Citations de Roger-Pol Droit (353)
Yves - Comme un mouvement de marche, une pensée a trois composantes: avancement, équilibre et posture. En effet, toute pensée avance avec le temps, sans retour possible, sauf par le souvenir ; elle se tient en équilibre, avec des déséquilibres rattrapés, et, malgré le risque constant de glisser, elle conserve sa posture, assurant le maintien de la logique et des émotions qui est propre à chacun.
Ces analogies peuvent permettre d'envisager que marcher et penser possèdent un substrat neurophysiologique commun, même s'il est encore incomplètement connu et même en partie hypothétique. Cette proximité entre les fonctions de la marche et de la pensée peut à son tour permettre de postuler qu'on pense comme on marche et que marcher peut faciliter les pensées. Nous retrouvons nos deux hypothèses initiales. (p. 193)
Xavier Grall : "Le pire des crimes, c'est le surplace, ne pas avancer, rester toujours là comme ça, collé aux chaises comme une chose stagnante, une glaire de vieux." (p. 192)
D'autres fois, on déambule sans utilité apparente, comme pour jouir de l'élémentaire, beauté des lieux, senteurs du paysage, joie déchapper aux conventions, satistaction déprouver et de renforcer son corps. Tout cela concourt au plaisir de marcher. (p. 176)
Ne marche pas devant moi, je ne te suivrai peut-être pas.
Ne marche pas derrière moi, je te guiderai peut-être pas.
Marche à côté de moi et sois simplement mon amie.
~ Albert Camus (p. 113)
Pour moi [Yves Agid], être conscient, c'est répondre aux événements de l'environnement d'une façon adaptée, qui ne soit pas automatique, et qui s'accompagne d'une manière de se rapporter soi. (p. 98)
La pensée n'existe pas en soi, elle n'existe que lorsque le cerveau entre en interaction avec l'environnement. (p. 65)
On peut même se faire une idée de la situation sociale d'une personne en la regardant marcher. [...] celui que j'appelle le "petit péteux superficiel" (pps), etc. (p. 53)
En bref, pour marcher, il faut avancer, mais aussi tenir en équilibre, et assurer une posture. (p. 39)
[...] réinventer quelques promenades pensantes [...] (p. 35)
[...] Comme si marcher facilitait la créativité. (p. 25)
Yves - C'est pareil... On est amené à réfléchir, heureusement, aussi bien en médecine qu'en science. Avec une différence, toutetois. En médecine, on soigne, donc on cherche des idées dans le présent, en se référant au passé. En science, on cherche, mais cette fois avec des idées pour le futur en se référant au présent. Je n'ose te dire, dans I'un et l'autre cas, combien de fois j'ai manqué d'idées ! (p. 23)
Les opposés – qu’il appelle raison et folie, Occident et Orient, normalité et perversion sexuelles – ne préexistent pas à la partition qui les définit. Le mouvement même qui les distingue est celui qui les fait être. Ce processus est impersonnel. Il ne requiert ni sujet ni dessein volontaire. Il est toutefois générateur de luttes, traversé de tensions, scandé de ruptures. (p. 34)
Accepter le « sans-limites », c’est accepter l’inhumain.
Parce que « sens des limites » veut dire aussi « sens de l’humain ».
Il faut faire l’éloge de l’interdit. Nous avons tant pris l’habitude de croire que « vivre sans temps mort et jouir sans entraves »était un but suprême, le pli est tellement prix de juger que « sans tabou »tout est mieux, de considérer les interdits comme arbitraires, conventionnels, voire absurdes… que nous avons fini par oublier complètement combien la limite - celle qui dit non, exclut, et ne transige pas - possède une indispensable fonction de structuration.
penser et poser la limite - la déposer, la reposer, la repenser - constitue une des activités humaines principales, sans doute la plus décisive. En un sens, la limite est la vie même. Sans limite, il y aurait ni pensée, ni relations, ni société. Pas d’existence, ni de coexistence.
Imaginez, pendant quelques secondes, qu’un virus encore inconcevable atteigne demain toutes les tables du monde et les fasse disparaître.
Les choses destinées à la musique forment une tribu à part. Leur relation au corps est tout à fait singulière. Elles lui dictent leur loi, en même temps, elles attendent tout de lui. La flûte exige une exacte position du tronc, des bras, des doigts, un placement précis des lèvres et du souffle. Quelques millimètres d'écart, tout change.
[...] ni héroïque ni téméraire, mais fidèle et sérieux, le trombone est une figure de l’éthique.
Regarder l’autre dormir : Il n’y a donc que la porter dans votre tendresse qui puisse aller, au plus loin où vous pouvez l’attendre, au plus vivant de ce silence dont elle ne saura rien.