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Critiques de Luigi Pirandello (196)
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L'Exclue

Suspense voulu par l'auteur, préservé (plus ou moins) par la quatrième mais divulgâché par la préface. Ne la lisez qu'après.

Un village de Sicile, fin 19ème : accusée d'adultère parce qu'elle a échangé des lettres avec un homme, Marta est répudiée par son mari.

Et pas que par son mari : par le village entier elle est jugée, condamnée, "lettrécarlatée".

Dans sa famille où elle a apporté honte et déshonneur, sa mère fait face autant que faire se peut. Sa soeur doit renoncer à se marier. Son père la condamne lui aussi, et s'isole.

Mais Marta n'est pas une victime.

En plus d'être particulièrement belle (source de son malheur) elle est aussi remarquablement intelligente, pleine de feu et de colère.

Elle étudie, passe des examens haut la main, devient institutrice. Au village ? Impossible.

"Humble, elle serait outragée ; fière, lapidée par les calomnies."

Le style de Pirandello ressemble par certains traits à celui de la Sarde Deledda : famille, honneur et déchéance sont des thèmes communs.

Mais Pirandello est plus incisif, avec un humour caricatural assez savoureux, et davantage d'analyse sociale.

Et son analyse n'est pas tendre avec les hommes : aucun n'est à la hauteur, ils sont bêtes à manger du foin ou bien incapables de dominer leurs émotions.

L'intelligence, la droiture et la justice, pour l'auteur, sont clairement du côté des femmes.

Et pour un roman commencé fin 19ème et publié en 1927, c'est un point de vue tout à fait réjouissant… !



Traduction parfaitement fluide de Marguerite Pozzoli.



Challenge Nobel
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Théâtre 04 : Liola - Tout pour le mieux - Méfie..

Je pourrais disserter à l’infini sur le théâtre de Pirandello, sur son humour, sur son approche de l’absurdité de la vie, sur des textes qui pourraient être examinés selon plusieurs points de vue, mais ce ne sera pas mon propos ici, je ne veux pas procéder à une analyse de ces pièces.



Je voudrais plutôt m’attacher à mon ressenti devant ces quatre pièces

J’ai aimé les personnages de celles-ci, dans chacune d’elle on découvre leurs oppositions, leur désir de vengeance ; l’histoire, souvent teintée d’immoralité est décrite avec humour.

J’aime la façon dont Pirandello arrive à présenter des versions différentes de l’action en y faisant intervenir les spectateurs de l’intrigue : les villageois, les paysans voient d’un autre œil les protagonistes, avec des préjugés

C’est bourré d’humour, avec une teinte de grotesque.



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Au pied du sapin : Contes de Noël de Pirandel..

Recueil de 12 comptes qui devait me suivre pendant mes préparatifs de Noël... Et tu ne m'a vraiment pas aidé à passer de belles fêtes. Je n'y ai pas retrouvé la magie des fêtes que l'on attend avec impatience quand on est enfant.

Point positif, parmi tous ces classiques je ne connaissais qu'une seule histoire.
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Six personnages en quête d'auteur

Dans un théâtre où une troupe et son Directeur s'apprêtent à travailler Le Jeu des rôles, une autre pièce de Pirandello, une autre troupe fait irruption, mais ils prétendent n'être pas des acteurs, mais des... personnages ! L'allégation fait sensation... très négativement, notamment sur le Directeur. Ces Personnages devaient être mis au monde lors d'une publication, création de pièce mais leur auteur les a abandonnés ; ils réclament donc un autre auteur, le Directeur fera l'affaire. Une première mise en abyme survient donc : Pirandello s'essaie-t-il à une réflexion sur la notion de Personnage (avec tout le panel pour un drame) ou tâche-t-il de nous convaincre que de véritables personnes, pourvues de véritables histoires sont une source d'inspiration pour un auteur ? Très vite, nous comprenons qu'il y a deux pièces enchâssées : l'une est une comédie donnant à voir une situation peu banale à valeur de Poétique, l'autre est un drame, pour ne pas dire un mélodrame.



Les Personnages ne comprennent pas la notion d'illusion théâtrale, de convention théâtrale et cela donne lieu à des situations assez comiques : le Directeur empêche la Belle-Fille de se dénuder alors que c'est bien ce qui s'est passé en réalité, proteste-t-elle ; que des choses confidentielles soient clamées et non pas chuchotées ; de même qu'ait lieu devant les autres personnages une scène à laquelle, dans la réalité, ils n'ont pas assisté. D'une manière générale, les personnages s'offusquent de ne pas se reconnaître complètement, que toute inflexion ne soit pas conservée et découvrent la frontière entre la vie et l'art.



Si l'idée est originale, j'ai trouvé qu'il y avait un certain déséquilibre : l'insistance sur la scène crapoteuse entre la Belle-Fille et le Père, sans compter tout le préambule les concernant, était vraiment de trop et elle a eu lieu au détriment d'autres scènes, d'autres personnages. Au fond, les dénégations du Fils et le drame final de l'Adolescent auraient mérité d'être un peu clarifiés.
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Six personnages en quête d'auteur

« Six personnages en quête d’auteur » est un titre qui m’intrigue depuis longtemps. Je découvre Pirandello avec cette pièce.

Le sujet est particulier, et il n’y a pas que le titre qui soit intrigant. C’est étonnant, déroutant. Bien écrit, certes. Plus qu’une histoire, l’auteur me semble aborder des sujets plutôt du domaine de la philosophie (réalité, vérité, illusion), qui posent (et amènent à se poser) de nombreuses questions.

La première étant pour moi : pourquoi ? Pourquoi cet ouvrage ? Peut-être trop novateur pour moi, je n’ai pas adhéré et compris où l’auteur voulait nous emmener.
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Vêtir ceux qui sont nus

Tout commence par des ragots, dans la rue autant que dans les journaux. Un vieil homme est mort et une femme a tenté de se suicider. Mais qu'est-ce qui a pu se passer ? A travers des scènes de rue très gouailleuses, le dramaturge met en scène un mensonge qui dégénère, un "pieux" mensonge qui aurait permis d'éviter un scandale public. Et pour épicer le tout, cette situation créée un incroyable imbroglio dans lequel tous les personnages se laissent embarquer.



C'est la première fois que je lisais Pirandello, et je ne suis pas sûre d'avoir choisi le bon titre pour commencer. Le dernier acte est certes très fort et j'imagine que lorsqu'on aime ce côté hâbleur des Italiens, cette pièce a de quoi séduire sur scène, mais sur le papier, ce fut une autre histoire pour moi. Certes j'ai bien relevé l'humour de l'auteur, qui va jusqu'à faire citer son nom par un de ses personnages (bien avant Paul Auster!), ainsi que la construction avec la pièce qui se joue dans la pièce. Toutefois, j'ai trouvé les personnages trop superficiels, impossible de s'y attacher ou d'en voir un qui sort du lot. Et mon regard de lectrice du XXIème siècle a regretté les rôles très caricaturaux distribués aux hommes et aux femmes ; même si cela sert évidemment la comédie de mœurs.
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Chacun sa vérité

Il s’agit pour moi d’une deuxième lecture… 50 ans après la première. J’en gardais un souvenir plutôt amusé par le gag de ces deux personnages qui se contredisent l’un l’autre et on a beau chercher, on ne sait jamais qui des deux est fou et qui des deux dit la vérité.

Avec cette pièce de théâtre, Pirandello joue sur cette question, y a-t-il une vérité unique ou des vérités différentes pour chacun ?



J’avoue que cette nouvelle lecture m’a laissé de marbre et que j’ai mal supporté l’impression à chaque fois que je tournais la page de relire la même chose. Avais-je bien tourné la page ou avais-je cru la tourner seulement ? Pas évident, car le texte était - me semblait-il - le même… mais d’un autre côté, le numéro de la page était différent… Alors que conclure ? Heureusement, en persévérant jusqu’à la page 160, je suis arrivé à la 4ème de couverture et me suis dit que l’intérêt de la question devenait minime. Soulagement.



Ouf ! Next !

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Feu Mathias Pascal

Un très joli paradoxe que ce roman, désigné comme meilleure porte d’entrée à l’univers de Pirandello, mettant en avant son immense talent, comme lors de ses irrésistibles descriptions de personnages, tous plus médiocres les uns que les autres, alors que l’intrigue s’avère au final plutôt décevante, sans que l’on sache bien pour quelles raisons…



La réalité dépassant toujours la fiction, Pirandello s’en saisit dans sa propre postface, laissant entendre à certains critiques incrédules qu’il aurait nettement pu exagérer son intrigue, sans pour autant en dépasser le cadre de la vraisemblance.

On aurait sûrement apprécier qu’il le fasse, son histoire ne semblant pas bien exploiter ses possibilités.



On est davantage dans le roman à thèse, le héros semblant taillé selon les besoins de l’auteur pour l’exposer. On y verra comme le préfacier les interrogations menant à Camus ou à Sartre, cette existence de l’individu qui adviendra courant de pensée.
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Comme tu me veux

Dix ans après la Première Guerre mondiale, une femme, ayant subi toutes les rigueurs des conquérants allemands et présumée morte, est retrouvée à Berlin ; du moins, un ami de son mari croit la reconnaître en la personne d’une danseuse aux mœurs légères, devenue compagne d’un écrivain. On la rappelle à sa vie antérieure italienne. Seulement, celle que l’auteur nomme toujours l’Inconnue, dispose aussi bien de raisons de nier être l’Italienne que de l’affirmer, et l’intrigue se complique d’une histoire de legs où le mari est intéressé au retour de son épouse.

– Un mot pour parler de cette édition : c’est le cas où j’aurais aimé savoir à quelle date mon exemplaire a été imprimé. Les solitaires intempestifs semble avoir profité d’une mise en scène en 2021 à l’Odéon pour publier ce texte, mais la première page indique que l’œuvre est – ou sera – à l’agrégation en 2023. Les programmes sont-ils déjà établis deux ans à l’avance ? je l’ignore, mon ouvrage est peut-être une réédition à laquelle on a postérieurement apposé la mention du concours. Or, je trouve que cela importe : c’est qu’en France, dans bien des cas, on n’édite pas un livre avant d’être sûr de le vendre, les professionnels n’ayant même pas la petite bravoure d’un risque : c’est possiblement ce qui s’est passé ici, puisque Comme tu veux n’était apparemment pas publié en français avant 2021, alors que la pièce date de 1930. On n’aurait décidément aucune honte à ne publier que pour l’argent, l’agrégation assurant au moins un bon millier de ventes. Je ne veux, ne peux pas m’avancer davantage, mais j’ai quand même du mal à croire que ce soit par hasard si la pièce Juste la fin du monde de Lagarce figure chez le même éditeur méconnu et… au programme du CAPES de 2024. –

Le premier acte du drame est assez ennuyeux, prévisible, stéréotypé et verbeux : il ne fait qu’allonger la situation d’une femme qu’on vient chercher sous une identité et que le lecteur, je crois, admet correspondre à cette identité, accordant sa confiance en celui qui la reconnaît et n’a nulle raison de se tromper avec tant de conviction. Or, c’est une coïncidence invraisemblable que ce Boffi, promenant à Berlin, y découvre l’épouse de Bruno, qu’on pensait disparue, réputée avoir subi un traumatisme (ce qui constitue encore un présupposé exceptionnel), et qui, par une conjonction supplémentaire, se trouve aspirer justement à se détacher d’un amant écrivain dont elle s’estime emprisonnée ; il faut alors passer sur ces conventions multiples en espérant qu’il n’y en aura pas d’autres, comme les fictions l’imposent souvent au lecteur. Mais on ne découvre là rien davantage, c’est une exposition longue et convenue, qui ne démêle rien et qui s’empêtre sans progrès, tout un tiers de l’œuvre ne révélant pas une idée originale ou une réplique inédite et ne servant que de présentation souvent un peu excessive et hystérique.

La pièce prend plus d’ampleur ensuite : l’indécision s’accroît, faisant un théâtre policier où l’énigme porte sur l’identité véritable de l’Inconnue, l’astuce consistant pour l’auteur à ne pas indiquer si la femme est celle qu’on veut. On cherche des indices, on infère des troubles, on inspecte des paroles, on examine des attitudes, avec soupçon et jeu, tâchant à déceler chez l’Inconnue une contradiction ou une confirmation, et quand on croit en avoir trouvé, comme elle garde l’équivoque sur ce qu’elle veut faire disparaître – le souvenir de l’abus des Allemands ou la vie culpabilisante de danseuse ? – et sur ce qu’elle craint de retrouver – le lieu empli d’une mémoire affreuse ou la poursuite d’une relation avec son écrivain importun ? –, on est détrompé et replongé dans le doute, pour ce qu’elle peut avoir autant de profit à dissimuler la pauvresse violée que la mondaine anodine.

(Ambiguïté des répliques comme : « Rien. Jamais un vrai tourment, un vrai désespoir, n’ont sans doute fit naître en vous le besoin de vous venger de la vie, de la vie telle qu’elle est – de ce qu’en ont fait pour vous les autres, ou les circonstances – en en créant une autre, meilleure, plus belle, celle que vous auriez dû avoir, celle que vous auriez voulu avoir ! – Et parce que vous êtes comme ça, parce que vous m’avez connue (trois mois…) telle que j’ai pu être avec vous, ma vie serait une imposture comme la vôtre ? » (page 147))

D’ailleurs, selon que ses proches ont envie d’y croire ou non, ils la reconnaissent plus ou moins, preuve que la vérité ne compte pas tant que le désir. Oui, mais l’impossibilité foncière de l’intrigue réside là où un psychologue incomplet comme Pirandello ne saurait l’imaginer : c’est que de toute évidence l’Inconnue, d’une manière ou d’une autre, joue énormément : elle a tous les calculs d’une très ingénieuse actrice qui devine par degrés multiples et bien à l’avance comment circonvenir un auditoire. Or, si l’on peut admettre que sa famille ne parvient pas, dix années après sa disparition, à savoir à son physique si elle est la « Cia » d’antan, il est indéniable que la somme de complications mentales et de duplicité consciente qui caractérise l’Inconnue, même après des expériences violentes, même si elle avait dû feindre énormément, la distinguant pour idiosyncrasie unique et rare, devraient sans doute la faire reconnaître pour la continuation ou l’incompatibilité de celle qu’elle était autrefois – sinon, autant considérer que de toute façon, ayant si radicalement changé, elle est foncièrement métamorphosée, n’est pas conséquent dans les deux cas plus la femme d’antan, une personnalité entièrement dissociée de celle d’autrefois, achevant ainsi tout embarras et toute controverse : il n’y a ainsi personne à retrouver, ou c’est une totale imposture, ou c’est une altération radicale, quoi qu’il en soit Cia a disparu.

La faille essentielle de la pièce, et peut-être la malhonnêteté intrinsèque de son auteur, consiste à effacer chez le lecteur toute appréhension de la jeune femme d’antan, de l’invoquer comme si elle n’avait jamais existé, de la matérialiser au théâtre en l’esprit du spectateur comme s’il était réaliste de la faire apparaître pour la première fois, comme si elle naissait tout à fait au présent de la représentation, comme un personnage qui se présente et densifie à mesure factice d’une intrigue, et puis de lui conférer un problème de personne, en tâchant de faire oublier ses emphases et ses grandiloquences, son artificialité patente : il faut rappeler que la pièce s’ouvre alors qu’elle est poursuivie chez elle par quatre hommes, que son amant est un écrivain qui vit avec sa fille, qu’il y a d’ailleurs entre l’Inconnue et cette fille une relation louche, et que l’auteur, qui se déplace chez lui avec un pistolet, va bientôt se tirer une balle dans la poitrine pour un prétexte futile. C’est là-dedans que Pirandello introduit des histoires d’occupation allemande, de propriétés avec actes notariés, et de psychologie et psychiatrie. Or, l’Inconnue qui bel et bien pour le lecteur comme pour son mari apparaît de nulle part, n’a point la consistance suffisante à être scrutée par un interrogatoire ou par un spécialiste, elle conservera toujours sa diaphanéité de fiction, et l’effort du lecteur est en pure perte, comme en ces romans policier où l’écrivain s’arrange pour qu’il soit rigoureusement impossible d’identifier le criminel. Elle demeure sans un sujet sur lequel on pourrait la tester, personne ne se rappelle la couleur de ses yeux, nul ne peut induire la qualité de son identité d’autrefois, parce qu’elle est apparue pour les témoins et pour le spectateur au milieu d’une scène, après l’allumage des spots et l’ouverture d’un rideau. Au sein de la fiction et de l’imaginaire, il faudrait donc opérer l’enquête sur une réalité ? Mais rien ici n’est réel ni n’étaye l’impression d’un passé ; Pirandello jamais ne confère à l’Inconnue une densité qui ferait croire à son existence naturaliste ; c’est soudain comme si une personne n’était qu’un corps avec des anecdotes qu’on peut collecter et lire dans un carnet et puis rejouer en superficie, mais tout ce par quoi on reconnaît l’aura d’un être, sa profondeur et ses faiblesses, ses attributs anciennes, ses conformations antérieures, est inexistant : les personnages perplexes l’observent pour pur objet de théâtre, eux-mêmes en êtres de théâtre, sans pouvoir la comparer à un souvenir ou à une pensée, sans cohérence et sans suite ; on dirait qu’ils se rendent compte qu’ils n’ont eux-mêmes pas de mémoire, ils ne semblent pas beaucoup plus solides et réels que celle qu’ils se proposent de vérifier et d’authentifier, alors forcément l’enquête est-elle bâclée, faussée, insoluble. Vraiment, on croirait qu’ils se font peur et s’aperçoivent qu’ils n’existent pas eux-mêmes, tant ils sont inconsistants et légers comme des fantômes ou comme des ombres : plus ils font l’effort de comprendre, plus ils perçoivent leur teneur de linéaments et de contours ; on croirait des silhouettes dessinées qui devinent en loin, avec frisson, qu’elles sont entièrement fictives.

L’idée est pourtant pertinente philosophiquement, je veux dire la réflexion selon laquelle chacun fabrique le monde à sa convenance, attentif uniquement à ses envies de voir ou de nier, donnant matière à ses volontés, justifiant le titre de la pièce : Comme tu me veux. Seulement, il n’est pas du tout vraisemblable, puisqu’il faut qu’un individu s’incorpore, qu’une femme aussi machiavélique et d’une rationalité telle que l’Inconnue, une femme si particulière en somme – la pièce la révèle d’une artificialité très composée, et jamais un Contemporain n’est à ce point complexe –, n’ait pas porté en germes quelques-unes de ces dispositions dix années plus tôt, ni qu’au surplus de sa taille on ne perçoive dans sa voix, dans son expression, dans ses humeurs, et dans maints autres détails, des différences d’importance notamment si elle n’était pas Cia, ni qu’on ne puisse sans mal la piéger sur quelque référence facile et par exemple familiale pour autant qu’elle n’ait pas, comme on le représente souvent dans les pièces à la Molière, été enlevée avant ses six ans et introduite dans une société de tous autres mœurs.

On n’a pas même songé, me semble-t-il, si accoutumés aux conventions théâtrales, que cette Inconnue, qu’on attrape à Berlin où elle vit depuis une décennie, puisse parler un Italien qui s’assimile sans aucun mal à celui que parlait la native d’autrefois… Est-ce qu’on se figure qu’une personne peut parler deux langues et qu’en aucune d’elles elle ne s’assimile ou ne dépare avec son accent de jeune femme ? C’est bien faute d’emprise de la réalité que, dans cette œuvre, le lecteur est captieusement égaré.

Plus encore – c’est un questionnement plus vaste et qui tend de plus en plus à me saisir à la lecture d’une fiction – : comment tient-on sur un mystère aussi dérisoire ? Je veux dire que l’argument de la pièce repose sur la question : une femme de papier est-elle Cia ? Mais qui s’en soucie, sincèrement ? On doit bien concevoir que la tentative de Pirandello consiste à intéresser sur une virtualité accessoire et sans lien, sans extrapolation même, avec l’existence réelle : c’est du divertissement, comme le polar dont je parlais. Ce n’est décidément qu’une autre histoire qui ne réalise rien, qui n’illustre rien, qui n’apporte rien et n’est qu’une construction distrayante, sans éloquence particulière, sans édification : c’est de la littérature pour amuser. On rentre chez soi en oubliant vite ses hypothèses : ça n’a pas d’importance, ce sont des personnages disputés autour d’une circonstance qu’on ne rencontrera pas, qui n’est pas de conséquence considérable, et écrite sans grande ciselure ni style. Quand Racine plaçait en ses personnages des puissances influentes, Feydeau une irrésistible vitalité, Ibsen de dures et transposables cogitations, là : une énigme sans accès sur des étrangers, le temps d’une représentation. Et l’on a payé : rien qu’une heure passée à écrire, plutôt que d’aller au spectacle, aurait procuré la petite idée d’une fraction de soi personnelle, au lieu de cette irrationnelle désexistenciation.
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Six personnages en quête d'auteur

Une pièce de théâtre qui a le don de nous interroger.

Six personnages veulent nous raconter leur histoire commune, ils se prétendent des personnages abandonnés par un auteur qui n’a pas voulu compter leur histoire. Ils se présentent à une troupe de théâtre et demande à son directeur de reprendre le rôle de l’auteur. Le directeur décide de leur faire jouer rôle qui se terminera sur une tragédie. 
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Première nuit et autres nouvelles

J'ai lu ce recueil de 4 nouvelles pour faire connaissance de Pirandello alors que je projetais un voyage en Sicile. J'étais dubitative sur son intérêt car je pensais que cette prose italienne traduite par Georges Piroué daterait un peu et que le sujet, le couple, serait totalement dépassé car le livre a été écrit dans les années 1920...Quelle surprise!! Les histoires sont très actuelles et l'écriture est moderne, alerte et incisive. Pirandello ressent une réelle empathie pour ses personnages et sait nous emmener dans ses analyses. Belle introduction à son oeuvre et j'ai hâte de le lire plus avant!
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Ce soir on improvise - Chacun son idée - Six ..

Chacun son idée





Nous sommes ici dans la seconde pièce de la Trilogie Théâtrale de Pirandello,



elle met en scène les conflits entre les Spectateurs et les Acteurs. 

On a beaucoup parlé à propos de cette pièce de théâtre dans le theâtre, à juste titre: le suicide du sculpteur évoqué par les acteurs est celui qui s'est réellement passé dans la ville et tous les protagonistes dans la vie, devenus spectateurs de la pièce, reprennent pendant l'entracte les mêmes raisonnements et remarques des acteurs jouant leur rôle dans la pièce...

Le récit va de la réalité à la création théâtrale, et l'on est tout proche d' Hamlet qui fait jouer aux acteurs de passage au château la scène de l'assassinat de son père par son oncle.



J'ai le sentiment que Luigi a voulu faire une digression en forme de pièce de théâtre autour de cette scène d'Hamlet (acte 3, scène 2), en laissant nos imaginations faire ce qu'elles désirent de cette absence de dernier acte – donc de fin imposée.



Comme très souvent avec Pirandello, un autre brillant exercice de style.
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Un, personne et cent mille

C'est un livre que j'ai lu ou plutôt que j'ai dévoré.😊

Cet ouvrage est tout de même difficile à lire, il faut avoir la tête reposée Mais il m'a fasciné car il est écrit avec intelligence et grande finesse. Et le but premier c'est d'interroger le lecteur et la lectrice à travers le personnage et son histoire racontée par l'auteur.

*



Luigi Pirandello nous oblige à une profonde réflexion sur l'image que chacun donne aux autres et comment notre propre image est perçue par l'autre. Comment le regard de l'autre, peut influencer inconsciemment, notre propre attitude ou si ce n'est pas nous qui « calquons » notre personnage sur le regard de l'autre.

Et comme chaque regard est différent, que ce soit celui de sa femme, de ses enfants ou de ses amis, l'auteur se pose la question et a fortiori, nous pose cette même question ;

-« Est-il possible de « jouer » plusieurs personnages à la fois ?

Et quel est le plus vrai, celui qui ressemble au plus près de son propre « soi » ?

Où est notre réalité ?

Qui est le vrai personnage qui est en nous ?



Je vous invite comme l'auteur, à vous regarder dans un miroir…. Si ! si ! J'insiste… !



Qui voyez-vous ?



Reconnaissez-vous la personne que vous avez en face de vous ?

Soyez sincère… Jamais vous avez songez à vous voir tel que vous êtes, à vous voir vivre…



Interrogatif non ?😮
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Six personnages en quête d'auteur - La volupt..

La volupté de l'honneur



Pirandello nous permet de suivre, grâce à sa production, un parcours de la crise historique et existentielle de l'individu et, en particulier, de l'intellectuel dans la société entre le 19e et le 20e siècle. Après 1870, les années de sa première formation, un fort sentiment d' insatisfaction domine les différents secteurs de l'opinion publique et les esprits des jeunes intellectuels en raison de l'échec des idéaux du Risorgimento. En fait, la réalité italienne n'a pas suivi les idéaux héroïques supposés au début du XIXe siècle : les régions du sud sans espoir de développement sont réduites à de simples marchandises de conquête, le renouveau de l'État, devant l'incapacité du politique à engager un véritable et substantiel processus de transformation, reste paralysé dans les scandales.



Naturellement, les intellectuels ont été saisis par une "crise d'identité"et c'est précisément dans ce contexte que l'on pourrait situer la figure de Pirandello. Sur le binôme dialectique vérité et fiction, pierre angulaire de la genèse du théâtre, Pirandello s'affirme comme l'un des auteurs les plus importants ; l'enquête sur la Vérité, comprise comme un débat sur les problèmes réels de l'individu et de la société et non comme la vraisemblance des personnages et des situations, définit le processus de libération, pour ainsi dire, mis en œuvre par l'auteur pour arriver à une connaissance supérieure , une vérité interne à l'objet pris en analyse.



La volupté de l'honneur  est précisément un appendice au discours de Pirandello sur ce rapport structurel. L'ambiguïté du masque, qui permet d'atteindre la vérité par la fiction est l'objectif premier du théâtre. Baldovino accepte de passer pour l'époux légitime d'Agate, mais en faisant accepter aux autres personnages la réalité qui vient d'être construite par eux : “le théâtre n'est pas un illusion : c'est une réalité qui apparaît enfin. Non, nous ne sommes pas faits de l'étoffe des rêves : les rêves sont faits de notre propre étoffe insaisissable".



Dans sa vision amère et paradoxale de la vie, Pirandello tourné son attention vers l'individu et part de la prise de conscience d'une fracture qui s'opère dans la civilisation romantique et bourgeoise. L'art de Pirandello est la dénonciation angoissée de cette crise. La multiplicité de la réalité représente précisément l'apparence qui caractérise ses personnages toujours prêts à se battre, à lutter contre l'artificialité de toutes choses et à vivre dans l'angoisse d'une vraie existence. De là, à partir de la représentation d'une vie qui n'est pas la vie, mais seulement une illusion , “Par force, je dois nager dans l'abstraction : gare, si je touchais terre! La réalité n'est pas faite pour moi; gardez-la pour vous. Touchez-la, vous. Parlez : je vous écouterai. Je serai l'intelligence qui n'excuse pas, mais a de la compassion... “



Baldovino – qui est la conscience incarnée- n'est pas dupe des artifices de “la pauvre humanité qui souffre dans la joie et jouit dans la douleur de l'existence.”



Inversion des rôles? Illusion , typique des personnages de Pirandello, humour lié au paradoxe de la vie, fantômes d'eux-mêmes, rêves de leur réalité.
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Chacun sa vérité

Je ne m'attendais pas à autant d'humour chez Luigi Pirandello. Si ses satires peuvent être drôles leur fond est en général assez tragique.

Cette pièce intitulée "Chacun sa vérité" a quelques choses du conte philosophique puisqu'elle cache un enseignement, celui que la vérité apparaît différente pour chacun de nous selon notre propre perception.



L'histoire est apparemment simple : il s'agit d'élucider qui détient la vérité dans le trio formé par Monsieur Ponza, sa femme et sa belle-mère Madame Frola.

Quelques bourgeois de Valdano se demandent pourquoi Ponza, le nouveau conseiller de Préfecture, rend visite à sa belle-mère trois fois par jour et ne laisse personne voir sa femme ? Est-ce un monstre ? Sa belle-mère est-elle folle ? Sa femme existe-t-elle vraiment ? Jusqu’où la bonne société ira-t-elle pour satisfaire sa curiosité morbide ?



C'est en 1917 que Pirandello a écrit cette comédie italienne qui interroge notre désir de connaitre toute la vérité.

Heureusement, il y a un personnage assez différent qui semble s'écarter des idées reçues et de ces vérités que l'on croit absolument irréfutables, en riant avec éclat devant la sorte de tribunal de bienséance formée par les habitants de la petite ville où se déroule l'enquête sur la vie privée des nouveaux venus. Il s'agit de Lamberto Laudisi qui se fait ainsi le porte-parole de l'auteur.



J'aime ce genre de pièce drôle et intelligente où le langage a le dernier mot car quand la vérité parlera sous les traits de Madame Ponza, elle laissera tout le monde perplexe.





Challenge Riquiqui 2023

Challenge XXème siècle 2023

Challenge Nobel illimité

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Six personnages en quête d'auteur - La volupt..

Une pièce de théâtre sans acte, ni scène, qui a inspiré le scénario du film La Rose Pourpre du Caire.

Alors qu'une troupe de théâtre s'apprête à répéter sur scène devant le Directeur de troupe, six personnes d'une même famille surviennent, à la recherche d'un auteur pour écrire leur pièce. Que veulent-ils raconter ? Qui sont-ils ? Qui va bien pouvoir jouer leur rôle ? Très vite, le chaos règne…



Avis :

Une mise en miroir irrésistible qui démonte les rouages du théâtre, du jeu et de la représentation.

A partir de 9 ans.
Lien : https://delicesdelivres.go.y..
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Six personnages en quête d'auteur

Une pièce de théâtre sans acte, ni scène, qui a inspiré le scénario du film La Rose Pourpre du Caire.

Alors qu'une troupe de théâtre s'apprête à répéter sur scène devant le Directeur de troupe, six personnes d'une même famille surviennent, à la recherche d'un auteur pour écrire leur pièce. Que veulent-ils raconter ? Qui sont-ils ? Qui va bien pouvoir jouer leur rôle ? Très vite, le chaos règne…



Avis :

Une mise en miroir irrésistible qui démonte les rouages du théâtre, du jeu et de la représentation.

A partir de 9 ans.
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Six personnages en quête d'auteur

Je lis très peu de théâtre (je dois dire que j’en regarde très peu également)

Manque d’habitude ?

En tout cas cette pièce est très intéressante et « facile » à lire : l’action se passe justement dans un théâtre : une répétition commence quand soudain elle est interrompue par six personnages (qui n’ont pas de nom).

Prendront la parole : le père, la mère, la fille et le fils (les deux autres, des enfants seront muets)

Les quatre personnages viennent exprimer leur « désarroi », ils cherchent un auteur qui saurait dans une pièce mettre leur tragédie en scène. Car tragédie il y a eu, abandon, jalousie, décès….(et ce n’est pas fini)

J’ai beaucoup aimé que des personnages interpellent à la fois l’auteur, le metteur en scène et les autres comédiens : le lecteur/spectateur se sent réellement « immergé » dans la scène.

Qui est la marionnette ? Le personnage ou l’auteur ?

La fin a été pour ma part très dure (trop sensible ?) …mais j’étais prévenue : c’est une tragédie….
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Théâtre 02 : Un imbécile - Comme tu me veux - D..

La raison des autres





Luigi nous donne des explications que nous ne demandions pas,

et cela nous met dans un état de débiteur,

et nos dettes envers vous crient aux quatre vents depuis près d'un siècle.

Pourtant vous appartenez – comme le disait un empereur - en tant qu'écrivain, à cette catégorie d'oisifs dont le métier est de répandre la mauvaise humeur dans le monde.

C'est très vrai! Vous disiez, par profession, du mal de tout et de tous.

Et quelle belle réputation, vous vous êtes faite !

C'était le bon temps.

Mais, pour votre malheur, vous avez des yeux aussi pour les autres, et comme Juan Rulfo, vous nous les prêter pour pleurer quand les nôtres sont vides de larmes...



Ce n'est certes pas la meilleure pièce de Luigi, c'est la première qu'il écrivit, mais toutes ses réflexions sur l'identité sont annoncées ici.


Lien : http://holophernes.over-blog..
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Le mari de sa femme

Lyrique, un peu vieillot-vieilli (du temps où être enceinte est un état embarrassant qui n'est même pas nommé), avec des références qui d'après la préface parlaient au milieu littéraire romain des années 1910 mais qui en 2023 en France ont peu d'intérêt (le couple de personnages serait inspiré de celui de Grazia Deledda, qui recevra le Nobel en 1926, au point que Pirandello renonce à une réédition pour ne pas entretenir les ragots)... Mais des moments d'une grande puissance, une sorte de photographie d'époque sur la forme et sur le fond, un questionnement intemporel sur "être écrivain" (gagner sa vie en écrivant) et sur le couple, sur le "transfuge de classe" pour utiliser une expression à la mode et sur l'autonomie des femmes.

Je termine avec l'incipit que j'ai trouvé étonnant pour un roman de 1911 : Attilio Raceni, depuis 4 ans directeur de la revue féminine (et non féministe) Les Muses, se réveilla ce matin-là tard et de mauvaise humeur.
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