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Citations de Sarah Chiche (414)


Un jour, paraît-il, la lumière fut. Mais depuis, qu’elle soit encore n’efface pas ceci : le cul du monde est plein de merde. Et, sous le soleil, le sage comme le fou avalent ses vents. 
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De Saturne, astre immobile, froid, très éloigné du Soleil, on dit que c’est la planète de l’automne et de la mélancolie. Mais Saturne est peut-être aussi l’autre nom du lieu de l’écriture -- le seul lieu où je puisse habiter.
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La gentillesse et la bonté sont les plus grandes vertus car ce sont aussi les plus rares.
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Dans une famille la haine vise toujours, d’une manière ou d’une autre, l’extermination de ses membres les plus vulnérables.
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Ce qui avait vraiment valu la peine qu’ils vivent ensemble était calfeutré dans leurs années d’enfance.
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Ensuite, la mère de ma mère est morte. Ma mère a été soignée. Puis j’ai été soignée. Plus tard, j’ai compris que ce que ma mère m’avait fait, son père le lui avait fait, et que ce que son père lui avait fait, on le lui avait fait à lui dans les camps. Et, pour persister dans l’existence, je me suis trouvée des raisons de les excuser, alors qu’il n’y a rien à excuser. Un jour, tout cela n’a plus eu la moindre importance. Car je n’avais plus d’importance. C’était arrivé parce que ça devait arriver. Quand j’ai rencontré Paul, je ne voulais pas d’enfant, parce que je voulais qu’avec ma mort cesse la malédiction. Il m’a fait lire Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas. Dans ce livre, Imre Kertész explique pourquoi la déportation puis la dictature communiste, comme les deux faces d’une même médaille, l’ont mis dans l’impossibilité d’assumer le don de la vie. C’est après avoir lu ce livre que j’ai décidé du contraire. Mais j’ai fait une fausse couche, qui m’a anéantie. J’y ai vu la confirmation que je n’étais qu’un déchet qui ne savait produire que des déchets. Et puis ma fille est née.
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Le vent fait virevolter un sac de plastique bleu autour de nos pieds. Je cligne des yeux. A nouveau, la rue vacille, s’incurve, tourne et se retourne sur elle-même jusqu’à former un cercle. Sous mes paupières, dans une voiture à l’arrêt, une enfant au visage livide hurle tandis qu’on la roue de coups. Je secoue la tête. Je promène mes yeux alentour. Personne n’a l’air de savoir que j’ai disparu dans un pli du sac de plastique qui vient de s’écraser dans une flaque froide. L’enfant que j’ai mise au monde me dévisage. Je pense Si elle est là, et que tu la vois te regarder, et que puisque tu la vois te regarder c’est qu’elle te voit, c’est donc que du temps a passé et que tu n’es pas un sac de plastique, et que tout ce qui a eu lieu auparavant est fini et bien fini et ne recommencera plus jamais. Le vent se faufile le long de nos jambes.
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Viennent des rêves où tout recommence. Ce sont des rêves où toutes les couleurs semblent plus vives : les bleus sont plus tranchants, les rouges plus brillants, les blancs plus laiteuses. J’ouvre une porte. Les gens qui sont morts ne sont pas morts. Leur visage est lumineux. Ils me prennent dans leurs bras. Je ne suis plus seule. Je n’ai plus peur. Je n’ai plus froid. Quand j’ouvre les yeux, je mets de plus en plus de temps à me souvenir qu’ils sont vraiment morts.
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Non, je ne les ai pas abandonnés. Non, si je n’ai pas pu être à leur côté à l’hôpital, pas pu leur tenir la main, pas pu leur embrasser le front, pas pu leur dire adieu, pas pu assister à leur enterrement, c’est qu’ils ne sont pas morts. Non, je ne les ai pas perdus. Non, ils vont revenir. Non, c’est impossible qu’ils ne reviennent pas. Non, il existe en fait deux mondes, parallèles, qui sont absolument identiques, si ce n’est que dans l’un ils sont vivants, dans l’autre ils sont morts.
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Le savoir que la mort laisse en nous ne s'efface pas. Après certaines déflagrations, on n’habite plus jamais vraiment avec soi-même. Mais c'est aussi précisément pour cette raison-là qu'il est possible d'aimer plus intensément : puisque tout est déjà perdu, il n'y a désormais plus rien à perdre. p.202
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Mais ce qui tue, ça n’est pas seulement la douleur morale. Ce qui tue, c’est aussi la condescendance et le mépris de ceux qui pensent que la douleur d’un deuil qui se prolonge relève d’une paresse de la volonté ou d’une faiblesse complaisante.
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On sait ce qu’est la dévalorisation. Plus perçante est la haine de soi. Elle méduse. On se regarde comme les autres vous regardent, comme un être qui aurait tout pour être libre et heureux, et qui rencontre cette haine féroce de soi, dans laquelle toutes vos pensées se réfugient pour vous faire mourir de l’intérieur.
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La certitude que je ne pouvais pas me tuer puisque j’étais déjà morte s’est installée par degrés, en même temps que la sensation inexprimable d’être entièrement réfugiée dans une tête gigantesque contenant toutes les vies des vivants et des morts. Par décence, il ne m’était jamais venu à l’idée d’appeler qui que ce soit au secours. J’avais trop honte. On n’embarrasse pas les autres avec son chagrin. Chaque fois que d’anciens amis ou ma mère m’envoyaient un message pour savoir tout de même comment j’allais, je répondais simplement, toujours par écrit, « Tout va très bien ». On jugera peut-être tout cela insensé. Pourtant, nos vies sont semées de ces moments où, affligés par un malheur que l’on ne peut souhaiter à personne, on arrive à le cacher à tout le monde : les enfants violés ou battus le savent mieux que quiconque.
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On dresse donc des enfants à haïr, à mort. Quand ils sont suffisamment conditionnés à la haine, par une alternance de caresses trompeuses et d’humiliations inavouables, quand leur tête est assez colonisée par des histoires atroces, qui les précèdent et dont ils sont les fruits malades, on les lâche dans ce qu’ils prennent à tort pour la liberté mais qui n’est qu’une autre cage, juste plus vaste. Et ils mordent.
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On me disait que j’étais orpheline. On me disait qu’il me manquait quelque chose. Mais je ne savais pas quoi. On sait ce que l’on a perdu quand on se souvient l’avoir connu. On ne sait pas ce que l’on a perdu de ce qui a toujours déjà été perdu.
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Mon père était mort. Puis mon grand-père. Puis mon arrière-grand-mère. Ma grand-mère et mon oncle avaient acquis de nouvelles cliniques. L’argent continuait à être dépensé pour tout ce qui fait plaisir, tout ce dont on a besoin, mais surtout pour ce dont on n’avait pas besoin du tout, ce à quoi on n’avait même jamais pensé. Ce n’est pas que, comme certains enfants qui obtiennent tout ce qu’ils demandent, j’étais pourrie gâtée. Non, c’était tout autre chose : on m’ensevelissait en permanence sous quantité de cadeaux somptueux que je n’avais pas même demandés, dont je n’avais jamais rêvé, de sorte que je vivais dans un monde où les objets apparaissaient tout aussi brusquement que les gens y disparaissaient, et où, du reste, comme les autres, on l’aura compris, je ne vivais pas vraiment.
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Les Japonais nomment Takotsubo, qui veut dire « piège à poulpe », ce syndrome où, à la suite d’une rupture amoureuse, d’un deuil ou d’un choc émotionnel intense, le cœur se déforme, ses muscles s’affaiblissent et deviennent si paresseux que, tout à coup, littéralement, il se brise. La sidération de l’organe – ici, dans le syndrome de Takotsubo, la sidération du myocarde – se retrouve également, mais cette fois sur le plan de l’esprit, dans un cas de mélancolie extrême, de dépression anxieuse ravageante à son stade ultime. Dans ce trouble mental, connu sous le nom de délire des négations, la personne peut, à la suite d’un trop grand choc, avoir la conviction qu’elle n’a plus d’organes ou que certains d’entre eux sont pourris mais qu’elle ne peut pas mourir car elle n’est jamais née.
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Toute vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort.
(…)
Or, il arrive que nul ne sache dire quand cela commence. À quel moment exactement, au lieu de continuer à traverser avec regret les souvenirs d’une enfance et d’une adolescence qui ne nous ont donné ni l’amour ni la sécurité affective dont nous aurions eu tant besoin, au lieu de faire face aux problèmes généraux de la vie d’adulte – ses échecs, ses coups de boutoir, ses moments de découragement – avec une aimable docilité, nous décidons de nous vouer à l’ardeur et à la démolition d’un monde et, nous vouant à l’ardeur et à la démolition de ce monde, nous sommes prêts à en mourir. L’amour devient parfois le vecteur de ce crime parfait.
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Vous êtes, lui dit-il, toujours plusieurs possibilités de vous-même sans que jamais l’une de ces possibilités s’affirme entièrement pour éclipser les autres.
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On songe, en lisant ce que raconte Catherine Millot à propos de Jacques Lacan, à ce mot de Jean Allouch à la fin de L’Amour Lacan : « Aimer, c’est laisser l’autre être seul. Effectivement seul et cependant aimé. […] Qu’advient-il donc à l’aimé ? Il est aimé, mais pas pour autant d’un amour qui porterait atteinte à sa non moins précieuse solitude. Aimé, il pourra s’éprouver non aimé. Non aimé, il pourra s’éprouver aimé. Ce qui se laisse abréger ainsi : il aura obtenu l’amour que l’on n’obtient pas. »
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