Citations de Maurice Blanchot (547)
L’art est peut-être un chemin vers soi-même.
"Qui veut se souvenir doit se confier à l'oubli, à ce risque qu'est l'oubli absolu et à ce beau hasard que devient alors le souvenir."
Je l’ai aimée et n’ai aimé qu’elle, et tout ce qui est arrivé, je l’ai voulu, et n’ayant eu de regard que pour elle, où qu’elle ait été et où que j’aie pu être, dans l’absence, dans le malheur, dans la fatalité des choses mortes, dans la nécessité des choses vivantes, dans la fatigue du travail, dans ces visages nés de ma curiosité, dans mes fausses paroles, dans mes serments menteurs, dans le silence et dans la nuit, je lui ai donné toute ma force et elle m’a donné toute la sienne, de sorte que cette force trop grande, incapable d’être ruinée par rien, nous voue peut-être à un malheur sans mesure, mais, si cela est, ce malheur je le prends sur moi et je m’en réjouis sans mesure et, à elle, je dis éternellement : « Viens », et éternellement, elle est là.
Bientôt, la nuit lui parut plus sombre, plus terrible que n'importe quelle nuit, comme si elle était réellement sortie d'une blessure de la pensée qui ne se pensait plus, de la pensée prise ironiquement comme objet par autre chose que la pensée. C'était la nuit même.
"Tu ne trouveras pas les limites de l'oubli, si loin que tu puisses oublier."
Réponse de Maurice Blanchot à une enquête japonaise sur le roman policier :
- Est-ce que vous vous intéressez au roman policier ?
- Non.
- Pour quelle raison ?
- Il y a déjà trop de police dans notre société.
Thomas s'assit et regarda la mer. Pendant quelque temps il resta immobile, comme s'il était venu là pour suivre les mouvements des autres nageurs et, bien que la brume l'empêchât de voir très loin, il demeura , avec obstination, les yeux fixés sur ces corps qui flottaient difficilement. Puis, une vague plus forte l'ayant touché, il descendit à son tour sur la pente de sable et glissa au milieu des remous qui le submergèrent aussitôt.
(Incipit)
Ne nous confions pas à l'échec, ce serait avoir la nostalgie de la réussite.
Écrire, c'est entrer dans la solitude où menace la fascination. C'est se livrer au risque de l'absence de temps, où règne le recommencement éternel. C'est passer du Je au Il, de sorte que ce qui m'arrive n'arrive à personne, est anonyme par le fait que cela me concerne, se répète dans un éparpillement éternel.
Dans la parole meurt ce qui donne vie à la parole ; la parole est la vie de cette mort, elle est la vie qui porte la mort et se maintient en elle.
Ce qu'il y avait dans ce silence ? Probablement une question.
Tout ce qu'Anne aimait encore, le silence et la solitude, s'appelait la nuit. Tout ce qu'Anne détestait, le silence et la solitude, s'appelait aussi la nuit. Nuit absolue où il n'y avait plus de termes contradictoires, où ceux qui souffraient étaient heureux, où le blanc trouvait avec le noir une substance commune.
Dans le travail du deuil, ce n'est pas la douleur qui travaille : elle veille.
Le poème est l’exil, et le poète qui lui appartient appartient à l’insatisfaction de l’exil, est toujours hors de lui-même, hors de son lieu natal, appartient à l’étranger, à ce qui est le dehors sans intimité et sans limite.
Le silence exige un long cheminement d'écriture et de parole, et « se taire, c’est encore parler. Le silence est impossible, c’est pourquoi nous le désirons.
Nous devons renoncer à connaître ceux à qui nous lie quelque chose d’essentiel ; je veux dire, nous devons les accueillir dans le rapport avec l’inconnu où ils nous accueillent, nous aussi, dans notre éloignement. L’amitié, ce rapport sans dépendance, sans épisode et où entre cependant toute la simplicité de la vie, passe par la reconnaissance de l’étrangeté commune qui ne nous permet pas de parler de nos amis, mais seulement de leur parler, non d’en faire un thème de conversations (ou d’articles), mais le mouvement de l’entente où, nous parlant, ils réservent, même dans la plus grande familiarité, la distance infinie, cette séparation fondamentale à partir de laquelle ce qui sépare devient rapport.
Quand nous lisons ces pages, nous apprenons ce que nous ne parvenons pas à savoir : que le fait de penser ne peut être que bouleversant : que ce qui est à penser est dans la pensée ce qui se détourne d'elle et s'épuise inépuisablement en elle ; que souffrir et penser sont liés d'une manière secrète, car si la souffrance, quand elle devient extrême, est telle qu'elle détruit le pouvoir de souffrir, détruisant toujours en avant d'elle-même, dans le temps, le temps où elle pourrait être ressaisie et achevée comme souffrance, il en est peut-être de même de la pensée. Étranges rapports. Est-ce que l'extrême pensée et l'extrême souffrance ouvriraient le même horizon ? Est-ce que souffrir serait, finalement, penser ?
Je pense donc je ne suis pas.
L'angoisse de lire : c'est que tout texte, si important et si intéressant qu'il soit (et plus il donne l'impression de l'être), est vide - il n'existe pas dans le fond ; il faut franchir un abîme, et si l'on ne saute pas, on ne comprend pas.
Il reste que si Le Château détient en lui comme son centre (et l'absence de tout centre) ce que nous appelons le neutre, le fait de le nommer ne peut rester tout à fait sans conséquences. Pourquoi ce nom ?
"Pourquoi ce nom ? Et est-ce bien un nom ?
- Ce serait une figure ?
- Alors une figure qui ne figure que ce nom.
- Et pourquoi un seul parlant, une seule parole ne peuvent-ils jamais réussir, malgré l'apparence, à le nommer ? Il faut être au moins deux pour le dire.
- Je le sais. Il faut que nous soyons deux.
- Mais pourquoi deux ? Pourquoi deux paroles pour dire une même chose ?
- C'est que celui qui l'a dit, c'est toujours l'autre."