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Critiques de Marcel Proust (1050)
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A la recherche du temps perdu, tome 5 : La ..

Ce sera un seul billet pour les cinquième et sixième tomes de La recherche. Ces deux tomes sont très centrés sur la relation entre Albertine et Marcel, le narrateur. Oui, oui, vous avez bien lu, Albertine l’a appelé par son prénom, un mystère est percé.



La lecture a été un peu plus compliquée autour d’une partition sans cesse renouvelée et disséquée d’un « Si tu ne m’aimes pas, je t’aime, si je t’aime, prends garde à toi ».



C’est le temps des déclinaisons de l’amour : amour-exclusivité, amour-jalousie, amour-possessivité, amour-amitié, amour-vanité, amour-indifférence, amour-secrets, amour-soupçons, amour-souffrance, amour-tourments, amour-perte.



Le narrateur, rongé par la jalousie, persuadé qu’Albertine est gomorrhéenne et lui ment, la fait surveiller, espionner, la dissuade de sortir, bref la maintient prisonnière de ses affres et des quatre murs de son appartement parisien où il vit seul à ce moment avec sa bonne, Françoise.

Mais toujours, elle lui restera insaisissable, ce qui maintiendra le narrateur dans sa jalousie fébrile. Et, quand à son bon vouloir elle se soumet, il s’en détache. Que ce jeu est cruel !



Alors, Albertine finit par disparaître, sortir de la vie du narrateur, s’enfuit un jour au petit matin, à l’heure où il se croit en désamour d’elle. Son départ va déclencher un retour de manivelle, il l’aime à nouveau, veut l’avoir en permanence à ses côtés. L’obsession d’elle, ses soupçons s’emparent totalement et à nouveau de lui.



Le cycle d’Albertine est beaucoup plus psychologique que les tomes précédents, c’est évidemment très fin, même trop pour moi. Heureusement, il y a des sublimes passages descriptifs, entre autres lorsque Proust décrit des moments sensuels et sensoriels dans les portraits qu’il fait d’Albertine, exposée aux différents regards, sens, du narrateur. Que dire des bruits et des lumières dont Proust possède le talent incomparable et grandiose de les rendre palpables. Enfin, lors d’un séjour à Venise, il rend cette ville encore plus somptueuse qu’elle l’est déjà sans l’hommage de l’auteur.



Vous l’aurez compris, ce ne sont pas les deux tomes dont je garderai le meilleur souvenir à première vue. J’insiste sur à première vue, car à nouveau, je me sens l’âme d’une future relectrice. Il n’y a rien à faire, je reste envoûtée par la prose proustienne. J’ai toujours l’impression d’une lecture préparatoire à une nouvelle lecture de La recherche.



C’est d’ailleurs pour cette raison que je m’abstiens de noter ces deux tomes.



J’ai maintenant hâte de terminer, d’avoir lu Le temps retrouvé, et de pouvoir tourner autour de ce chef d’œuvre avec des essais d’auteurs experts de Proust et de La recherche.
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A la recherche du temps perdu, tome 6 : Alb..

Albertine disparue! Enfin…, Albertine a osé, elle s’est échappée, elle ne supportait plus son harcèlement, elle a fui son geôlier, elle est partit respirer, se ressourcer et on peut imaginer qu’elle réfléchit à son futur. On apprendra plus tard qu’elle dispose d’autres prétendants ; avec moins d’esprit et d’intelligence sans doute, mais tellement plus de liberté et tellement moins de jalousie maladive…, Ce qui pourrait bien être plus agréable que son compagnon, jaloux, mais coureur, prétentieux, il a une haute idée de lui-même, méprise les femmes dont il se sent tellement supérieur, croyant que par son milieu, sa situation, il lui est tellement supérieur … Cependant alors que le narrateur d’abord surpris, et angoissé par sa proie qui lui échappe, au lieu de se déplacer pour éclaircir la situation, par orgueil, va se se contenter d’envoyer un émissaire pour savoir, toujours savoir, espionner, ce que fait Albertine, il envoie son meilleur ami, qui sera reconnu et reviendra bredouille, puis un valet chargé lui aussi d’espionner.. Rien y fait, alors envoi de courrier, puis de télégramme, et lorsqu’enfin l’un et l’autre seraient prêt à se retrouver, voici que Albertine se tue en faisant du cheval. Dès lors, le narrateur, appelons le Marcel, va d’abord souffrir non de l’absence d'Albertine, en tout cas pas seulement, mais de son impossibilité à maitriser la situation, comme le sont les manipulateurs…les pervers narcissiques, les égoïstes, les égocentriques, les égotistes, les nombriliques.

Bien vite, la souffrance va s’effacer et avec elle le souvenir, le voici de nouveau consolé au bras d’Andrée, une amie d’Albertine dont il n’est pas amoureux, mais dont il espère tirer des renseignements, il apprendra le saphisme d’Albertine, il ne pourra s’empêcher d’interroger les uns et les autres pour savoir ce qui lui a échappé.. Le narrateur voudrait bien décider de tout..

Tout cela pourrait être insignifiant s’il n’y avait le génie narratif de Marcel, son sens de l’ellipse, ses interrogations permanentes nées de ses insatisfactions. Qui suis-je pour donner mon avis sur Marcel Proust, l’un de nos meilleurs écrivain

dont le sens de la narration nous ensorcelle et nous laisse toujours pantois!
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Le célèbre passage d'ouverture, dans lequel le narrateur décrit son expérience périodique de sortie du sommeil sans savoir clairement où il se trouve ni son âge actuel, exigeant un moment de lutte pour se situer et récupérer son identité, fait allusion au sens dans lequel ce qui suit s'intéressera à la découverte de soi, à la recherche de son identité, à l'éveil, à de nombreux niveaux différents.



Ses thèmes, tels que la nature du temps et le pouvoir de la mémoire, ont des implications à la fois fictionnelles et philosophiques et sont liés aux idées d'Henri Bergson, qui a tenté d'établir la notion de durée, ou temps vécu, par opposition à une conception spatialisée du temps, mesurée par une horloge, employée par la science. Il a ensuite analysé la conscience qu'a l'homme de son moi intérieur pour montrer que les faits psychologiques sont qualitativement différents de tout autre.



Une excellente illustration de cette conception du temps est la célèbre scène de la madeleine, dans laquelle un Marcel plus âgé est soudain ramené à Combray par le simple souvenir du goût d'un gâteau trempé dans du thé.



Dans cette première, comme dans l'œuvre plus vaste, Proust met l'accent sur la capacité de reconstruire le passé par la mémoire, avertissant cependant que s'échapper vers le passé n'apaisera jamais complètement les souffrances du présent.



Dans cette première partie du voyage du narrateur vers l’âge adulte, le mouvement majeur est celui du cercle fermé et intime de la famille au bord d’un monde plus vaste, qui regorge d’étrangers et de nouveaux types de relations.

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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

C'est un coup de 💝



Une chose est sûre, en lisant la recherche du temps perdu, je ne le perds pas, mon temps.



Ce deuxième volume a été un régal, et les petits rendez-vous quotidiens avec Monsieur Proust sont devenus des routines s'apparentant à des méditations, un pur délice.



J'ai partagé pas mal de citations, alors je terminerai en ajoutant celle-ci, toute douce et poétique, comme mon ressenti envers cet ouvrage :



"Entre ces jeunes filles, tiges de roses dont le principal charme était de se détacher sur la mer, régnait la même indivision qu'au temps où je ne les connaissais pas et où l'apparition de n'importe laquelle me causait tant d'émotion en m'annonçant que la petite bande n'était pas loin."



C'est parti pour le troisième volume...
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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

Bien que ceux qui me connaissent sachent que je ne perds pas une occasion de parler de Proust et de la Recherche, il m'est en réalité très difficile d'écrire un retour sur l'un des volumes composant cette oeuvre époustouflante. D'abord, parce que son découpage artificiel en sept tomes me contraint à limiter ma réflexion à l'un d'eux en particulier alors que je ne cesse au cours de mes lectures successives de jeter des ponts de l'un à l'autre, m'attachant à embrasser l'oeuvre dans sa totalité. Ensuite, parce que la relation que j'entretiens avec la Recherche est ancienne, intime, profonde, relevant davantage du sentiment amoureux avec tout ce que cela suppose de passion et d'aveuglement que d'une rigoureuse approche universitaire et qu'au fond, cet amour ne regarde que moi.

Et puis, que vais-je pouvoir dire dans le cadre particulièrement restreint d'une critique sur Babelio? Vous résumer l'argument d'À l'ombre des jeunes filles en fleurs? Mais même cela, outre que c'est d'un intérêt limité, dépasse le cadre de ce tome-ci. Par exemple, si je vous dis que dans la première partie qui a pour cadre Paris (la seconde se déroulant à Balbec), le jeune narrateur se rend, frétillant d'espoir et d'excitation, à une représentation de l'immense actrice La Berma dans Phèdre dont il ressort incroyablement déçu, incapable de ressentir le plaisir tant attendu — « j'avais beau tendre vers la Berma mes yeux, mes oreilles, mon esprit, pour ne pas laisser échapper une miette des raisons qu'elle me donnerait de l'admirer, je ne parvenais pas à en recueillir une seule » — j'éprouve aussitôt l'irrésistible envie de vous dévoiler ce qui nous sera révélé dans le tome suivant, le côté de Guermantes :

« (…) le talent de la Berma qui m'avait fui quand je cherchais si avidement à en saisir l'essence, maintenant, après ces années d'oubli, dans cette heure d'indifférence, s'imposait avec la force de l'évidence à mon admiration. »



Rien que sur ce minuscule épisode, il y aurait beaucoup à dire. Je pourrais vous dire que l'insondable déception du narrateur assistant pour la première fois à la représentation tant désirée illustre le hiatus maintes fois énoncé dans la Recherche entre « la porte d'or » de l'imagination et « la porte basse et honteuse » de l'expérience. En tirant ce fil, je pourrais également vous parler de l'incapacité de notre esprit, minutieusement analysée par Proust, à penser à la fois l'état antérieur, celui où l'on rêvait de la Berma et l'état actuel, celui où, assistant enfin à la représentation tant attendue, on ne ressent rien. Même si ce trait psychologique n'est pas explicitement souligné par Proust dans l'épisode de la Berma, il y court en filigrane. Il fait partie, avec d'autres, des quelques obsessions de l'auteur que l'on retrouve, sous des formes diverses et changeantes, tout au long de l'oeuvre. Plus précisément, il appartient aux « lois générales des caractères » que l'écrivain, s'appuyant sur un rigoureux travail d'introspection, tente de mettre au jour. À l'occasion de sa récente et formidable chronique du Métier de vivre, Eduardo (@creisifiction), m'apprenait que Cesare Pavese le mentionne dans son journal :

« Proust est obsédé par l'idée que tout espoir, en se réalisant, soit remplacé exactement par le nouvel état et efface en conséquence l'état précédent. »

Cet effacement de l'état d'esprit antérieur par l'état d'esprit actuel trouve une illustration parfaite lors de l'introduction tant espérée et enfin advenue du narrateur chez Odette Swann dans la première partie d'À l'ombre des jeunes filles en fleurs :

« J'avais pu croire pendant des années qu'aller chez Mme Swann était une vague chimère que je n'atteindrais jamais ; après avoir passé un quart d'heure chez elle, c'est le temps où je ne la connaissais pas qui était devenu chimérique et vague comme un possible que la réalisation d'un autre possible a anéanti. »



Je pourrais également vous parler, en continuant à m'appuyer sur l'épisode de la Berma, du constat, là encore maintes fois analysé dans la Recherche et d'une justesse confondante, selon lequel il est impossible d'accéder à un plaisir en s'y efforçant. le plaisir se donne, il ne se prend pas. Une autre façon de le dire : ce n'est pas par un acte de volonté qu'on ressent du plaisir ou du chagrin, mais dans l'oubli et l'abandon. C'est lorsque le narrateur est devenu indifférent à la Berma, c'est lorsqu'il n'est plus obnubilé par la nécessité de ressentir un plaisir indicible lors de la représentation, c'est lorsqu'il cesse d'énoncer mentalement les raisons qu'il aurait d'éprouver ce plaisir qu'enfin l'incroyable talent de l'actrice s'impose à lui dans toute sa plénitude.



Mais ce dont je voudrais vous parler en réalité nécessite de prendre encore un peu d'altitude. En m'appuyant sur les deux expériences antagonistes du narrateur lors de la représentation de la Berma dans Phèdre, l'une, décevante, restituée dans À l'ombre des jeunes filles en fleurs, l'autre, épanouissante, reproduite dans le côté de Guermantes, je souhaiterais développer un thème essentiel à mes yeux que Proust résume joliment dans la seconde partie du volume :

« Mme de Sévigné est une grande artiste de la même famille qu'un peintre que j'allais rencontrer à Balbec et qui eut une influence si profonde sur ma vision des choses, Elstir. Je me rendis compte à Balbec que c'est de la même façon que lui qu'elle nous présente les choses, dans l'ordre de nos perceptions, au lieu de les expliquer d'abord par leur cause. »



Ce que nous dit Proust à travers son narrateur, c'est que la révolution picturale induite par l'impressionnisme a eu une influence profonde sur sa vision des choses. Les peintres impressionnistes et leurs précurseurs, en s'attachant à restituer le réel dans l'ordre des perceptions, nous montrent d'abord l'illusion qui nous frappe, d'abord l'effet, non la cause. Proust précise quelques pages plus loin qu'Elstir ne cherche pas à exposer les choses « telles qu'il savait qu'elles étaient, mais selon les illusions optiques dont notre vision première est faite. »

Ainsi que le suggère Vincent Descombes dans Proust, philosophie du roman, l'écrivain songe sans doute ici au mot de William Turner, qu'il cite dans son texte sur Ruskin. À un officier de marine qui lui reprochait d'avoir dessiné un vaisseau sans ses sabords, le peintre rétorqua que ces sabords n'étant pas visibles depuis le mont Edgecumbe, il n'avait pas à les représenter : « Mon affaire est de dessiner ce que je vois, pas ce que je sais. »

Cette découverte, fondamentale pour le narrateur, ne l'est pas moins pour Marcel Proust qui, tout au long de la Recherche, s'attache à décrire l'expérience des choses, l'impression qu'elles produisent, plutôt que les choses elles-mêmes, autrement dit, à peindre ce qu'il voit ou ce qu'il ressent, pas ce qu'il sait, ou encore à « peindre les erreurs dans une recherche de la vérité » selon la formule de Vincent Descombes.

Peindre les erreurs au sens de Mme de Sévigné ou d'Elstir fixant un mirage, c'est peindre un enchantement : ainsi lorsque le narrateur, rêvant d'entrer dans le Saint des Saints, la « demeure enchantée » des Swann, se les représente comme des « êtres surnaturels » n'appartenant pas à la communauté des mortels, ou lorsqu'à Balbec deux ans plus tard, découvrant pour la première fois la petite bande des jeunes filles progressant le long de la digue « comme une lumineuse comète », il les pare des grâces et des beautés créées par son imagination. Mais lorsque le narrateur fait connaissance avec le baron de Charlus et, trop naïf et trop jeune pour saisir, sous le discours emphatique et ironique du baron, les sous-entendus sexuels, ce n'est plus un enchantement qu'il nous peint, c'est le fait de se tromper sur quelqu'un.



Peindre les erreurs, peindre l'aveuglante clarté afin de mettre en lumière la vérité tapie dans les ténèbres… N'est-ce pas là l'explication ultime de la construction de la Recherche, ainsi que l'une des raisons pour lesquelles cette oeuvre unique a donné lieu dès sa parution et encore aujourd'hui à une somme de malentendus et de contresens assez considérable? Proust en avait conscience, ainsi qu'en témoigne une lettre à Jacques Rivière en date de février 1914 :

« Je suis donc forcé de peindre les erreurs, sans croire devoir dire que je les tiens pour des erreurs; tant pis pour moi si le lecteur croit que je les tiens pour la vérité. le second volume accentuera ce malentendu. J'espère que le dernier le dissipera. »



Pour quelqu'un qui avait tant à coeur de se faire comprendre et aimer que Marcel Proust, ce dut être une perspective fort désagréable, voire franchement angoissante. Mais l'écrivain savait que c'était le prix à payer pour bâtir une oeuvre plus grande que lui.

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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

Dans une vidéo youtube Guy Schoeller raconte que Gaston Gallimard lui avait appris à lire Proust de la manière suivante : « Vingt pages par jour du lundi au samedi ». Tout comme le premier tome, cette vitesse de lecture est très agréable pour se baigner dans le fleuve proustien sans s'y noyer. Cela crée un rendez-vous quotidien avec juste ce qu'il faut pour savourer ou patienter lors des rares passages m'ayant paru longs. de plus cela permet d'avoir une autre lecture en parallèle.



Ce deuxième tome me fut plus facile à lire que le premier. Il m'a réconcilié avec Odette de Crécy qui m'avait hérissé le poil en cocotte mais m'est devenue très sympathique en épouse de monsieur Swann. Les émois et stratagèmes du narrateur sont un délice à lire parce qu'il décrit si bien les pensées adolescentes qu'elles trouvent écho en notre propre histoire : à de nombreuses reprises des souvenirs d'antan ressurgissaient dans ma mémoire.



De nombreuses descriptions sont extraordinaires (les peintures d'Elstir) et plusieurs maximes sont de véritables bonbons à déguster.



Je sens que c'est la seconde lecture de cette oeuvre sera un divin nectar, que c'est une oeuvre qui nécessite deux passages pour être pleinement savourée.



Challenge Multi-défis 2024

Challenge Pavés 2024
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À la recherche du temps perdu, tome 3 : Le ..

Je poursuis mon aventure proustienne avec "À la recherche du temps perdu, tome 3 : le côté de Guermantes". Je suis toujours sous le charme de la prose poétique de Marcel Proust même si ce troisième volume est moins surprenant puisque je me suis déjà installée dans son univers.



Le narrateur est en grand amoureux, cette fois-ci il tourne les yeux vers Oriane de Guermantes dont la finesse d'esprit est à la hauteur de ses réparties. Grâce à elle, les souvenirs d'amour lui reviennent.

Françoise vieillissante lui parle de cette grande famille des Guermantes dont il connaît l'histoire féodale du château qui a donné son nom au village.

Robert de Saint-Loup est l'ami qu'il fréquente, il est militaire et neveu de Madame de Guermantes. Ce n'est pas par hasard si l'armée est évoquée puisqu'un des sujets centraux du roman est l'actualité de l'affaire Dreyfus, la révision de son procès mais aussi l'antisémitisme ambiant et les divergences de vues.

Si le contexte politique est particulièrement intéressant, la richesse culturelle de l'époque est omniprésente grâce au théâtre, à la peinture, à la musique et surtout à la littérature avec de nombreuses références comme Balzac, Stendhal, Hugo, Zola ou Musset.

S'il insiste sur la différence entre la vieille aristocratie et celle de l'Empire, le narrateur fréquente les salons et soirées où les conversations sont souvent tournées vers la généalogie. On y croise la "race ancienne de l'aristocratie" comme le Baron de Charlus, beau-frère d'Oriane de Guermantes, neveu de Madame de Villeparisis, oncle de Saint-Loup, ainsi que la princesse de Parme et celle de Sagan (et là on a une petite pensée pour Françoise Sagan dont le nom de plume a été inspiré par Proust).



J'ai beaucoup aimé les anecdotes qui donnent des pointes d'humour au récit à l'ambiance mondaine, comme le coiffeur qui permet à Robert d'avoir sa permission, le régime lacté lorsqu'on est malade ou les infidélités des uns et des autres. Mais le plus beau passage est celui mort de la grand-mère, il est si bien écrit qu'il est particulièrement émouvant.

Il va sans dire que j'ai hâte de poursuivre cette œuvre passionnante.





Challenge Pavés 2024

Challenge Multi-défis 2024

Challenge XXème siècle 2024

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A la recherche du temps perdu, tome 5 : La ..

Le narrateur, piètre amant très tourmenté, atteint (entre autres) d'une jalousie maladive a emmené sa maitresse (mais l'est-elle vraiment au sens biblique du terme?) Albertine dans l'appartement de ses parents absents, de cette façon, elle y est cloitrée et lui appartient corps et âme. Sa possession est exclusive, il entend posséder (sic) Albertine pour lui seul et n'entend pas la partager avec ses amies « gomorrhéennes »,, s'imaginant à tort ou à raison qu'elle est, on dirait aujourd'hui lesbienne, de même qu'il imagine qu'il ne peut supporter que la jolie Albertine puisse se faire courtiser dans les salons qu'il fréquente, ainsi il sort seul. Ce qui ne l'empêche pas de s'interroger sur le bien fondé de cette relation en mufle qu'il est , en effet sa « fiancée » l'empêche de profiter d'autres femmes et de jouir d'autres rencontres. On peut supposer qu'Albertine, d'un milieu modeste accepte cette claustration non par amour, mais par intérêt ; étant mal née, elle ferait un excellent mariage mais elle finit par décider qu'il vaut mieux une liberté sans frein qu'un mariage de raison auprès d'un mari jaloux.

Le narrateur jaloux psychotique, qui pensait quitter Albertine, devenue sa possession, perdait tout intérêt à ses yeux, mais sa fuite lui fait comprendre le vide de sa vie sans elle et continuant d'exercer un chantage avec les moyens tortueux d'un jaloux malade, fait tout ce qu'il peut inventer pour la faire revenir, mais les échanges épistolaires n'y pourront rien changer. Albertine se tuera en faisant du cheval et ne pourra jamais revenir. le narrateur sera inconsolable et sera encore torturé par ses regrets, ses remords, mais ces douleurs me semblent être restées du domaine de l'intellectualité, tant la passion amoureuse physique est absente de ses réflexions. Un amoureux serait allé rechercher son amoureuse lui-même, par orgueil, et par infantilisé, le narrateur en est bien incapable.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Je ne sais plus quelle personne a dit, sur Babelio, qu'elle avait lu ce livre par petites touches de 20 pages par jour, mais j'aurais aimé la remercier.



Ça faisait des mois que j'hésitais à me jeter à l'eau pour lire ce monument, mais je le repoussais sans arrêt. Là, ce conseil judicieux m'a plu de suite et le jour même je m'y suis lancée.... mais 20 pages d'un coup c'était encore trop pour moi, alors je l'ai coupé en 2, soit 10 pages le matin et autant le soir. Et c'est parfait !



J'ai trouvé ce premier volume paradoxal : le lire est fatigant (c'est pourquoi il ne faut pas forcer pour en apprécier l'histoire), et en même temps (une fois qu'on a trouvé un rythme de lecture qui nous correspond) c'est passionnant.



Les personnages sont attachants, les décors sont magnifiques, les réflexions philosophiques sont excellentes, et il y a même de l'humour (ce qui m'a surprise).



Ça m'a tellement plu que, sitôt refermé ce premier volume, j'ai commencé le deuxième, et je me régale 💝!

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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Il m'aura fallu du temps et du courage pour débuter La Recherche... ! J'ai longtemps pris peur devant ce monument de la littérature.

J'ai beaucoup apprécié ce premier tome qui explore les souvenirs du narrateur enfant, d'abord au sein de sa famille, de son rapport avec sa mère puis ses premiers émois. J'ai aussi énormément apprécié la partie centrale sur Swann : son amour pour Odette, sa jalousie, ses doutes.

Le livre explore les sentiments et les sensations humaines avec une vraie précision. Je retire un point sur la longueur de certains passages, associée à la la longueur des phrases. C'était parfois étouffant voire étourdissant.

Une belle expérience cependant !
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A la recherche du temps perdu, tome 5 : La ..

Une année avec Proust #5



Bonjour Babelio !!!

Que ça fait longtemps que je n'avais plus rien posté. Trois longs mois de surcharge professionnelle qui m'ont empêché de vivre et de lire. Et vu que Babelio est assez chronophage, il st tombé dans la foulée.

L'important c'est que ça commence à se calmer et que je peux enfin vous retrouver.

Et je vous retrouve avec ce brave Marcel... Enfin brave, sur ce tome, on pourrait plus le qualifier de "gros connard" qu'autre chose. Pauvre Albertine !

Dans ce 5ème opus, Albertine vit chez le narrateur qui n'est pas Marcel, mais que c'est quand même Marcel... Nous l'appellerons donc Marcel. Le problème c'est que Marcel considère Albertine pas assez bien pour lui, et il la cache. Elle est prisonnière et ne peut vraisemblablement pas sortir tandis que lui sort dans le monde, sans elle. C'est son objet, caché à la vue de tous. Elle doit même s'enfermer dans la chambre quand il reçoit.

Marcel est jaloux maladif, il lui prête des aventures avec des femmes. Il rêve de la quitter, mais le ne fait pas, et crève de mal quand elle ne l'embrasse pas.

Albertine, tu te sors de là ma grande et fissa !!!



Proust dans toute sa splendeur avec phrases à rallonge et lenteurs assommantes. J'ai mis plus de deux mois à le lire.
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A la recherche du temps perdu, tome 7 : Le ..

Ce dernier volume s'ouvre sur le séjour du narrateur à Tansonville avec Gilberte. Bien vite après il va séjourner dans une maison de santé puis revenir dans le Paris de la guerre 14/18 où les soirées luxueuses ont toujours lieu. Mme Verdurin est devenue la reine de ces soirées où elle s'est trouvé une nouvelle victime en la personne de Brichot. Exaspérée du succès que ses articles rencontrent, elle fait tout pour le ridiculiser pour ne pas qu'il quitte son cercle. Elle continue aussi à faire courir la rumeur que Charlus est un espion allemand.

Robert de Saint-Loup, redevenu l'ami que le narrateur a connu, s'est engagé. Charlus continue ses frasques, il fait cette fois dans le sado-maso et se fait flageller dans un hôtel tenu par son ami Jupien.



Puis le sablier du temps a fait son oeuvre. Le narrateur rentre à Paris après un énième long séjour en maison de santé. Il décide de se rendre à une matinée de la princesse de Guermantes. Sur les dalles de la cour puis en patientant dans la bibliothèque il a des réminiscences involontaires. Et là, c'est un peu le " Sésame, ouvre-toi ! " qui lui fait prendre conscience qu'il a perdu assez de temps dans l'oisiveté, à fréquenter le monde, à être malade. Tout ce qu'il désirait faire avant - écrire - alors qu'il s'en sentait incapable et pas assez bon, devient pour lui une évidence. A ce moment précis, plongé dans ses pensées, il forme déjà dans sa tête son projet littéraire.



L'épisode suivant du bal des têtes est particulièrement savoureux et étonnant et nous laisse aussi abasourdi que le narrateur qui enfin pénétre dans le salon pour découvrir que les invités sont déguisés. Le premier regard est bien trompeur. Au deuxième puis au troisième, toutes les personnes qu'il a côtoyé se sont transformées. Avec barbes et cheveux blancs, les hommes sont méconnaissables, certains décrits comme des morts-vivants au bord du tombeau. Les femmes ne valent guère mieux.

Charlus n'est plus que l'ombre de lui-même après une attaque. Il se fait désormais materner par un Jupien toujours à ses côtés, s'occupant de lui comme le grand enfant diminué qu'il est devenu.



Comment ne pas s'être rendu compte des années écoulées si vite ?

Le relateur met un certain temps à comprendre que les dégâts constatés sur les corps proviennent des ravages du temps.

Le fait qu'ils soient tous devenus tout à coup officiellement vieux entraîne t-il qu'il en est de même pour lui aussi ? Il en a confirmation par un jeune homme qui l'interpelle : " Vous qui êtes un vieux Parisien ". Le choc est brutal pour lui qui se considérait encore comme " le grand jeune homme " de sa mère.

Seule Odette Swann ( de Forcheville ) a plus ou moins échappé à l'oeuvre destructrice du temps. Le narrateur parle d'elle en ces mots : qu'elle avait l'air d'une cocotte d'autrefois à jamais " naturalisée " ou d'une rose stérilisée. La cocotte malgré son âge avancé a pris pour amant le duc de Guermantes qui est aussi jaloux que pouvait l'être Swann. Toujours verte elle court vers d'autres amants dès qu'il a le dos tourné. On apprend d'ailleurs assez tardivement qu'Odette aurait aimé Swann passionnément et fut sincèrement touchée par sa disparition.



Toujours au cours de cette matinée le narrateur retrouve avec stupéfaction une Mme Verdurin devenue princesse de Guermantes, une Rachel qui a rencontré un succès inattendu malgré son absence de talent, Gilberte que les années ont transformé en grosse dame, veuve de Saint-Loup mort au combat lors de la Grande Guerre, Bloch devenu quelqu'un d'important.

Le nom des Guermantes ne signifie plus rien pour la nouvelle génération. Le glas vient de sonner sur la fin d'une époque qu'il a connue.

Le temps a donc passé, avec le temps la jeunesse s'est enfuie, emportant avec elle les bonheurs d'antan, les êtres chers et l'amour. L'amour qui s'exalte, s'enflamme, vit et meurt. Tout meurt avec le temps, tout s'efface mais la mémoire est là, prête à faire re-surgir les souvenirs du passé.



Si le temps perdu ne peut se rattraper, il est toujours temps d'écrire l'oeuvre de sa vie pour fixer la fuite du temps.

Dès son projet littéraire décidé le narrateur se voit déjà y travailler avec l'aide de sa fidèle Françoise. Mais des questions existentielles se posent, si jamais il mourait subitement, dans un accident ou suite à une attaque ?

Avant cette peur n'était pas aussi présente mais depuis la mort l'obsède, cette mort seule capable d'anéantir son projet.



A la recherche du temps perdu, tome 7 : Le Temps retrouvé est le 7ème et ultime volume de l'oeuvre de Marcel Proust, immense comme la plaine de Méséglise, vaste comme le temps, complexe en même temps qu'audacieuse. Elle représente une ascension vers des sommets jamais atteints. La redescente est abrupte et mène à la mélancolie.

Je laisse derrière moi avec une certaine nostalgie les personnages qui ont traversé le temps de la Recherche. Au fil du récit j'ai appris à en aimer certains puis à les desaimer, à les re-aimer ou par les détester mais aucun d'entre eux ne m'a laissée indifférente.



Longtemps, je me suis couchée de bonne heure pour avancer dans ce cycle romanesque à la recherche du temps perdu, dans ce Balbec qui sert de cadre aux émois du coeur.



Une traversée littéraire inoubliable qui provoquera immanquablement chez le lecteur une remontée des souvenirs, un bouleversement intérieur, et comme je ne veux pas y voir le mot fin, quand j'entends la clochette du jardin sonner et le pas des parents du narrateur qui raccompagnent M. Swann à la barrière, cette petite clochette dont le bruit résonne dans ma tête m'invite à suivre Swann dans la nuit étoilée de Combray.

Rien n'a de fin, tout peut être un éternel recommencement, une invitation à la relecture, à revivre les belles après-midi printanières du côté de Méséglise dans l'odeur entêtante des lilas et des aubépines fleuris après la pluie.







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A la recherche du temps perdu, tome 7 : Le ..

J'ai terminé la recherche hier je crois ou avant-hier, je ne sais plus. Cependant, il y a une chose dont je suis certaine, cela me fait plaisir et en même temps me perturbe.



Comment terminer une lecture de cinq mois comme cela, sans coup férir ?



Certains disent qu'ils ont gravi l'Everest comme s'il s'agissait d'une souffrance, pour moi il s'agit d'une lecture compliquée mais également magnifique.



Ce dernier tome dévoile en fait tout le projet d'écriture, au-delà des péripéties des personnages, très intéressantes.



J'ai retenu que le temps n'est pas linéaire, que le passé, le présent et le futur se confondent. Que le travail de l'artiste, voire de l'écrivain va au-delà de la réalité concrète. Seules les sensations, les 5 sens en marche comme ce jour de la matinée des Guermantes permet à l'artiste d'advenir.



Le narrateur pensait, encore plus lorsqu'il a lu un pastiche écrit par lui-même semble-t-il des Goncourt, qu'il n'avait aucun talent pour écrire. Cependant, lors de cette matinée chez les Guermantes, il a des réminiscences utilisant les cinq sens, qui lui feront observer que le temps n'est pas linéaire. Il n'y a pas le passé, le présent et le futur, tout se confond. L'art, comme la littérature, recherche les sensations plus que la logique. La réalité est extérieure au monde réaliste.



Quelques signes très peu importants en apparence font revenir une mémoire qui se relie avec le présent et le futur, le livre à venir.



Le narrateur, si au début du tome pense n'avoir aucun talent d'écrivain, découvre que finalement, il va créer une oeuvre cathédrale voire une robe.



Au-delà de l'histoire des personnages, notamment au bal des têtes voire dans la rue lors de la rencontre avec Charlus, c'est le temps qui s'écoule et dans le même temps qui renvoie au passé du Cotê de Guermantes et de Méséglise.



Encore une fois, les invertis sont omniprésents comme Charlus ou de Saint-Loup avant sa mort voire, après, lors d'une réflexion sur le besoin de ce dernier d'être viril et d'aimer la vérilité comme homosexuel. La guerre le lui permet.



Tout le monde ment, y compris Gilberte, Berma qui croit être encore quelque qu'un...



Le narrateur voit Charlus apprécier en direct des pratiques homosexuelles sadomasochistes. Il détient un lupanar que Jupien, son ami amant, dirige à sa demande. Il aime être malmené par un harem de jeunes hommes.



La matinée chez le Prince et la Princesse de Guermantes lui démontre qu'il a trouvé sa vocation, écrire ! Le temps n'est pas actuel mais bouge, le rève a une fonction essentielle à la création et la maladie, l'âge avançant, il est temps de se concentrer sur l'écriture d'un roman Cathédrale voire robe avant de mourir. Les salons mondains c'est fini, tout le temps, sujet principal de la Recherche, est dédiée à la création d'une oeuvre littéraire, deuxième sujet de cette somme littéraire exceptionnelle.



Maintenant que le 7ème tome a donné sa vérité, sans doute faudra-t-il relire La Recherche avec ce nouvel angle dans quelques années.



La recherche est un chef d'oeuvre absolu qui demande de l'exigence mais quelle récompense au bout du chemin ?
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A la recherche du temps perdu - Bouquins : ..

L'ouvrage "À la recherche du temps perdu" de Marcel Proust est une œuvre littéraire emblématique qui a marqué la littérature du XXe siècle. C'est une fresque romanesque d'une ampleur inégalée, composée de sept tomes, qui explore des thèmes tels que la mémoire, l'amour, la société et la quête de sens.



Proust excelle dans sa capacité à décrire avec minutie les détails de la vie quotidienne, offrant ainsi une immersion totale dans un monde où règne la nostalgie et l'exploration des souvenirs. Son style d'écriture est d'une richesse incroyable, avec des phrases longues et complexes où chaque mot est soigneusement choisi. Il transforme ainsi des moments apparemment banals en moments d'une profondeur et d'une beauté poétique saisissante.



L'un des aspects les plus fascinants de cette œuvre est sans doute son exploration psychologique profonde des personnages. Proust dépeint avec minutie leurs pensées les plus intimes, leurs doutes, leurs désirs et leurs interactions sociales. Il offre ainsi une plongée dans l'âme humaine, avec toutes ses nuances, ses contradictions et ses mystères.



Cependant, il est indéniable que "À la recherche du temps perdu" peut être un ouvrage complexe et exigeant pour certains lecteurs. La longueur du roman peut en intimider certains et sa prose détaillée peut sembler parfois lente ou laborieuse. De plus, l'abondance de personnages et d'événements peut rendre difficile la tâche de suivre l'intrigue de manière linéaire.



Malgré ces possibles difficultés, "À la recherche du temps perdu" est une œuvre d'une grande importance qui mérite d'être lue et étudiée. Son exploration de la mémoire et du temps, sa poésie et son analyse psychologique font de cette œuvre un véritable chef-d'œuvre de la littérature française. Proust offre aux lecteurs une expérience intellectuelle et émotionnelle unique, les invitant à réfléchir sur leur propre existence et à apprécier la beauté des détails de la vie quotidienne.



En conclusion, l'ouvrage "À la recherche du temps perdu" de Marcel Proust est un monument de la littérature qui mérite d'être découvert. Bien qu'il puisse être exigeant, la richesse de sa prose, l'exploration de la psychologie des personnages et son exploration profonde de la mémoire font de cette œuvre un incontournable pour tout amateur de littérature.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Proust n'est pas une découverte pour moi ou presque. Je ne l'avais jamais lu. Pourquoi ?



Parce que j'en avais peur. Peur du texte, influencée par les critiques faites à son sujet, à son chef-d'oeuvre, à sa personne.



Marcel Proust faisait partie de moi ou plus précisément de ma vie, de mon univers tel un fantôme. Nous avions un point commun : Balbec. Comme lui, j'y passais mes vacances, mes week-end depuis ma tendre enfance. Marcel Proust était partout. Son aura circulait dans le Grand hôtel, sur la place, dans les jardins, dans le musée de la Belle époque, la villa du temps retrouvé. Il était présent dans chacune des librairies et dans n'importe quel format : BD, poche, broché, beaux livres, essais, collection La Pléiade, hors-série journalistiques (Figaro, Lire), roman graphique, partout.



Et, puis, 2022, l'année du centenaire de sa mort, pléthore d'ouvrages sont sortis dont « Clara lit Proust » de Stéphane Carlier et « Proust, un roman familial » de Laure Murat, rencontrée, justement à Balbec à l'automne dernier. J'ai dévoré ces deux ouvrages, j'ai acheté la nouvelle réédition « d'A la recherche du temps perdu » chez Folio, fière d'avoir le plus grand écrivain du 20e siècle dans ma bibliothèque comme Victor HUGO pour le 19e.



Et, puis à l'aune de l'année 2024 et contre toute attente, TIKTOK lance une lecture commune d'A la recherche, à commencer par le premier volet : « du côté de chez Swann ». Ce fut un choc. Ce fut une découverte. J'avais, enfin, percé le mystère de la madeleine de Proust, devenue une célèbre expression lancée à tout va.



J'avais rencontré un auteur que j'allais aimer et à la fois, un peu détester. Davantage lui reprocher ses longues phrases, ses relatives à l'infini, sa ponctuation interminable comme ses comparaisons, ses mots inventés, c'est-à-dire, ses sempiternelles digressions rendant la lecture peu aisée.



Lire Proust est une aventure. Une aventure personnelle, une aventure avec l'écrivain. Il faut s'accrocher, s'encourager. Il faut lire, puis relire, parfois plusieurs fois. Ce que je fis. Relire pour comprendre : le rythme, son intention, son inspiration, pour prononcer ses mots, s'évader, quitter le monde pour rejoindre la pensée de l'auteur, son univers. Parfois, c'est un peu compliqué : phrases à la forme négative, pronoms relatifs, conjonctions de coordination, passé simple et subjonctif imparfait, présent et imparfait. Mais au-delà de la technicité syntaxique, le champs des possibles s'ouvre comme une porte vers une autre galaxie, celle de la poésie. La poésie proustienne et son romantisme.



Proust est un poète et un romantique au sens littérale du terme. Ces descriptions sont magnifiques de réalisme, bucoliques, sensorielles. Les sens sont en éveils. Avec Proust, je vois. Je regarde. J'admire. Avec Proust, je sens, je goûte et ressens. Je sens mon coeur battre plus fort dans ma poitrine. Avec Proust, j'écoute, aussi : la musique (piano, violon), les bruits de la nature et celui des gens (voix, rires, critiques, moqueries).



Quelle délectation, le passage de la madeleine, la promenade sur les bords de la Vivonne, les nénuphars, le vent dans les arbres… Promenade du côté de Guermantes à Combray.



Quelle délectation, la description de l'église de Combray, des clochers de Martinville, la cuisine de Françoise, le jardin de son enfance. L'émoi ressenti à l'évocation de sa vocation d'écrivain.



Les premiers émois amoureux avec Gilberte Swann : la joie et la souffrance mêlées causée par l'indifférence de la jeune fille. Nous avons tous ressentis les montagnes russes du sentiment de l'amour. La recherche, c'est cela ! La conception de l'amour est liée à la souffrance, l'obsession et la jalousie.

Sentiments exacerbés dans « Un amour de Swann » la seconde partie « du côté de chez Swann » dans lequel Charles Swann passe par toute ces émotions vis-à-vis d'Odette de Crécy. Des passages assez pompeux, je dois le reconnaître. Des passages dans lesquels j'avais un peu de mal à rester concentrer.



Autant, j'ai adoré les parties relatives à l'enfance de Marcel (Combray I et II puis nom de pays : le nom), autant la relation amoureuse de Charles Swann était un peu difficile. Proust y décrit les affres du sentiment dans lequel Charles perd pied, soumis à ses ressentis. le désir, la possession, le harcèlement, le doute, le manque de confiance, l'espionnage, le mensonge… sont poussés à l'extrême, précipités par la lettre anonyme que Charles Swann reçoit, décrivant une Odette dépravée. L'amour chez Proust n'est qu'illusion.



Proust est un spectateur passif parce qu'il est observateur, depuis son enfance. Il observe. Il observe les gens, leurs comportements. Il écoute, il entend. Il regarde comme un tableau, le théâtre de la vie qui se joue autour de lui. Sa position lui permet un regard critique sur la société de son époque.



Proust, c'est aussi, sa relation avec le temps. La recherche de temps précieux et perdus car passés. Il cherche à revivre certains évènements, il sonde sa mémoire à travers des accidents, des imprévus, des actions, des ressentis. Ces étapes sont fondamentales chez Proust car c'est ce qui le conduit à écrire et à devenir écrivain.



On est dans un mouvement littéraire du culte de soi. le roman psychologique, influence de Freud et de Bergson puisque Proust l'avait étudié à la faculté.



Quoiqu'il en soit, je m'accorde une pause avant de le retrouver dans le second volet intitulé "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" prix Goncourt en 1919.






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A la recherche du temps perdu, tome 6 : Alb..

« Mademoiselle Albertine est partie », « Mademoiselle Albertine a demandé ses malles, Mademoiselle Albertine est partie »... Ces mots résonnent comme un glas dans le coeur du narrateur. Albertine l'a quitté et il commence à réaliser que sans elle rien ne sera plus comme avant. Surtout ses habitudes seront chamboulées. Mais il ne doute pas que malgré la lettre d'adieu de la jeune fille, et sa décision irrévocable, que le soir même elle sera de retour dans sa chambre. Il croit dur comme fer ce retour imminent.

Mais il est loin de se douter à ce moment précis qu'il ne la reverra ni ce soir ni jamais.

Il envoie Saint-loup en émissaire chez Mme Bontemps. Il rate sa mission et le narrateur est furieux.

Albertine ne reviendra pas, elle lui fait bien savoir qu'il n'avait qu'à lui demander lui-même plutôt que de passer par des intermédiaires.

Comme d'habitude le jeune homme est ambigu. Il voudrait qu'Albertine revienne et puis il se ravise, et change encore d'avis, allant même jusqu'à lui écrire qu'Andrée va venir prendre sa place.



Deux télégrammes se croisent. Dans l'un Albertine lui demande expressément si elle peut revenir auprès de lui. Un autre de Mme Bontemps l'informe de la mort accidentelle d'Albertine.

Le narrateur est choqué par cette annonce brutale. Il s'enferme dans sa chambre, ne voulant plus voir la lumière du jour. Il replonge dans ses souvenirs heureux ou tristes et dans sa jalousie toujours présente. Ses soupçons reprennent toute leur importance et ont pour effet de raviver sa souffrance.

Albertine a t-elle menti et trahi ? Il envoie Aimé faire une enquête qui lui confirme le libertinage d'Albertine qui, effectivement, " avait ces goûts " pour les femmes. Andrée aussi finira par avouer qu'elle était sa maîtresse.



Il faudra du temps et le fameux voyage vénitien avec sa mère pour presque effacer totalement de sa mémoire le souvenir d'Albertine. Et finalement dans ses souvenirs elle est grosse et moche.

Comment peut-on dire avoir aimé une personne pour ensuite ne plus lui trouver aucun charme ? Pour s'éviter la souffrance ?



Je n'ai pas plus apprécié le narrateur dans ce volume-ci que dans le précédent. Plus on le connaît plus ses défauts se précisent. Il est capricieux comme le gamin gâté qu'il est resté, narcissique, manipulateur et rigide. En plus de ça n'aime que les toute jeunes filles qu'il peut mieux contrôler.

Je reste par ailleurs très soupçonneuse par rapport à la scène où il ramène et paye une petite fille chez lui pour la bercer sur ses genoux.

Bref cette scène m'a conforté dans l'opinion que j'avais déjà de lui.



Une autre peine attend le narrateur. Le mariage de Robert de Saint-Loup avec Gilberte Swann ( désormais Gilberte de Forcheville, celui-ci ayant adopté Gilberte à la suite de son mariage avec Odette). Robert n'a pas daigné informer son ami de ce mariage - conclu pour l'argent de Gilberte dont il peut disposer à sa guise.

Le narrateur, de surcroît bien naïf, apprend des mauvaises langues que Robert a le même vice que son père et l'oncle Charlus. Il aime les hommes. Morel est son amant. Le même Morel qui fut l'amant de Charlus, d'un tas d'autres, d'Albertine aussi. Ce même Morel qui attirait auprès de lui des jeunettes dont disposait ensuite Albertine. Décidément ce Morel fait parler de lui et il a un grand succès !



Robert de Saint-Loup se désintéresse du narrateur après son mariage avec Gilberte. Il ne peut plus être ami avec lui. Est-ce à cause de sa nouvelle situation ou un peu ausssi à cause de la dernière conversation qu'ils ont eu dès son retour de Touraine, Robert ayant failli à sa mission et le narrateur ne lui cachant pas son mécontentement.



« Je suis ennuyé parce que je vois que tu n’es pas content.

– Si, je suis touché, reconnaissant de ta gentillesse, mais il me semble que tu aurais pu…

– J’ai fait de mon mieux. Un autre n’eût pu faire davantage ni même autant. Essaie d’un autre.

– Mais non, justement, si j’avais su, je ne t’aurais pas envoyé, mais ta démarche avortée m’empêche d’en faire une autre. »

Je lui faisais des reproches : il avait cherché à me rendre service et n’avait pas réussi.

( Citation du livre )



A la recherche du temps perdu, tome 6 : Albertine disparue ne fait pas partie de mes préférés. Je ne l'ai pas apprécié à sa juste valeur car il m'a plongée, je ne sais pourquoi dans une profonde mélancolie, peut-être à cause de la mort d''Albertine qui clôt un chapitre de l'histoire. C'est toujours triste de perdre des personnages auxquels on s'était attaché tels Albertine ou le charismatique Swann et de les voir tomber dans l'oubli.

Albertine était un personnage intéressant parce que son charme venait de son côté mystérieux. C'était une femme libre dont l'attitude était dictée par ses désirs et qui n'aurait jamais pu appartenir entièrement à un seul homme ou une seule femme.

J'en suis venue à regretter l'enchantement des premiers volumes, la douceur des nuits estivales de Balbec, la poésie dans les descriptions de Combray. J'ai eu l'impression que toute la beauté des débuts avait disparu, les épines roses défleuries à jamais remplacées par la tristesse, le chagrin, les pensées complexes et contradictoires du narrateur, la mort qui rôde, les personnages coupables de trahisons, la plupart d'entre eux n'étant pas ce qu'ils semblent être en apparence. Ils évoluent donc dans un monde de doute perpétuel.

En tout cas Marcel Proust réussit de façon magistrale à provoquer ainsi des réactions négatives ou positives de ses lecteurs.



Les dernières pages voient le narrateur en séjour avec Gilberte à Tansonville. Le charme est rompu, il est déçu de ne pas éprouver plus de plaisir dans ces chemins empruntés plus d'une fois dans son enfance. N'étant pas profondément enfoui dans sa mémoire, le souvenir ne pouvait donc ressurgir et lui provoquer le même plaisir comme celui éprouvé après la madeleine trempée dans le thé. Sans compter que les souvenirs peuvent changer, disparaître ou se raviver.



" Et la troisième fois fut quand Gilberte me dit : « Si vous voulez, nous pourrons tout de même sortir un après-midi et nous pourrons aller à Guermantes, en prenant par Méséglise, c’est la plus jolie façon », – phrase qui, en bouleversant toutes les idées de mon enfance, m’apprit que les deux côtés n’étaient pas aussi inconciliables que j’avais cru. Mais ce qui me frappa le plus, ce fut combien peu, pendant ce séjour, je revécus mes années d’autrefois, désirai peu revoir Combray, trouvai mince et laide la Vivonne."

( Citation du livre )



Gilberte lui confie alors pourquoi elle avait eu, pour attirer son attention, un geste grossier qu'il avait mal interprété dans son enfance. Chose qui lui donnera matière à fantasmer à propos du donjon et des souterrains de Roussainville, de toutes ces choses qu'il a raté par incompréhension.



Avant-dernier volume terminé avec un peu de mal à réaliser que dans ce qui pourrait ressembler à l'ascension d'un sommet, j'en suis arrivée à l'étape de la redescente sans avoir rencontré de difficultés ni d'épuisement... mais que d'émotions !



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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Année 2024 - je me mets à lire et terminer A la recherche du temps perdu. 7 tomes et 13 livres. Un par mois et le pari est tenu... mais nous sommes en février et seulement un livre, snif.

Le narrateur revient sur son enfance à Combray.

Les descriptions de sa famille- sa tante Léonie par exemple et ses souffre douleurs Eulalie et Françoise- ses coups de cœur, avec l'apparition de Gilberte.

Ce que j'ai vraiment aimé ce sont les descriptions de petits moments, le "plaisir délicieux" de la tasse de thé avec une madeliene, les pommiers qui "suspendaient les timides bouquets de leurs rougissants boutons", "l'inviolable solitude de la rêverie".

Un livre qui met en place la suite, Swann et Gilberte...
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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

J'ai eu plus de mal à lire ce second tome que le premier. Je ne saurais dire pour quelle raison. J’ai beaucoup aimé la première partie, celle dans laquelle l’héroïne est Madame Swann, un peu moins les semaines (mois ?) passées à Balbec.

Mais, est c’est pour moi l’enchantement que provoque Proust, on peut à tout moment tomber sur une phrase, un paragraphe (souvent confondus, d’ailleurs ), extraordinaire, une description d’un sentiment, d’une vue, d’un personnage, ou de tout autre chose, une description que l’on aurait aimé trouver soi-même tant elle est parfaite.

Pour moi, la magie de Proust est là.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Petite chronique sur un classique littéraire ! J’avoue l’avoir lu en audio ^^. Alors ce n’est pas du tout le style de romans que j’aime lire. C’est un livre très intéressant à étudier parce que c’est admirablement bien écrit, les phrases sont si belles et il y a certains passages qui donnent matière aux réflexions (ça tombe bien c’est pour cette raison que je l’ai lu) mais par contre c’est ennuyant, il ne se passe rien. Proust a un talent pour écrire un livre de 600 pages sur du rien (je grossis un peu mais pas tant que ça). C’est très long à lire parce qu’il n’y a quasiment pas de rebondissements, il se passe toujours la même chose et des digressions de 10 kilomètres... Je dirais que les passages que j’ai un peu plus aimé sont sûrement le début et la seconde partie mais ça n’empêche pas le fait que c’était long. Il y a des petits moments ou des réflexions qui m’ont fait rire mais heureusement que je l’ai lu en audio parce que je ne pense pas que j’aurais réussi à avancer sinon... L’intrigue principale autour de Swann aurait vraiment pu être bien si elle avait été un peu plus rythmée ! C’est vraiment intéressant à étudier mais en lecture plaisir c’est plus compliqué et je le conseillerais seulement à ceux qui préfèrent la belle écriture à l’histoire ou bien à ceux qui cherchent à faire travailler leur intellect. ^^
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A la recherche du temps perdu, tome 4 : Sod..

Je poursuis mon voyage en terre proustienne, continuant de me frayer un chemin dans la Recherche. Longtemps j'ai tourné autour de ce texte comme le bourdon attendu par l'orchidée. Ou bien c'était peut-être l'inverse, c'était ce texte qui se métamorphisait brusquement avec coquetterie en bourdon providentiel et venait me polliniser.

Je ne vais pas tourner autour du pot, ceux qui connaissent Proust savent à quel passage j'emprunte cette délicieuse métaphore pour en faire mon miel. Je la dois à cet acte fondateur qui ouvre le bal de ce quatrième opus d'À la Recherche du temps perdu, la fameuse scène de séduction entre le baron de Charlus et le giletier Jupin dans sa boutique, sous l'oeil attentif et médusé du narrateur. Ce passage est un bijou littéraire à lui seul. Devenant voyeur dans l'oeil du narrateur je n'ai pas perdu une miette, prenant une leçon d'initiation à la vie... Comme lui, j'avais le sentiment qu'il se passait ici quelque chose de beau et de grand, je me suis demandé alors si l'auteur à travers le yeux du narrateur qui décidément lui ressemblait de plus en plus, ne cherchait pas à jouer avec le lecteur que j'étais.

Dire qu'ici Marcel Proust enfin se lâche serait un doux euphémisme, quoique les aficionados du grand maître vous diront qu'il le faisait déjà depuis longtemps mais à mots peut-être couverts, depuis le début de cette oeuvre.

Sodome et Gomorrhe, ce sont deux versants de l'homosexualité, deux versants inversés, invertis, l'un Sodome porté par un certain M. de Charlus depuis la cour de l'hôtel Guermantes et l'autre Gomorrhe par Albertine, fleurissant sur une plage de Balbec avec ses tendres amies. Entre ces deux pans qui tiennent la symétrie du roman, il y a simplement le théâtre du monde et le mouvement qui déplace les lignes, enroule les horloges, défait le temps. C'est la chronique satirique et mondaine, c'est le snobisme, c'est l'Affaire Dreyfus en filigrane, c'est le temps des mères profanées, c'est l'amour bien sûr, peut-être aussi son désespoir, forcément la jalousie et tout ceci tient dans un style éblouissant, emberlificoté et inimitable. Jamais texte n'aura mieux mérité le qualificatif de kaléidoscope.

Il y a ici une esthétique du désir, sociale et philosophique. Est-ce l'audace de ce récit qui lui donne tant de rythme et de mouvement ? J'en aurai eu presque le tournis jusqu'à la fin, tant j'ai voyagé ici, en train, en voiture, à travers les lieux, les personnages et les intermittences du coeur : chez la Princesse de Guermantes, chez les Verdurin, à Balbec ... Parfois un aéroplane traverse le ciel, disparaissant aussitôt de l'autre côté du paysage, j'ai alors cru entrevoir le soir se perdant dans les yeux mouillés de l'écrivain... Convoquant la mémoire des sensations dans cette quête des souvenirs, Sodome et Gomorrhe est un voyage spatial, temporel et esthétique...

Je ne résumerai pas ce quatrième tome à ce seul personnage à la richesse inépuisable, mais parmi la galerie de portraits savoureux qui s'y déploient, le baron de Charlus tient ici le haut du pavé. D'ailleurs n'est-il pas ce personnage qui évolue entre masculinité et féminité ?

Grotesque au premier abord, narcissique, souvent méchant, il m'avait profondément agacé à cause justement de cette méchanceté ridicule et excessive lors du précédent tome, le côté de Guermantes. Ici il m'a tout simplement ému. Ne sachant jamais où se poser, il est émouvant, mouvant dans un clair-obscur instable qui permet de saisir sa complexité mais aussi son humanité. En lui se combat des forces tectoniques incroyables, des pulsions antagonistes, des tensions extrêmes qui le déchirent. Guignol sublime, être monstrueux, mais portant toutes les facettes de la profondeur humaine, il est un théâtre à lui tout seul, il est un personnage shakespearien, il est une diva.

De manière paradoxale, je l'ai préféré au personnage d'Albertine parce qu'il est en proie à une terrible solitude, parce qu'il est un être mal-aimé, parce que peut-être n'est-il pas fait pour le grand amour, alors tout ceci en fait forcément à mes yeux un être qui souffre cruellement dans cette tragédie de ne pas être aimé.

Il y a ici chez le baron de Charlus de la cruauté, de la souffrance, il y a le malentendu éternel des mal aimés. Alors forcément, vous comprenez...

Mais revenant à l'idée que Proust avait peut-être cherché à écrire un plaidoyer pour l'homosexualité, je me suis alors demandé quelles étaient les intentions de l'auteur dans la construction d'un tel personnage, qui aux yeux de certains pourrait être perçu comme une caricature ? C'était comme si Proust cherchait à régler des comptes avec lui-même, avec l'image de son homosexualité qu'il acceptait peut-être mal ou plutôt parce qu'il souffrait de la perception du regard des autres ? Évoquant le rejet des « invertis », - c'est le mot usité par Proust, celui de l'époque, évoquant l'Affaire Dreyfus, l'homosexualité, tout comme la judéité, ne sont des problèmes pour le narrateur qu'à cause des sarcasmes et des propos discriminatoires qu'elles suscitent.

Alors brusquement aux yeux du narrateur qui s'éclairent dans ce parcours initiatique, tout devient Sodome.

S'agissant de Gomorrhe, quelques jeunes filles en fleurs et amies autour du corps aimé d'Albertine deviennent alors une tout autre évidence...

Entre les deux versants, c'est le souvenir cruel de la mort de lla grand-mère du narrateur, déjà évoquée dans le précédent volume, mais qui refait surface ici, surgissant dans une chambre d'hôtel à Balbec, Est-ce à l'âge adulte qu'on est prêt à renoncer à jamais à ses dernières illusions ou du moins accepter de ne plus faire semblant d'être encore un enfant ? C'est le douloureux sentiment qui nous étreint, la conscience aiguë de savoir que l'on a perdu à jamais ceux que l'on aimait, qu'ils ne reviendront plus et que la mémoire résonnera désormais comme un chagrin. Jamais à mes yeux la prose de Proust n'aura été aussi poignante.

J'effleure les dernières pages du livre. C'est comme une porte qui se referme peut-être à jamais sur les battements d'un coeur disloqué. Qui donc alors m'offrira le sésame qui la rouvrira ?

Sodome et Gomorrhe est peut-être tout simplement un beau et grand roman sur l'amour.

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