Un auteur québecois, qui se trouvait depuis longtemps dans mes écrivains à découvrir. !..
Ce premier texte, très émouvant... mettant en scène un homme, enfermé tout jeune dans un asile...On le retrouve cinquante ans plus tard, libre [l'asile ayant été fermé] dans une petite maison, à proximité [grâce à la bienveillance d'un de ses médecins ]
Il conjure ses crises, et son mal-être par les médicaments et la peinture...il confie ses toiles à une galiériste, qui l'a pris en affection...En fait, il a été interné à la suite d'une agression envers sa mère, alors qu'il avait une vingtaine d'années... S'en est suivi un enfermement dans un asile, avec prise intensive de médicaments...jusqu'au jour où un psychiatre plus bienveillant lui conseillera de peindre pour juguler la venue de crises et de ses hallucinations... et se trouver un espace d'expression, rien quà lui !
Puis Il décide à 76 ans d'écrire un journal ... mais ce n'est pas une mince affaire de "se raconter"...Après sa familiarité avec la peinture, l'aquarelle... l'exercice des mots se révèle au début, peu aisé...et puis, Monsieur Marcel [comme on l'appelle ] finit par prendre un plaisir aussi intense avec la plume... qu'avec ses pinceaux...
Au quotidien, si il omet de prendre son traitement, des visions viennent le hanter , comme la présence de sa mère et de son chat, décédés...
Il peint avec délectation ses montagnes au milieu desquelles il a toujours vécu...et même la mer , qu'il imagine, ne l'ayant jamais approchée !...
" La mer, c'est un rêve. Je n'ai jamais vu la mer. (...)
J'imagine, j'invente un mer d'un bleu qui n'existe sans doute pas, toujours calme et apaisante, sans gros rouleaux, sans ressac, sans danger. Et chaude. J'aimerais que chaque personne qui regardera éventuellement
mon tableau ait envie de s'y baigner. Sous ce ciel infini. Et de ne jamais en ressortir. (p. 14)
Un roman très émotionnant d'une vie volée, qui me laisse toutefois...fort perplexe...je ne peux m'empêcher de songer à toutes les vies volées, amputées entre création et solitude absolue...
Je pense très fort à Robert Walser, Camille Claudel, et tant d'autres !.
Une rapide parenthèse...: les établissements psychiatriques au Québec... dans les années 50, ne semblaient pas mieux lotis qu'en France ...
L'anti-psychiatrie fera son apparition bien plus tard, dans les années 70 !
Le roman de Marcel, notre poète-aquarelliste est illustré, au demeurant... d'aquarelles...
Qui sont celles de qui ??? de l'auteur ?? Je ne sais....En tout cas, l'illustration de couverture , très réussie, est bien de Michel Tremblay...
La solitude, la folie, un homme à l'écart de toute vie sociale...avec des rêves, des élans, des questions sans réponse...Un beau texte...dérangeant !!
"Je n'aime pas qu'on me touche, le moindre frôlement me fait frémir, j'ai peur, oui j'ai peur, je l'avoue des contacts physiques. Parce qu'ils demandent un investissement, une implication dont je ne me sens pas digne ? "(...) Un mort-vivant qui n'a pas faim des autres. (p. 136)
J'attends la lecture d'un deuxième roman de Michel Tremblay... pour me faire une idée plus précise... là, je reste dans une sorte de perplexité, de frustration, de sentiment d'inachevé, de douleur inguérissable...et en même temps d'une certaine douce et terrible fatalité...qui domine certaines existences !
Un texte de qualité...qui me laisse cependant sur ma "faim" !!!
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La montagne, c'est ma réalité. Je suis entouré depuis mes vingt ans des plus vieilles montagnes du monde - du moins, c'est ce qu'on dit -, elles ont été mon premier sujet quand je me suis mis à pendre sur les conseils du docteur Bazin, qui prétendait que ça me ferait du bien - il avait raison. Sans doute parce qu'elles étaient là, omniprésentes, un rien étouffantes, pas trop parce qu'elles ne sont pas très hautes, et surtout à cause de l'incessante transformation de leurs teintes. Le nombre de verts que j'ai dû inventer pour leur rendre justice, le nombre d'heures que j'ai passées, au début, à essayer de dessiner chaque feuille, chaque branche, chaque nervure de branche ! Avec le temps, j'ai appris à m'éloigner de ce qui est vrai, de ce qui existe, de ce que j'ai sous les yeux pour me contenter - ce n'est peut-être pas le bon mot - de suggérer les choses : ce ne sont pas des portraits de la nature que je fais, mais des interprétations. Pour me faire du bien. M'éloigner des explosions de couleurs que j'ai en dedans de moi et qui ont déclenché tant de crises. Oui,le docteur Bazin avait raison. Je transfère mes explosions sur le papier et je m'en trouve mieux.
J'ai mis plus de temps à écrire cette dernière entrée de mon journal. C'est comme...je cherche mes mots...et j'écris que je cherche mes mots, c'est curieux...C'est comme si en plus de comprendre maintenant à quoi ça peut servir- une espèce de confession sans pénitence, des aveux sans conséquence-, je commençais à l'apprécier. Je veux dire l'écriture. L'écriture elle-même. (p. 71)
Savez-vous quoi, madame Dieudonné ? Des fois j'aurais envie d'arrêter de prendre mes médicaments. De sauter volontairement d'un monde que je trouve ridicule à un autre qui me rend malade, qui me rend fou, mais qui a la grande qualité de me faire vivre des choses que personne d'autre que moi peut imaginer. (p. 51)
D'habitude j'attends une ou deux minutes avant de mettre de la couleur, le temps que le papier sèche un peu, mais aujourd'hui je veux produire un vrai lavis, donner à mon tableau une impression de brume, une imprécision, comme si l'oeil n'arrivait pas tout de suite à saisir ce qu'il regarde, comme si l'oeil avait à réfléchir avant de comprendre ce qu'il voit. (p. 13)
Je n'aime pas qu'on me touche, le moindre frôlement me fait frémir, j'ai peur, oui j'ai peur, je l'avoue des contacts physiques. Parce qu'ils demandent un investissement, une implication dont je ne me sens pas digne ? (...)
Un mort-vivant qui n'a pas faim des autres. (p. 136)
Le Salon dans tes oreilles - S1E41 - Confidences d'écrivain: Michel Tremblay
Confidences avec Michel Tremblay, figure emblématique et incontournable de la littérature québécoise, mais aussi du Salon du livre de Montréal.
Présenté par
SALON DU LIVRE DE MONTRÉAL
Et
LEMÉAC ÉDITEUR
Avec
Michel Tremblay, Auteurrice
Danielle Laurin, Animateurrice
Livre(s)
Victoire !
Le Salon dans tes oreilles est un balado issu des entrevues, tables rondes, et cabarets enregistrés dans le cadre du Salon du livre de Montréal 2020. Écoutez des auteurs, autrices et personnalités parler de livre, de lecture et d'écriture et échanger autour des cinq thématiques suivantes: le Féminisme, la Pluralité des voix, 2020, et après?, Récit et inspiration et Famille et enfance. Bonne écoute!
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