Citations de Philippe Besson (3454)
Car désormais, je ne pense plus qu’à une chose, une seule, devenir acteur. Si je ne deviens pas acteur, autant être rien.
Pas de méprise : je n’ai pas particulièrement envie de voir ma tête sur des affiches, je ne rêve pas de gloire. Non. Simplement, je ressens des vibrations dès que j’enfile le costume d’un autre et que j’invente un mensonge en espérant qu’on va me croire. C’est dans les moments où je joue que je suis au plus près de la personne que je veux être. P 111
Cela pèse lourd, une absence. Bien plus lourd qu'une disparition. Parce que avec les morts, c'est commode, on sait qu'ils ne reviendront pas. Tandis que les lointains nous narguent ou nous font espérer.
Quand j'y repense, avec le recul des années, je trouve ce moment incroyablement attendrissant : on avait dix-huit ans, ce qu'on voulait, c'était plaire aux filles, ou aux garçons, c'était même la chose la plus importante, le reste ne comptait pas, pas du tout, on était dans cette inconsistance formidable, cette soumission à nos hormones, cette soumission à l'instant aussi. Après, on a vieilli et on a perdu cela : la vie tenant tout entière dans la futilité.
La réalité, c'est qu'on cherche rarement à savoir qui étaient nos parents avant qu'ils ne deviennent nos parents. On dispose d'informations, bien sûr. On connaît approximativement leur parcours, on sait ce que faisaient leurs propres parents puisqu'on les fréquente en général, on possède des repères, des balises, mais souvent on n'a pas cherché à en apprendre davantage, comme si ça ne nous regardait pas, comme si ça leur appartenait à eux seulement, ou comme si ça ne nous intéressait pas, le passé des autres c'est tellement ennuyeux quand soi-même on est dans l'âge tendre ou l'âge bête.
Adeline Brookshire, professeur d'art dramatique
"Cette trop grande sensibilité, cet orgueil parfois mal placé, ce n'était rien d'autre que de la fragilité. On n'a rien compris à James Dean si on n'a pas compris sa fragilité. C'était du verre.
page 64
(Un détail, en passant : le mot « féminicide » est souligné en rouge dans le traitement de texte que j’utilise, comme le sont les mots qui n’appartiennent pas au dictionnaire. En fait, ce n’est pas un détail.)
(p.176)
L'été 88 est un été d'orages, de rafales, de tornades, le toit d'un hypermarché s'écroule dans une ville de la banlieue parisienne à cause de bourrasques, du poids de la grêle, il se produit des phénomènes comme ça, on ne parle pas encore de dérèglement climatique, des étés pourris on en a déjà connu.
C’est un jour de départ en vacances, les enfants sont libérés de l’école pour deux semaines, ils s’en vont rejoindre des grands-parents, loin, une jeune femme est encombrée par un sac trop lourd qu’elle a accroché à la saignée du coude, un homme traîne une valise récalcitrante, un autre scrute fébrilement le numéro des voitures, un autre encore fume une dernière cigarette avec une sorte de lassitude, ou de tristesse, allez savoir, un couple de personnes âgées avance lentement, des contrôleurs discutent entre eux, indifférents à l’agitation.
Bientôt, le train s’élancera, pour un voyage de plus de onze heures. Il va traverser la nuit française.
Pour le moment, les passagers montent à bord, joyeux, épuisés, préoccupés ou rien de tout cela. Parmi eux, certains seront morts au lever du jour.
Tout garder pour soi c’est le meilleur moyen que ça nous dévore.
Aujourd'hui, quand je croise des enfants sur cette plage, quand je les vois courir dans les dunes, où s'allonger sur la pierre chaude du muret qui fait office de digue, je les contemple en souriant. je me souviens que j'ai été comme eux, dans l'insouciance, la légèreté, le soleil. On ne se défait jamais de son enfance. Surtout quand elle a été heureuse.
"Tu le savais qu'il allait quitter le nid, ça fait des semaines que tu m'en parles."
Anne -Marie ne peut qu'acquiescer :" oui, bien sûr, mais…mais c'est pas pareil quand ça arrive. Tu as beau t'être préparée, quand c'est là, c'est autre chose."
Il y a cette folie de ne pas pouvoir se montrer "ensemble". Folie aggravée en l’occurrence par la situation -inédite- de se trouver au milieu d'une assemblée en devant se comporter comme des étrangers. Folie de ne pas pouvoir afficher son bonheur. Un pauvre mot, n'est-ce-pas ? Les autres disposent de ce droit, ils l'exercent, ne s'en privent pas. Ça les rend plus heureux encore, ça les gonfle de fierté. Nous, on est rabougris, comprimés, dans notre censure.
Dans la cuisine, c’est du par cœur. D’abord, le frigo. Dans la porte, la bouteille de lait. Elle s’en verse un bol puis place le bol dans le micro-onde, sans mettre en marche encore, puis remet la bouteille à sa place et se saisit de deux œufs. Elle se dirige vers la paillasse, pose une poêle sur le brûleur, allume, verse un peu d’huile, attend quelques instants que ça chauffe puis casse les œufs qu’elle brouille dans la poêle. Tandis que ça cuit à feu doux, elle sort du placard le café instantané, qu’elle dépose sur la table ainsi que le pain de mie dont elle fait glisser deux tranches dans le toaster. Retour au frigo, elle sort à présent le beurre. Une cuiller, un couteau, dans le tiroir juste à côté. Elle allume le micro-ondes. Une minute trente. Et tout est prêt au même moment : les œufs, les toasts, le café. Elle peut passer à table. Il ne lui reste qu’à saupoudrer le café dans le lait bouillant, à beurrer les toasts, à saler les œufs. Tous les jours, c’est le même menu. Tous les jours, les mêmes gestes.
Il est là, planté au milieu du séjour, dans le blanc de son uniforme, avec un sourire impossible et elle sait que l'histoire a commencé. Elle a écrit trop de livres pour ne pas comprendre que l'histoire a commencé.
Elle dit : "Je sais, vous allez me dire qu'il faut aller marcher au coeur de la ville, dans Baixa - c'est bien comme cela qu'on prononce? - parce que les façades y sont austères et qu'on peut faire des haltes sur des places charmantes. Ou bien du côté d'Alfama, les guides touristiques expliquent que c'est immanquable, Alfama, que c'est le Lisbonne authentique, mais ça veut dire quoi authentique? Et puis j'y suis passée déjà, j'ai vu les palais et les belvédères, et toutes ces rues exigües, oui, bien sûr, c'est plaisant. Mais c'est un jour particulier pour moi, aujourd'hui, c'est l'anniversaire de mon mariage avec Vincent, alors j'aimerais si vous n'y voyez pas d'inconvénient me rendre au cimetière. On m'assure que le cimetière anglais est une chose à voir. Accepteriez-vous de m'y accompagner?"
Ce que je ne savais pas, c'est que la vie à deux serait si courte. On ne prévoit pas la mort de celui qu'on aime.
. Un disparu est un disparu. Peu importent les circonstances de la disparition. A la fin, ce qui compte, c’est qu’on est seul, affreusement seul. Dépareillé. P 66
Aimer, ce n’est pas emprunter des routes toutes tracées et balisées. C'’est avancer en funambule au-dessus de précipices et savoir qu’il y a quelqu’un au bout qui dit d’une voix douce et calme : avance, continue d’avancer, n’aie pas peur, tu vas y arriver, je suis là.
Les maris ont un cruel défaut d'imagination qui fait la fortune des amants.
Le chagrin ça nimbe. Et puis ça éloigne de soi tout soupçon de méchanceté et de médiocrité.