un qui a fait des études à aller travailler là où il ne veut pas?"
J'ai envie de lui dire: oui, on peut, ça s'appelle un prof.
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