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Critiques de Pierre Klossowski (12)
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Le Baphomet

Je ne regrette pas cette lecture. C'est sans aucun doute l'un des plus étranges romans que j'ai lu. Seulement, une grande partie de son contenu m'a été tout simplement incompréhensible. Dans le prologue, d'une durée appréciable et plutôt digeste en ce qui me concerne, on nous situe dans le moyen âge lors de la chute des templiers. On assiste aux machinations destinées à perdre une commanderie de l'ordre en attaquant la réputation de membres. Déjà, il y a un certain degré de difficulté, avec le niveau de langage, le style un peu juridique de la narration, les tournures de phrases d'époque et la perception des événements sans cesse modifiée en avançant. L'intérêt est allumé par le complot tortueux, la secte hérétique, l'impression de mystère, les aspects décadents et les éléments fantastiques. Ensuite, on bascule dans une métaphysique d'une variété fort abstraite, et la chute est sans fin. On se retrouve dans un au-delà ou les esprits ─ les souffles ─ des personnages du prologue côtoient quelques personnalités des siècles suivants, dont le soin de déterminer l'identité est laissé au lecteur. La majeure partie du texte à ce stade m'a semblé décrire le fonctionnement de cet au-delà, des cheminements de pensées, des sensations ; toutes ces choses relevant de la plus épineuse abstraction. Quasi-incompréhensible donc, et ce sans que naisse en moi la volonté de relire des passages avec effort de concentration pour tenter de percer plus avant leur signification. Pour un exemple de phrase caractéristique m'ayant fait chavirer l'esprit, voir la citation que j'ai postée. Il y a un retour sur les mystères du prologue mais le tout demeure dans la plus parfaite insolubilité.



Donc, nous sommes en présence d'un roman totalement surréaliste, voire psychédélique. J'ai une certaine admiration pour l'auteur de cette création des plus atypiques non-dénuée de scènes mémorables, mais j'ai eu la nette impression de ne pas être assez docte et tordu pour l'apprécier pleinement.
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Le Baphomet

Fin du treizième siècle, un jeune garçon d’à peine 14 ans, nommé sire Ogier de Beauséant (dont le séant s’avèrera effectivement fort attractif et cause d’orgie) est envoyé par sa tante dans une commanderie du Temple pour que les chevaliers dudit Ordre succombent à ses charmes et soient ainsi traduits en justice. Sournoise manœuvre de la tante, effectuée pour récupérer des terres dont son généreux grand-oncle paternel avait fait don au retour d’une croisade. Dans ce prologue, Pierre Klossowski, à coups d’imparfait du subjonctif, de vocabulaire désuet, et par des tournures de phrase juridique, donne au lecteur l’illusion de feuilleter un compte-rendu d’époque du procès des templiers. Tout se complique par la suite. On commence le premier chapitre sur les quais de Seine en 1964. Le Grand Maitre de l’Ordre du Temple, Jacques de Molay est devenu un souffle. Un souffle est ce qu’expire un humain lors de son décès ; pas tout à fait un esprit mais « un vouloir sans but ». Les souffles sont donc des tourbillons qui peuvent se muer en tempêtes et même être dotés de bras, de cœurs et de visages, on ne sait trop comment. Donc, Jacques de Molay, ou ce qu’il en reste, vole, plane, tourbillonne, bref s’en va vers la forteresse céleste qu’il commande et où il se passera maintes aventures dont il serait périlleux de tenter un résumé. L’imagination de Pierre Klossowski n’a d’égale que sa formidable culture. Autour d’une théorie originale sur la métempsycose des souffles il aborde des mystères chrétiens tels que la trinité ou la transsubstantiation, des questions plus universelles mais éminemment liées au christianisme comme le sacrifice et la culpabilité, mais aussi des problèmes généraux d’identité ou de communication. Tout un tas de références pour initiés sont disséminées dans une écriture protéiforme et jouissive où le lecteur est pris dans une spirale vicieuse de mythes essentiels où le bien et le mal se confondent allègrement. Rien que l’improbable rencontre d’une orgueilleuse Sainte Thérèse d’Avila avec un Nietzche antéchrist transformé en tamanoir vaut le coup de lire Le Baphomet.
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Le Baphomet

J'aimerais faire le malin, mais je dois reconnaître que ce livre n'est pas de mon niveau. Dans tous les sens du terme, car ça vole haut mais ça plane aussi pas mal.

Par moment, je comprenais ce qui m'est raconté, à d'autres je perdais pied. Et pour cause, privé d'espace où se tenir, de temps pour s'orienter, observant des souffles (présences de "vouloir sans but") jouer à l'éternel retour des préoccupations politiques et charnelles qui n'ont plus lieu d'être, littéralement, je me suis senti tomber dans cet étrange roman, ni vers le haut, ni vers le bas, subodorant parfois des références culturelles et religieuses qui m'échappaient, tenant souvent à la seule langue, somptueuse, qui réinvente avec jubilation un pseudo style médiéval.

Finalement, ayant lâché prise, largué entre "la notion gnostique des réincarnations expiatoires et l'Eternel Retour nietzschéen" (les notes et éclaircissements en fin de volume ne m'ont pas été d'une grande aide !), j'ai quand même bien rigolé - avec raison gardée - du grand n'importe-quoi terminal, tamanoir en prime.

Au moins, ce n'est pas une lecture que j'oublierai ! Je retenterai le coup dans une dizaine d'année (au moins).
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Les lois de l'hospitalité

La trilogie Les lois de l'hospitalité fut écrite entre 1953 et 1960 par Pierre Klossowski, le frère aîné du peintre Balthus. Evoquer ce lien de parenté, c'est désigner, me semble-t-il, la place respective des Klossowski (de Rola) dans l'ordre de l'esprit, et peut-être une certaine souffrance. Le peintre est prolifique, mais n'écrit jamais ; l'écrivain griffonne aussi des dessins, souvent jugés maladroits, en marge d'une œuvre littéraire assez confidentielle. Le cadet devient riche et célèbre ; l'aîné finit dans une HLM rue de la Glacière.

La révocation de l'Edit de Nantes, premier volume du recueil (la collection Le Chemin, Gallimard, 1977, les rassemble, sans souci de chronologie, autour de Roberte, ce soir), se présente sous la forme du journal alterné d'Octave, le mari, collectionneur de tableaux et catholique, et de Roberte, l'épouse, ancienne infirmière de la Croix Rouge à Rome à la fin de l'occupation nazie, soi-disant résistante, et députée parisienne. Tandis que l'homme décrit par le menu une toile imaginaire à forte charge érotique, la femme passe par divers stades de la perversion. Octave la met à toutes les sauces : attachée, fouettée, violée, surprise, mais toujours gaie et consentante. L'ambition de Roberte semble être de séduire son neveu adolescent, dont le couple s'est vu confier la tutelle. Celle du mari, de la livrer à tous les invités de la maison. Ce seraient là "Les lois de l'hospitalité."

Le titre La révocation de l'Edit de Nantes se trouve pour sa part justifié par les prétentions du texte à une vague théologie. Le dogme catholique de la présence réelle est censé protéger dans un tabernacle des lettres compromettantes. Roberte, protestante, ira les rechercher : sa foi ne lui interdit pas de toucher aux hosties consacrées.

Roberte, ce soir continue le premier volume par un dialogue théâtral coupé d'intermèdes. On retrouve la thématique précédente : Croix Rouge, Rome, églises, chanoine, nazis, viols, neveu. L'enrobage pseudo-théologique se fait omniprésent : une sorte de scolastique à base de "substance", d'"accident" et d'"actualisation" émaille de nouvelles acrobaties amoureuses.

Le Souffleur débute avec plus de simplicité. L'ambiance parisienne y est familière et presque conventionnelle. Mais les entrecroisements de personnages comme les incertitudes sur l'identité deviennent obsédants. Roberte et ses doubles connaissent toujours les affres d'Eros. Cependant un certain humour vient alléger l'ensemble, dont le texte précédent, Roberte, ce soir, reste d'ailleurs au centre : les personnages, cette fois-ci plus nombreux, mais toujours rassemblés autour du mari et de l'épouse, répètent la pièce en vue d'une représentation privée. Une ambiance onirique et vaudevillesque caractérise ce tableau des mœurs d'une intelligentsia parisienne aujourd'hui disparue quoique son décor subsiste, de la Rive Gauche au Palais Royal.

Bric-à-brac socio-psychanalytique sans doute influencé par Georges Bataille (La part maudite, Le bleu du ciel), Les lois de l'hospitalité laissent perplexe. Ne s'agirait-il donc que d'un savant prétexte à pornographie, déguisé sous un intellectualisme envahissant ? On peut malgré tout se laisser prendre au charme d'une certaine époque : les relents religieux, l'ombre de l'après-guerre, le prestige du Tout-Paris littéraire, le surréalisme et le Collège de Sociologie. Pierre Klossowski a connu tout le monde : Caillois, de Rougemont, Blanchot, Bataille. Il fait du Pierre Jean Jouve sur fond de Ionesco. Il lira Roberte, ce soir en compagnie de Michel Butor, accompagné au piano par Roland Barthes. Il a eu son heure de gloire au cinéma avec Robert Bresson (Au hasard, Balthazar) ; il inspire Pierre Zucca (Roberte) et Raul Ruiz (L'hypothèse du tableau volé).

Est-ce le style d'avant-garde années 50/60 qui échappe, de nos jours ? L'ouvrage laisse par endroits une impression d'imposture ténue. Pour ma part, comme Roger Caillois, je me serais désolidarisé du jury qui, en 1965, remit à Pierre Klossowski, pour une autre œuvre il est vrai (Le Baphomet), le Prix des critiques.
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Les lois de l'hospitalité

Avant d’être un écrivain Pierre Klossowski était un penseur. Il a entrepris des études de théologie, traduit des œuvres de Nietzsche, Heidegger, Wittgenstein, Walter Benjamin ou même le Journal de Kafka et n’a commencé à écrire de la fiction que quarante ans passés. Autant dire qu’on est loin d’avoir affaire à un inconscient, pas plus qu’à un écrivain-né. Auteur exigeant donc, avec un univers très particulier.

Trois livres écrits dans les années 1950 sont réunis sous le titre des Lois de l’hospitalité.

« Roberte, ce soir » ressemble à une pièce de théâtre un petit peu érotique dans laquelle un homme, Octave, éminent professeur de scolastique, a inventé des Lois de l’hospitalité qui consistent à offrir sa femme à ses invités. « La révocation de l’édit de Nantes » est une reprise de ce thème, mais d’une manière plus romanesque et plus développée. Elle prend la forme de deux journaux, celui d’Octave et celui de Roberte, qu’on lit alternativement. Enfin, « Le souffleur » est une mise en abîme où l’auteur de « Roberte, ce soir » est confronté à des évènements étranges, plus embrouillés les uns que les autres. Les mauvaises langues pourraient dire avec justesse que c’est un prototype d’autofiction (avec énormément de fiction, toutefois) germano-pratino-intellectualiste. L’essentiel de l’histoire se passe en effet à Saint-Germain-des-Prés et l’on croise des personnages indéniablement inspirés par des personnalités connus de l’époque.

Mais il ne faut pas donner trop d’importance au caractère autobiographique de ces trois livres. S’ils sont ancrés dans l’actualité de l’immédiate après-guerre, avec quelques allusions à la politique, à la collaboration, ce n’est pas le sujet. Comme autrui, la vie de couple, la psychanalyse, la religion, l’art, tous ces thèmes ne sont que des vecteurs pour mettre en scène un « je » et son rapport au monde à travers le langage. Qu’est-ce qu’un nom, une identité ? Roberte, en tant qu’être pensé ? Un constant retour sur soi. Un abîme sans fond décrit avec un humour burlesque ou subtil. Difficile de donner plus de détails sur ce livre foisonnant qui exalte la confusion dans une recherche de cohérence, sinon que l’auteur a un véritable penchant pour dévoiler les dilemmes. Lors d’une fameuse conversation avec le narrateur, un célèbre psychanalyste s’exclame : « Théodore, vous êtes un chef-d’œuvre d’inconséquence ! A force de vouloir maintenir le pour et le contre, votre raison s’exténue. » L’important c’est de le savoir.

Et ce n’est pas sans raison que ces trois livres ont été réunis, ils se complètent les uns les autres. On aurait aussi pu ajouter « Le baphomet », qui est tout aussi délirant que « Le souffleur » mais plus fantastique.
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Les lois de l'hospitalité

« Il s'agit d'une œuvre principalement littéraire, même si sa richesse et son étrangeté donnent le droit de reconnaître en elle la proposition d'une nouvelle gnose. Œuvre littéraire, elle apporte à la littérature ce qui, depuis Lautréamont et peut-être depuis toujours, lui manque : je le nommerai l'hilarité du sérieux, un humour qui va beaucoup plus loin que les promesses de ce mot, une force qui n'est pas seulement parodique ou de dérision, mais qui appelle l'éclat du rire et désigne dans le rire le but ou le sens ultime d'une théologie. [...]

Les livres de Pierre Klossowski sont des récits, même quand ils commentent des mythes, comme dans ce profond livre intitulé Le Bain de Diane. Récits, ils racontent, décrivent, énoncent, intriguent. Certains les appelleront théologiques, d'autres érotiques, d'autres psychanalytiques. Je crois qu'il ne faut pas tenir grand compte de tels qualificatifs. Je suis plutôt frappé par un trait d'originalité qui se manifeste dans l'invention d'une forme nouvelle, à la vérité destinée à rester unique. »



Maurice Blanchot



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Sur Proust

Pierre Klossowski nous livre là une interprétation très personnelle de l'œuvre de Marcel Proust. S'écartant, de son propre aveu, délibérément du thème souhaité de l'entretien télévisé dont ce livre est la retranscription, il développe à l'envi des concepts philosophiques et psychanalytiques qu'une relecture de l'œuvre aurait sans doute rendue moins éloignée du propos et des objectifs que s'étaient assignés Proust.

Pour mieux illustrer son point de vue très original et déconcertant Klossowski n'hésite pas à franchir le gué pour invoquer Nietzsche et nous convaincre que Proust accepte la dissolution du moi, de son identité personnelle et une vie recluse aux murs de sa chambre pour mieux investir la multiplicité des personnages de son roman. Pour faire bonne mesure, notre néoproustien en appelle à d'autres parentés en invitant Rilke, Chateaubriand, Dickens et Flaubert, certainement honorés d'avoir, comme Proust, laissé à la postérité des milliers de pages.

Last but not least, Klossowski voit bien dans cette oeuvre d'abondance le signe indéniable d'un soulèvement d'horizon opéré par le Véhicule du diamant du bouddhisme tibétain. Une image saisissante, en effet, qui s'impose à l'esprit du lecteur...

Moins abstraitement, l'auteur convient que le roman de Proust, au-delà de la finesse de dentelle de ses descriptions de la société mondaine du début de ce XX ème siècle, constitue bien une méthode de pensée. Soulignant au passage ce que Platon dans le mythe de la caverne et -il y revient- Bouddha nous expliquent, Proust développe d'une manière des plus secrètes une discipline de dévoilement progressif des différentes toiles de fond, des différents écrans qui font obstruction à une vision dernière. Ainsi, le lecteur n'aurait qu'une appréciation confuse et se détourne du vrai phénomène. Mais l'œuvre de Proust est pour le lecteur non seulement un instrument de pensée mais aussi une ouverture sur sa propre vie et sur le monde.

A défaut du temps retrouvé, ce petit opuscule nous fait passer un court moment avec celui qui sacrifia sa vie pour notre unique plaisir. Ceci vaut bien quelques indulgences à cet essai mais guère d'hommage.

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Sur Proust

Sur Proust est un court texte (40 pages) autour de notes de lecture par Monsieur Klossowski sur le divin Marcel, à l'occasion de la préparation du film « Proust et les sens » dont le scénario fût écrit par Michel Butor et Pierre Favart, un film diffusé en 1972.



La sérieuse formation religieuse de Klossowski l'a amené à penser que le processus d'écriture proustien consiste en la préparation d'un état extatique né de la dissolution de tous les êtres, donnant ainsi une vision occidentale du bouddhisme.



Ici, l'interprétation très personnelle de l'oeuvre de Proust me dépasse quelque peu et me laisse sans opinion.



Dans la préface de Luc Lagarde du livre, je lis…chaque lecture, passée comme à venir, l'atteste à sa manière. Parce que Proust est un homme sans confession, que ses paradis sont multiples et qu'il trouve ainsi le vecteur de destinées profitant à chacun. C'est la roue du temps qui en donne les clefs.



Merci à Babelio et à Serge Safran Ëditeur pour cette lecture éclairante.




Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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Sur Proust

Un livre très érudit pour aller au-delà de la lecture de "La Recherche", pour se perdre et se retrouver, se délecter encore et encore.
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Les lois de l'hospitalité : La révocation de l'..

à lire
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Sade mon prochain, précédé de

Un Appendice examine la relation psychanalytique au père et à la mère (voire à l'épouse et à la belle-mère) où apparaît un complexe oedipien NEGATIF et où seront distinguées la perversion sodomite (fondamentale chez Sade) et l'homosexualité.
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La Monnaie vivante

Klossowski reprend là son thème de marchandisation du fantasme érotique selon les normes industrielles
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