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Citations de Régine Pernoud (192)


L'œuvre d'Hildegarde de Bingen est immense et diverse. Nous en avons évoqué la partie la plus importante : ses visions de l'univers, l'homme au centre de l'univers créé, l'expression musicale et poétique de ses soixante-dix symphonies (et même davantage), la richesse de sa correspondance, qui témoigne de la confiance que lui accordaient les autorités religieuses ainsi que les puissances séculières de son temps. Il faudrait y ajouter des activités plus marginales, comme cette curieuse élaboration d'une lingua ignota, une langue et même un alphabet nouveaux qu'elle semble avoir voulu forger, peut-être avec la contribution des religieuses qui l'entouraient et qui aboutit à des élucubrations assez bizarres. Cette occupation témoigne d'un esprit d'invention qui peut paraître hors norme, gratuit, voire un peu futile, mais aussi d'un goût de la recherche qui est bien de son temps. […] Dans cette vie si féconde, il faut aussi faire la part d'une activité qui déborde nettement le cadre habituel des études et des préoccupations d'une vie vouée à la prière.
On ne connaît que deux ouvrages médicaux composés en Occident au XIIe siècle : ils sont tous les deux l'œuvre d'Hildegarde. Elle a composé une véritable encyclopédie des connaissances du temps en Allemagne, en matière de sciences naturelles d'une part, de médecine d'autre part. L’une et l'autre aussi inattendues, reconnaissons-le, dans l'œuvre d'une visionnaire et d'une mystique qu'on imagine facilement perdue dans la contemplation de l'au-delà.
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Hildegarde insiste : « Et de nouveau, j'entendis une voix du ciel me disant : "Dis donc ces merveilles et écris-les telles qu'elles te sont enseignées et dites." Cela fut fait en 1141 dans la onze cent quarante et unième année de l'Incarnation de Jésus-Christ, Fils de Dieu, alors que j'avais quarante-deux ans et sept mois. Une lumière de feu, d'une extrême brillance venant du ciel ouvert, fondit sur mon cerveau tout entier et tout mon corps, et toute ma poitrine, comme une flamme qui cependant ne brûlait pas, mais qui par sa chaleur enflammait de la façon que le soleil chauffe ce sur quoi il darde ses rayons. » Elle ajoute : « J'avais ressenti la force des mystères, des secrets et des visions admirables depuis mon jeune âge, c'est-à-dire depuis le temps où j'avais environ cinq ans jusqu'à présent de façon admirable, en moi-même comme à présent ; cependant, je ne l'avais manifesté à aucun homme sauf quelques-uns peu nombreux hommes religieux qui vivaient dans le même état où j'étais moi-même ; autrement j'avais gardé dans un tranquille silence tout ce temps jusqu'à ce moment où Dieu voulut me manifester cela par Sa grâce. » Elle donne ensuite à propos de ses visions des détails sur lesquels il nous faudra revenir : « Les visions que j'ai vues, ce n'est pas dans le sommeil ni en dormant, ni en extase, ni par mes yeux corporels ou mes oreilles humaines extérieures ; je ne les ai pas perçues dans des lieux cachés, mais c'est en étant éveillée que je les vois de mes yeux et de mes oreilles humaines intérieurement ; simplement en esprit, et je les ai reçues dans des endroits découverts selon la volonté de Dieu. »
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« Dans la troisième année de mon âge, j'ai vu une telle lumière que mon âme en a été ébranlée, mais à cause de mon enfance, je n'ai rien pu en dire. » Elle poursuit : « Dans la huitième année de mon âge, j'ai été offerte à Dieu en offrande spirituelle et jusqu'à ma quinzième année, j'ai vu beaucoup de choses et je les disais parfois en toute simplicité, si bien que ceux qui m'entendaient se demandaient d'où cela venait et ce qu'il en était. Et moi-même, je m'en étonnais parce que ce que j'ai vu dans mon âme, j'en avais même la vision extérieure et comme je voyais que cela n'arrivait à personne d'autre, j'ai caché autant que je l'ai pu la vision que j'avais dans mon âme. J'ai ignoré beaucoup de choses de la vie extérieure, car j'ai été souvent malade depuis le temps où ma mère m'allaitait et plus tard, ce qui nuisit à mon développement et m'empêcha de prendre des forces. »
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On peut penser que cette enfant à la santé délicate avait un don de double vue qui tour à tour étonnait et inquiétait son entourage. Certains psychologues reconnaissent aujourd'hui aux enfants une possibilité d'intuition supérieure à celle des adultes. Dans le cas d'Hildegarde, il semble bien que son entourage familial ait été dès sa petite enfance frappé par ses capacités exceptionnelles, et qu'elle-même s'en soit trouvée gênée.
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Le présent ouvrage, loin de constituer une biographie d'Hildegarde, tente seulement de mettre en lumière les divers « pôles », pourrait-on dire, de sa pensée et de son activité. A travers l'étude de sa correspondance, il s'attache particulièrement aux sermons qu'elle a prononcés dans plusieurs cathédrales et non des moindres : Trèves, Cologne, Bamberg, Mayence... Car elle fut à diverses reprises appelée à prêcher en public - et les clercs qui l'avaient entendue lui demandaient ensuite qu'elle leur communiquât par écrit les sermons prononcés. C’est peut-être le trait qui, en notre XXe siècle, nous surprendra le plus.
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C'est pourtant, paradoxalement, par ses ouvrages médicaux qu'elle commence à rencontrer aujourd'hui la faveur du public. Ouvrages singuliers à leur époque, puisque ce sont les seuls traités de médecine – ou de ce que nous appelons sciences naturelles composés en Occident au XIIe, siècle : la médecine est alors plutôt pratiquée par l'école juive de Cordoue, celle de Maïmonide, reprise en partie par les Arabes. Encore une facette, surprenante, de cette moniale à la curiosité universelle.
Mais la partie la plus fascinante de son œuvre est bien sa « théologie cosmique », vision de l'univers ample et minutieuse à la fois, éblouissant regard porté sur le monde, que les magnifiques miniatures du manuscrit de Lucques nous permettent de saisir dans tout son éclat.
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Quelle époque peut mieux que la nôtre comprendre l'Inquisition médiévale, à condition que nous transposions le délit d'opinion du domaine religieux au domaine politique? Il est même très surprenant pour l'historien de constater cette montée, envahissante en tous pays, de la sévérité envers le délit d'opinion politique. Tous les châtiments, toutes les hécatombes semblent en notre temps justifiés pour punir ou prévenir déviations ou erreurs quant à la ligne politique adoptée par les pouvoirs en exercice. Et dans la plupart des cas il ne suffit pas de bannir celui qui succombe à l'hérésie politique, il importe de convaincre, d'où les lavages de cerveau qui usent en l'homme la capacité de résistance intérieure. On peut se demander si en ce domaine du délit d'opinion la notion de progrès ne se trouve pas mise en échec.
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Galilée n'avait pas découvert que la terre était ronde; on le savait depuis quatre siècles. Ensuite il n'avait pas été brûlé vif, mais seulement emprisonné, ce qui était déjà une manière bien peu courtoise de traiter quelqu'un qui s'avisait pour la première fois que la terre tourne autour du soleil. Enfin le tout ne se passait pas au Moyen Age. Galilée, né en 1564, mort en 1642, était contemporain de Descartes. L'affaire Galilée a eu lieu cent ans après la naissance de Montaigne, plus de cent ans après la Réforme, presque 200 ans après l'invention de l'imprimerie...
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Erec et Enide exalté la grandeur du couple-non quand les amants jouissent l un de l autre,absorbés dans un bonheur qui les replié sur eux-mêmes, mais quand, poursuivant ensemble un but commun, ils sont pleinement le Chevalier et la Dame, et provoquent, par le don d eux-mêmes, et pour avoir ensemble affronté l aventure, la joie de la cour.
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L'imitation du latin classique s'est étendue à l'étude de la langue. On a tenté de réduire la phrase française aux normes de la phrase latine ; d'où les ébouriffantes règles de grammaire et d'analyse logique qui furent imposées aux élèves, avec les « conjonctives de restriction » et autres sornettes nées dans la cervelle de grammairiens animés d'un sombre pédantisme. De là aussi notre orthographe l'une des plus extravagantes qui soient. C'est pour imiter l'Antiquité que le mot homme a été pourvu d'un h, qu'on a multiplié les ph, les redoublements de m et de n... Et la tendance était ainsi posée qu'on devait en venir, assez tardivement il est vrai, puisque cela ne s'est guère produit qu'au XIXè siècle - à juger de la culture d'un individu à son orthographe ! Certes, la règle s'est instaurée en même temps que l'imprimerie, qui avait imposé une certaine fixité dans l'usage. Mais ce fut un grand malheur pour des générations d'écoliers qui durent, et doivent encore, subir cette fantaisie des pédants de la Renaissance, calquée, comme tout le reste, sur ce que leur dictaient les inscriptions antiques. Nous assistons actuellement à l'éclatement de cet appareil. Certains en restent inconsolables. On peut pourtant se demander en quoi pareille tendance, réactionnaire dans son essence, était justifiée ; elle paraîtra aux générations qui vont suivre de moins en moins justifiable.
Répétons-le : l'admiration qu'on peut éprouver pour le monde antique n'est pas ici en question. Dans les lettres comme dans les arts - pour adopter les classifications toujours en usage - on n'avait cessé, au Moyen Âge, de puiser dans l'Antiquité, sans toutefois considérer ces œuvres comme des archétypes, des modèles. C'est au XVIè siècle que s'est imposée, dans ce domaine aussi, la loi d'imitation.
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Aussi (les manches) étaient-elles détachables ; on les boutonnait au moment de se vêtir ou encore on se trouvait dans l'obligation de les lacer ou même de les coudre. Elles étaient considérées comme plus ou moins indépendantes du costume.
Dans les tournois, il n'était pas rare que, comme gage d'admiration, une dame lançât sa manche au chevalier vainqueur qui en ornait son cimier. La locution : "c'est une autre paire de manches", nous est venue de cet usage.
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(...) dans le midi près de Valence, on fabrique encore la savoureuse pogne qui était un gâteau fait traditionnellement avec 40 oeufs, le gâteau de Pâques pour lequel on utilisait les oeufs mis en conserve pendant le carême ; dans le Morvan on mange encore, pour Pâques, le jambon farçi aux oeufs ; et plus généralement la coutume des oeufs de Pâques provient de cette longue privation qui marquait les jours d'abstinence.
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La salle à manger proprement dite n'apparaît guère avant le XIVème ou XVème siècle ; jusque-là, même dans les châteaux, on mange dans l'une des pièces qui peut servir aussi de salle de réunion ou de salle de garde, et dans laquelle on dresse seulement, à l'heure des repas, des pièces de bois sur des tréteaux. Un souvenir de ce mode de vie nous est resté dans l'expression "mettre la table" ce qui avait lieu alors au sens propre.
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On se chaussait chez le cordonnier qui tirait son nom du cuir de Cordoue dont il confectionnait bottes et sandales (...)
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Le maréchal, au XIème siècle, est encore celui qui dompte les chevaux ; dans les domaines seigneuriaux, c'est ce personnage qui a la surveillance des haras et des écuries et qui veille au ravitaillement de celles-ci ; (...)
Par une évolution significative, ce maréchal aura la haute main sur les armées royales et le terme finira par désigner le plus haut grade militaire.
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« Ô Dieu, qui avez fait admirablement toutes choses, Vous avez couronné l’homme de la couronne d’or de l’intelligence ; et Vous l’avez revêtu du vêtement superbe de la beauté visible ; en le plaçant ainsi, comme un prince, au-dessus de Vos ouvrages parfaits, que Vous avez disposés avec justice et bonté parmi Vos créatures. Car Vous avez octroyé à l’homme des dignités plus grandes et plus admirables qu »aux autres créatures. » Moment de contemplation, pendant lequel Hildegarde exprime un sentiment qu’on retrouve ailleurs dans son œuvre : l’émerveillement devant la beauté de la création, sentiment familier à l’époque où elle vit, le même qui est admirablement ressenti et exprimé dans l’œuvre d’un Hugues de Saint-Victor : « Dieu, dit-il, n’a pas voulu seulement que le monde soit, mais qu’il soit beau et magnifique. »
(page 46)
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« Primitivement, les hommes étaient rudes et simples dans leurs mœurs ; ensuite, dans l’Ancienne et la Nouvelle Loi, devenus plus instruits, ils se molestèrent et s’affligèrent mutuellement.
Mais sur la fin des siècles, ajoute-t-elle, ils auront à souffrir beaucoup de traverses dans leur endurcissement. (…) »
(page 44)
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À plusieurs reprises dans d’autres correspondances, Hildegarde revient sur cette discrétion à laquelle il faut recourir en toutes choses, et notamment pour éviter les excès de pénitence et de mortification qui sont en réalité des erreurs, des « erreurs diaboliques »
(page 73)
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Le peuple n'est pas fait pour le prince, mais le prince pour le peuple. (St Thomas)
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[La bourgeoisie] a pris le pas sur les seigneurs des temps précédents, en achetant et en vendant. Ceux qui, aux États généraux, prétendaient représenter le peuple, représentaient en fait la classe bourgeoise. Celle qui vend et qui achète. Dorénavant, vendre et acheter va vous donner le droit d'exister et d'être quelqu'un.
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