Citations de Marie Darrieussecq (585)
Un homme qui a bu, je le dis pour jes jeunes filles à qui on permettrait de lire ce témoignage, un homme qui a bu oublie sa gentillesse naturelle.
Ils se promènent dans le monde. Mais le monde est posé sur une énorme machinerie suppliciante qui utilise le corps des femmes comme des rouages pour autoriser l'humanité à se promener, à boire des cafés, à naître et à mourir dans le bruit des pistons.
Sa mère hurle que c'est à elle de se lever la nuit, de changer les couches . Le bébé ressemble à l'interro du lundi mais pour toute sa vie. Sa mère dit c'est toi la mère ! Mais accoucher et être mère sont deux choses différentes.
Elle sait, désormais. Le monde n'est pas un village entouré de petites villes avec les montagnes au Sud, la forêt au Nord et la mer à l'Ouest. Le monde n'est pas une école et des parents et des amis et un avenir flou et des rêves et des angoisses. Le monde n'est pas. Le monde c'est la douleur. Et personne ne le dit. L'humanité n'y survivrait pas.
La Solange du futur essaiera de raconter l'histoire. De relier les deux bords du trou. Elle trouvera une formule : je ne savais pas comment vivre la minute qui venait. Mais au présent. Ça au présent. Un présent sans bords, qui vous broie.
Peut-être que depuis leur enfance, Solange a introduit dans la vie de Rose un principe de désordre. Et d'ailleurs, songe-t-elle, c'est peut-être ce qui me rend moins conne.
Les hôpitaux psychiatriques sont des creux dans l'envers du monde.
Ce qui restera au bout du bout, c'est les cafards. Leur carapace est un abri antiatomique. Ils peuvent survivre sans eau et sans manger. La planète sera peuplée de cafards qui ramperont dans un désert. Et tu sais quoi? Ça ne changera pas grand chose.
Londres est une tueuse. Un verre vaut le prix d'un resto.Les distances sont inhumaines et le métro est une toile d'araignée sous acide. D'une station à l'autre il y a des vides de plusieurs miles et des temps d'attente insensés. La banlieue est partout à l'intérieur de la ville, déjà trouée par d'immenses parcs qui rendent la vie impossible. Tout prend un temps insupportable sous un ciel plombé parmi des piétons incompréhensibles et des bus assassins : à chaque carrefour on manque de se faire tuer par la gauche.
(p. 285)
Les gens d'ici ont les idées claires, je l'ai dit. Ils savent ce qui est juste, ce qui est bon ; ils le savaient pour moi avant même que je ne songe à mon propre destin, ils avaient déjà ces idées claires quand, enfant encore, j'allais à l'école apprendre à écrire la langue de cet état moderne.
Ils avaient aussi les idées claires sur ma famille. Mes parents, mes grands-parents sont nés ici, et comme beaucoup de villageois, mes arrière-grands-parents ont passés la frontière pour immigrer ici à l'époque des évènements.
Ainsi, nous sommes vraiment d'ici, comme les autres. Mais nous n'avons jamais cru en Dieu. Cela fait une grande différence.
Les cachalots portent des traces de com-bat, des cercles de ventouses, qui laissent supposer des tentacules géants. Dans tous les estomacs de cachalot on trouve d'énormes becs de calmars, ce qui veut dire qu'en plus de leur grande taille, statistiquement les calmars sont très nombreux. Chaque calmar pesant au minimum sa demi-tonne, la masse manquante, elle est là : cachée au fond des fosses. La plus grande masse organique de la planète.
J'avoue que je n'ai pas du tout accroché.
Je ne dis pas que ce roman ne soit pas bien. Je dis juste que je n'ai pas suivi, pas ressenti d'émotions.
Rien du tout.
Seulement une sorte d'interrogation : pourquoi un tel livre ?
Contrairement à celui de Camille Laurens, "Philippe", beaucoup plus touchant, où j'ai ressenti, là, un tas d'émotions...
Avec Brice c'est pas une rupture, quand on s'aime beaucoup on ne rompt jamais vraiment, si ? C'est quand on s'aime passionnément que c'est la catastrophe.
Il y a des profs de génie qui traversent, une année ou deux, la vie de futurs adultes touchés par les ailes d'une fée.
Quant au père de Rose, il a disparu des radars. C'est-à-dire qu'il n'est pas mort, mais il semble captif de cette zone où se perdent les pères, ce triangle des Bermudes de leur milieu de vie, entre leur boulot, leur meilleur pote, et une ou des femmes quelque part.
Et elle se demande quand ça commence, l'avenir.
Habiter un lieu effaçable. Non-lieux, non-campements, situés dans le pays mais hors du pays, hors de la géographie politique. Peuplés de non-sujets retenus et rejetés à la fois: un non-peuple. Des non-personnes. Et quand on est une non-personne, on non-dort, on n'a qu'un non-sommeil.
Je pense que je pense que je pense que je pense. Ici, ici, ici, une vis s'enfonce dans mon front...maintenant, -nant, -nant, une scie me débite en morceaux du présent... (...) Pas de brèche où se fuir soi-même: je suis je, et je voudrais tant être une autre, celle qui dort... Délestez-moi de ma conscience, l'atroce conscience de l'insomnie...
ce jeune Antillais marchant dans l’aube, la nuit lui faisait une traîne caressant les pavés.
Sa mère dit c’est toi la mère ! Mais accoucher et être mère sont deux choses différentes.