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Citations de Nedim Gürsel (99)


En hiver à Venise, l'eau comme les bâtiments sont gris. Mais les nuances en sont différentes, de même que le blanc nacré est différent du blanc de la pleine lune, le vert-de-gris du vert prairie. Un gris tirant sur le noir vient envahir les canaux, la neige recouvre le noir des gondoles comme un manteau blanc.
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Avant d'aménager à Paris rue du Figuier, je considérais l'écriture comme une manière de vivre. Je n'ai pas changé d'avis, mais, depuis mon installation dans cette rue bordée de vieilles bâtisses, la démarche littéraire - qui implique d'être en communication avec le monde et les hommes, de prendre le pouls de la mer, des rues, des villes, des enfants et des arbres, de la terre et des oiseaux, du jour et de la nuit, bref, de la nature et de la société -, cette ouverture à l'Autre, s'est d'abord transformée en une totale solitude, puis, progressivement, en une domination autoritaire. Je ne suis plus comme avant tendre et libre dans ma relation avec les mots. Je ne m'abandonne pas aisément à leurs virevoltes au-dessus de ma tête, comme celles des petits papillons qui la nuit affluent par la fenêtre ouverte vers la lumière de ma lampe. Au lieu de goûter leurs formes exquises, l'éclat chatoyant de leurs ailes, les bruits qu'ils font dans leur vol, de surmonter la nostalgie de mon pays et de ma langue maternelle en les caressant du regard, je me comporte en chasseur implacable et rusé.
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Quoiqu'on fasse, on ne peut réparer le cœur brisé d'une jeune fille.
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[...] Giovanni avait songé que l'art ne devait pas seulement consister à toujours répéter le même modèle, que la pâte du génie se pétrissait par le changement, et que l'artiste qui ne craignait pas de changer réussissait à se dépasser.
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Il n'était pas seul dans ce voyage entrepris à minuit vers l'ancienne Sérénissime. Il portait en lui l'image d'une ville inconnue dont il connaissait pourtant, d'après les romans, les peintures et les photos, les vieilles bâtisses, les palais somptueux, les places animées, les ponts et les canaux, oui, tout dans les moindres détails, jusqu'au plus étroit de ses canaux. Cette image ne correspondait peut-être pas tout à fait à la réalité mais ne pouvait pas non plus être considéré comme totalement inexacte.
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Dans sa chambre, où il n'y a pas la moindre trace de son pays, de son passé, ni même de la saveur masochiste d'être un écrivain en exil, il fera l'amour avec les mots jusqu'au matin. D'ailleurs, depuis son arrivée dans cette ville, c'est la seule manière de le faire qu'il puisse pratiquer avec succès. Peut-être ne jouit-il pas, mais il ressent la joie passagère de l'union, de la fusion dans un corps familier. Il trouvera les mots à tâtons, ces vieux mots morts dont il n'a jamais plus besoin dans sa vie quotidienne. (…) Les mots turcs, comme des amantes fidèles, viendront à lui un par un, et sans établir de liens entre eux, sans s'ordonner pour former des phrases, indifférents les uns aux autres, chacun à son affaire, ils couleront en lui goutte à goutte dans la simplicité de la lumière du jour.
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[...] dans ce monde éphémère, l'un des rares bonheurs accordés aux hommes est de s'assembler autour d'une table opulente, de s'unir avec une femme sur un lit, avec le ciel printanier tout bleu en montagne, de s'anéantir dans les vagues de la mer, dans le déchaînement d'une étreinte passionnée.
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L'écrasement des petits par les grands, le mépris du puissant pour le faible, du natif d'Istanbul pour le provincial formaient les piliers du système.
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"Ce ne sont pas les bâtiments d'une ville mais ses habitants qui la font vivre."
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"Il est mort le poète"
La tombe de Nâzim Hikmet était taillée dans un bloc de pierre. Le poète se penchait en avant, comme s'il donnait l'assaut pour échapper aux ténèbres. On aurait dit qu'il allait partir pour une longue marche. Il y avait tant de robustesses dans son corps, tant de détermination dans son regard.
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Qu'il était vaste, le monde! Va jusqu'où tes pas te porteront à l'ouest, dirige-toi vers le nord ou le sud, franchis mers et montagnes, passe vallées et plaines, tu ne parviendras pas à atteindre un confin!
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- Mais les livres n'ont pas besoin d'être éduqués !
- Pourquoi pas ? A l'instar des hommes, ils naissent, grandissent et peuvent bien ou mal tourner. Ensuite, mon cher, ils meurent. Leurs pages se détachent puis disparaissent comme des cadavres se décomposant sous terre.
- Non, les livres sont immortels ! Les hommes meurent, mais pas les livres !
- Certains meurent avant de voir le jour. [...]

( dans "Le Cimetière des livres non écrits ")
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Avec ses caravanes de chameaux débordant de marchandises, ses caravansérails servant de nichoirs aux chauve-souris, ses montagnes enneigées et ses plaines infinies, ses paysans à turban et ses femmes en tchador, ses derviches à barbe blanche et ses pauvres hères bourrant leurs pipes de tabac et d'opium, ses dômes, ses minarets, ses roseraies, ses souks et ses ruelles embouteillés, l'Iran de Loti nous apparaît comme un pays rude, lointain, indéchiffrable.
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Quand j’ai atteint trente ans on a voulu me pendre, à ma quarante-huitième année on a voulu me donner le Prix mondial de la Paix et on me l’a donné. Au cours de ma trente-sixième année, j’ai parcouru en six mois quatre mètres carrés de béton. Dans ma cinquante-neuvième année j’ai volé de Prague à La Havane en dix-huit heures.
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Nous sommes entrés dans l’ère de « l’omniprésent », où l’on tient le conservatisme pour une vertu, tandis que la pensée critique est méprisée, quand elle n’est pas interdite. Espérons que les propos que je tiens ici ne seront pas, un jour, interdits à leur tour.
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Quand nous sommes entrés dans le village de Hémite, les villageois venus à notre rencontre ne nous ont pas demandé la raison de notre visite. Comme s'ils avaient compris que nous étions sur les traces de Yachar Kémal. Nous avons installé nos chaises et nous sommes assis à l'ombre d'un arbre, devant une épicerie. Nous avons commencé à bavarder. La conversation avec les gens d'ici, c'est autre chose. Ils sont tellement diserts, ouverts, agréables.
-- Quand notre Kémal vient au village, il refait ce qu'il faisait quand il était petit, dit quelqu'un.
-- C'est-à-dire ?
-- Je ne sais pas moi, par exemple, s'il allait dans le temps à Kourouyazi, il y retourne. Et il retrouve le rocher sur lequel il s'asseyait.
-- Et il monte au sommet de cette montagne ?
-- Pour sûr qu'il y monte. Au sommet, il y a la tombe d'un saint homme qu'on appelle le Père Hamide, il y va, s'adosse à la tombe et reste là sans bouger pendant des heures. Il regarde fixement l'eau qui jaillit d'un creux sous les arbres.
Je pense au dernier chapitre de "La Légende des Mille Taureaux" où la tribu Karakoullou s'installe sur les pentes de la montagne de Hémite avec ses vieilles tentes en poil de bêtes parce qu'elle n'a pas touché la moindre parcelle dans cette si grande Tchoukourova où elle voulait se fixer. Yachar Kémal écrit : "Ici gît un saint homme ; il n'y a aucune légende à son sujet, il n'a réalisé aucun miracle, aucune action bonne ou mauvaise ce Père Hamide. Là, au milieu du versant de la montagne, il repose calmement et sans souci sous de magnifiques arbres."
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Oui, bientôt, il fera l' amour avec les mots sur des feuilles de papier, s'il arrive à réveiller le souvenir des jours anciens. Toucher les mots, ce n'est pas comme éteindre une statue de marbre. Il faut les trouver, les passer au crible, les choisir, les extraire des ténèbres du passé pour les ramener à la surface, les amadouer. Puis les chérir, les caresser, les fusionner, ne faire qu'un avec eux, percevoir leurs sons, leurs odeurs, leurs connotations. Or dans cette ville, comme toute chose, les mots n'ont pas de valeur d'usage, ils ne possèdent qu'une valeur d'échange.
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C'est moi qui ai lu Pierre Loti. Bien plus tard, à Paris, j'ai imaginé son Istanbul qui ne ressemblait en rien à l'Istanbul d'un adolescent turc de seize ans.
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Les ports méditerranéens sont comme des méduses qui s'ouvrent et se ferment, s'étirent et se contractent. Flasques, mais venimeuses. C'est le cas du Pirée, et aussi de Naples. Maintenant, c'est Marseille qui ressemble à une méduse blanche.
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Pour Yachar Kémal, le progrès technique n'implique pas nécessairement le bonheur de l'homme. Bien au contraire, dans le cas précis de la Tchoukourova, il signifie souvent la disparition de la loyauté, la dislocation des familles et la mort de la nature. Ce déclin engendre un monde nouveau qui est loin d'assurer, selon l'auteur, les valeurs éthiques de l'ancien monde.

[Nedim GÜRSEL, "Yachar Kémal. Le roman d'une transition", L'Harmattan, 2001, page 39]
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