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Citations de Michel Tremblay (478)


Béatrice se souvenait très bien de lui. « Le vieux soldat, là? » Mercedes tira sur sa cigarette en fronçant les sourcils à cause de la fumée. « C'est rien que ça qu'on a eu, hier, des soldats, Betty ! » « J'sais qui pareil. C'est celui qui avait les cheveux teindus. C'est ça? » « C'est ça. »
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Mercedes avait rencontré Béatrice dans le tramway 52 qui partait du petit terminus au coin de Mont-Royal et Fullum pour descendre jusqu'à Atwater et SainteCatherine, en passant par la rue Saint-Laurent. C'était la plus longue ride en ville et les ménagères du Plateau Mont-Royal en profitaient largement. Elles partaient en groupe, le vendredi ou le samedi, bruyantes, rieuses, défonçant des sacs de bonbons à une cenne ou mâchant d'énormes chiques de gomme rose. Tant que le tramway longeait la rue Mont-Royal, elles étaient chez elles, elles faisaient tous les temps, se donnant parfois des claques dans le dos quand elles s'étouffaient, interpellaient d'autres femmes qu'elles connaissaient, elles allaient même parfois jusqu'à demander au conducteur comment il se faisait qu'il n'était pas encore parti pour la guerre. Mais quand le tramway tournait dans la rue Saint-Laurent vers le sud, elles se calmaient d'un coup et se renfonçaient dans leurs bancs de paille tressée toutes, sans exception, elles devaient de l'argent aux Juifs de la rue Saint-Laurent, surtout aux marchands de meubles et de vêtements, et le long chemin qui séparait la rue Mont-Royal de la rue Sainte-Catherine était pour elles très délicat à parcourir.
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Béatrice avait regardé le conducteur remonter dans le tramway. Il s'était aperçu qu'elle le fixait et lui avait fait un clin d'oeil complice. Le tramway avait tourné lentement vers la droite sous une pluie d'étincelles. Béatrice souriait, la tête appuyée Contre la vitre. « Moé, j'm'appellerais Betty. Betty Bird. » « Pourquoi Bird ? » « A cause de mon pére. Pis à cause de vous, aussi. Mon pére, des billets de veingt piasses, y appelait ça des birds. Peutêtre parce que quand y en voyait un, y était toujours ben loin, comme un oiseau dans un arbre ou ben donc dans le ciel, mais toujours ben loin. » Les deux femmes s'étaient souri. «Betty Bird, c't'un maudit beau nom. C'est ben catchy. »
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Édouard et Thérèse s'étaient levés en même temps. Leurs chambres se faisaient face, aussi étaient-ils tombés nez à nez en ouvrant leur porte. « Vous vous levez ben de bonne heure, à matin, mon oncle Édouard? C'est pourtant samedi! » « Les envies de pipi ont pas de jours, ma p'tite fille! » Ils avaient tous deux couru jusqu'à la salle de bains qui se trouvait tout à fait à l'arrière de la maison, après la salle à manger et la cuisine. Thérèse était arrivée la première mais elle avait cédé la place au frère de sa mère. Marcel, le frère de Thérèse, tellement petit pour ses quatre ans qu'on lui en donnait à peine deux et demi ou trois, avait entendu la course et lorsque Thérèse et Édouard étaient passés près de lui il avait zézayé un timide bonjour mais les deux courseurs ne l'avaient pas entendu.
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Richard partageait une pièce double, à l'avant de la maison, avec Victoire, sa grand-mère, et son oncle Édouard. Il couchait dans un lit pliant sous la porte d'arche. Chaque soir il tirait de son coin sombre le lit de fer plié en deux d'où s'échappaient couvertures et draps, et se battait avec les deux crochets trop serrés qui refusaient de bouger. Évidemment, les crochets lâchaient tout d'un coup et le lit se dépliait dans un vacarme de springs usés et trop Tousses.
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Richard avait souvent vu sa grand-mère pleurer de rage, appuyée contre la vitre de la fenêtre de sa chambre qui donnait sur l'escalier extérieur. Il l'avait même entendue maudire les deux femmes, leur jeter des sorts impuissants, il l'avait vue leur tirer la langue et faire semblant de leur donner des coups de pied. Elle errait du matin au soir de sa chambre à la salle à manger et de la salle à manger à sa chambre, superfétatoire objet d'attention dans cette maison où tout et tous avaient des tâches assignées ou du moins une utilité quelconque, excepté elle. Elle aurait voulu descendre les vidanges, faire le souper, laver la grosse femme, faire tremper tous les rideaux de la maison dans la baignoire, rosser Philippe ou Thérèse, ou Richard, ou Marcel, mais rosser quelqu'un; au lieu de quoi elle aboutissait infailliblement devant l'appareil de radio, l'oreille collée sur les confidences de Donalda ou les sautes d'humeur de la grosse Georgianna. Au beau milieu d'un ronflement Victoire ouvrit des yeux vitreux et sa main remonta une mèche blanche qui lui barrait le front. Aussitôt, Richard détourna la tête.
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Traînant Marcel derrière elle, Thérèse fit irruption dans l'autre pièce double de la maison qui comprenait la chambre de sa mère, Albertine, et le salon où son cousin Philippe et elle dormaient depuis quelques années. Thérèse et Philippe partageaient le même sofa dans une cavalcade de rires, de claques, de sauts, de chatouillements et de pudeurs mal cachées. Et d'impudeurs mal comprises. Philippe n'avait que huit ans mais déjà il savait où fouiller furtivement et comment éviter les claques en prenant des airs d'innocent ou en faisant des yeux candides.
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ça s'appelle un teddy bear. C'est beau, hein?
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La femme au parapluie
-Tiens, drôle d'endroit pour perdre son parapluie.
Il se pencha, ramassa le parapluie.
***
Le téléphone sonna.
- Allo.
- Bonsoir, monsieur. Vous avez trouvé mon parapluie ?
- Pardon ?
-Je vous demande si vous avez trouvé mon parapluie. Un parapluie noir avec...
-Oui, en effet, j'ai trouvé un parapluie, ce matin. Mais comment savez-vous, madame, que c'est moi qui l'ai trouvé ?
-Mais, mon cher monsieur, je l'ai perdu précisément pour que vous le trouviez ! Et maintenant je voudrais le ravoir. Vous voulez bien venir me le porter ? Je vous attendrai ce soir au milieu du pont de bois, à l'est de la ville, à onze heures. Bonsoir, monsieur.
***
-Vous êtes en retard, je vous attends depuis dix minutes.
-Je m'excuse, j'ai été retardé... Voici votre parapluie, madame.
-Merci, monsieur.
Elle le regardait droit dans les yeux.
-Et maintenant, sautez. Votre heure est venue. Il est temps. Allez...
Il enjamba le garde-fou et se jeta dans la rivière.
Et elle repartit, laissant son parapluie au milieu du pont de bois, à l'est de la ville...
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Dans ma famille, la légende veut que dès mon plus jeune âge on m’ait vu me promener dans la maison avec un livre serré contre ma poitrine. Les légendes interprètent à leur façon des faits parfois bien insignifiants; celle-ci en est un exemple probant: à partir de deux ou trois ans, je me suis promené dans la maison avec un livre serré contre ma poitrine tout simplement parce que j’étais le commissionnaire de ma grand-mère Tremblay.
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Dans ma famille, la légende veut que dès mon plus jeune âge on m’ait vu me promener dans la maison avec un livre serré contre ma poitrine. Les légendes interprètent à leur façon des faits parfois bien insignifiants; celle-ci en est un exemple probant: à partir de deux ou trois ans, je me suis promené dans la maison avec un livre serré contre ma poitrine tout simplement parce que j’étais le commissionnaire de ma grand-mère Tremblay.
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Voilà que je tergiverse encore pour éviter l'essentiel. On écrit son journal pour aller à l'essentiel, j'imagine, et on finit toujours par l'occulter... Mais je suppose que je risque de dire le contraire demain... (p. 102)
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Après tout, la raison pour laquelle je fais ça n'a rien à voir avec le plaisir que j'y prends. J'ai la tête vide quand je peins, peu importe pourquoi je le fais. (p. 43)
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Et après tout, j'écris ce journal pour moi. Personne d'autre ne le lira jamais. Je saurai donc toujours où j'en suis, quelle période de ces cinquante ans je décris et pourquoi. Et si je mélange tout, ce qui est vrai et ce que j'ai imaginé, ce n'est pas grave, c'est juste un trop-plein que je déverse sur le papier pour m'en débarrasser. (p. 37)
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Dans ma famille, la légende veut que dès mon plus jeune âge on m’ait vu me promener dans la maison avec un livre serré contre ma poitrine. Les légendes interprètent à leur façon des faits parfois bien insignifiants; celle-ci en est un exemple probant: à partir de deux ou trois ans, je me suis promené dans la maison avec un livre serré contre ma poitrine tout simplement parce que j’étais le commissionnaire de ma grand-mère Tremblay.
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Rêvez-vous, comme moi, dans le style de l’auteur que vous lisiez avant de vous endormir ? Si oui, enfourchez mon joual le plus tard possible, le soir, partez avec dans votre sommeil, il est plus fringant que jamais malgré les bien-pensants et les baise-le-bon-parler-français, il piaffe d’impatience en vous attendant et, je vous le promets, il galope comme un dieu ! Voyez-vous, j’aimerais pouvoir penser que j’ai la faculté de faire rêver, moi aussi.
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Je lisais les aventures de Robert Grant le plus tard possible, jusqu’à ce que ma mère menace de retirer l’ampoule de ma lampe de chevet, en fait, puis je rêvais une partie de la nuit de la traversée de l’Atlantique, du détroit de Magellan, des paysages chiliens, de la Cordillère des Andes… Mon lit était un bateau qui quittait volontiers ma chambre de la rue Cartier pour foncer vers le 37e parallèle à la recherche de la source du Gulf Stream.
Je devenais un marin accompli en même temps que Robert Grant, j’apprenais à monter un magnifique cheval argentin à la robe noire en compagnie de Thalcave, le beau Patagon à moitié nu dont le portrait me troublait tant à la page 95, je traversais à guet le Rio de Raque et le Rio de Tubal, je grimpais des murs de porphyre – les quebradas –, je cherchais en vain mon père au creux des forêts de séquoias ou sur le pic des montagnes enneigées. On disait de Robert Grant qu’il grandissait et se développait rapidement, qu’il devenait un homme ; moi, je lisais au milieu des miettes de gâteaux ou de biscuits au gingembre et je restais désespérément l’enfant envieux qui n’avait pas de destin grandiose.
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La Saskatchewan a toujours flotté dans l’appartement de la rue Fabre, puis celui de la rue Cartier, gigantesque fantôme aux couleurs de blé mur et de ciel trop bleu. Quand maman nous racontait les plaines sans commencement ni fin, les couchers de soleil fous sur l’océan de blé, les feux de broussailles qui se propageaient à la vitesse d’un cheval au galop, les chevaux, justement, qu’elle avait tant aimés, avec un petit tremblement au fond de la voix et les yeux tournés vers la fenêtre pour nous cacher la nostalgie qui les embuait, j’aurais voulu prendre le train, le long train qui prenait cinq jours pour traverser tout le Canada, l’amener au milieu d’un champ sans limite bercé par le vent du sud et le cri des engoulevents et lui dire : « Respire, regarde, touche, mange tout le paysage, c’est mon cadeau. »
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La honte est une bête qui possède plusieurs têtes, je le sais depuis mon enfance, par la force des choses, à cause de ce que je suis
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… je commençais à l’apprécier. Je veux dire l’écriture. L’écriture elle-même. Avoir quelque chose à raconter et le faire, se pencher sur un cahier et le décrire tel qu’on le voit, tel qu’on l’a ressenti quand ça s’est produit.

(p. 71)
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