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Critiques de Roland Barthes (184)
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Fragments d'un discours amoureux

" je ne tombe jamais amoureux, que je ne l’aie désiré, la vacance que j’accomplis en moi (…) n’est rien que ce temps, plus ou moins long, où je cherche des yeux, autour de moi, sans en avoir l’air, qui aimer. "

Nous avons besoin d'aimer et d'être aimé(e). Le grand sémiologue analyse le discours amoureux, prenant des exemples littéraires et quotidiens. Rafraîchissant. Cela donne envie de (re)tomber amoureux.
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Mythologies

Livre court mais dense. Un ouvrage révolutionnaire dans plusieurs sens du terme, fortement emprunt de philosophie marxiste. Mais au-delà des clivages politiques (le livre plaira davantage à la sensibilité de gauche logiquement, parfois de façon légèrement caricaturale), il faut admirer l'aspect visionnaire du débat en 1956-57 et le déchiffrage méticuleux de la sémiologie. Pour être honnête je n'ai pas tout compris même en relisant certaines phrases plusieurs fois - c'est propre à l'hermétisme philosophique sans doute - mais j'ai humblement perçu la pertinence du livre. A ranger parmi les dénicheurs de complot (style Chomsky) et à relire régulièrement sans doute. Un intérêt également historique concernant l'actualité de cette époque. Et puis pour impressionner en soirée, il faut l'avoir lu !
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L'Empire des signes

Voyager, c'est partir à la rencontre. A la rencontre de tout autre et à l'encontre de soi. Tout autre que soi même. C'est avoir la capacité de se mettre en demeure de l'autre. Et pour approcher cet état d'esprit il faut tenter - tenter est le seul verbe acceptable, tant les archétypes de nos pensées et langage nous pétrissent - de se débarrasser de notre intelligibilité, de l' articulation de nos idées que nous avons apprise, et qui nous donnerait fausse démarche pour nous rendre «  là-bas » .

Préparer un voyage s'est peut être d'abord se décharger. Se décharger de ce que nous emportons.

Savoir se préparer à Être telle une entité martienne unijambiste et manchote découvrant une boite à chaussure. Comment imaginer cette boite au delà de sa nature, et de ce fait comprendre son langage, ses fonctionnalités, l'ordre ou le désordre dans laquelle elle s'inscrit, si on ne peut penser la marche, le pied, la main, le couvercle de cette boite et donc la chaussure...Le martien, là bas aurait bien vu et même touché une boite. Boite dont il peut se représenter l'image mais non l'idée. Il pourra vous le dire avec toute sa bonne foi d'entité martienne  : « j'ai vu un machin, plein de machins, d’extraordinaires machins... » Mais qu'est ce que machin vient faire « là-bas » ?... Il faut déposer les armes qui nous tiennent, qui nous donnent stature martienne.

Il faut accepter d'être nouveau né. Pas de savoir, pas de mot, pas de doute, pas de grammaire, entrer dans une autre dimension. Entrer sans comparaison, sans vouloir y placarder notre raison. Se mouvoir, en appeler à nos sens et ne vouloir jamais y traduire un sens. Roland Barthes s'est rendu en ce « là-bas ». Pour lui ce monde qui jusqu’à lors se trouvait dans l'idée, dans l'image et non dans le fait même d'exister. Et c'est à ce fait qu'il est venu connaitre ce monde, cet « empire des signes ».

Tout « martien » qui veut se rendre en « un là-bas », ou qui veut en son « là-bas » accueillir ceux qu'il nomme « martiens », et cela où que « ces là-bas » puissent se trouver, devrait avoir en tête ce livre.

Le Japon est donné à titre d'illustration. Vous ne connaitrez pas le Japon après l'avoir lu, vous ne connaitrez pas non plus le Japon de Roland Barthes. C'est un livre qui vous racontera l'expérience qu'il s'est proposé de vivre. Dans « un système symphonique inouï, entièrement dépris du nôtre ».

Un « Satori », qu'il a tenté de mettre en écrit, le compte rendu d'un événement, « un seïsme qui fait vaciller la la connaissance, et qui laisse le sujet vide de parole ». A blank. Notre culture entraîne son histoire, et notre histoire nous ramène à notre nature. Tout devient « impossible », « inconcevable », « intraduisible ». Là le sujet n'a pas sa place, mais il peut avoir conscience de sa position. Le Japon recèle d'esprits, de fantômes, d'entité célestes. Un monde fantasmagorique et fantomatique pour le martien. Lui qui n'a de cesse de positionner le sujet - qui le plus souvent n'est personne d'autre que lui même - au centre de ses phrases comment peut il concevoir que « là-bas » l'inanimé et l'animé soient totalement dissocié ? Au point que le fantôme ne fut jamais. Ne fut dans le sens auquel nous rattachons l'esprit de vie. Non il n'existe pas. La bas. Pourtant il en fait partie. C'est la syntaxe, le verbe, la structure, l'architecture du langage qui est différent. Différent au point de renverser des millénaires de concepts de pensée martienne.

Là-bas le sujet n'est pas le socle de la phrase, il n'est pas l'objet du propos, il s'intègre dans la phrase. Comme pied jambe ou œil dans un corps. Et cela entraîne un niveau de communication tout autre. Le corps est signifiant. Habitudes, gestes, postures, codes, font partie du langage de ce là- bas. La vie est une phrase, un chemin de pensée. Le manger est un acte, un fait, mais également une parole. On compose, on picore, on se livre à la becquée, on ne coupe ni ne tranche. Voilà un signe de conduite.

Rite, peut être mais sans sacralisation. D'où peut être ce rapport à la « crudité » de l'aliment. Crudité du vivant qui nous étonne, nous repousse. Car nous n'avons pas nous les martiens le même rapport entre l'animé ét l'inanimé. La bas les villes sont différentes, d'un genre qui au pays des martiens n'existe pas. Nos villes sont concentriques. Elles s'enroulent sur elle même. Nous plaçons en son centre notre réalité, notre vérité. Le cœur sur la planète des martiens doit être plein, et tout doit tendre à atteindre, à connaître et à se reconnaître en ce cœur, le centre de la cité.

Là- bas, dans une cité que nous nommons Tokyo, le centre est vide, un sacré interdit. C'est autour de ce vide central que là- bas tout se meut. On gravite autour. « Un déploiement circulaire autour d'un centre vide ». Là- bas les villes sont excentriques. Du moins elles le furent avant que ne soient rasé nombre de ville japonaises à la fin de la seconde guerre mondiale...

Le raisonnement se situe au niveau de l'espace et du volume. Sur Mars c'est la masse qui déterminera la place prise. Cela se retrouve dans les nouvelles cités du Japon puisque la modularité est l'une de leurs particularités, au même titre que celle de l'intérieur des demeures.

On peut retrouver l'écho de cette architecture mentale jusque dans la fabrication d'un cadeau. Ainsi voit on que l'enveloppe d'un paquet a valeur d'expression du sens. Les enveloppes des cadeaux sont précieux, riches, ouvragés. Et peu importe ce qu'elles contiennent. Le présent est l'objet. Dans le geste de ce qu'il signifie. Sur mars, l'enveloppe n'est que l'impression de ce qu'elle renferme. Nous cachons. La bas tout est dans la totalité du geste. Autre signe.

Et cela rappelle la structure du langage. Le sujet n'est pas le socle, au même titre que l'objet dans l’enveloppe n'est pas le présent. Il fait partie du tout.

La langue contient l'esprit. C'est ainsi que la traduction d'un texte ne peut être fidèle sans une connaissance approfondie de la culture. Interrogeons nous sur la place du verbe par exemple dans la phrase allemande. Le verbe clôt la phrase. L'action verrouille en quelque sorte. Qu'en est il de notre propre langage ? Quel est donc la colonne cérébral de notre sujet suivi de son verbe, parfois complètement noyé et non dilué dans un ou plusieurs compléments?

« Là bas » on est au sujet de ce qui se prononce, on n'est pas le sujet de ce qui est prononcé.

Ce qui là-bas permet la dilution totale du sujet dans la phrase. Cette architecture phénoménale de la pensée peut supporter de par son esprit « l’événement du Haïku ». Ce drapé de l'esprit qui dévet soudainement un des éclats du corps de la langue, cette « soie du langage », cet « événement bref qui trouve d'un coup sa forme juste ». Cette diffraction du langage qui n'est pas le reflet d'une image mais une réverbération d'un ensemble de geste. Le haïku doit être entendu comme la claquement du geste, qui n'a pas précisément de timbre propre mais qui doit permettre d'en saisir un des tons. Une note articulée. Ainsi peut on rendre possible « le geste de l'idée » et non son contraire. Ce geste de l'idée on le retrouve dans le théâtre japonais là on l'acteur qui, pour nous martiens « se travestie » en femme, n'évoque que le signifié, par une combinaison de geste. Le rôle de la femme n'est pas représentée, mais signifié. On ne joue pas d'artifice, on ne fait pas semblant d'être, on est pas, personne n'est dupe, parce que la puissance des signes suffit au signifiant pour signifier.

Aucune pensée n'est vierge, mais on peut tenter cet exercice. Ne pas juste se contenter « d'arriver à » mais espérer « d'en arrivée à ».

En lisant ce livre nous ne connaissons toujours pas le Japon, mais nous en avons peut être appris beaucoup sur nous mêmes. C'est peut être là la principale raison pour laquelle tout bon martien devrait se rendre là-bas, au sujet même de ce qu'il n'est pas, pour trouver peut être la réalité de son propre sujet.



Astrid Shriqui Garain

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La Chambre claire : Note sur la photographie

Une réflexion poétique et très riche sur l'imaginaire photographique. En partant de ses expériences personnelles, Barthes invite son lecteur à réfléchir sur ce qu'est "l'essence" de la photographie. Pourquoi certaines photographies nous parlent plus que d'autres? Comment expliquer ce malaise ressentis lorsque nous sommes confrontés à des photos nous représentant? Toute une série de questions pour lesquelles Barthes ne s'attache non pas à répondre mais à donner des clefs de compréhension.
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Le plaisir du texte

la critique du texte littéraire le rend plus accessible à une bonne compréhension.

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Fragments d'un discours amoureux

Un discours "d'une extrême solitude"

Pourquoi ce livre exerce-t'il une telle fascination ? Peut-être parce qu'il traite d'un sentiment universel, de ce sentiment qui nous fragmente, en faisant appel à un corpus littéraire et philosophique d'une grande richesse. On éprouve tous ce sentiment qui nous élève, parfois, sur un nuage, ou nous décime, le plus souvent, en lambeaux. ; les réflexions de nos pensées influant directement sur notre physique. L'intelligence du livre se révèle par les multiples approches possibles, sans avoir la contrainte de le lire du début à la fin, mais selon l'humeur qui nous habite au moment de l'ouvrir. C'est donc cette liberté de lecture, incomparable, qui le rend unique, offrant la possibilité, pour chaque entrée, de ne garder que l’essentiel, tout en nous donnant des pistes de lecture complémentaires.
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La Préparation du roman I et II : Cours et sémi..

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L'Empire des signes

Roland Barthes a compris l'âme japonaise ! un maître qui nous donne son abécédaire de fin observateur et de parfait voyageur !

Il nous donne les clés de son approche sur la CONTEMPLATION (si loin de nous, la méditation et autres particularités...) qui peuple leur art, leur rêve, essence même de leur mode de vie...

L'abstraction des signes en est le fil conducteur.
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La Chambre claire : Note sur la photographie

Merci à Roland Barthes ! c'est dans la continuité de son livre "l'empire des signes"...

Il m'a fait comprendre ce qu'est la photo dans sa dimension naturelle, au de-là de la technique... c'est un état d'esprit, l'appareil n'étant que le prolongement de l'œil... l'important étant d'apprendre à VOIR avant de manier l'objectif,

d'affirmer un REGARD qui se pose sur les choses banales de la vie, de ressentir un CADRAGE qui interroge ! creuser un sujet qui surprend ! guetter la LUMIÈRE, et bâtir une image profonde, bien à soi... celle qui est unique !

L'instinct se révèle être un décodeur visuel, la créativité un capteur de chaque instant, vivant une réelle transe photographique ! La photo "argentique" ou numérique ? c'est de l'apnée constante pour tous les sens...
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Le plaisir du texte

Un essai remarquable sur le plaisir et la jouissance du texte. Un essai qui nous ouvre les yeux sur l'appréhension du texte comme corps. C'est ainsi la matérialité du texte qui est ici approchée, jusqu'à sa sensualité :



"Qu'est-ce que la signifiance ? C'est le sens en ce qu'il est produit

sensuellement".



Sensualité, jouissance du texte, plaisir plus que désir....Plaisir supérieur au désir au yeux de l'auteur, en ce sens que "le Désir aurait une dignité épistémique, le Plaisir non".



Barthes ravit le lecteur jusqu'à la possibilité d'une caresse des mots qui pousse à une sorte de contemplation. Comme un poème, ce texte non seulement pousse à la réflexion mais à l'abandon au rêve... Ce texte est émotion.

En conclusion, et cette idée parcourt implicitement tout le livre, Barthes place le lecteur au cœur d'un paradoxe en l'obligeant à penser l'écriture vocale, ou écriture à haute voix. Comment en avoir une idée ? Qu'est-ce qu'une écriture hors du silence des mots ?



"Il suffit en effet que le cinéma prenne de très près le son de la parole (c'est en somme la définition généralisée du "grain" de l'écriture) et fasse entendre dans leur matérialité, dans leur sensualité, le souffle, la rocaille, la pulpe des lèvres, toute une présence du museau humain (que la voix, que l'écriture soient fraîches, souples, lubrifiées, finement granuleuses et vibrantes comme le museau d'un animal), pour qu'il réussisse à déporter le signifié très loin et à jeter, pour ainsi dire, le corps anonyme de l'acteur dans mon oreille : ça granule, ça grésille, ça caresse, ça râpe, ça coupe, ça jouit." (phrase finale).



Dépasser le signifié, la représentation, afin que le lecteur puisse se laisser porter par une voix qui peut l'émouvoir... jusqu'au point le plus haut.

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Mythologies

Barthes veut montrer qu'à l'instar de l'antiquité, la vie moderne secrète des mythes mais des mythes autour de choses ordinaires (steak frites, catch, mariage). Pour ma part, même si j'ai apprécié cet essai j'ai été légèrement déçue au vu des échos qu'il reçoit.
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Mythologies

J'avais adoré ce livre quand j'étais lycéenne. Il est resté longtemps au Panthéon de mes favoris. Je l'ai relu et j' ai constaté qu'il avait beaucoup vieilli, ce qui n'est pas le cas d'autres textes de la même époque: Jakobson, Levi- Strauss, Chomsky, Lacan (liste non exhaustive). C'est le propre des écrits très datés, comme les textes parodiques ou pamphlétaires je crois, de finir au rayon vide grenier à côté des idées qu'ils dénonçaient. Même la très belle écriture de Barthes n'apparaît pas clairement dans cette bimbeloterie . Et de nos jours, qu'est donc la petite bourgeoisie devenue? Qui pourrait écrire les Mythologies contemporaines? En attendant je relis aussi Roland Barthes par Roland Barthes, ou encore Sur Racine.
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Le plaisir du texte

Une approche du plaisir du texte, de cette jouissance des mots, approchée par le truchement de plusieurs auteurs. L'étonnement du lecteur face au récit, voilà la recherche annoncée par R Barthes, avec toujours sa même facilité à exprimer le compliqué dans un langage clair. Le texte les mots deviennent sous sa plume des mets, on peut y sentir des goûts, des saveurs. Fine analyse qui va jusqu'à nous rappeler que l'écriture vocale, l'écriture à haute voix est un élément essentiel pour transmettre un message.

Vraiment passionnant...
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Essais critiques, tome 4 : Le bruissement d..

C'est une sacrée lecture à entreprendre, riche, complexe, qui s'adresse aux spécialistes de la langue de la grammaire, de la synthaxe...Un livre que tous les professeurs de Français devraient lire et décortiquer...
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L'Empire des signes

Un livre très subtil et magnifiquement écrit.

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Fragments d'un discours amoureux

Écouté la version lue par Fabrice Luchini.



Certains passages un peu ardus demanderaient à être lus plus qu'écoutés.



Il me semble indispensable de se procurer la version imprimée pour en savourer chaque phrase. La peser, la méditer. Ces réflexions ont trouvé de nombreux échos en moi.
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Sade, Fourier, Loyola

Un livre parlant d'idéologie mise dans l'acte d'écrire, très intéressant. J'ai ainsi compris ce que sont les biographèmes.

Ce nom savant est tout simplement le point de passage obligé dans toute biographie (date et lieu de naissance, formation reçue etc.)
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Mythologies

Ecrits entre 1954 et 1956, Mythologies de Roland Barthes a paru en 1957. Le livre est constitué de 53 textes courts, écrits au fil de l’actualité et d’une seconde partie, intitulée Le mythe, aujourd’hui. A la fois « datées » et intemporelles, les réflexions de l’auteur nous interpelle, en tant que lecteur et citoyen.



Différente de la sociologie, proche de la linguistique, mais empruntant ses propres voix réflexives et proposant une méthode spécifique, la sémiologie m’était totalement inconnue. Ce qui est surprenant, c'est d'abord le fait que Barthes s’intéresse avec le même sérieux à l’analyse du catch, des péplums, de la Citroën et du strip-tease qu’aux critiques portées au théâtre jugé trop intellectuel, au Poujadisme ou aux grèves. Il expose chaque élément qu’il traite avec le même ton, qui se veut à la fois scientifique - fondé sur des faits objectifs – et très personnel. S’attachant à décrypter les mythes contemporains, il cherche à emmener son lecteur « au-delà » du fait de société, de l’objet ou du dernier spectacle, de la dernière polémique dont on parle. Exemple : pour Barthes, le catch n’est pas « que » le catch. C’est d’abord et avant tout un spectacle excessif, dont la vertu première est la fonction d’emphase, c’est une véritable « Comédie Humaine » qui mime de façon intelligible la douleur, la défaite, à l’image des théâtres antiques. Dans la seconde partie de Mythologies, l’auteur explique sa pensée en développant ses fondements théoriques ; et là, accrochez-vous, ce n'est pas toujours simple !



Barthes ne pose pas uniquement une réflexion ; avant tout, il s’engage. Sa critique virulente des valeurs « petite-bourgeoises » revient tout au long du texte, comme une clé de voûte tenant sa rhétorique. On pourra observer que le vocabulaire utilisé par le sémiologue est à ce titre, particulièrement éloquent : le terme « petit-bourgeois » et ses variantes apparait un nombre incalculable de fois. Ses textes sont emprunts de féminisme, d’anti racisme et de marxisme. Le texte Romans et Enfants dénonce de façon virulente la pseudo liberté concédée aux femmes écrivains d’exercer leur métier, tant qu’elles sauvegardent le mythe de la femme qui reste avant tout une mère. De la même façon, dans le texte Bichon chez les Nègres, Barthes dénonce sans détours et ridiculise une certaine vision des Occidentaux envers l’homme noir. Dans le texte Le vin et le lait, c’est l’attitude du colon français en Algérie qui est contestée. La critique de Barthes porte aussi sur la religion, aveugle et véhicule de morale « prête à mâcher », car cette dernière est vue comme un frein au développement de la pensée et se nourrit justement de mythes. Ainsi, dans ce livre, l'auteur ne se place pas uniquement en qualité de chercheur de sens et de signification, mais aussi en tant qu’être engagé politiquement, assumant pleinement ses prises de position.



L’effet produit par les textes de Mythologies est, à mon sens, différent selon les références culturelles que le lecteur possède ou non. Et ceci en deux endroits ; à la fois références du contexte de l’époque, et références dans l’analyse. L’idéologie pré soixante-huitarde développée ici peut laisser un lecteur d’aujourd’hui perplexe, presque « démuni » face à un contexte socio-économique, culturel, de la France des années cinquante-soixante qu’il ignore en partie. Ainsi, le texte sur le procès Dominici, celui sur Poujade ou le Tour de France m'ont franchement dépassée (et ennuyée, avouons-le) alors que d’autres articles par contre, comme celui sur les jouets ou la représentation de la cuisine dans le magazine Elle m’ont fait sourire car si l’époque est différente, et que ces phénomènes ont évolué- les jouets pour enfants font de plus en plus appel à la technologie, la cuisine au bio - la critique que nous pourrions faire aujourd’hui pourrait être identique dans le fond ; seule la forme, les exemples changeraient. Les jouets en 2013 font aussi de moins en moins travailler l’imagination des enfants, mimant des représentations adultes ; l’ordinateur, la tablette, les téléphones portable ; la cuisine quant à elle est, à l’heure où nombre de Français peinent à manger convenablement, est devenue un élément « chic » et « sain » par le bio, les verrines, quand bien même cette nouvelle façon de consommer exclut les plus pauvres. Cependant, le vocabulaire employé par le sémiologue reste difficile à appréhender. Pour ma part, j’ai relevé de nombreux mots dont j’ignorais totalement la signification. Si cet aspect n’a pas été le plus problématique pour moi, car j’ai été plus interpellée et intéressée par le message de l’auteur que par la complexité langagière de son texte, je pense qu’il est et restera malheureusement un frein pour d’autres, qui se laisseront rebuter par des termes auxquels un lecteur « lambda » est assez mal préparé.



En conclusion, Mythologies est un livre fort, tant par les thèmes variés qu’il aborde, que l’engagement avec lequel ces derniers sont traités. La découverte de la sémiologie m’aura permis d’ouvrir encore un peu plus mon esprit à la largesse des modes réflexifs existants et m‘a donné envie de m’intéresser à une discipline dont j’ignorais tout, et ce malgré une certaine complexité d’approche. J'ai été surprise de constater que certains textes étaient vraiment drôles, comme celui sur les péplums ; je ne m'y attendais pas du tout. Je regrette simplement que ce qui fait la force de ce livre (engagement, prise de positions, vocabulaire et pensée spécifique) en fasse aussi sa faiblesse, et puisse être utilisé par les détracteurs actuels de Barthes pour en critiquer la sophistication.


Lien : http://manoulivres.canalblog..
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Le gros orteil - Les sorties du texte

Georges Bataille a une place particulière auprès de mes auteurs fétiches. Souvent décrié et mis à mal, la plupart des bien-pensants le considèrent comme un pornographe... Eh bien il n'en est rien !



Bien sûr ses textes ont une dimension érotique assez particulière. Cependant, dans le gros orteil l’accent est mis sur l'explication entre le matérialisme et l'idéalisme. En faisant fi des clichés sur ces deux courants, Georges Bataille prend l'exemple du Gros Orteil que l'on cache à cause de sa laideur pour se tourner vers le ciel pur de l'azur...



Une lecture intéressante, riche en enseignement. A mettre entre les mains des passionnés de philosophie (tout comme entres celles de ceux qui la jugent inintéressante ^^).
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Mythologies

Je veux savoir : à qui s'adressent ces brillants essais ? Qui a réellement lu Roland Barthes, dont semblent se prévaloir pas mal de journalistes. Parske quand on voit l'état du journalisme actuel on peut vraiment s'interroger. Sans doute l'ont-ils lu avec la rigueur d'un mouton empaillé* ou comme ils (ne) lisent (pas) la quatrième de couverture du dernier Tatiana de Rosnay (tiens, ça c'est mon cas)...

Il y a beaucoup d'intelligence -limite trop, mais vaut mieux trop que pas assez -dans tous ces décryptages (terme à la mode) de phénomènes, people ou événements de ces années-là. J'ai particulièrement apprécié "L'art vocal bourgeois", "Le plastique", et "La Littérature selon Minou Drouet", parce que ce sont des sujets qui me parlent plus. Sans doute les amoureux des voitures auront-ils appréciés le passage sur la nouvelle DS... Et, partant, j'imagine que tout lecteur trouvera l'un ou l'autre des sujets abordés à son goût.

Mais en corollaire, ce livre est fort difficile précisément quand le sujet n'intéresse pas a priori. D'où cette lecture hachée sur plus d'une année...

Les passages finaux sur la sémiologie et ses définitions et utilisations du mythe sont aussi ardus et pour le non-connaisseur, pour le non-spécialiste le livre pourra risquer de vous tomber des mains (mettez-y du scotch, enduisez-les de glu)...



Bref, Barthes nous rend plus intelligent(s), au moins par moment et pour ça on peut le remercier. Barthes est un grand, il brille. Je suis encore frais émoulu et sans doute avec le temps je pourrai encore plus apprécier ce Monsieur et ses propos et, qui sait, peut-être pourrais-je alors relayer, sans trop déformer, ce que j'en aurais tiré de bon et beau.



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* : métaphore mythologique ? (fier)
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