L'ironie du sort, c'est la face cachée de notre destin.
"Vivre n'est pas une science exacte, mais au contraire essentiellement une entreprise poétique : une association d'idées."
"Mais pour qu'un rêve soit beau, il faudrait ne pas s'éveiller."
J'ai commencé à m'occuper de la mort. Aussitôt, la mort s'est occupée de moi. J'ai eu la faiblesse d'envisager, d'admettre et c'est le commencement de la fin. Je vais payer cette lâcheté inévitable, tant pis pour moi. On ne meurt que par fatigue et par résignation.
Tout s'est joué en deux secondes, je voudrais savoir lesquelles.
La femme que j’aimerai n’aura pas achevé sa création du monde. Elle ne sera pas clouée au sol par les brodequins de plomb de la certitude. Elle hésitera souvent au bord des attitudes à prendre, des gestes à faire. Elle ne verra pas le monde en blanc et noir. Elle sera perméable et vulnérable aussi. Elle connaîtra le goût des solitudes où l’on s’égare. Nous avancerons côte à côte comme deux funambules sur un fil incertain et nous ne trouverons notre équilibre qu’en nous donnant la main.
Quand je ne dors pas, je vois la nuit en noir. La malveillance des choses me submerge. Les vastes zones dépressionnaires de l'insomnie dirigent vers moi un flux humide et froid accompagné de bourrasques.
Cet acharnement à me connaître et à connaître, j'aurais dû l'avoir plus tôt. Si je m'y étais pris à temps, peut-être serais-je arrivé à quelque chose. (...) Quel temps perdu, quel gaspillage, je croyais que j'avais tout mon temps. Maintenant, cela presse, ce sont les derniers moments, et cette hâte n'est pas favorable à la recherche.
Ionesco
En vérité, je suis moins hypocrite qu'incertain, et moins incertain que divisé entre deux certitudes contradictoires.
Je ne peux m'éloigner d'Hélène sans trébucher dans le vide que creuse son absence.
J'aurais dû, tout à l'heure sur la route, prendre le temps de regarder avec intensité l'eau et le vent, les arbres et cet enfant minuscule qui courait à la lisière d'un bois et les roses devant la ferme. L'inattention des vivants est confondante. En fait, on ne voit que ce qui s'inscrit dans le champ des œillères de nos préoccupations du moment.
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A deux ou trois secondes près, je passais, je n'aurais même jamais imaginé que je frôlais une catastrophe. Je roulerais tranquillement vers Rennes. Mon costume et la MG seraient intacts. J'aurais mangé du faisan chez Mortreux. Ces trois secondes, je les ai perdues quelque part." "[...] une idée volette, bourdonne comme une mouche verte, se pose, je la chasse, elle revient, s'entête, hideuse, et je ne peux l'écraser. Une idée et une image: je suis dans ma voiture, quai Voltaire, je vais partir pour Rennes, le moteur tourne, je viens de passer ma première, je commence à manoeuvrer pour déboîter, Hélène est debout sur le trottoir, elle me dit quelque chose, je baisse ma glace pour entendre, elle dit:
- Sois prudent, ne roule pas trop vite...
Je souris, je démarre, je viens de perdre quelques secondes. A deux cent cinquante kilomètres de moi le marchand de cochons se tape un verre de calva. Je viens de perdre.
Les parents, qui supportent mal de ne pas participer aux secrets d'alcôve de leurs enfants, trouvent sans doute une revanche à évoquer les premiers âges, qui leur appartiennent en propre. Ils n'adorent rien tant que de parler fièvre, vomissure, incontinences diverses. C'est comme s'ils disaient : "Vous la connaissez au lit mais nous l'avons vue sur le pot."
Il a la voix de son visage, lourde, grasse, encombrée, une voix qui semble sortir des fesses.
Qu'est-ce qu'il dit ? In nomine patris et filii et… Cette fois je comprends, je comprends trop. (…) Je veux ouvrir les yeux. Je dois absolument ouvrir les yeux. J'ai affreusement peur.
La volonté de ne pas être nuisible est le commencement de la vraie bonté.
Il n'est plus temps de rêver. Notre voiture stationne en zone bleue et le fils de pute de vieillard contractuel qui opère dans le quartier doit déjà affûter son crayon.
Le premier nom qu'on se grave dans le cœur grandit avec l'écorce.
La vie ne s'arrête que pour moi et les regrets ne pèsent pas lourd en face de cette constatation. Il faut donc aborder la mort dans un état de grande humilité.