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Citations de Sarah Chiche (414)


Tu n’as pas changé, m’avait écrit Richard. […] viens me retrouver dès que tu rentres de ces fichues vacances, j’ai soif de toi comme un mourant. J’avais refermé mon ordinateur. J’avais enfoui ma tête dans mon bras et j’avais couru, la bouche pleine d’un feu pâle, jusqu’à la forêt qui n’avait plus de réalité qu’au fond de moi. Quand j’étais arrivée dans le jardin, pieds nus, chacun avait déjà mis la table, et, juchée sur des escarpins vertigineux, Nathalie Popesco, cheveux mouillés parfaitement plaqués en arrière sur sa nuque éternellement bronzée, était en train de montrer aux enfants comment faire des origamis. Paul la regardait, admiratif. Et ma joie reflua. L’horreur que m’inspira ce que je vis dans les yeux de mon compagnon lorsqu’il s’écria, attendri, Regarde, c’est formidable, tout ce que Nathalie a fait pour les enfants !, et le petit couinement qu’elle poussa pour accueillir son compliment me glacèrent. Des paquets de nuages crevèrent dans ma tête. Je pleurai à l’intérieur mais personne ne le vit. Mon esprit se retrancha plusieurs dizaines d’années en arrière et, simultanément, dans les bras de Richard, pour n’en plus bouger. De là où je me trouvais, tout ce que j’avais créé avec Paul, tout ce qui, au fil des jours, avait façonné notre vie commune, toute cette fausse sagesse profane que, comme tous les couples, nous avions accumulée, année après année, pour nous aider à vivre ensemble, sembla se défaire sous mes yeux, tel un origami dont jamais je n’arriverais à maîtriser les pliages.
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Mais c’était une bien drôle de femme, robuste, charpentée, à la gorge ronde, qui fumait la pipe, signait parfois certaines de ses œuvres du pseudonyme de « César », se vantait de vivre sans homme, aimait se promener en pantalon et tout en cheveux, et ne voulait certainement pas qu’on dise d’elle qu’elle était une « compositrice » mais bien un « compositeur ».
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Toute naissance est la mort naissante d’un idéal : les enfants ne ressembleront jamais trait pour trait à la façon dont leurs parents et leurs grands-parents les ont rêvés. Toute éducation est un échec : les parents et les grands-parents blessent toujours, souvent même sans le vouloir, un enfant. Peut-être que dans notre famille les choses se passaient d’une façon plus grotesque que dans d’autres mais, si l’on prend la peine d’y réfléchir, il semble que, quel que soit le milieu, dans une famille la haine vise toujours, d’une manière ou d’une autre, l’extermination de ses membres les plus vulnérables. Je n’ai plus de peine pour ce qui nous est arrivé : incapable d’oublier, j’ai dû tout pardonner. J’ai de la peine pour cet art avec lequel les adultes mettent à mort leurs propres enfants.
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Les Japonais nomment Takotsubo, qui veut dire « piège à poulpe », ce syndrome où, à la suite d'une rupture amoureuse, d'un deuil ou d'un choc émotionnel intense, le coeur se déforme, ses muscles s'affaiblissent et deviennent si paresseux que, tout à coup, littéralement, il se brise. La sidération de l'organe - ici, dans le syndrome de Takotsubo, la sidération du myocarde - se retrouve également, mais cette fois sur le plan de l'esprit, dans un cas de mélancolie extrême, de dépression anxieuse ravageante à son stade ultime. Dans ce trouble mental, connu sous le nom de délire des négations, la personne peut, à la suite d'un trop grand choc, avoir la conviction qu'elle n'a plus d'organes ou que certains d'entre eux sont pourris mais qu'elle ne peut pas mourir car elle n'est jamais née. J'ai vingt-six ans. Cela foudroie dans la prime jeunesse, à l'âge où la société attend de vous donner naissance. Autrement dit, à l'âge où vous devez vérifier pour tous que la vie est joyeuse et libre en étalant le spectacle de vos organes sains et vivants sous les yeux ravis de vos parents, de vos amis, et pour finir, du grand théâtre du monde dans lequel vous vous devez d'être l'entrepreneur optimiste, performant et conquérant de votre légende personnelle.
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[...] leur mère laisse flotter au vent, d'un geste vague et beau, un petit mouchoir brodé parfumé à la lavande, qu'aujourd'hui encore il m'arrive de humer même s'il n'exhale plus que son irrémédiable absence.
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Je n'aimais plus personne. Ce furent les jours les plus libres des mes vingt-six premières années.
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Mais Armand n'aime pas Harry, ou plutôt, il l'aime comme on est forcé d'aimer les bons chiens qui trottinent à nos côtés, tremblants et frétillants, et lancent de biais des regards humides qui appellent la caresse.
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Dans la maison, tous dorment. Ils ne le verront pas pleurer. Son enfance crève sans bruit. Il se sent profondément seul, profondément heureux.
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Par décence, il ne m'était jamais venu à l'idée d'appeler qui que ce soit au secours. J'avais trop honte. On n'embarrasse pas les autres avec son chagrin.
page 175
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Debout sur le pont avant, appuyée sur la rambarde, Louise fixe la Méditerranée vide de toutes ces épaves fantômes qui la hanteront cinquante ans plus tard - car ainsi voguons-nous disloqués dans la tempête des années, otages de la mer sombre où l'exil des uns n'efface jamais celui des autres, coupables et victimes du passé.
page 65
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La gentillesse et la bonté sont les plus grandes vertus car ce sont aussi les plus rares.
page 32
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On me disait que j’étais orpheline. On me disait qu’il me manquait quelque chose. Mais je ne savais pas quoi. On sait ce que l’on a perdu quand on se souvient l’avoir connu. On ne sait pas ce que l’on a perdu de ce qui a toujours déjà été perdu.
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On ne l’arrête pas. Il ne s’arrêtera plus. L’aube vient. Il sort du casino enfumé comme une bouche de l’enfer, les poches vides. Il a vingt-six ans. Il marche, sous les nuages rapides. Ses grands yeux envahis de brume noire regardent la région du ciel où se forme un œuf de plus en plus lumineux. Une bande gris-bleu surmontée de rose s’élève au-dessus de l’horizon. L’ombre projetée de la terre s’étire en un sidérant ballet de couleurs, à l’opposé du soleil. Alors, Harry se met à rire. Il rit comme jamais. Il ne peut plus s’arrêter de rire. p. 84
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Jusqu'à quel point la manière dont nous pensons que nos parents se sont aimés façonne-t-elle notre propre degré d'idéalisation de l'amour? p. 29
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Toute naissance est la morte naissante d'un idéal : les enfants ne ressembleront jamais trait pour trait à la façon dont leurs parents et leurs grands-parents les ont rêvés. Toute éducation est un échec : les parents et les grands-parents blessent toujours , souvent même sans le vouloir, un enfant. P134
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S’il est possible de faire comprendre aux personnes bien portantes ce qu’est une douleur physique, par exemple la douleur que l’on peut ressentir quand on a atrocement mal au ventre, il leur est plus difficile de se représenter ce qu’est l’autoaccusation mélancolique consécutive à un deuil. Dès que vous sortez de l’inconscience du sommeil, ce que fut votre existence s’étale devant vous comme une flaque de goudron, poisseuse, puante. Tout ce que vous avez fait. Tout ce que vous auriez dû faire. Tout ce que vous auriez pu dire à la personne disparue. Tout ce que vous pourriez accomplir demain.
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Jusqu'à cette rencontre incompréhensible, sidérante, avec cette femme, j'ai préféré faire mine d'oublier que j'avais un jour, devant une tombe, fait la promesse d'écrire cette histoire de crépuscule d'un monde, de la fosse incurable de nos regrets, et d'une maladie mentale, la mienne, qui fut une damnation avant d'être une chance.
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L'enfant que l'on appelle El Nino souffla et souffla encore, jusqu'à faire enfler tout ce que le ciel comptait de nuages au-dessus du désert d' Atacama. Alors, dans un grand rire très pur, il les creva. La pluie, que personne n'attendait, tomba sur le sol sec et dénudé où toute forme de vie semblait pourtant évanouie. Au matin, le désert le plus aride du monde se couvrit de milliers de fleurs blanches et roses.
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- Ecoutez, je suis en pleine conférence de rédaction, là. Je ne comprends pas. Pourquoi vous m'appelez ?
- J'arrive à Roissy demain matin, par l'avion de 9 heures.
- Ah, un concert?
- Non.
- Je ne comprends rien. Pourquoi venez-vous à Paris ?
- Pour vous aimer.
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Il y a pire encore que de craindre qu’une chose n’arrive : qu’elle arrive, et s’y résigner.
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