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Critiques de Sophie Van der Linden (233)
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Arctique solaire

Arctique solaire de Sophie Van der Linden, lumières polaires pour Anna Boberg, capturer les reflets changeants, éclats ou traînées de couleurs, délavés ou vifs, peindre les blancs diffractés de l’hiver arctique, et les poser sur la toile…



Printemps 1901, Arctique solaire, coup de coeur pour les îles Lofoten à leur arrivée pour Anna Boberg et son époux Ferdinand, architecte de renom à Stockholm. L’attraction est violente, saisissante, Anna Boberg est littéralement envoûtée par cet archipel, une osmose irrésistible va pour toujours la lier à ces lieux, ces montagnes, ces lumières. Les Lofoten, un monstre minéral posé sur l’eau qu’elle va apprivoiser, aimer en s’en imprégnant jusqu’au crépuscule de sa vie. Une trentaine d’années à essayer de saisir le bon angle, la bonne attaque, la ligne parfaite mais surtout à choisir les nuances de couleurs pour donner vie au massif du Store Molla et à ses glaciers. Des séjours hivernaux dans des conditions extrêmes en solitaire.



Hiver 1931, Anna Boberg installée dans un compartiment de train s’éloigne de la station de Stangen abandonnant son époux pour rejoindre les Lofoten: temps de la souvenance, appuyée à la fenêtre elle se rappelle, se souvient comment une jeune fille de famille aisée, éduquée, a réussi à s’envoler, s’affranchir des codes de la société, s’épanouir dans l’art, et devenir à présent sur les Lofoten la femme au pantalon, couverte d’un manteau en fourrure de phoques qui crapahute, déambule, vogue, accompagnée de son chevalet nomade. Mais nous voici bientôt à Trondheim où Anna va prendre le bateau postal pour cet ultime séjour hivernal aux Lofoten qui cette fois débute bien avant que la nuit polaire ne s’installe et que le jour ne renaisse, elle veut saisir les aurores boréales déchirant la nuit.



Saison de la pêche, du froid et des tempêtes, l’auteure restitue l’ambiance animée des ports dans lesquels Anna évolue au cours de ses pérégrinations hivernales sur les Lofoten au milieu des marins, des odeurs des têtes de poissons pourris brossant ainsi un tableau très réaliste de la vie îlienne au début du XX ème siècle. Elle nous fait partager aussi son isolement où dans les moments les plus froids sous l’emprise de la solitude et de la nostalgie l’artiste trouve refuge depuis sa cabane dans ses souvenirs méridionaux pour se réchauffer et réfléchir à son processus créatif pictural d’autodidacte, elle, la grande admiratrice de Claude Monet et l’amie intime de Sarah Bernardt. Des réminiscences qui toujours la ramènent à la lumière, à la manière de la capturer pour la rendre palpable sur la toile. Et pour le lecteur des parenthèses qui éclairent son parcours d’artiste et son chemin de vie.



La construction narrative nous permet de toucher à l’intimité de l’artiste par le biais de conversations imaginaires avec son époux. La relation quasi fusionnelle que dépeint Sophie Van der Linden laisse transparaître la complicité du couple et la reconnaissance infinie qu’Anna Boberg lui voue. Leurs échanges incessants permirent ainsi à Ferdinand de penser et édifier la cabane de Fyrö, son futur atelier. Un soutien précieux qui ne la guérit pas du mépris des critiques d’art suédoise alors que son talent est reconnu à Paris, en Italie.



Une immersion subtile captant ses gestes créatifs qui nous convie à l’exploration et observation d’études, de vues, des instants de création, des accouchements, parfois impulsifs, esquissant une artiste en attente de fulgurances, telles les étincelles soulevées par la queue du renard dans le ciel nocturne, mais toujours une artiste acharnée, assaillie de doutes.



Arctique Solaire ou obsessions boréales, l’un ou le dernier séjour d’Anna Boberg aux Lofoten qui retrace l’histoire et le quotidien d’une femme artiste dans des conditions extrêmes comme Carsten Jensen dans Le dernier voyage pour le peintre de marines danois Jens Erik Carl Ramussen (1841-1893) fasciné, lui, par le Groenland dont Anna semble méconnaître l’existence.



Avec Arctique Solaire, Sophie Van der Linden éclaire le profil d’une artiste restée très longtemps dans l’ombre, celui d’Anna Boberg (1864-1935), peintre paysagiste, une artiste autodidacte, libre, passionnée, grande voyageuse, amoureuse des îles Lofoten, de leurs contours et de leurs paysages.



Aujourd’hui il est possible de voir deux de ses toiles au Musée d’Orsay à moins d’avoir la chance de visiter le Musée national de Stockholm où Sophie Van der Linden a découvert Anna Boberg.



Une parenthèse solaire et poétique. Un voyage lumineux. Une lecture bonheur.

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La fabrique du monde

Mei est une jeune femme chinoise de 17 ans, enfermée bien malgré elle dans les rouages de l'industrie textile. Malgré des capacités scolaires évidentes, elle n'aura pas eu d'autres choix que d'aller travailler à l'usine afin que son frère puisse faire des études. Cloîtrée dans des chambres de 12 lits qu'elle partage avec ses collègues, elle n'a que très peu de liberté, travaillant énormément, de jour comme de nuit afin de pouvoir livrer à temps les commandes incessantes. Les conditions de travail sont si harassantes que Mei et ses collègues ne rêvent que d'une chose: pouvoir partir quelques jours et échapper à cette vie, presque sans avenir. Mais les contremaîtres sont là pour les remettre en place et vérifier leur taux de rendement et toute tentative de s'évader semble alors presque impossible. Mei aspire à une toute autre vie et rêve de rencontrer l'amour...



Entre rêve et réalité, la vie de Mei se poursuit inlassablement au rythme des machines, des cadences de travail déplorables, de la surveillance continue des contremaîtres, du cloisonnement dans sa petite chambre, de la promiscuité avec ses collègues... tout cela ne lui laissant que très peu d'espace et de temps pour finalement vivre pleinement sa vie de jeune femme. Sophie van der Linden nous plonge dans l'intimité de Mei, dans ses rêves et ses espoirs et dans ses conditions de vie à peine supportables. L'auteur réussit à nous émouvoir, nous faire ressentir toutes les émotions de Mei, nous faire vibrer et espérer. D'une écriture poétique, tout en délicatesse ou âcreté, ce roman intimiste, à la fois cruel et doux, triste et empli d'espoir, nous laisse un goût amer en bouche.



La fabrique du monde... usine à rêves ?
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La fabrique du monde

En fouinant dans ma PAL, je tombe sur ce titre. Je m’en empare car je me dis que cela m’amènerait à réfléchir sur les conditions de travail des jeunes femmes, voire des enfants qui cousent les vêtements que mettent les Européens au niveau de vie certainement plus enviable que ces personnes enchaînées à leur machine à coudre et à qui on annonce 2 500 chemises d’homme qui doivent être expédiées sous 48 heures. Sous la surveillance d’un contremaître impitoyable qui lui même, doit rendre des comptes, elles cousent,sans répit, sous le joug de la discipline stricte que l’on exige dans la fabrique : aucun retard toléré, reprise à la cloche même si on n’a pas terminé l’unique bol de nouilles qui constitue le repas. Contentes lorsque que le travail s’arrête tôt, (à vingt heures !), s’arrêtant pour quelques heures de sommeil.



Ce roman ne décrit pas seulement le travail, mais il expose, discrètement mais sûrement, le mode de vie de la Chine tout entière, le manque de liberté, les comptes à rendre pour tout événement qui survient au quotidien, et la délation que l’on n’a pas de peine à imaginer tant les héros ont peur de rencontrer quelqu’un qu’ils connaissent sur leur chemin.



Et c’est en grande partie à travers une histoire d’amour, qui par comparaison, mettra en évidence cette vie de misère, sorte de récréation ou l’héroïne va goûter à une certaine liberté, que l’auteure, nous raconte cette vie difficile, la vie d’une jeune femme qui a dû laisser sa place d’étudiante à son frère, qui avait envie de rêver, d’avoir le temps de penser, d’écrire des vers et de lire.



Un très beau roman à l’écriture poétique qui ne laissera pas indifférent quand on sait que quelque part, loin de notre pays des droits de l’homme, on souffre pour nous satisfaire.
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La fabrique du monde

Plongée dès la première ligne dans le voyage au bout de la souffrance, de l’humiliation, de la fatigue extrême d’une travailleuse pour nos vêtements occidentaux.

Oui, derrière ces ourlets cousus soigneusement, dans les plis bien repassés de ces robes, derrière les cols de ces chemises, se trouvent la souffrance, l’humiliation, la fatigue d’une petite Chinoise ou d’une autre de ces travailleuses de l’ombre dont on ne parle jamais.



Sophie Van der Linden l’a fait, et de façon bien passionnelle, en se coulant dans la voix de Mei, 17 ans, ouvrière à l’usine de confection pour que son grand frère puisse aller à l’université. Nous sommes en Chine, c’est vrai… En Chine où, non seulement les filles doivent être soumises à leurs parents et leur obéir, mais aussi où elles sont soumises au patron et au contremaitre, et doivent accepter les brimades, l’humiliation, l’absence de liberté, y compris des sentiments. Nous sommes au 21e siècle…

« Ce ne sont d’ailleurs plus des heures ni des minutes, c’est un temps arrêté, mou, de souffrance, dans lequel on s’englue »



Je me suis jetée avec horreur dans ce récit pour suivre les phrases lancées, les mots catapultés, pleins de douleur mais aussi de sensualité et d’appétit de vivre. La nature est là, au bout de la cour d’usine, avec ses rivières et ses grands arbres. Avec un domaine abandonné où rêver à l’amour…

Mais la douleur surnage, envers et contre tout désir de bonheur.

« Je n’ai pas été au bout de ma douleur car je sais qu’elle est sans fin. J’ai repoussé ma colère au fond de mon ventre, je l’ai ratatinée jusqu’à en faire un petit paquet de rien. Et je l’ai laissée là, en me jurant de ne jamais l’oublier. Et de revenir la chercher s’il le fallait ».



Roman très court mais magistral, d’où je ressors beaucoup moins naïve, beaucoup moins innocente, en songeant à toutes celles qui oeuvrent pour nous, dans les fabriques du monde.

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De terre et de mer

L'arrivée d'un étranger sur l'île de B. ne peut passer inaperçue et ils seront plusieurs étrangers à se croiser au cours des 24 heures que va y passer Henri.



A partir du moment où il met le pied sur l'île, Henri est remarqué par tous ceux qu'ils croisent, un cuisinier, la grand-mère d'une petite-fille en rouge, ... jusqu'à ce qu'il arrive à la porte de la maison occupée par Youna Talhouet. Trois années qu'il n'a pas vu Youna qui a hérité de la maison de sa grand tante et a repris son activité d'herboriste. Elle s'est aussi mise à écrire, a pris d'elle-même la décision de rester sur l'île, a su gagner sa liberté. Elle ne souhaite pas renouer le lien qui l'unissait à Henri. Elle le lui dit tout en ajoutant qu'elle n'a pas renoncer à lui :

" -- Je n'ai pas renoncé à toi, Henri. J'ai juste répondu à un appel, ou à un instinct, celui d'une liberté. Et depuis, j'ai construit bien des choses ici."

Elle refuse qu'il passe la nuit chez elle car elle risquerait de perdre ce qu'elle a eu tant de mal à conquérir : "J'ai trop lutté pour exister ici, pour exercer ma liberté, ma solitude sans être rejetée, pour être respectée dans mes choix... Je ne peux tout perdre en l'espace d'une nuit." Une nuit, ce pourrait être une vie, fut la seule pensée, fugace, qui vint à l'esprit d'Henri. p 74



Commence alors pour Henri une nuit d'errance qui va être traversée de rencontres inattendues et habitée par des songes, une nuit de douceur et d'angoisse dont l'objet reste diffus.



Un texte fait de fondus enchaînés, de moments de vies qui se croisent, fugaces, sur ce territoire restreint empreint de mystère où adviennent des rencontres pleines d'étrangeté et d'imprévus, des rémanences qui désarçonnent Henri et nourrissent un fond d'inquiétude latente.

Chaque événement, même petit, trouve son prolongement dans un autre qui survient sans qu'au début on puisse les relier. Ils font naître des vibrations multiples qui semblent se réunir à la fin.



La délicatesse de l'écriture, effleurent les choses, les caresse tout en exhumant des violences et des blessures sous-jacentes. Un drame rôde dont le lecteur pas plus que ceux qui participent du récit ne savent ce qu'il est. L'île n'est pas un monde totalement clos, à l'abri.

Le drame ne se concrétisera qu'à la toute fin. Il sera l'aboutissement de cette espèce d'attente d'un évènement qui ressemble au réveil du dragon qu'une légende dit endormi au creux de l'île, qu'une petite vieille aveugle et solitaire a senti proche.



Merci aux éditions Buchet Chastel et à Babelio qui, en me proposant la lecture de ce livre m'ont permis de découvrir Sophie van der Linden, une découverte que je pense poursuivre...

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La fabrique du monde

Mei, une jeune fille chinoise de 17 ans quitte son village pour aller gagner de l'argent pour sa famille et son frère qui doit payer ses études.

L'injustice faite aux femmes apparaît de plein fouet car elle a au moins autant d'instruction que son frère.

Elle travaille dans une usine de confection de vêtements destinés à l'Occident. Là, on ne peut que se sentir lourdement concernés.

Mei souffre mais la nuit, elle rêve d'un beau jeune homme comme toutes les jeunes filles du monde.

La cadence est infernale, les jeunes femmes travaillent même de nuit quand une commande doit partir.

Elles logent dans un dortoir commun, à l'usine, se lavent ensemble mais une grande solidarité règne entre elles.

Une rébellion se lève un jour mais inutile de comparer aux grèves dans nos pays fin 19ème et début 20ème siècle. Ici, la barbarie est telle qu'on menace illico de les tuer.

Mei rencontrera ce qu'elle prendra pour de l'amour mais si j'ai bien compris la fin, cela se termine par une énorme tragédie.

L'auteure nous sensibilise au travail inhumain demandé à des êtres humains en Chine et sûrement ailleurs.

Elle utilise une très belle écriture qui pour ma part m'aura permis de lire ce livre très dur au point de vue du supportable, en entier.

Inutile de se voiler la face mais un langage trop cruel ne m'aurait pas permis d'avaler les évènements.

Un livre qui devrait avoir des retentissements dans nos pays à l'heure des manifestations sur le climat et notre attitude consumériste.

J'espère que des associations pour les droits humains internationaux intervient de temps en temps dans ces fabriques du monde.
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La fabrique du monde

Des phrases courtes. La brièveté de la vie, de l'espoir, de la beauté de l'instant.

Ce roman se déroule en Chine, mais sonne comme un haïku.



Des phrases courtes. Un cri d'espoir, de révolte, d'amour.

Un cri, un choc, un rêve. Le rêve deviendra-t-il réalité pour Mei ?
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La fabrique du monde



Elle aurait pu faire des études, elle en avait les capacités. Mais Mei n’est qu’une fille et c’est son frère qui a eu le droit d’aller à l’université pendant qu’elle n’a eu d’autre choix que de quitter les siens pour rejoindre la grande ville et travailler dans une usine. Désormais sa vie se cantonne en ce lieu. Elle y travaille tout le jour, parfois même la nuit, elle y mange, elle y dort. Mais derrière sa machine ou sur la couchette de la chambre commune, Mei rêve d’une autre vie… Le temps d’une parenthèse enchantée, elle va toucher du bout des doigts le goût du bonheur.





« Est-ce qu’il leur arrive de penser à nous ? »

Quand ils commandent 1500 vestes à livrer en trois jours, les clients allemands, anglais ou français, pensent-ils la petite paysanne de 17 ans qui sue sang et eau pour respecter les délais, là-bas, très loin, en Chine ?

Cadences infernales, salaires de misère, contremaîtres tyranniques, punitions, injustices…Mei accepte ces conditions de travail proches de l’esclavagisme mais dans sa tête elle se rebelle, elle imagine une autre vie. Un homme va l’éveiller à la vie, à l’amour, au plaisir et elle va se donner corps et âme à cet espoir de bonheur. Enorme risque dans une société où les individualités sont balayées au profit de la collectivité…Mei, l’apprendra à ses risques et périls.

Court mais intense, le roman de Sophie Van der Linden est une plongée bouleversante dans la vie d’une adolescente sensible et romantique qui va payer au prix fort son désir d’évasion. Un texte d’une grande beauté, à l’écriture finement ciselée, qui interroge sur une réalité à laquelle on s’efforce de ne pas penser et laisse une trace indélébile dans le cœur et la conscience.
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La fabrique du monde

Petite Mei...



J'ai envie de pleurer, de verser milles larmes sur cette chemise que tu as confectionnée. Tu as souffert sur cette chemise, si ce n'est sur celle-ci, c'est sur la 1000 ème que tu as cousue en pleine nuit ; si ce n'est toi, c'est une de tes sœurs de Chine, du Bangladesh ou d'Inde.

Pourquoi l'ai-je achetée si facilement cette chemise ? Parce qu'elle n'était pas cher ! Mais toi, petite Mei, tu en paies le prix... un prix déraisonnable, un prix inadmissible !

Pourquoi étais-je si fière de cette chemise ? Parce qu'elle allait bien avec le pantalon et la jupe que j'ai achetés le même jour ! Et toi, Petit Mei, tu passes ta vie dans cette usine... des jours, des nuits... pour de telles futilités.

Comment pourrais-je encore être aussi inconsciente ? Je te promets, Petite Mei... je n'achèterai plus ce qui à l'évidence te laisse à peine de quoi manger.



Ce message à l'adresse de l'héroïne, est en quelque sorte mon résumé de la première partie du livre. Je ne dirai rien sur la seconde partie parce que le livre est si mince que tout serait déjà dévoilé.

Pas épais et donc très vite lu, mais il y a des livres comme ça... très légers et pourtant si denses, si intenses, si violents !
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La fabrique du monde

1500 chemises à réaliser en trois jours, voila le travail de Mei et de ses compagnes, jeunes chinoises envoyées à l’usine pour faire vivre leur famille.

Et quand cette commande-ci sera prête, une autre arrivera et une autre encore…les heures s’enchaineront, les jours et parfois aussi les nuits, seront toutes consacrées à coudre, à avaler rapidement un bol de nouilles, à se débarbouiller sommairement, à dormir dès que possible, pour mieux recommencer la même chose le lendemain et tous les autres jours, pendant des mois, des années…

Quelle place reste-t-il pour l’espoir dans tout ça ?

Difficile pour nous d’imaginer que cela soit la vie d’une jeune fille de 17 ans, une vie exclusivement consacrée au travail, à l’obéissance envers leur famille et leur employeur, une vie sans grande perspective d’avenir et sans beaucoup de distractions ni de joies.

Ce très court roman est d’une grande force, il nous happe comme la machine à coudre de Mei happe le tissu avant de le coudre, et nous laisse abasourdis par de telles conditions de vies.

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La fabrique du monde

J'ai été très touchée par ce petit livre que je ne qualifierais pas de léger comme j'ai pu le lire dans certaines critiques. Au contraire, je trouve ce livre puissant, lourd de sens et même tragique.

La petite Mei a soif de liberté, a soif d'Amour et va, grâce à Cheng, son contremaitre, croire à cette liberté et à cet Amour. Cette rencontre va, il est vrai bouleverser sa vie...

A travers cette histoire, on va découvrir les conditions de travail en Chine qui si elles font réagir ne sont pourtant pas toujours si éloignées des conditions de travail de certaines entreprises en France !

ce petit livre m'a profondément émue et il fait partie de mes coups de coeur 2017.
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L'incertitude de l'aube

Un deuxième roman fort pour ce début d'année 2018. Après "Les loyautés" de Delphine de Vigan, je viens de terminer la lecture de "L'incertitude de l'aube". J'avais déjà apprécié et admiré le style et le point de vue particuliers de l'auteure dans "La fabrique du monde". Malgré un autre sujet très dur, j'ai encore été conquise. La petite Anushka nous entraîne dans ses souvenirs, ses comptines, ses poèmes, son monde onirique. Pendant la prise d'otages de Beslan, nous vivons donc ces trois jours avec Anushka et Milena sa meilleure amie. Elles étaient arrivées à l'école bien habillées, comme les autres enfants, pour la fête de la rentrée. Mais tout bascule avec l'arrivée de terroristes. Roman dur, fort, poignant, mais aussi très poétique. Bravo
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De terre et de mer

A travers le voyage d’un homme venu retrouver la femme qu’il aime et qui ne répond plus à ses lettres, Sophie Van Der Linden nous invite à la découverte d’une île et la beauté de ses paysages.

Par petites touches, comme un peintre avec ses couleurs, Sophie Van der Linden pose ses mots avec délicatesse et nous enveloppe dans un monde raffiné ou tout est suggéré plutôt qu’implicitement exposé. Les rencontres se succèdent faisant de chaque instant un moment de découverte et de partage.

Ce court roman nous immerge dans une journée où tout se joue, l’amour et ses attentes, les rencontres impromptues, les émotions retenues. Il y a peu d’action, il est vrai et c’est peut-être pour cela que j’ai trouvé ce texte tellement beau.

Un roman doux et lumineux comme je les aime.

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L'incertitude de l'aube

Une petite fille, mignonne comme tout, le teint blanc et slave, un matin comme tant d'autres, un jour de rentrée des classes. Le sourire et la joie de vivre respirent de chacun de ses petits pas. Elle discute de tout et de rien, d'hier ou de la semaine dernière, sur un chemin caillouteux quelques touffes d'herbes éprises de rosée, avec sa meilleure copine, comme deux pipelettes qui ne se sont pas vues depuis la veille. Derrière, le grand-père ferme la marche, à son allure, une allure de grand-père. Elles rentrent toutes deux dans le gymnase, habillées comme deux princesses des steppes, rubans dans les cheveux. J'ai soif, et je te dis qu'il va m'en falloir un peu plus qu'une gamine aussi jolie soit-elle dans l'enceinte de son école pour m'émouvoir. J'ai chaud. Elle semble avoir oublié son grand-père, mais il connait la route et il la rejoindra dans quelques minutes, le souffle toujours un peu plus court chaque jour.



Bien que j'ai passé l'âge de lire des histoires de princesses – même de la taïga - ou de petites filles, je suis pris dans l'histoire, la petite dans la grande. Dois-je y mettre une majuscule ou n'est-ce qu'un fait tragique de l'humanité ? L'émotion arrive lentement en moi, comme cette bière salvatrice qui s'écoule tout aussi lentement en moi. Elle a soif, moi aussi. Le roman commence par un poème de Rimbaud, un truc sur l'enfance du genre « au bois il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir...il y a enfin, quand l'on a faim et soif, quelqu'un qui vous chasse. Le roman finit ainsi : à Beslan, en Ossétie du Nord, dans la Fédération de Russie, le 3 septembre 2004, trois cent trente et une personnes, dont cent quatre-vingt-six enfants, ont trouvé la mort au terme d'une prise d'otages qui les a tenues emprisonnées trois jours durant, sans eau, dans un gymnase surchauffé. Tam ta tam,



Tam ta tam



Des bruits sourds et répétitifs qui parviennent aux oreilles de la petite fille. Ni l'orage, ni le pêt d'un grand-père... Détonations successives, des cris et un moment de stupeur entrent dans le gymnase. Des hommes et des femmes en cagoule, des kalachnikov entre leurs mains. Tout le monde s'assoit sur le parterre de béton. L'attente. L'air, qui devient de plus en plus irrespirable. La chaleur qui devient de plus en plus étouffante. Il fait soif, il fait chaud. Je me reprends un shot de vodka, Anushka ne rêve que d'une goutte d'eau ; elle serait prête à traverser la Sibérie pour ramener, juste une cuillère d'eau du lac Baïkal qu'elle tiendrait avec tant d'attention qu'elle aurait une démarche de grand-père. D'ailleurs où est-il ? Elle espère simplement qu'il n'a pas réussi à atteindre l'école avant ce Tam ta tam,



Tam ta tam



Un roman poétique sur un acte terroriste. Terrible, terrifiant. Terre, je tremble pour cette petite fille, cette Anushka au ruban défait dans les cheveux. Je souffre, je souffle un brin d'air, même chargé de mon haleine de vodka, pour lui apporter ce vent de fraîcheur et d'oubli. Une abeille s'échoue sur son genou. Que fait-elle ainsi, ici, si frêle. Si fatiguée. Même épuisée, elle ose se lever, quitte à marcher sur une jambe, entre les pas des mourants pour s'approcher d'une fenêtre et la libérer. Si elle pouvait s'envoler...
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La fabrique du monde

J'ai adoré ce roman bouleversant qui nous fait passer par toutes sortes d'émotions très fortes en seulement 150 pages d'une belle écriture, très poétique.

On découvre d'abord le quotidien de Mei, ouvrière dans une usine de confection en Chine. Elle n'y est qu'une une pièce interchangeable parmi d'autres même si, contrairement aux autre ouvrières, elle a du mal à se résigner à cette vie morne régie par les contremaîtres, les délais à tenir, les tâches répétitives, etc.

Et puis vient la parenthèse enchantée pendant les congés du nouvel an alors que l'usine est déserte : quatre jours où elle découvre l'amour et l'espoir d'une vie meilleure.

Mais le bonheur de Mei prend fin avec la reprise du travail : de trahison en désillusion, le retour à la réalité est brutal et sa vie morose sans aucune échappatoire possible lui devient insupportable.

Malgré la fin tragique (qui est encore plus émouvante quand on sait que le rouge est la couleur du mariage en Chine), La Fabrique du monde est une belle histoire.
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Tout sur la littérature jeunesse

Cette année, j'ai eu des cours d'édition jeunesse, durant lesquelles nos professeures nous ont conseillé ce livre. C'est en effet une mine d'informations !



Sophie Van der Linden est critique et spécialiste de la littérature jeunesse et nous donne ici quelques clefs de compréhension pour cet univers : son histoire, mais aussi les différents genres, auteur·rices, une bibliographie impressionnante... L'autrice parle également de l'importance pour les très jeunes enfants de relire inlassablement le même livre, etc.



Cet ouvrage est très bien documenté et est agrémenté de nombreuses illustrations (principalement de photos de livres jeunesse), ce qui rend la lecture agréable.



Ce livre pourrait principalement intéresser les personnes qui se destinent aux métiers du livre (comme moi) ou qui souhaitent travailler auprès d'enfants/ados. C'était riche, intéressant et fourni !
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Tout sur la littérature jeunesse

En manque, toujours, de reconnaissance et de légitimité, la littérature jeunesse n’en offre pas moins un espace de liberté rare : les formats et les genres s’y croisent joyeusement avec un travail sur l’écriture, l’esthétique et le sens. Une créativité qui a pulvérisé les intentions purement éducatives ou didactiques pour imposer la littérature jeunesse aujourd’hui comme l’un des secteurs les plus inventifs et dynamiques. Ce livre, que j’ai lu de bout en bout, lui rend magnifiquement hommage. Quel bonheur de sillonner ce monde littéraire en compagnie de Sophie van der Linden qui m’a captivée de la première à la dernière page. Cela valait bien un billet-fleuve en cette semaine anniversaire du blog, non ?



Si l’histoire de la littérature jeunesse est aussi intéressante, c’est qu’elle est également celle de l’enfance et de l’édition. Même lorsqu’on connaît déjà la plupart des titres qui ont jalonné cette histoire, c’est vraiment éclairant de les voir replacés dans leur contexte social et présentés de façon chronologique et analytique, sur de belles pages ponctuées de nombreuses couvertures de livres marquants. J’y ai fait de chouettes découvertes, notamment sur le rôle des artistes de l’avant-garde russe dans le développement des albums modernes. Car l’un des nombreux mérites de ce livre est son ouverture internationale qui rend justice aux traductions et transferts, aux titres non-français et au rôle des livres comme fenêtre sur le monde.



S’il semble difficile de cerner les contours d’une littérature aussi mouvante, ce guide revient sur plusieurs traits saillants pour mieux analyser ce que les enfants y trouvent. On comprend que cette littérature est, plus qu’une autre, structurée par les représentations de son jeune public. Elle se démarque par une appétence particulière pour le format de la série, les récits animaliers, ou les histoires pour « se faire peur ». C’est passionnant de comprendre pourquoi (allez lire, vous verrez bien !).



Les parents et les professionnel.le.s de l’enfance seront particulièrement intéressé.e.s par les conseils pour transmettre le goût de lire. J’ai aimé que Sophie van der Linden ne s’en tienne pas à ce qu’apportent les livres du point de vue des apprentissages, mais évoque aussi leur rôle pour la construction de soi, la compréhension de l’autre et surtout le plaisir ressenti en lisant ou écoutant une histoire. Ses nombreux conseils pratiques m’ont semblé simples, judicieux et adaptés à différents âges et contextes (scolaires ou familiaux). J’ai été ravie de voir la belle part réservée au rôle de la lecture à voix haute – même s’il est dommage que l’autrice indique (p. 84) que l’âge de prédilection s’arrête vers six ans, alors que comme l’ouvrage le souligne lui-même par ailleurs, les lectures à voix hautes restent très chouettes avec des enfants plus âgés.



Le reste du guide célèbre l’incroyable la diversité sidérante de la littérature jeunesse en termes de types de livres (éveil, abécédaires, albums avec et sans texte, BD, différents types de romans, etc.) et de genres (conte, humour, littératures de l’imaginaire et du réel, documentaire, théâtre), revenant pour chaque sur sa constitution, ses titres marquants, ses caractéristiques et les débats qui le traversent. J’ai adoré ces pages joliment composées qui mettent en perspective les livres qu’on a aimés et aiguisent notre regard sur les choix littéraires, esthétiques et éditoriaux. Elles donnent puissamment envie de lire et relire des livres jeunesse. Pour se mettre le pied à l’étriller, on se reportera aux « bibliothèques idéales » organisées par grandes tranches d’âge (même si on a bien compris qu’elle se veulent indicatives et en aucun cas limitatives) et types de livres. Elles permettent de s’orienter dans le foisonnement littéraire adressé à la jeunesse (quinze-mille nouveaux titres par an, tout de même) en identifiant des types de livres, des auteur.ice.s ou des maisons d’édition qui nous parlent. Que vous cherchiez un livre drôle, un cartonné à offrir à un nouveau-né ou une pépite de fantasy pour un enfant qui a terminé Harry Potter, vous trouverez votre bonheur.



Je connaissais beaucoup des titres listés dans ces bibliothèques idéales – tous excellents (un grand nombre sont d’ailleurs chroniqués sur L’île aux trésors). Je ne vais pas manquer de piocher parmi les autres suggestions. Si vous voulez tout savoir, j’ai déjà repéré pour mes moussaillons la BD de Momo, de Jonathan Garnier et Rony Hotin, l’album Les derniers géants, de François Place et le roman ado Dysfonctionnelle d’Axl Cendres.



Ce guide très complet et attrayant devrait être offert à chaque famille et chaque salle de classe. Il me semble indispensable, pour les passionné.e.s (énormément d’éléments utiles pour analyser un titre, par exemple dans le cadre d’un billet de blog) comme pour celles et ceux qui évoluent dans les mondes de l’enfance, mais se sentent peu familier.e.s de la littérature jeunesse. Un livre qui va, forcément, vous donner envie de lire !
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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De terre et de mer

Bien qu'elle ne réponde plus à ses lettres, Henri a décidé de rejoindre Youna, la femme qu'il aime, sur l'île de B. Cette rencontre que le jeune peintre a tant attendue s'avère pourtant décevante. Youna s'est installée dans la maison de sa grand-tante et a repris son activité d'herboriste. Elle a gagné la liberté et le respect des îliens et ne compte renoncer ni à l'une ni à l'autre en se compromettant avec son ancien amour. Rejeté, Henri erre sur l'île, toute la nuit...



Une île, deux personnages et la fin d'une histoire d'amour...Une petite visite guidée de cet îlot qui vit en autarcie et voit d'un mauvais oeil l'arrivée d'un étranger. Si les lieux son paisibles, la nature resplendissante, on sent une tension latente car malgré son isolement l'île est touchée par l'atmosphère belliqueuse du pays. La France et l'Allemagne sont en passe de se refaire la guerre. Henri vient d'ailleurs d'accomplir pas moins de trois ans de service militaire, souvenir douloureux de la vie de caserne où il a été forcé de mettre sa fibre artistique de côté pour jouer les guerriers. Il a laissé cela derrière lui pour rejoindre la femme qu'il aime, même si elle préfère être seule et libre.

Cette histoire qui dure 24 heures à peine est servie par la belle plume de Sophie van der Linden qui a su rendre vivante cette petite île, ses habitants et ses visiteurs. Par contre, la brièveté de son propos ne lui permet pas de développer la psychologie de ses personnages et la relation amoureuse qu'ils entretiennent. On devine, on imagine, on pressent mais on effleure seulement leurs sentiments, leurs attentes, leurs désirs. Par contre, la fin est magnifique, les dernières pages ont la puissance de la fatalité, du chagrin et du désespoir. A elles seules, elles valent la lecture de ce petit roman qui sans cela aurait été une réelle déception.



Merci à Babelio et aux éditions Buchet Chastel.
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L'incertitude de l'aube

Après le coup de cœur éprouvé à la lecture de « La fabrique du monde » de Sophie Van Der Linden, je m’étais promis de suivre cette auteure.

Après Meï, la petite chinoise, nous faisons ici la connaissance d’Anushka.

C’est le jour de la fête de l’école. Anushka s’y rend accompagnée de son grand-père. Elle est heureuse de retrouver sa copine Miléna et les fillettes sont très excitées à la perspective de cette journée.

Une fois dans le gymnase de l’école, la situation devient déroutante.

Anushka perd de vue son grand-père, c’est la bousculade, on entend des pétards. Il s’agit en fait de coups de feu. La prise d’otages de Beslan, qui, en septembre 2004, ébranla la Russie et le monde, commence…

Anoushka a peur. Elle rêve et s’évade dans sa tête, seule fuite possible.



Avec beaucoup de sensibilité et un souffle poétique lumineux, Sophie Van der Linden nous fait vivre ces événements de l’intérieur, à travers le regard d’une petite fille. Les faits sont durs, le texte est beau et les événements retracés n’en sont que plus marquants. L’Incertitude de l’aube est un texte magnifique, brûlant d’humanité.



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La fabrique du monde

Une jeune ouvrière chinoise découvre le monde impitoyable du travail, mais aussi celui de l’amour avec ce contremaître qui lui donnera tout et lui reprendra tout, le temps d’une période sylvestre. C’est court, c’est fort.
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