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Critiques de Marc-Édouard Nabe (56)
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Lucette

Il est rare que l'actualité influence mes lectures.

Ce fut pourtant le cas avec ce livre que j'ai acheté peu aprés avoir appris le décès de la veuve de L.F Céline.



Le livre, à la fois roman et chronique d'une rencontre, met en scène l'acteur/réalisateur Jean-François Stévenin, qui souhaitant réaliser un film tiré du roman "Nord", rencontre Lucette, alias Lucie Almansor veuve Destouches.



Lucette est la Lili de la trilogie allemande de Céline, c'est surtout sa fidèle épouse, qui après sa disparition deviendra la gardienne du temple, au sens propre puisqu'elle vivra jusqu'à sa mort dans la fameuse maison de Meudon, où Céline a écrit ses derniers livres et vécu ses derniers jours.



Nous découvrons une vielle dame pétillante, très entourée, de quelques ami(e)s sincères et régulièrement visitée par des "céliniens", plus ou moins bien intentionnés.



Lucette, qui pensait tant ne pas survivre longtemps à son mari, qu'elle avait fait graver sur leur tombe : Lucette Alamanzor 1912-19..., alors qu'elle a vécu jusqu'à 107 ans : une vie longue et passionnante.



Danseuse et professeure de danse, son parcours est riche de rencontres et de voyages, avant, pendant et après sa vie avec Céline.



Marc-Edouard Nabe, lui aussi auteur à la réputation sulfureuse, et qui ne cache pas son admiration pour l'auteur du "voyage au bout de la nuit", s'efface complétement pour nous livrer ce témoignage (sans doute un peu romancé, voire fantasmé).



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Au régal des vermines

Bon j'ai parcouru "Au régal des vermines" afin de me faire une idée sur le style de Nabe par rapport à celui de Moix ( puisque ça fait longtemps qu'on nous rebat les oreilles avec une soit-disant ressemblance).

Nabe est de la génération des Jean Cau, des Jean-Edern Hallier, son idolâtrie pour Céline perce sous sa phrase, ainsi que le cabotinage baroque de l'Albert Cohen de Mangeclous : c'était tonique dans les années 1970, avec un style tonitruant, et un tel parti pris d'originalité (se démarquer à tous prix de la masse qui est par définition «stupide"), que cela en devient étouffant. Il gueule, il vocifère, souvent brillamment, mais ça devient monotone, prévisible. Roboratif. L'excès tue l'excès et au delà de l'excès, survient le répétitif : "...et je vous emmerde», scande-t-il. C'est adolescent et acnéique. L'acmé de l'exploit anar. C'est éjaculatoire, certes, mais à force de gesticulations, l'éjaculation, qui aurait dû atteindre le cuistre en pleine figure, finit dans les orties. Et les cuistres sont nombreux qui rigolent sur la route (il y en a aussi qui se fâchent très fort, et ils ont raison aussi) : les éditeurs, les écrivains, les noirs, les blancs, les femmes, les juifs. Seuls trouvent grâce à ses yeux son père, la musique et le Grand Homme (Céline). Et les petits hommes géniaux et méconnus. Vous voyez qui.

Du coup, je n'ai pas envie de me lancer dans des écrits plus récents : son site et son torchon qui se veut journal le «Nabe's News» sont tellement aigres que je pense que l'animal s'est encroûté.

Raciste, antisémitisme, apologie du djihadisme : c'est bon, ça suffit.

En un mot, ça pue.



On m'a dit que "Lucette" et "l'âme de Billie Holliday" c'était génial. Je veux bien le croire : l'homme n'est pas un imbécile et il a de la sensibilité.



Mais c'est une machine grinçante, une ambulance folle lancée à toute allure vers une destination chimérique.

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L'âme de Billie Holiday

Véritable ode à l'amour à Billie Holiday, ce livre donne envie d'écouter sans relâche toute sa discographie et de percer à jour cette âme désenchantée qui chante et enchante...
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L'Enculé

- On saura jamais ce qui s'est passé derrière cette porte...



Cette phrase, on l'a entendue (on l'entend encore) partout : chez ceux qui voulaient savoir comme chez ceux qui ne voulaient pas. Là-dessus tout le monde paraissait d'accord. Normal que Marc-Édouard Nabe, en "anar individualiste", ne l'ait pas été et veuille nous le faire savoir.



Nabe est entré dans la chambre 2806 avec "l'Enculé", le héros de son roman. Rien ne lui a échappé de la fameuse "scène de ménage", ce mémorable 14 mai 2011. Il avait pris la meilleure place pour le spectacle : "embedded" (embarqué) dans la tête et les jambes (poilues) du (alors) Président du FMI, dans le reste aussi, surtout.



Près d'un an plus tard, Dominique Strauss-Kahn nous raconte ça, et tout ce qui a suivi. Nabe tient la plume. C'est irrésistible, drôle, féroce, irritant, intelligent, fin, grossier, vivant, cinématographique, méchant.



Après celle de la chambre du Sofitel, aucune porte ne résiste à Nabe. Pas plus celle de la cellule de Rikers Island que celle de la maison de TriBeCa. On a tous subi à la télé cet été le spectacle édifiant et récurrent des visites que recevait un couple d'otages à Manhattan. On a vu le livreur de pizzas se frayer un passage entre badauds, micros et cameras ; sonner, entrer, ressortir. Nabe, lui, était de l'autre côté de la porte, dans le salon, alors il connait le montant du pourboire qu'Anne Sinclair a filé au garçon : 15 dollars ! Je vous rassure il y a des choses beaucoup plus bêtes et méchantes sur la femme de l'Enculé, mais c'est toujours DSK qui raconte, hein...



Évidemment Nabe s'appuie sur des faits d'actualité largement (trop) médiatisés vécus par des personnages bien connus. On rit de les retrouver minutieusement restitués par sa plume déformante avec ce qu'il faut de décalages subtils pour que les décollages de l'inspiration de l'écrivain vers le fantasme et la fantaisie débridée nous emballent. Les Strauss-Kahn spectateurs d'un rodéo avec Elkabach en Stetson parce que " ça change vachement les idées ", normal ! Jean-François Derec canotant à Central Park, normal ! L'enlèvement de Martine Aubry par un biker, normal !



" J'aurais bien aimé perdre pour voir ce que ça fait. "



Au bout de quelques pages, il se passe un phénomène curieux : on découvre un DSK tel qu'on ne l'imaginait pas du tout (moi en tout cas). L'Enculé est un drôle de type qui se laisse mener par le bout... du nez par les femmes, surtout la sienne. Fier de ses conneries, pas malin-malin, presque naïf, un peu jaloux, un pauvre con. Jouisseur évidemment, et fier de l'être au point de vouloir être le seul, l'unique, le plus grand. Pour un peu on le plaindrait d'être si... animal. Presque humain. Plausible. Scène touchante dans la cellule de Rikers quand DSK lie amitié avec une gentille araignée souriante qui ressemble à celle d'Odilon Redon et qu'il baptise Internette, rapport à sa toile. Saviez-vous que DSK était fan de singes, très calé, particulièrement intéressé par le nasique, celui dont on croirait qu'il porte son pénis au milieu de la figure ! A la fouille, le maton a sorti du baise-en-ville du prisonnier, une photo de Cheeta, et des pilules de bromure ! Bon DSK peut-être pas, mais l'Enculé, si !



Et puis, ça c'est mon interprétation personnelle, il y a du Nabe dans cet Enculé (comme la couverture du livre le suggère). J'ai relevé par exemple leurs goûts communs pour : les chapeaux, Picasso, les putes, la virilité, la neige glacée, la préférence pour la clarinette jazz putôt que klezmer, Billie Holiday, et fixer les femmes dans les yeux.



In fine, une question demeure : la société est-elle coupable de ne pas être capable de condamner L'Enculé (le personnage, pas le livre) ?


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L'homme qui arrêta d'écrire

Reflet flamboyant d’un Paris en pleine déconfiture morale, métaphysique et en train de se consumer (« La Ville Eteinte » devrait remplacer le surnom de « Ville Lumière » !), l’homme qui arrêta d’écrire est surtout l’histoire d’un écrivain qui passe une période de troubles, tel un Dante entrant dans cette sinistre forêt du Doute, qui l’amènera ensuite à franchir les portes de l’Enfer.

D’ailleurs, il est assez évident de constater que ce roman est bourré de références à la Divine Comédie, ne serait-ce par sa structure en trois parties (Enfer –Purgatoire – Paradis) et par certains personnages (Jean-Phi le Blogueur étant le Virgile accompagnant l’auteur dans sa traversée jusqu’au Paradis, Emma incarnant ensuite la Béatrice du Paradis…)



L’auteur ne veut donc plus écrire. Il décide de « vivre la réalité » et donc accepte de laisser triompher le mensonge du matérialisme, d’entrer pleinement dans cette modernité infernale. Il y a beaucoup de passages marquants dans cette première partie. On y voit des célébrités désabusés du petit écran, des stars pas vraiment éclatantes se trémousser dans le Baron, une boite de nuit « branché » c'est-à-dire sinistre et triste. On se marre franchement dans certaines scènes, comme la conférence de presse de Canal+ ou la réunion des écrivains dans le Train Bleu de la Gare de Lyon. Tout ces gens ne sont pas heureux. Personne ne semble savoir ce qu’est l’écriture, tant ils sont agités et incapable de prendre du recul. Ils vivent dans le temps présent, sans passé, ni futur (et donc espoir). Ils ont laissés toute espérance dans ce Paris infernal.



Vint ensuite le temps du Purgatoire, qui se métamorphose dans une nuit dans l’hôtel Amour, où l’on fait connaissance avec les âmes qui ont vécu l’enfer, mais qui ont décidé de se repentir. Certains personnages sont réellement attachant, Zoé qui aime les écrivains, Liza et son « Non, je rigole ! ». C’est dans cette partie que l’on rencontre un des dialogues les plus longs du livre, entre l’auteur et le « Libre Penseur » sur les attentats du 11 septembre. Si on comprend le but de l’auteur de montrer que la thèse complotiste est ringarde et fausse, on s’agace un peu de la longueur de l’exposé.



C’est finalement avec la disparition du Jean-Phi dit Virgile et l’apparition de cette Emma dont l’auteur tombe amoureux que l’on rentre réellement dans le Paradis à travers la remontée des Champs-Elysées parisien. Beaucoup plus symbolique et parfois ponctué de scènes étranges sinon absurdes sur le coup, on y croise des personnages qui sont encore dans l’estime de l’auteur, je pense en particulier à Alain Delon, dernier modèle de l’acteur vivant français.

L’homme qui arrêta d’écrire va peu à peu recommencer à penser à l’écriture grâce à la Femme. Il ne vivre pas avec elle, mais elle lui donnera l’impulsion pour reprendre l’écriture à nouveau. Emma le dit dès sa première rencontre avec l’auteur, « Tout est circulaire chez vous ». Un éternel retour. On ne se défausse pas aussi facilement de l’écriture ! Elle reviendra d’une manière ou d’une autre. Et cette épopée dans ce Paris postmoderne formera une excellente trame pour écrire un roman. La boucle est bouclée.



En fin de compte, après avoir lu cet ouvrage, il est tout à fait compréhensible que les milieux éditoriaux actuels ne lui aient pas décerné de prix littéraires. La vanité et le mépris ont eu raison de l’originalité et de la joie de ce livre. Certes, il n’est pas parfait, on ressent certaines longueurs par moment, mais c’est véritablement un livre puissant et plein d’espoirs au fond. Pas forcément sur notre monde actuel, mais sur les âmes vivantes qui restent encore présente ici-bas. Et il y en a ! Il y en a…
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L'homme qui arrêta d'écrire

ENFIN!! Depuis cet été, j'essaie désespérément de finir ce livre. J'ai littéralement subi cette lecture... Non pas qu'il soit mal écrit ou inintéressant. Mais le personnage principal qui n'est autre que l'auteur lui même est juste "détestable"! Soit je suis complètement inculte pour comprendre la portée de la pensée de Nabé, soit ce personnage est vraiment prétentieux! Ses trois mots préférés sont "noir", "arabe" et "pute". Il est complètement irrespectueux et imbu de sa personne. Un vicieux qui fait son intéressant en étalant sa culture personnel et ses connaissances mondaines dans chaque page! Si je n'ai pas mis la moitié d'une étoile mais une étoile complète sur cinq, c'est uniquement parce que j'ai perfectionné ma culture personnelle avec à chaque page des recherches pour savoir qui était la nouvelle victime de la critique mal placée de Nabé. Ce qui m'a énervé au plus haut point c'est la façon de ce ridicule écrivain de dire qu'il est sans le sous dès les premières pages, pour au final dépenser à tout va pour des futilités!

Bref, j'ai rarement voulu me retrouver face à un écrivain et le déchiqueter en morceau (la dernière fois c'était face à la lecture de l'horripilant Cinquante nuance de Grey, c'est pour dire comment j'ai apprécié ce livre).
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Au régal des vermines

Livre fabuleusement écrit. J'ai toujours du mal à comprendre comment tant de gens peuvent s'offusquer, crier au racisme ou à l'antisémitisme alors que Nabe dans son ouvrage n'épargne absolument personne de sa "gerbe d'or", en particulier lui-même.

C'est le seul ouvrage que j'ai lu de lui, je serais bien tenté d'en lire un autre mais je ne sais pas vers lequel me diriger. Vos conseils sont les bienvenus :-)
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L'âme de Billie Holiday

Même si vous n'adorez pas le jazz, vous aimerez cette bio lyrique, violente, émouvante, emballante. Et si vous aimez le jazz, il faut la lire, là tout de suite, maintenant.



Si le titre n'est pas simplement Billie Holiday, c'est parce que Nabe invente une nouvelle forme de biographie, sans dates, sans anecdotes, mais pas sans références.



C'est la biographie d'une âme, d'une sensibilité, pas d'un personnage. Et Nabe y réussit magnifiquement. Comme dans l'exposé introductif grandiose d'un vrai-faux souvenir : Nabe foetus de six mois dans le ventre de sa maman à un concert de Lady Day à New-York. Comment depuis la scène et à travers le placenta, les ondes de la voix (de l'âme ?) d'Eleanora lui parviennent et le mettent dans un tel état que la jeune future mère sera évacuée de la salle de concert, victime d'un malaise. Le concert, le malaise tout ça est sûrement vrai, il y avait suffisamment de témoins ce jour-là pour le vérifier, dont Marcel Zanini le futur papa.



Tout le reste, c'est du pur Nabe, au service d'une reine, et c'est formidable.
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L'homme qui arrêta d'écrire

Enfin un bouquin qui parle réellement de ce qui se passe maintenant, c'est à dire pas grand-chose. Du très bon Nabe, mais du Nabe un peu light tout de même... Toujours caustique mais désabusé, l'écrivain qui n'écrit plus jette un regard sur le Paris d'aujourd'hui, en pleine déconfiture. Tout le monde en prend plein la gueule et c'est mérité, donc forcément jubilatoire ! Pourtant, si on rit souvent, le constat est amer, et tout ce petit monde est carrément pathétique. Bien sûr, on le savait déjà, mais Nabe enfonce le clou comme d'habitude.

La forme romanesque va bien à Marc-Edouard, qui sait rendre ses personnages attachants. (Mention spéciale à ses jeunes amis, notamment Liza la fofolle du groupe.)

Bref, un véritable écrivain, et sans doute un de ses meilleurs livres, dont on dévore les 700 pages comme un paquet de chips. Un bémol toutefois concernant le passage sur le Libre Penseur, la théorie du complot et le 11 septembre, que j'ai trouvé un peu longuet. Et pour finir, certains moments carrément énervants, car Nabe critique tout de même constamment une basse-cour dont il fait bel et bien partie intégrante. Un côté "Les people parlent aux people" assez irritant au final. Sur ce point, "L'homme qui arrêta d'écrire" ne plaira pas à tout le monde, c'est certain. Heureusement, il y a le style, et à ce niveau le livre est parfaitement réussi, une véritable fessée donnée aux plus gros vendeurs de la "littérature" française, dont le principal talent consiste à faire croire qu'ils en ont !
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Alain Zannini

Alain Zanini c'est huit cent et quelques pages, et je pensais en avoir pour tout un été, que du coup j'espérais presque pluvieux. Hé bien, il n'a fait ni moins ni plus beau qu'un autre mois de juillet dans la Bretagne des forêts et des marais où je passe mes vacances. Pourtant la relecture de AZ ne m'a pas pris plus d'une semaine du début de l'été.



En reprenant le gros roman j'avais décidé de prendre des notes dans un petit carnet, au fil de ma lecture. Vain projet. J'ai seulement noté ceci, je ne sais plus pourquoi...



(parlant de Rimbaud) "le génie est aussi une question de caractère volontairement mal maîtrisé"

(et plus loin) "se retenir d'être génial donne le cancer"



Après quoi, j'ai posé définitivement le crayon. Moi qui n'aime pas les manèges forains, je me suis à nouveau laissée entraîner comme sur un grand huit pour un voyage littéraire dans tous les sens et toutes les dimensions à la fois : terrestre, temporelle, personnelle.



Je suis certaine de ne pas avoir lu le même livre qu'il y a sept ans, et je sais maintenant que je relirai encore AZ, plusieurs fois.



Au seuil du vingt-et-unième siècle, en septembre 2000, Marc-Edouard Nabe, le narrateur du roman, ne se reconnait plus. Il décide de se fuir, de quitter Paris, le quinzième arrondissement, et de laisser derrière lui ses marasmes en tous genres : familiaux, professionnels, sentimentaux. Il se réfugie à Chora, la ville haute de Patmos (île du Dodécanèse proche de la Turquie), au dessus de la grotte où Saint Jean dicta l'Apocalypse, au pied du monastère où les popes noirs gardent énigmatiquement icones, reliques et parchemins enluminés.



Il n'est pas possible de raconter en quelques lignes pourquoi et comment le narrateur va se transformer en une espèce de Tintin-Rouletabille et trouver dans l'étrange inspecteur Alain Zannini, un alter ego qui l'aidera jusqu'au bout de la dernière année du siècle, pour tenter de retrouver son trésor chapardé, le manuscrit du cinquième tome du Journal de Marc-Edouard Nabe.



Vous vous demandez comment on écrit huit cent pages sur une intrigue de bande dessinée ? C'est facile, quand on s'appelle Nabe. Chaque rencontre, chaque péripétie vécue sur la minuscule île grecque vous projette alors dans le temps, en avant, en arrière, dans un tourbillon, dans vos rêves, vos réalités, vos vrais faux souvenirs. Et il suffit alors de laisser courir sa plume, simple, non ?.



- "Vous vous reconnaîtrez."



C'est la réponse à tiroirs (et à double fond) qui est faite au narrateur lorsqu'il s'inquiète, au début du roman, de ne pas être en mesure d'identifier le flic que la police envoie sur l'île pour répondre à sa plainte pour vol.



A la fin du roman, avant de se quitter, Marc-Edouard Nabe et Alain Zannini ont cet échange révélateur et interchangeable :



- "Vous êtes fou !"



- "Non, je suis vous."



Vous vous reconnaîtrez. Lorsque j'avais lu AZ la première fois, j'avais déjà bien sûr reconnu Patmos, Grikhou, Scala, les rues de la Convention et Falguière que je connaissais, personnellement ! J'avais compris aussi qui était Diane (Tell, la chanteuse canadienne) et Marcel (Zanini, le jazzman français d'origine gréco-turque). Cela m'avait étonnée, sidérée même, et ces surprises n'étaient pas totalement étrangères au plaisir pris à cette première lecture.



Avec la deuxième lecture, j'ai franchi plusieurs nouveaux degrés dans la "reconnaissance des lieux et des caractères". Bien que dans AZ, Nabe ne cite jamais les patronymes, seulement les prénoms, je sais maintenant par exemple, que Philippe est Sollers et que Patrick est Besson. Je sais aussi qui sont Edouard (Baer), Jeannot (Hallier), Stéphane (Zagdanski), Michel (Houellebecq), et quelques autres encore. Pour Jackie (Berroyer), c'était trop facile ! Et puis un soir il y a quelques semaines au Petit Journal Saint-Michel, j'ai croisé la belle Hélène (ah, sa lettre à son Cher ex !). C'est amusant aussi d'essayer de démasquer les mutiples et différents Alain quelquechose du roman. Et puis bien sûr il y a tous les Jean, les saints et les autres. Et le mien, celui que j'avais croisé sur l'île il y a très longtemps (Jean Piat), à la page 134.



Mais le plaisir de lecture ne vient pas seulement, heureusement, de la connaissance ou de la reconnaissance de personnes physiques dans les personnages de AZ. Ce n'est pas qu'un roman à clés, ou bien alors c'est la salle des coffres à la Banque de France.



Quand on ouvre AZ, il faut savoir qu'on ne sera pas la même personne en le refermant. Et ce à chaque fois qu'on l'ouvrira ! C'est tout un travail que l'on accepte courageusement de faire entre la première et la dernière page, sur sa propre mémoire, ses propres souvenirs, ses propres lectures. Une semaine ne suffit pas évidemment, je vais laisser passer un peu de temps, pas trop cette fois, pas sept années, et alors j'ouvrirai à nouveau la Boîte de Pandore et je m'y replongerai avec délices, je le sais, je l'attends.



Voici par exemple deux parmi les attaques de littéropathie (néol. = c'est quand je lis quelque chose que je crois avoir moi-même vécu ou connu) qui m'ont frappée personnellement lors de cette deuxième lecture de AZ :



- les pickpockets sont susceptibles



Nabe raconte le jeu qu'ils avaient, avec Alexandre petit-enfant, dans le métro : quand ils entendaient l'inéffable annonce, le père faisait le clown pour amuser le fils en singeant un pickpocket susceptible pris la main dans le sac et s'indignant violemment de l'accusation. Succès paternel garanti, fiston hilare.



Serais-je une plagiaire inconsciente ? Je ne me souvenais pas avoir lu cette anecdote dans AZ il y a sept ans. Et voilà que sur mon blogue j'avais publié le 27 mars 2005, un dimanche, un billet sur les annonces de la RATP ... dans lequel je parlais bien sûr de celle des pickpockets qui a depuis toujours - croyais-je - chatouillé mes zygomatiques. Imaginez ma confusion en réalisant (gramm. verbe réalire ?) il y a quelques semaines l'origine de ma petite inspiration d'alors, et l'antériorité nabienne indiscutable !



- le naufrage d'un ferry devant l'île de Paros (Cyclades)



Bon là il s'agit d'un fait-divers dont chacun peut avoir eu connaissance, sauf qu'à l'échelle de la Grèce dans le monde, c'est un tout petit accident même si il s'avéra mortel pour une centaine (moins dans mon souvenir ?) de passagers du bateau. Seulement moi je connaissais bien (aussi) l'île de Paros, le rocher à l'entrèe du port, les remous entre Naxos et Parikia, et que cette histoire qui date de septembre 2000 m'avait alors beaucoup frappée en tant qu'ancienne passagère de ferry (ce ferry ?). Nabe rapporte que c'est parce que le commandant s'était isolé avec une passagère dans sa cabine que le bateau s'est fracassé sur les rocs. Dans mon souvenir, c'était parce que tout l'équipage était rassemblé devant un match de foot à la télé !



Lectrice lambda, si j'ai reconnu ou fantasmé des moments ou des sentiments personnels dans Alain Zannini, je suis convaincue que chaque lecteur de AZ y trouve les siens propres. Et qu'il existe ainsi autant de AZ que de lecteurs de ce roman magique qui est plus qu'un miroir. C'est une boule de dancing. Il faudrait pouvoir réunir tous les commentaires, toutes les notes de lecture en un seul recueil et en faire ainsi une nouvelle source inépuisable d'histoires liées entre elles par AZ, à l'infini.



Ne vous agitez pas, ça va venir, on va en parler, je sens que vous voulez demander ce que je pense des scènes de sensualité, pour ne pas dire de cul, dans AZ. Hé bien il y en a pas mal, comme toujours avec Nabe, et elles sont drôles, tendres ou moqueuses, coquines ou calamiteuses, justes. Je ne me souvenais pas du Paradis ni des Putes, lors de la première lecture. Paradoxalement dans cette partie du roman il y a peu de scènes de sexe (c'est le Repos de l'Artiste), les relations de Nabe avec les pensionnaires-hôtesses de la boîte de nuit parisienne restant chastes, affecteuses et reposantes, à la différence de celles avec sa Femme et avec ses Maîtresses !



Et la tendresse, bordel ! Quand Nabe écrit son accouchement d'Alexandre, les affres pour des parents de la maladie d'un tout-petit, la douleur de la perte David, le cousin adolescent d'Alexandre qui a fait une connerie, alors le coeur des mamans-lectrices s'ouvre ou se serre, selon.



La forme de AZ

J'aime la belle écriture, et celle de Nabe en premier lieu, mais je ne suis pas férue de style, je ne fais donc que donner ici quelques grands traits qui reflètent la structure de l'oeuvre. Comme il y a quatre cavaliers de l'Apolcaplyse, et surtout quatre évangélistes, il y a quatre parties en ré majeur dans AZ : Révolution (Mathieu), Révélation (Marc), Rédemption (Luc), Résurrection (Jean).



Ensuite quarante six chapitres de longueur assez régulière se répartissent équitablement entre les quatre parties. Lire la table des matières à n'importe quel moment avant, après, pendant le roman, est un must. Titrer est un des grands talents jubilatoires de Nabe. Quelques exemples : Zorro est arriviste, Peureux qui comme Ulysse, mais aussi : Le naufrage de la mémoire, La charette du passé, Sec et bouleversant.



Les bonus de AZ

Nabe est superbe et généreux. Il parsème son roman déjà foisonnant de pépites qui regroupées pourraient faire l'objet de petits (à l'échelle Nabe) morceaux publiables indépendamment de AZ :



- comme disait ma grand-mère (les jeux de mots de la terrible Paraskevi, flemme femme née dans le Phosphore Bosphore)



page 562 : " ... franchir le Rubicon" ("rafraîchir le rubis du Con", comme disait ma grand-mère)



page 345 : parlant du roman Lucette : " ... mon roman éponyme ("En peau de Nîmes", comme disait ma grand-mère)



- ainsi parla papa (les onomatopées du lunaire Marcel)



Page 48 : "Bien chantée, l'onomatopée jazzistique peut-être un langage d'une force et d'une étrangeté extraordinaire. Papa [...] étai très bon là dedans. Il excellait même dans cet art raffiné, byzantin, gréco-turc... Toute son enfance stambouliote, où sa mère lui parlait grec, ses copains d'école turc et son père français, ressurgissait, du plus profond de lui-même, sous la forme d'exquises absconcités. Dekskizezab Skonçités, Tousdilé, Pigili Poulatata [...]"



A plusieurs endroits du roman, Nabe reproduit des lettres ou cartes postales : " O mama ki lé pati, .... Ilatouli (Oyé)... Ecépatou ! (page 357)



Voilacétou, méjépa toudi !




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L'Enculé

L'Enculé

Marc-Édouard Nabe

Auto-édité



L'Enculé revisite l'affaire DSK. Le récit à la première personne nous est raconté par Dominique Strauss-Kahn himself, avec un Nabe très en forme à peine caché dans les coulisses de cette sordide affaire.

On se doute que le Nabe 2011 tient toutes ses promesses et ce n'est pas avec ce nouvel opus qu'il va calmer les critiques sur son présumé antisémitisme.

C'est le Nabe polémiste qui prend le dessus. En se mettant dans la peau de DSK il nous livre sa version des faits, du coup de tonnerre du 14 mai 2011 (dans la chambre 2806 du Sofitel à New York) à son retour en France. Il décortique la stratégie du camp DSK tout comme celle du camp Diallo, les intrigues, les manipulations, la bataille de communication. Le profane devient sacré pour la presse, on nage dans le sordide, dans le glauque. Bref la Justice n'est pas montrée sous son meilleur jour, elle n'a d'ailleurs de justice que son nom, car triomphent d'un côté comme de l'autre l'injustice et le mensonge. Que pouvait-on espérer d'autre de notre société ?

Nabe est un virtuose. Ces quelques 250 pages sont semblables à une partition de free-jazz ; un récit écrit avec une passion et une ardeur sexuelles qui nous conduisent au bord de l'orgasme. Au-delà de cette incroyable maitrise de la langue, de l'art de la narration, du rythme de la phrase, car tout comme Céline, c'est là qu'on reconnait la griffe de l'auteur, Nabe dénonce à travers DSK tout un système, celui des nantis, des puissants, des riches, des manipulateurs, des menteurs, des enculés.

L'humour nabien est certes particulier, concédons cela à ses détracteurs, mais par moments, il enfonce tellement le clou (pour parodier le titre d'un de ses livres) qu'on ne peut que se tordre de rire. L'auteur ne craint pas de tomber dans le registre du grotesque, au contraire il y fonce ; on oscille également entre ironie et sarcasme, car malgré tout cette affaire nous laisse un goût amer.

Dans L'Enculé on découvre un DSK antisémite qui écoute des chants nazis dès que sa femme, Anne Sinclair a le dos tourné ; un DSK simiophile, passionné par les singes nasiques, etc. La scène qui raconte le vol de sa chienne (un bouledogue baptisé Martine Aubry à cause de la ressemblance avec la vraie) par des Hell Angels sur une aire d'autoroute est particulièrement drôle.

Le récit de DSK, à la prison de Rikers Island dans sa tenue anti-suicide parlant à sa bite, rappelle l'univers toporien de Marquis (le film de Topor consacré au marquis de Sade). Entre ces quatre murs DSK est plus humain, plus touchant, il devient le compagnon de cellule d'une araignée tissant sa toile qu'il appelle Internette. Pendant la nuit il joue aux échecs, mentalement, avec son voisin de cellule. C'est un des plus beaux passages du roman, certainement le plus lyrique.

Tout le monde en prend pour son grade, du singe lubrique Strauss-Kahn à la Marie-Madeleine d'Anne Sinclair que Nabe dépeint comme une manipulatrice, une népotiste invétérée, une fanatique juive anti-goy obsédée par la mémoire de la Shoah.

Certes c'est sur la communauté juive que Nabe tire à boulets rouges, mais encore une fois, c'est contre un système qu'il se révolte, pas contre la judéité de ses personnages (on sait qu'il joue sur ce tableau par pure provocation), car rappelons-le DSK, Anne Sinclair et les autres sont des "personnages"; il s'agit bien d'un roman, ils ne sont que les caricatures d'eux-mêmes.

Nabe mêle aussi l'histoire à l'Histoire, en anticipant la joute présidentielle (que nous ne raconterons pas...).

L'Enculé parle de notre époque. Quoi de mieux qu'un roman, c'est-à-dire une fiction pour raconter notre monde fallacieux fait de mensonges et d'"histoires". Nabe réécrit le mythe de la plus grande cocue de France et de celui qui « après avoir enculé le monde entier, [s'est] fait enculer aux yeux de ce même monde, entier. »

Si L'Enculé n'a pas la même ampleur que son précédent roman L'homme qui arrêta d'écrire (œuvre majeure de Nabe) il n'en reste pas moins un livre que l'on recommande vivement. Quand on aime la Littérature, lire Nabe est salutaire!



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Au régal des vermines : Précédé de Le Vingt-septi..

Trouver et lire Au Régal des Vermines, c'est suivre le même parcours du combattant que pour les volumes du Journal Intime... J'ai emprunté (et rendu) le mien à la médiathèque Marguerite Yourcenar (Paris 15). Il s'agit de la réédition de 2005.



réédition aux éditions Le Dilettante, janvier 2006 - épuisée



La couverture bleu layette de la deuxième édition du Régal (dépôt légal au quatrième trimestre 2005) prend la forme ironique d'un faire-part de renaissance (tiens !) du premier bébé de Marc-Edouard Nabe, vingt-ans après sa première mise au monde.



Cette couverture affiche aussi le bonus-préface au Régal : Le Vingt-Septième Livre (novembre 2005).

J'en avais parlé ici dans un billet à l'occasion de sa réédition en 2008 sous la forme d'un livre à part entière, toujours aux éditions Le Dilettante (cet ouvrage est heureusement encore disponible en librairie).



En quatrième de couverture, un extrait lapidaire de cette méga-préface (p. LVII) : "J'ai eu tout faux, je n'ai rien compris". En exergue : "Qui vomit a dîné."



La belle couverture du Vingt-Septième Livre représente l'Endeavour (Endurance, in French) le bateau de Shackleton pris par les glaces sur la route du Pôle Sud. Amundsen le vainqueur, c'est Houellebecq. Nabe, c'est Shackleton. En voici quelques éclats prélevés page LIX, de l'édition de 2006 du Régal :



tiré à part, 2008



- "Ils ont cassé mon endurance !"

- "Shackleton n'a pas atteint son but, mais c'est un héros quand même..."

- "Il a fallu qu'il abandonne son Endurance prise dans les glaces, comme la mienne s'est trouvée bloquée par les blocs de silence de mes contemporains détachés de leur banquise de bêtise."

- "Aurais-je la force, comme Shackleton, de prendre une petite chaloupe et de me lancer dans d'autres navigations plus téméraires encore ?"

- "[...] pour fêter mes vingt ans de désastre, voici la réédition de mon premier livre ! Oui, Au Régal des Vermines, cette vieillerie publiée en 1985 par Bernard Barrault. Je n'ai même pas voulu le relire. Le Dilettante le ressort tel quel."







Toute sa vie...



Son paquet de tripes, Nabe l'a pondu à vingt-cinq ans, et sans y retoucher une ligne, il peut le régurgiter tel quel, vingt ans après, à quarante-cinq ans. Rien n'est daté, au sens de vieilli, dans le Régal. Pas d'anticipation non plus. J'ai relevé tout au long du Régal, quelques expressions qui illustrent l'intemporalité de Nabe, son non-âge.



p. 39 - "J'ai senti toute ma vie ce regard de jalousie déguisée en mépris paternaliste [...]"

p. 49 - "J'ai beaucoup vu la vie." (parlant des livres vs les expériences vécues)"

p.145 - "Je parle des jeunes parce que j'ai du mal à admettre mon âge."

p.175 - "Toute ma vie, j'ai vécu dans la peur de l'antisémitisme, comme si nous étions juifs !"

p.184 - " [...] j'ai rencontré dans ma vie beaucoup de céliniens [...]"

p.185 - " [...] ça doit se voir sur ma gueule ces tas de réflexions permanentes qui m'ont habitées au sujet de Céline tout au long ma vie [...]"

p.235 - "Vivre n'est rien, c'est avoir vécu qui est intéressant."

p.238 - "J'ai toujours rêvé de vieillir, tout de suite, c'est mon rêve de crouler !"

p.308 - "Jamais de ma vie je ne me suis ennuyé une seule seconde."



Le Régal, chapitre par chapitre, avec extraits choisis...

C'est mon choix... je suis trop intimidée d'admiration pour utiliser mes mots à moi en parlant du Régal. Je sais ce que cette forme de chronique peut avoir de réductrice, partielle et partiale. J'espère que ma visite très peu guidée donnera l'envie de lire cet objet littéraire unique. Mais si vous ne le lisez pas, alors n'en parlez pas !



L'impubliable (juin 1984)

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Incipit (long). La déclaration de ferme intention d'un auteur primipare envers l'écriture. Sa profession de foi en la littérature.



Je me souviens que dans Nabe's Dream, Marc-Edouard Nabe décrit dans quel état d'esprit et dans quelles circonstances il accouche de ce chapitre catharsistique : il est enfin assuré de la publication prochaine du Régal chez Barrault, après plus de deux années de suspens éditorial, d'espoir et de déception, de travail intense pour organiser, compacter, réduire à trois cent pages ce qu'il pouvait dire en cinq mille !



Un peu à la manière de Brassens et Léo Ferré, Nabe balance (swingue) de longs paragraphes, réguliers, rythmés, dont plusieurs sont scandés par la même résolution scato, en forme de refrain :



"Je trouve que c'est plus honnête d'écrire comme ça que d'écrire autrement. [...]. Et je vous emmerde."

"Je n'ai rien à foutre des romans, des contes et des histoires. [...]. Et je vous emmerde."

"Je suis impubliable [...].Et je vous emmerde."

"Je n'épargne personne [...] il y a du délateur en moi [...]. Et je vous emmerde."

"Je ne veux rien apprendre aux autres, ni les convaincre : je veux leur foutre ma main dans la gueule, c'est tout. ...]. Et je vous emmerde. Bien évidemment."



I. L'Allègre Assassin de six milliards d'individus

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Les descriptions physique et morale de l'auteur. L'héritage du Marquis de Sade.



"Une philosophie, c'est d'abord un corps. Toute écriture n'est que la housse d'un corps. Mieux qu'une photo mensongère à force d'objectivité, je propose sans m'énerver de donner ici une image fidèle du cadavre ambulant qui occupe mon discours. Si tous les écrivains faisaient ça, il y en aurait moins.

Je suis un freluquet morbide d'une vingtaine d'années avec l'air burlesque, malingre fleur frêle de cinquante kilos de pétales poilus. [...]"



II. Le Swing des choses

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Sur le jazz. Sur le swing. Sur le Middle Jazz. Sur les jazzmen noirs. Sur Thelonious Monk, en particulier.

Sur le racisme.



"Le swing est un battement de coeur, pas de mesure. Les Noirs sont les détenteurs absolus du swing. Un Blanc qui swingue comme un Noir, ne serait-ce qu'un instant, peut s'estimer heureux pour toute sa vie. On crée dans l'instant où l'on swingue."



"Je suis très raciste".

"Tout est race dans la vie."

"Le Blanc, voilà la sous-race ignoble, celle que je méprise le plus. Celle qui n'a rien pour elle, que du mauvais, tout mauvais. Ridicule et puis c'est tout. Le Blanc ne transporte rien. Si par malheur il n'est pas juif, je ne donne pas cher de sa peau. Tellement nul que les Noirs n'en feront qu'une bouchée."

"Depuis toujours je suis raciste [...]"

"Il n'y a pas de race inférieure ou supérieure, mais des races en retard et d'autres à l'heure, comme les montres."

"Heureusement que je suis blanc. Si j'avais été noir, je n'aurais pas pu cracher aussi facilement, on m'aurait accusé de racisme !"



III. Notre-Dame de la pourriture

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Sur la religion. Sur Léon Bloy.



"J'ai couru à la première librairie, je suis tombé sur le Journal de Léon Bloy et à la renverse, pour le restant de l'éternité."



Et aussi : Céline, Suarès, Powys, Artaud, Barbey d'Aurevilly, Sade, Mallarmé, Borgès, Roussel...



IV. Tout doit disparaître

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Sur tout un bazar : la publicité, l'enseignement, les jeunes, la mode, les homosexuels, le fascisme.

Sur Rebatet et Céline.

Où Nabe raconte ce qu'il voulait écrire dans le chapitre sur les juifs, mais que son éditeur Bernard Barrault lui a demandé de couper.



"Les années quatre-vingt ? Economie, Religion, Snobisme, Anti-sémitisme bon enfant, Faux classicisme, Réactionnariat sublimodernisé, Rétro-Chic, Photo, Vidéo, Propreté, Arrivisme, Sport, Froideur, Ennui, Fadeur, Egoïsme, Collection, Sympathie, Solidarité, Gaspillage..."



"Ce que je veux, c'est L'ANARCHIE OBLIGATOIRE : tout ce qui sort du désordre serait sévèrement puni ! Etonnez-vous après ça qu'on me trouve raciste et fasciste !"



"Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la littérature a ses limites. On tolère tout ce que je veux comme rhétorique odieusement cynique, toute ma machinerie d'ironie acerbe et mon alchimie des premiers degrés, mais sur des sujets dont tout le monde, après tout, se fout : Monk, les Noirs, mon corps, les livres, le Jazz, la vie... Tout sauf les Juifs !"



"Que vont dire mes "amis juifs" ? Comment leur expliquer que ce n'est pas dans ce livre-ci que la permission me sera donnée de révéler leur pouvoir magique ! Ils comptaient sur moi les pauvres pour démontrer que des fours sont sortis les futurs prophètes."



"Pourtant, c'était vachement intéressant mon petit chapitre. Pas ignominieux pour un sou : juste des évidences, des insolences... Quand je disais : "Parler du cancer c'est être cancéreux, articuler le mot "juif" c'est fini, vous êtes antisémite", je ne pensais pas si bien écrire ! Toute ma vie j'ai vécu dans la peur de l'antisémitisme, comme si nous étions juifs ! Ca continue alors ?"



V. Les Onlysonmakers

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C'est mon chapitre préféré.

Sur le statut d'enfant unique, de parent d'enfant unique. Sur son père. Sur sa mère.



"Mais les parents de fils uniques sont plus différents que le fils unique. Le fils unique, ça vient des parents. Il n'y a que deux mondes pour lui : les parents et le reste.

Je suis l'enfant odieux de deux sensibilités très profondes.

Il s'agit d'une mère autoritaire, extrêmement à vif, toujours d'humeur égale (mal lunée), d'une exigence gigantesque, déçue et hyperconsciencieuse, taciturne et fragile comme du papier à cigarettes : une locomotive en verre.

Et d'un père oriental, contemplatif, refermé, inexplicable, insaisissable comme un savon mouillé, d'un optimisme sans espoir, totalement poète : un soleil englouti."



VI. Vivre et Cie

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Sur les âges de la vie. Sur les bébés. Sur les vieux et les vieilles. Sur la mort. Sur le suicide.



"Mais la plupart des bébés sont si beaux qu'on les croirait en plastique. Toutes ces boules roses qui se renversent les unes sur les autres en d'affolants reflets ! Des heures j'admirerais cette peau nourrie d'ondes neuves, ces gros yeux énormes bleus, ces mains boudinées, ces bourrelets partout qui roulent et s'enroulent dans l'ocre clair, ces pieds qui pédalent dans le vide, et ces tragédies enfin, ces hurlements qui n'affolent personne..."



"J'aime surtout les femmes âgées qui sont encore un peu gaies. Ces gamines en ruine, ces débris mutins me touchent beaucoup avec leurs développements extrêmement naïfs, toute leur cargaison de mimiques étonnées, aux gestes toujours un peu faux. Certaines en vieillissant perdent leur sex-appeal, d'autres le trouvent."



"Ne vous inquiétez pas. Mon grand drame est classé. Je veux voir comment tout ça va tourner. Même si je le voulais, je ne pourrais pas me suicider, parce que ma souffrance n'a pas de raison, je n'arrive pas à la prendre au sérieux, c'est d'ailleurs ce qui me fait le plus souffrir."





VII. Béatrice enculée

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C'est le chapitre classé X...

Sur les femmes. Sur l'Amour. Sur Hélène. Sur Dante et Béatrice. Sur Plutarque et Laure.



"Ce qui rend une femme sexy, c'est l'illusion de bonheur qu'elle donne en la regardant."



"[...] d'abord Dante n'a pas baisé Béatrice. Ensuite Béatrice se foutait de Dante : à peine si elle a pu se froisser. Troisièmement : Béatrice est morte. Il y a viol de cadavre. Dante a sublimé Bice sans qu'elle n'en sache rien, contre son gré certainement. Dante n'a pu bien la posséder que dans la mort."



"Moi, j'ai vraiment pris tous les atouts contre moi : c'est plus difficile encore d'allégoriser une vivante, d'avoir en face de soi une déesse en chair et en os qui répond, bagarre, vomit, ruisselle... Je suis vraiment rentré dans l'arène. Je me bats pas avec des cadavres. Mon désir ne passe pas par la mort. Ca ne m'intéresse pas de vaincre la mort : c'est la vie que je veux traverser."



VIII. Affaire classée

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Excipit.

La boucle est bouclée (voir l'incipit).



"Je ne me prends pas pour un Tibétain qui dirige, apaise le monde de sa cambrousse... Oui ! j'ai conscience d'avoir dit quelque chose, mais de là à être reçu ! Et tout est là n'est-ce pas ? Il y a mes outrances, mes naïvetés, ma rhétorique... Mais je crois que le grand problème, c'est le Jazz après tout. Le monde littéraire déteste le Jazz : il ne sait pas ce que c'est. Les écrivains, les éditeurs, toutes ces charognes méprisent le Jazz : ce n'est pas assez blancot pour eux. Et puis la littérature même n'y tient pas trop. Il n'y a jamais eu d'ambiguïté entre eux, ils s'aiment bien comme frère et soeur, mais c'est tout : le Jazz ne la touche pas. Et moi, justement, il n'y a que le Jazz qui me touche."



"J'ai ici l'impression d'avoir dit le plus gros, simplement... Un premier livre, ce n'est rien, des fondations. Juste une petite préface. J'ai poursuivi mon bouquin, je me suis laissé emporter. Ce fut une belle aventure."





page 316, la dernière du Régal: Ma conclusion ?



J'attends les Typographes et le Messie.

FIN



Pour le plaisir, en bis, un dernier extrait qui me plait infiniment :



page 256, "Les gens qui ont des affinités n'expriment pas le besoin de se voir. Ce sont les autres qui meurent de partager quelque chose. Les atomes crochus restent dans le vide, suspendus, passifs, pensifs. Ceux qui ont la même vision n'ont aucune raison de la décortiquer. Ils se sont tout dit. Ils vivent dans des solitudes parallèles...

Le sexe est en fait la seule collision possible. On ne se rentre pas l'un dans l'autre si l'on ne se pénètre pas."
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Les Porcs, tome 1

Blacklisté depuis des années par l'édition mainstream, Nabe sort une nouvelle fois un livre pour ses aficionados. Car Les Porcs est un investissement conséquent de lecture : 1001 pages, écrites en tout petit, pas de saut de chapitres... Ca vous bouffe 30-35 heures de votre attention, le tout sur la médiocrité du petit monde antisémito-complotiste de Paris... Tout mon objectif annuel de Zola y est passé, c'est dire si je suis indulgent avec le père MAN !



Petite présentation de l'auteur

Marc-Edouard Nabe était ce jeune écrivain prodige de la fin des années 80, sulfureux, dans la veine pamphlétaire en partie antisémite. Ecrivain honni, ce qu'il adore, mais désormais dans l'ensemble oublié, ce qu'il déteste. Toujours est-il qu'à l'époque, on l'a présenté comme le nouveau Céline. Pour plusieurs raisons (le style, les points de suspension...), mais en particulier pour la pincée d'antisémitisme qu'il s'amuse à saupoudrer sur tout ce qu'il écrit.



Qui sont les Porcs ?

Or dans les années 2000, l'antisémitisme, c'est Soral, c'est Dieudonné, etc., petit milieu antisémite que Nabe a bien fréquenté à l'époque. Et plus que fréquenté, il en a été, à l'écouter en tout cas, un inspirateur et un accompagnateur jusqu'à s'éloigner de ses compères alors qu'ils entraient dans leur phase conspi'. Les Porcs, c'est donc une charge contre eux, dans les années 2000: Soral, Dieudonné, et quelques autres figures mineures de cette bande pas très reluisante (Moix, Blanrue), ainsi que des victimes collatérales n'ayant rien à voir avec tout ça, mais qui ont eu le tort de fréquenter Nabe à cette époque. Charge d'abord tournée vers la rhétorique complotiste, véritable cancer mental, mais aussi - ce serait pas drôle sinon - contre les personnes, leur caractère, leur physique... bref tous le coups sont permis.



Sur tout ce qui bouge

Car Nabe plus encore que d'habitude, tire sur tout ce qui bouge, même ceux qui ont pu être son ami. D'ailleurs lui-même écrit le mot ami entre guillemets !... Car plus qu'une analyse du parcours intellectuel de la scène antisémite française (ou une partie d'entre elle), Les Porcs est est surtout une extension du journal intime de Nabe. Mois par mois depuis 2001, on a le droit à tous les faits marquants germano-pratins / showbiz de Nabe; “Nabe chez Ardisson”, “Nabe chez Taddei”, “Nabe humilie son webmaster”, “Nabe et le mythomane Soral”, “Nabe explique la vie à Dieudonné” sont en substance les messages les plus récurrents des quelques centaines de courts chapitres qui constituent ce premier volume des Porcs.



Sentiment mitigé

Sentiment mitigé, car le bouquin en dit au moins aussi long sur Nabe, son narcissisme, ses raccourcis de pensée et ses obsessions que ses anciens compagnons copieusement insultés, généralement sans grande finesse (“sous-merde”, etc.). Comme Rousseau dans ses Confessions, chaque événement de sa vie est abordé pour se justifier, se dédouaner, et beaucoup plus rarement (enfin, rarement chez Rousseau, jamais chez Nabe) pour remettre en question son comportement passé. On voit surprend l'auteur guetter, dans la presse, dans les émission de télé, dans la littérature, toutes les références à lui-même pour s'en vanter, ou pour déplorer leur absence.



Nabe se rend-il compte de cela ? Se rend-il compte que s'il ne vend plus, ou qu'on ne lui tend plus les micros, ce n'est pas parce qu'il dérange encore mais parce que plus personne ne s'intéresse vraiment à ce qu'il a à dire ? Que si ses “amis” lui font “des coups de pute”, c'est aussi parce que lui - en tout cas à l'aune de l'échantillon qu'il nous donne pour preuve - ne se gêne pas pour leur cracher ton son fiel dans leur dos ? Nabe ressemble à Harry Potter, mais c'est un Serpentard dans l'âme. Nabe doit bien s'en rendre compte un peu car il avoue dans l'ouvrage ne pas connaître et comprendre le sentiment d'amitié... Aveu comme toujours à prendre avec la précaution nécessaire quand on connaît son goût pour la provocation, mais qui ressemble fort à un accès de lucidité. le ton de L'Homme qui arreta d'écrire (livre écrit en parallèle des Porcs) semble aussi montrer qu'il sent bien qu'il devient has been et qu'il le prend à la lègère, mais c'est un Roman quand Les Porcs est un journal...



La quantité au détriment de la qualité

Mais si connaissant le personnage la dérive narcissique était largement prévisible - voire souhaitée par le lecteur !.. -, le déclin du style est plus décevant... Les seuls très belles pages du livre sont celles sur l'épisode de la révolte des ouvriers de Fourmies... écrites en 2007. de manière générale, que l'on est loin des fulgurances du Régal des Vermines, écrit à seulement 25 ans ! Même si ses vacheries font encore mouche et que le lire reste un exercice jouissif, l'on se demande parfois si Nabe n'aurait pas mieux fait d'arrêter la littérature précocément comme ses modèles Rimbaud et Lautréamont. Si Nabe ne vend plus, c'est aussi parce qu'il préfère désormais écrire des pages et pages sur sa vie mondaine que d'entretenir son style. Il aurait mieux fallu 300 très bonnes pages, que ces 1000 pages finalement peu travaillées. D'ailleurs, on aura la déception paradoxale de voir ce livre finir à la fois trop tard, car trop long, et trop tôt chronologiquement, avant que Soral finisse sa transformation en pur paria fou furieux. Ce sera parti remise pour les 65€ des Porcs 2.



Cela dit, on aura quand même le plaisir rare de le lire écrire du bien d'une autre personne que lui-même (!) ou que ses maîtres en littérature (tous morts bien sûr !), les Céline, Bloy & cie.: Jonathan Littell, et un Juif en plus... Comme quoi il aime encore surprendre, parfois.
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L'homme qui arrêta d'écrire

L'homme qui arrêta d'écrire

Marc-Edouard Nabe

Auto-édité



Le narrateur, un auteur sulfureux rejeté par les siens, en marge du système, arrête d'écrire après avoir publié vingt-sept livres que presque personne n'a lu.

A la sortie du magasin H&M il rencontre Jean-Phi, un bloggeur semi-ignorant, à mille lieues de son monde d'ex-écrivain avec qui il se lie pourtant d'amitié.

C'est avec ce Virgile guidant le narrateur à travers les neuf cercles de l'enfer parisien des années 2000, qu'il arpente les rues, les bars, les expositions d'art contemporain, les premières théâtrales, les restaurants tendance, les conférences de presse ; tout ce vide auquel il est confronté lui laisse un goût de vomi dans la bouche.



Un mot tout d'abord sur le roman, autoédité.

Marc-Edouard Nabe a envoyé paître les maisons d'éditions qui exploitent les auteurs, ne leur versant que 10% de la vente. Le livre, très bel objet dépourvu de tout superflu, sans quatrième de couverture, sans tranche, ressemble à un cercueil, peut-être celui prochain de l'édition classique. Affaire à suivre.

Commençons par oublier tous les lieux-communs stupides (antisémite, pro-islamiste, pro-terroriste, fasciste, communiste, xénophobe, etc.) que l'on colle depuis vingt-cinq ans à l'auteur du génial Régal des vermines pour ne nous occuper que du texte qu'il nous propose.

L'homme qui arrêta d'écrire est un livre exceptionnel comme on voit peu, témoin d'une époque de vacuité sans précédant où la culture institutionnalisée a remplacé l'art et la création. La débilité succède à la pensée et les imposteurs se prennent pour des écrivains qu'il prend le soin de dénoncer...

Tout le monde en prend pour son grade. Nabe dresse comme à son habitude des portraits crus et cruels des traitres, ainsi les appelle-t-il, qui ont vendu leur âme, les "Bernard-Henri Levit" ou les "Philippe Soller" (noms volontairement mal orthographiés, comme pour en faire des caricatures d'eux-mêmes).

Le narrateur déambule dans ce Paris des années 2000 post 11 septembre qu'il a du mal à reconnaître, au gré de rencontres surprenantes, avec ses nouveaux amis, Jean-Phi le bloggeur, Zoé la jeune arabe amoureuse des écrivains, Kahina sa sublime sœur, la pétillante Liza qui finit toutes ses phrases par « je rigole », Pat le styliste noir et gay, fan de Patrick Besson, etc.

Il croise sur son chemin de croix parisien "Alain Delons" parlant à un clochard et s'apprêtant à entrer en scène au théâtre Marigny, Adam X, ancien acteur porno nostalgique de la grande époque du X, son amie Magalie, une pute ivoirienne qui cherche à retourner dans son pays, Thierry Ardisson dans un club échangiste, la liste est longue.

Paris est devenu Babylone, sans sa dimension orgiaque, sans son grain de folie.

On va avec le narrateur à un vernissage d'art contemporain au Palais de Tokyo, au cours duquel Catherine Millet se prend un pot de Jean-Pierre Raynaud, son protégé, sur le visage. Nabe fait un plaidoyer désespéré en faveur de l'art contre la culture.

On assiste à une conférence de presse donnée par Canal+ au théâtre du Rond-Point,dont le seul intérêt reste la paëlla que l'on sert à la fin, et à une assemblée réunissant tout le gratin de la presse nationale qui tente d'endiguer son hémorragie face à Internet sans remettre en question sa médiocrité.

L'humour caustique de Nabe nous accompagne au cours de ces presque 700 pages.

On rit, méchamment, mais sans malice et ça fait du bien. La langue est belle, juste, simple, parée parfois de métaphores filées.

Le travail de « mise en écriture » de la vie du narrateur est bluffant. Nabe écrit comme le fit Proust en son temps pour sauver les meubles de son époque.

Son écriture se penche de façon obsessionnelle sur la mémoire, l'autobiographie, l'autofiction. C'est jouissif ! Remarquable.

On pourra l'accuser de tous les maux, réactionnaire, outrancier, mégalo, etc., mais ses livres ont une profondeur que l'on trouve trop rarement dans la littérature contemporaine. N'est-elle pas là d'ailleurs pour déranger notre esprit petit-bourgeois. Un bon coup de pied dans le cul du lecteur, ça n'a jamais tué personne!

Lisez Nabe! Urgemment, désespérément !



FAA



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Au régal des vermines

Intéressant comme prose. Ce style est très fourni même un peu trop car a trop vouloir dire et faire du style on s’enferre dans des vociférations un tantinet lassantes.

L'art froid avec un ton ardant.

On sent l'oeuvre de jeunesse, de l' écorché vif qui cherche sa voie et qui brûle tout ce qu'il connait pour se faire une place

Tout y est: le style plutôt cru ,ordurier et agressif, l'idée plus que vile et provocatrice,l'amour du jazz, oasis de fraîcheur dans le texte (musique élitiste au possible car appréciée par les intellos: les autres préférant le rock et rap) et la haine des autres musiques, l'antisémitisme de bon ton car le judaïsme est à l'origine des religions monothéistes casse-bonbon, le "féminisme" qui tait son nom, le mythe du "fils perdu"

et j'en passe

Trop d'élitisme anticonformiste tue la sédition et cela tourne au caprice de petit garçon. Il faut bien que jeunesse se passe!

Comme pour beaucoup qui dégueulent sur les juifs tout en adorant l' "art nègre", en haïssant le blanc , soi-même, en encensant l'Arabe, en conchiant sur tout ce qui bouge ça fait quand même beaucoup .

Il en fait trop pour être honnête...intellectuellement c'est dommage il aurait du élaguer un peu mais son style ne laisse pas indifférant.

Si ce discours de jeunesse le classe dans les "rebelles malsains" "l’écrivain maudit par lui-même" (c'est bien dans le style des artistes d'être différents et en proie à d'affreux tourments existentiels) passé l'âge cela en devient quelque peu ridicule .

Mais bon cela nous sort de la guimauve ambiante, de la littérature gentillette et commerciale, la primée par ses pairs celle qui passe à la télé, celle cooptée par les biens pensants.Les torchons essuient aussi bien que les serviettes!

Un peu de provocation ne nuit pas au débat bien au contraire

A lire en faisant quelques pauses avec des œuvres plus légères comme par exemple "La fée carabine" de Daniel Pennac .

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Visage de turc en pleurs

Son père chantait "tu veux ou tu veux pas?".



Visiblement, le retour aux sources familiales voulue par Marc-Edouard Nabe par ce voyage à Istanbul, dans une Turquie en pleine transition démocratique , ne l'a pas emballé. Il lui a pourtant donné l'occasion de refaire le point sur différents sujets tels que ses racines, la famille, la religion, l'histoire, la musique, la politique, l'Orient versus l'Occident, le mélange des cultures, la tradition, l'exil, l'émigration....



L'image de ce Turc en pleurs est celle de l'impossible retour en arrière.

L'écriture de Charles-Edouard est toute particulière et assez animée. Mais derrière le prétexte d'une visite guidée d'Istanbul, dans laquelle tout touriste peut se retrouver, il y a une réelle compréhension et une osmose de l'auteur avec la ville,ses habitants, son histoire; ainsi que la réalité d'une véritable déchirure intérieure toute nostalgique d'un monde auquel il n'appartient plus.

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L'Enculé

Parfois vraiment drôle, ce "Dans la peau de DSK l'obsédé" sombre dans la longueur et dans l'obsession aux relents nettement antisémites.



Publié à l'automne 2011, quasiment "à chaud" par rapport aux événements du Sofitel new-yorkais ayant entraîné la chute de DSK, ce nouveau roman du trublion Marc-Édouard Nabe provoque, comme souvent avec lui, rires et sourires incrédules. Oui, il y a une part de "performance", au sens art contemporain du terme, à se placer ainsi "dans la peau de DSK", en tout cas d' "un DSK", obsédé sexuel total et assumé, dans les semaines qui suivirent son interpellation...



Hélas, les provocations, les traits d'humour souvent bien vus et les blagues antisémites obsessionnelles fréquemment très lourdes, si elles donnent éventuellement de quoi s'amuser un peu pendant quelques dizaines de pages, créent un ennui vaguement nauséeux lorsqu'elles sont péniblement étirées sur 250... Et la ficelle consistant à brocarder les "people" en les utilisant à qui mieux mieux reste grosse.



La conclusion amusante et amusée, qui voit le "héros" battu à la présidentielle par un candidat surprise, si elle n'était pas à nouveau mâtinée de pénibles ratiocinations, créerait toutefois un ultime sourire.



"- Thanks. J'ai eu une idée diabolique. On va s'arranger pour que ce soit chez le procureur lui-même, Cyrus Vance Jr., qu'arrivent les éléments à charge contre la plaignante.

- Ça, c'est vicieux ! dis-je en plissant les yeux.

- De lui-même, il va admettre que par exemple elle a plusieurs portables alors qu'elle est prolo, ou alors qu'elle est mariée à un taulard enfermé pour drogue et à qui elle a téléphoné le lendemain de ton affaire pour lui dire qu'elle savait ce qu'elle faisait avec un gros pigeon blanc à plumer comme toi... S'il le faut, on fera traduire partiellement leur conversation en peul, je dis n'importe quoi, tout est possible... (...) Et comme Vance est un con de puritain grand seigneur protestant de mes couilles, il va se sentir obligé de lâcher le morceau lui-même aux médias ! (...)"

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L'homme qui arrêta d'écrire

L’Observateur de la société, le provocateur, l’adorateur de l’Art, du Cinéma et de la Littérature, trublion pour les bourgeois de la culture ou génie littéraire pour les hommes libres, sort de sa tanière et va porter ses pas au hasard des rencontres. “Je n’ai plus besoin de me coucher tôt pout écrire le lendemain. C’est pour ça que je vis beaucoup la nuit en ce moment. Je peux vivre vraiment puisque je ne suis plus chargé d’écrire ce que je vis.”



Le voyou de la littérature française, rebelle, inclassable, s’autoédite pour ce 28ème livre et offre à ses lecteurs un maître livre.



Dans un magnifique entretien à Chronic’Art, Marc-Edouard Nabe précise :

“C'est une apogée de la radicalité vengeresse, mais il servira aussi pour mes aînés. Il ne faut pas oublier que d'autres avant moi en ont crevé, de ces histoires-là ! Accablés par les éditeurs, les libraires de l'époque, les critiques et les mauvais écrivains. Tout ça a toujours existé : avec Baudelaire, Jarry ou encore Villiers de l'Isle-Adam, l'un des esprits les plus fins de son temps alors qu'il a crevé dans une misère monumentale ! J'ai toujours vu le milieu littéraire construit par des faux-culs, des escrocs, des mecs du réseau minables qui, dès qu'ils voient qu'il y a un verbe qui naît, veulent le détruire. Or moi, je ne suis pas un homme de lettres, comme je l'ai dit. Je viens d'ailleurs.”



Sa rencontre avec Jean-Philippe, Jean Phi alias Virgile, bloggeur clubbeur, talenteux adapté à notre monde où “rien n’est comme tout de suite”, permet une mise en abyme des regards portés sur le monde. Tout y passe depuis la culture et l’Art, les élites autoproclamées, les bourgeois, l’art moderne et sa mesure : le fric, les défilés de mode sur le proscénium, la modernité, internet, la mobilité, les écolos, radicaux de la décroissance, Blandine et Blaise :: “Le Sopalin ! Une arme de destruction massive. La feuille de platane nous sert à tout, de kleenex comme d’essuie-tout !” , Jack Bauer et les série américaines, le théâtre, le cinéma, l’édition et la littérature…



Certes la boîte à baffes est de sortie et ce n’est pas avec ce 28ème Livre que Nabe se fera des amis parmi l’élite germanopratine, mais pour autant personne ne peut l’enfermer, il est insaisissable, inclassable. LIBRE. Amoureux d’Eschyle comme d’Internet.

Tout ceux qui croient au talent, à la liberté, à la création doivent commander directement sur www.marcedouardnabe.com car “Le principe des éditeurs, c’est de n’aimer que ce qu’ils éditent et de faire croire le contraire : qu’ils n’éditent que ce qu’ils aiment…Allons, Ils ne sont pas assez sûrs de leur jugement pour ça.”


Lien : http://quidhodieagisti.kazeo..
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Le Vingt-Septième Livre

Règlement de compte à OK Corral ? Un libelle, un samizdat, un cri à la liberté contre la société marchande et ses thuriféraires. Marc-Edouard Nabe s’insurge contre notre temps, contre cette société marchande qui ne supporte pas qu’on lui montre qu’elle l’est, contre cette culture qui est le nouvel opium du peuple.

Car fondée sur une méconnaissance de ce que c’est qu’une œuvre d’art, la culture est chargée par le pouvoir de paralyser toute création. On est passé de la mort de l’art à l’assassinat de l’artiste.

Prenant à parti Michel Houellebecq représentant des apostats, Marc-Edouard Nabe décrit la société, cette société d’intellectuels qui l’a tué pour qu’il ne nous dérange plus. Son refus de la tiédeur car un écrivain qui accepte de vulgariser ce qui est l’essence de son œuvre est foutu sur le plan littéraire. Il restera toujours du coté des cultivés amateurs spectateurs commentateurs.

Dillettante, 10€, 93 pages, 2008



Prenez deux heures et faîtes vous secouer les neurones par cet ouragan.

Lectori salutem, Patrick


Lien : http://www.quidhodieagisti.fr
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L'homme qui arrêta d'écrire

mercredi 3 février, 9:35 -- J'ouvre la porte au livreur très attendu (partie en long weekend, j'avais raté un premier passage) qui m'apporte LE paquet. Je bagarre avec les couches d'adhésifs pour dégager intacte, l'oeuvre noire : 5,5 cm d'épaisseur, brochage cousu, rien en quatrième de couverture qu'un numéro rose fluo :



2 8

Juste un coup d'oeil rapide : pas d'exergue, pas d'incipit, pas de table des matières, un seul chapitre !

Surtout ne pas lire les dernières lignes. C'est raté, même sans le vouloir, j'ai choppé un prénom : Emma. Qui est Emma ?



Pour aujourd'hui, c'est tout. Je veux déblayer le terrain de mes lectures et chroniques en cours, faire place nette.
Lien : http://tillybayardrichard.ty..
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