Un récit fantastique... à tous les sens du terme.
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Un diable sous une forme humaine mais encore plus cruel, un phénomène littéraire.
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Je termine ce livre sur un sentiment mitigé. En effet si la première partie m'a vraiment enthousiasmée j'ai été assez déçue par la seconde partie dans laquelle entre en scène Marguerite (le bal de Satan, les sorcières..., tout ceci m'a laissée de marbre).
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Ce roman est sans aucun doute une de mes grandes rencontres littéraires. C'est absolument époustouflant. Je crois que je dois le relire tous les 2 ou 3 ans. Essayer de résumer ce livre est une gageure. Le mieux c'est de s'y plonger. et tous ceux à qui je l'ai confié ont été ravis.
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Peut-on changer l'homme ? La révolution peut-elle crééer un homme nouveau ? Il me semble que la réponse de Boulgakov est évidente. La fable est fondamentalement pessimiste. aucun système politique, aussi généreux soit-il dans ses intentions ne réussira s'il postule au départ que l'homme peut devenir meilleur. Commme des amis russes me le répétaient sans cesse lorsque je voyageais en URSS sous les années Brejnev :! "Le communisme est une chose merveilleuse, mais il n'est pas fait pour l'homme..."
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Titre original : Мастер и Маргарита
Traduction : Claude Ligny
"Le Maître et Marguerite", que Mikhaïl Boulgakov commença à rédiger en 1928, sous le titre de "Le Sabot de l'Ingénieur", ne devait être publié pour la première fois qu'en 1966. Pourtant, cette oeuvre, achevée le 13 février 1940, un peu plus de trois semaines avant le décès de son auteur, est assurément l'un des "romans-phares" de la littérature russe du XXème siècle et c'est elle qui contient, entre autres phrases inoubliables, le fameux "Les manuscrits ne brûlent pas !" que l'on peut considérer comme un symbole de la victoire de la liberté de penser face à l'acharnement totalitaire.
Résumer l'intrigue de ce roman onirique et fiévreux, cynique autant que merveilleux, est chose trop réductrice pour que je m'y essaie. Disons essentiellement qu'il fait alterner deux actions, l'une moderne et qui se déroule dans le Moscou de l'ère stalinienne, l'autre "antique" et ayant pour cadre la Judée pré-chrétienne qu'Hadrien n'a pas encore rebaptisée Palestine.
La deuxième intrigue est la vision gnostique de la rencontre de Jésus de Nazareth, appelé Yeshoua Ha-Nozri par Boulgakov, avec Ponce Pilate, procurateur romain de la région, et aussi de son supplice - Boulgakov délaisse la crucifixion traditionnelle pour le pilori - sur le Mont Chauve - ou Mont du Crâne-Golgotha. Yeshoua y apparaît comme un illuminé mais au sens bouddhique du terme, un homme paisible et doux, capable de deceler la Bonté dans le coeur du plus cruel des centurions et suivi depuis le début de ses errances par un certain Matthieu Lévy qui, selon Yeshoua lui-même, déforme pour les recopier les propos qu'il tient[/b]. Juda de Kairoth et Caïphe, le Grand Prêtre du Sanhedrin, sont évidemment de la partie avec un Bar-rabbas qui ne fait que croiser bien fugitivement celui qui deviendra le Christ.
Comme Boulgakov aurait pu éviter d'accepter l'aide que lui fournit Staline pour survivre à l'interdiction de ses oeuvres au début des années 30 , Pilate aurait pu sauver Yeshoua. Mais si l'un n'eut pas le courage d'affronter le goulag ou le procès après tortures si chers au successeur de Lénine, le second, dans un instant de faiblesse, préféra préserver sa carrière en laissant supprimer la vie d'un innocent.
Pour Boulgakov, le prix à payer sera une existence désormais hantée par la conscience de sa veulerie et l'avortement systématique de tous ses essais de publication. En silence cependant, en cachette aussi, inlassablement, il reprend et remanie ce qu'il nomme son "manuscrit sur le Diable" - on ne comptera pas moins de cinq remaniements en douze ans. Tourmenté par ses angoisses, et aussi par un corps qui, peu à peu, l'abandonne, l'écrivain gribouille dès 1931, au bas d'un extrait que vous pourrez lire dans l'édition POCKET du "Maître et Marguerite", ces mots qui émeuvent encore singulièrement le lecteur par delà les années : "Seigneur, aide-moi à terminer mon roman."
Pour le Pilate qu'il recrée, Boulgakov façonne un châtiment qui perdure au-dela les siècles, une espèce de Purgatoire hors du temps où le puissant fonctionnaire romain, "qu'il fasse sombre ou que luise la lune", ne peut connaître la paix bien qu'il soit mort depuis près de deux mille ans. Invariablement, Pilate rêve qu'il annonce au peuple juif sa décision de laisser la vie sauve à Yeshoua. Invariablement, il se réveille et se rend compte que Yeshoua est mort et que lui, Pilate, n'a pas reçu son pardon.
Et, inlassablement, ce fantôme pose et repose cette question qui dut bien souvent torturer Boulgakov :"La Lâcheté n'est-elle pas le plus grand crime qui soit ?"
A la fin du roman, bien sûr, Pilate sera enfin libéré et, dans une très belle image onirique, rejoindra Yeshoua sur un rayon de lune et s'en ira avec lui vers l'Eternité.
Entretemps, l'intrigue moderne aura laissé le champ libre à un Satan là encore plus proche de l'interprétation gnostique que de l'interprétation traditionnelle, et à qui Boulgakov a donné le nom de Woland.
L'accompagnent et le servent trois démons familiers, l'inénarrable Koroviev, Azazello le courtaud aux vilains crocs jaunes qui nasille sur tous les tons, et le non moins extraordinaire Béhémoth, lequel se présente sous l'aspect d'un énorme chat noir capable de s'habiller comme un homme et de jouer aux échecs.
Les trois compères s'en donnent à coeur joie dans un Moscou diurne et surtout nocturne, règlent au passage les comptes de l'écrivain Boulgakov avec les critiques stalinistes, causent mille et un accidents, acculent plusieurs malheureux à l'asile psychiatrique, décapitent un homme, en poignardent un autre, tranchent, taillent, tourbillonnent ... démontent en un mot l'implacable machine totalitaire avec une vigueur en effet démoniaque et ce sens de l'humour propre à l'âme slave.
Au coeur du cyclone diabolique, le Maître, écrivain enfermé parmi les fous après la dénonciation d'un voisin désireux d'accaparer son appartement (les appartements, la convoitise qu'ils inspirent aux pauvres Moscovites obligés de se contenter des "maisons communautaires", les déboires que Boulgakov lui-même connut avec le sien occupent dans le livre une place bien révélatrice du mode de vie imposé à la majorité par le régime bolchevique) et son hégérie, Marguerite, qui quitte tout pour le rejoindre et le suivre au-delà la Mort. Un couple d'amoureux, par conséquent, où la femme prédomine - elle prend l'initiative de suivre les directives de Woland et d'assister au Grand Bal donné par Satan - mais où c'est elle également qui se montre la plus accessible à la pitié.
Ce livre fascinant, qui n'est pas sans rappeler parfois les meilleurs moments du nonsense d'un Lewis Carroll et qui mêle avec génie le fantastique, la poésie, la religion, l'histoire et la philosophie, est irracontable. Il faut donc le lire et ne pas hésiter à le placer bien haut dans votre Panthéon livresque car, né de la souffrance et de la révolte d'un homme qui désespérait d'écrire, il nous prouve avec panache que, quelque sombres que puissent être les tourmentes de l'Histoire, le Génie survit toujours à leurs ténèbres.
Lisez Boulgakov ! Jamais vous ne regretterez d'avoir fait sa connaissance ... ;o)
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J'ai déjà évoqué, il y a quelques temps, mon amour de la littérature russe.
Même si je ne saurais pas définir exactement ce qui me plaît en elle, cela pourrait s'apparenter au mélange parfaitement dosé entre technique parfaite et richesse impressionnante de vocabulaire.
Il y a quelques temps, j'ai donc reçu par la Poste un chef d'oeuvre du genre à côté duquel j'étais pourtant passée.
"Le Maître et Marguerite" est le livre d'une vie.
Celle de Mikhail Boulgakov, écrivain dont les pièces et les écrits en général ont été, année après année, refusés par la censure féroce appliquée en URSS à l'art en général et à la littérature en particulier dans les années 1930.
Boulgakov, malade, réprimé, désespéré, entame la première ébauche du "Maître et Marguerite" en 1929 et en brûle la majeure partie en 1930, projetant ainsi le destin de Gogol (qui brûla lui-aussi certaines de ses oeuvres) sur le sien. Il en reprendra la rédaction en 1932 pour l'achever en 1940.
Je suis d'ailleurs persuadée que la richesse d'un tel roman est intrinsèquement liée à la propre richesse en émotions de l'existence de l'auteur.
Attention par contre, ce n'est pas un livre par lequel commencer sa découverte de la littérature russe. Sa construction diabolique nécessite qu'on se soit auparavant familiarisé avec la richesse parfois "lourde" de cette littérature car elle atteint ici son paroxysme.
Si "Le Maître et Marguerite" a souvent été présenté de façon réductrice comme un "énième livre sur le diable", il n'en est rien.
Ce roman est certes un roman fantastque qui met en scène le diable mais aussi un écrivain suicidaire, un chat géant, Jesus et Ponce Pilate et dans lequel on trouve pêle-mêle des meurtres, des crucifixions, une description merveilleuse de l'enfer, un tramway, des billets de 10 roubles qui disparaissent, un appartement damné rue Sadovaïa et un poète dans un asile psychiatrique.
Mais "Le Maître et Marguerite" est surtout une magnifique histoire d'amour, de celles qui sont écrites.
On peut certes être rebuté par la richesse des descriptions, l'accumulation de détails ou encore les mouvements de flash-back dont Boulgakov nous abreuve mais au final, "Le Maître et Marguerite" est le roman qui arriverait à me faire définir exactement pourquoi j'aime autant les univers de la littérature russe.
Satire acerbe de la société moscovite des 30's et panorama splendide de la scène artistique de cette période, je comprend aujourd'hui pourquoi ce roman est cité comme étant un livre culte... A dévorer donc!
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Tout cela ne constituerait rien de plus qu'une scène de comédie adventice si le passage n'était assorti d'une de ces annotations pertinentes qui font la réputation de la collection (Pleiade) en même temps que les délices des chercheurs. Cette note, la voici :
Le prénom latin, parfaitement inusité en russe, est déjà porté par un personnage antipathique dans Mémoires d'un défunt (Roman théâtral), Aloysius Rvatski ; il contraste ici avec un nom de famille (ou un prénom patronymique) de pure fantaisie : mogarytch (ou magarytch) désigne le fait d'offrir à boire pour conclure une affaire ou hâter sa conclusion. Le modèle de ce personnage pourrait être le dramaturge Sergueï Ermolinski, avec qui Boulgakov se lia en 1929 et à qui il accorda sa confiance presque jusqu'à la fin de sa vie. Un long développement du chapitre XIII, figurant sur le dernier manuscrit dactylographié du roman mais auquel l'auteur finit par renoncer, introduisait Aloysius Mogarytch comme un ami du maître qui devait par la suite donner la preuve de sa félonie. On reconnaît dans ce passage, qui fut imprimé par erreur dans l'édition de 1973, maints détails sur les relations amicales de Boulgakov et d'Ermolinski. D'autres témoignages, qui paraissent probants, ont convaincu des boulgakovistes comme Lidia Ianovskaïa ou Boris Sokolov qu'Ermolinski - ami de confiance de Boulgakov et l'un de ses premiers mémorialistes - remplit bien, auprès de lui, la mission d'information de l'Oguépéou, et que Boulgakov s'en rendit compte dans les tout derniers mois de sa vie.
Ainsi, coup de théâtre, le tableau initialement pastel s'éclaire d'une lumière crue, tout le récit n'était qu'imposture. Ermolinski n'a pas emménagé dans l'appartement des Boulgakov, il n'a pas couché dans la chambre du petit Serioja, il n'a pas non plus veillé le malade ni acheté ses médicaments, il n'a tenu aucune conversation, édifiante ou non, avec Fadéiev, n'a reçu aucun appel en provenance de Staline, pas plus n'a-t-il suivi le cortège funéraire, il n'était simplement pas là. Tout ce qu'il raconte est obtenu par ouï-dire, extrapolation, imagination ou pure invention. Quant à ses papiers perdus, gageons qu'ils ne le sont pas pour tout le monde et qu'ils dorment du sommeil de l'injuste, soigneusementrangés et répertoriés, dans les archives du K.G.B..
Etonnant, non ?
Merci à Claude Ballade, mon cher cousin pour cet article et cet éclairage.
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Voici pourquoi il y a longtemps que je n'ai pas écrit de billets sur un livre : je m'étais plongé dans un gros roman, Le Maître et Marguerite.
Une nouvelle fois, faire un résumé de cette oeuvre est difficile, et je vais me contenter d'esquisser le tout début du livre.
A Moscou, dans les années 30, un poète et un journaliste se promènent du côté du Lac du Patriarche, et discutent de la meilleure manière d'exprimer leur athéisme. Leur discussion est interrompue par l'apparition d'un homme, qui se présente comme un étranger en visite. Mais cet étranger aura une influence néfaste : il annonce au journaliste qu'il va bientôt mourir, décapité. Les deux camarades rejettent cette prédiction, jusqu'à ce que le journaliste, par un enchaînement funeste de circonstances, se fasse écraser par un tramway, sa tête étant détachée du corps. Qui est donc cet étranger ? Et qui sont ces drôles de personnages qui lui tournent autour, notamment ce gros chat qui prend le tramway comme n'importe quel être humain ?
Le Maître et Marguerite est un roman foisonnant : c'est un récit fantastique où les références sont extrêmement nombreuses. On y retrouve le diable et ses acolytes, il y des scènes de messes noires, des détournements des symboles religieux (notamment du baptême,...). Boulgakov puise son inspiration chez Goethe et dans les récits fantastiques russes du XIXeme. Malheureusement, la plupart de ces références m'étaient inconnues, et ce n'est qu'après avoir lu un petit appareil critique que certains détails se sont révélés signifiants.
La suite ici : http://livres-et-cin.over-blog.com/article-14497147.html
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L'un de mes livres favoris... sur le diable...
Depuis que Wolland un mystérieux étranger spécialiste en magie noire et son invraisemblable équipe ont débarqué à Moscou, rien ne va plus.
Tout à commencer lorsque Mikhaïl Alexandrovitch Berlioz rédacteur en chef d'une revue littéraire et le poète Ivan Nicolaïevitch Ponyriev aussi connu sous le nom de plume de Biezdommy eurent une discussion avec Wolland sur la non existence de Jésus et par conséquence du diable.
S'en est suivi une succession d'événements ahurissants et un vent de panique à commencer à souffler dans la ville. Mais que vient donc faire ici cet écrivain interné dans un asile qui se fait appelé Le Maître (dont quelques chapitres de son roman sur Ponce Pilate apparaissent dans le récit) et son histoire d'amour avec Marguerite?
L'appartement 50 est-il réellement maudit au vu des disparitions et faits étranges qui ont eu lieu entre ses murs?
Les femmes peuvent-elles se transformer en sorcières et un respectable comptable du théâtre des variétés en vampire?
Pourquoi doit-on être poli avec les chats noirs qui parlent, jouent aux échecs et tiennent à payer leur place dans le tramway?
Vous pensez réellement que Satan puisse séjourner dans une ville aussi respectable que Moscou, vous?
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« Les œufs fatidiques » raconte l’histoire d’un savant qui fait une découverte exceptionnelle mais qui tourne au cauchemar illustrant ainsi la formule « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Cela commence comme une histoire de Jules Verne et cela finit comme un conte horrifique à la Stephen King ! Mais ce récit, comme « cœur de chien », ne m’a pas emballé.
A la différence de « Diablerie ». Une histoire sans queue ni tête qui se déroule à 200 km/h. Nouvelle littéralement hallucinant où nous suivons les déboires d’un héro contre qui tout se ligue. On pense à « Brazil » et au « Procès » de Kafka. Un tumulte d’évènements plus incroyable les un que les autres pour aboutir à une fin tragique.
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Zapis'ki junogo vraca/Morfij/Neobyknovennye prikljucenija doktora
Traduction et notes : Paul Lequesne
Ce mince volume, publié sous le titre général de "Récits d'un jeune médecin", regroupe, outre les récits en question, la nouvelle "Morphine" et "Les Aventures Singulières d'un Docteur."Si nous sommes ici très loin de l'ampleur onirique du "Maître et Marguerite", la dernière nouvelle, qui évoque les tribulations pendant la Guerre civile russe d'un médecin qui pourrait fort bien être Boulgakov lui-même, plonge son lecteur dans une curieuse atmosphère de rêve éveillé où le cauchemar le dispute à la comédie absurde.
Mes préférences vont cependant aux deux premiers textes. Les "Récits - ou Carnets - d'un jeune médecin" relatent l'expérience authentique que fit l'écrivain lorsqu'il exerça la médecine dans un petit hôpital géré par la Croix-Rouge durant l'année 1916-1917. Même s'il donne à son narrateur le nom de Bomgard, c'est bien Boulgakov qui y débarque jeune diplômé et doit faire immédiatement face à la superstition, à l'ignorance ainsi qu'aux difficiles conditions de vie qui sont celles de la campagne russe à l'époque.
Les sept petits tableaux qu'il nous en brosse, en soulignant avec une malice rétrospective l'affolement avec lequel il se réfugiait dans ses livres de médecine, littéralement terrorisé à l'idée de se retrouver face à face avec un cas singulièrement difficile et qu'il n'aurait jamais traité auparavant, croquent allègrement la paysannerie russe qui n'a pas encore été touchée par la tempête révolutionnaire.
Dans "La Serviette brodée d'un coq" qui marque son arrivée dans son nouveau poste, le jeune médecin est confronté à l'amputation d'une jambe qu'il doit pratiquer sur une jeune fille qui est tombée dans une machine agricole. Persuadé à la fois de son incompétence personnelle - c'est sa première opération en solo - et de la gravité de l'état de la malheureuse, il retrouve tout son sang-froid pour procéder à l'amputation ... et la jeune fille survit, bien évidemment. La fiancée du commis, dans "La Tempête de Neige", n'aura pas cette chance.
Humanité, vivacité du trait, humour, tendresse, telles sont les couleurs utilisées par Boulgakov. Jamais il ne porte de jugement sur ceux qu'il croise. Pas plus qu'il n'en porte sur le successeur de Bomgard, le Dr Poliakov, qui, confronté lui aussi aux rudes conditions d'exercice dans le trou perdu de Nikolskoïé, bascule dans la morphine pour tenir bon.
La descente aux enfers du malheureux est brièvement contée mais aussi hallucinante qu'on pouvait s'y attendre. Le pire est peut-être que cet homme de l'Art, qui est en principe mieux placé que quiconque pour appréhender les ravages de la drogue, se laisse prendre à la fameuse certitude qu'il ne deviendra jamais dépendant.
Pour se désintoxiquer, il se rabat sur la cocaïne mais son état empire. Ne lui reste plus alors qu'une seule issue et le narrateur, à qui il a demandé aide et assistance, arrivera trop tard.
Récit au double "Je" - le "Je" de Bomgard, qui nous conte l'histoire, et le "Je" de Poliakov, qui explique sa déchéance dans la lettre adressée à Bomgard - "Morphine" nous donne une vision aussi acérée qu'un scalpel de la dépendance du morphinomane. Court mais d'une rare intensité, ce texte, qui nous renvoie à un phénomène désormais plus ou moins banalisé par notre société, n'a pas pris une ride.
Enfin, les "Aventures singulières d'un docteur" assemblent, de manière volontairement décousue, les fragments de l'existence d'un médecin brutalement mobilisé et qui va se retrouver pris entre les Blancs et les Rouges, et plus encore dans l'absurdité foncière du conflit.
Bref, si vous n'avez jamais lu Boulgakov et que vous répugnez aux romans épais, commencez donc par ces "Récits d'un Jeune Médecin." Nul doute que cela vous donnera envie d'approfondir l'oeuvre de cet auteur atypique et génial. ;o)
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