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Critiques de Vladimir Sorokine (63)
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Le lard bleu

Sorokine nous invite à la ré-ouverture de son parc d'attraction grand-guignolesque de la littérature russe. Après « Roman », son premier — déployant plus de 500 pages d'un classicisme académique et folklorique, avant de tout faire sauter dans un long et stupéfiant épilogue pour autiste épileptique — il repart en croisade pour tenter de secouer le navire amiral supposément rouillé de la culture nationale. Parmi ses armes, il y a bien-sûr un tonneau de provoc', façon bélier, sans faire oublier qu'il faut une bonne dose de talent pour défoncer une porte.



Quoi de mieux — et à la fois de difficile, car sans limites apparentes — que de la S-F d'anticipation / uchronique pour proposer du neuf ? Tant qu'à faire, il prend les deux, coupant rigoureusement au milieu de son récit, entre une première partie se déroulant en l'an 2068, et un voyage dans le temps low-tech plus tard, 1954, où Staline n'est toujours pas mort…



Mais Sorokine n'a aucune envie de faire de la prospective, ou de ré-écrire l'histoire — bien que son sabir russo-chinois a tout d'une novlangue convaincante, terrorisant le lecteur dès les premières pages, criblées de notes de bas de page pour les traductions chinoises (pas si bête, après tout, d'apprendre un peu de chinois…), et de nouveau russe/français, volontairement foutage de gueule dans leurs explications anomiques — il démarre sous la forme épistolaire d'un chercheur à son amant, inflation des fadaises qu'on s'envoie de nos jours, où la véritable écriture disparait au profit de couinements émotionnels auto-centrés…

Il faut un peu de courage pour passer ces lettres (un lexique en fin d'ouvrage, mais pas de découpage en chapitre, donc pas de table…), qui n'ont au final que peu d'importance, permettant surtout d'introduire ces sept « sous-textes », extraits écrits par les clones pas complètement humains de sept monstres-sacrés de la littérature russe (Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov, Pasternak, Akhmatova, Platonov et…Nabokov), donnant lieu à des exercices de style de haut-vol, utilisant les bornes bien marquées, pour les faire aussitôt exploser. Jubilatoire.



Sans s'embarrasser de la logique, Sorokine clôt brutalement cette partie, abandonnant la novlangue au soulagement de tout le monde, pour une cinquantaine de pages en poupée-russe, avant de nous catapulter dans le passé… La quatrième de couverture résume tout cela de manière trop bavarde, comme souvent, mais peu importe, toute cette histoire de Lard Bleu n'étant, vous l'aurez compris, qu'un prétexte à tout le reste…



Colimasson vous en a déjà parlé, depuis longtemps, le Lard Bleu est aussi, comme son nom peut l'indiquer, un roman gastronomique. Les nourritures sont omniprésentes tout au long du livre. Des menus délirants du futur (ceux des ingénieurs, ceux des frères de cette mystérieuse confrérie…), arrosés de cocktails insensés — utiles si l'on veut détruire l'appart' de cet ami qui vous ne ré-invitera plus — aux repas orgiaques soigneusement décrits des dirigeants russes et allemands, ce texte dégouline de sucs, tout en restant étonnamment digeste, surtout si l'on possède de la culture russe en plaquette dans la poche, et qu'un peu de paraphilie cauchemardesque n'est pas rédhibitoire (non monsieur l'éditeur, nous n'avons pas la même notion de ce qu'est l'érotisme…). Les provocations de la taille d'un Antonov An-225 prennent forcément de la place, avec les procès qui en ont découlé. S'y attarder en ferait oublier tout le reste…



Ce livre de cuisine, co-écrit par Staline et les frères Bogdanov, est particulièrement recommandé à ceux qui se sont perdus dans la lecture des « listes de courses, notes préliminaires et mots-croisés » de Léon Tolstoï, gâchant par là le peu d'humour qui leur restait…
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La glace

Tu es blond aux yeux bleus ? Tu m'intéresses. Quand je vais fracasser ton sternum avec mon marteau de glace , j'espère pour toi que ton cœur parlera, sinon t'es mort....

A Moscou, une bande de furieux enlève donc les gens pour les soumettre au test du marteau glacé . S'ils passent le test, la vie ne sera plus même ...



Honnêtement, je me suis dit un petit polar russe avant les fêtes , c'est bien . Bon , ce n'est pas un polar, mais c'est bien quand même . Extrêmement originale, cette histoire à dormir debout va trouver son explication dans la deuxième partie du livre et même si l'auteur tire un peu sur les cheveux pour justifier son récit , pas sur que de tels branques ne se baladent pas dans la nature.

La plongée dans l'URSS ou la Russie est bien prégnante, entre les règlements de compte entre pro Staline et pro Kroutchev ou encore l'omniprésence des têtes rasées aujourd'hui à a recherche d'une nouvelle grandeur pour la mère patrie.

Ecriture simple mais plaisante, histoire dérangeante , bien menée, un poil trash, petite immersion historique . Une construction déstructurée , avec un auteur sans doute pas tout à fait danz les clous . Une lecture singulière mais bien plaisante .



Attention, ce livre est le premier tome d'une trilogie .Il peut cependant se lire sans laisser le lecteur sur sa faim.
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Roman

Bon, Roman... ? ...Une note... ? ...non... ?

Comment dire... Dois-je m'adresser dans ce billet à ceux qui l'ont lu, ou bien les autres ? Vous l'avez bien compris, au vue de la quatrième, il y a un truc un peu... enfin... qui arrive à un moment... "qui laisse le lecteur effaré"... oui, mais... Dur, quoi...

Sorokine — dont j'ai hâte de lire les autres livres en ma possession, pour mieux juger celui-ci — trimballe son monde dans un "parc d'attraction" de la littérature russe, de sa culture pré-révolution, où le servage, bien qu'aboli, reste état de fait de son organisation sociale. Les thèmes abordés sont autant de "manèges" pour le lecteur les ayant déjà croisés, tels les questionnements sur l'état de nature, les spécificités culturelles, la morale religieuse, etc. Rien n'y manque, un "digest" comme une grande-roue des pères spirituels d'une nation, tout parait familier, on ne regrette pas d'avoir payer son billet.

Et puis, comme annoncé, et commenté avec brio dans d'autres billets, l'auteur piège petit à petit ce récit, et c'est tout ce dont vous avez besoin de savoir, ceux qui veulent encore le lire... Bisous.







Donc pas de petites étoiles quantitatives pour le moment, mais une recommandation tout de même aux amateuraïeva et amateurski qui aiment se faire mal.
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Manaraga

Je me souviens de Pepe Carvalho, son goût prononcé pour la bonne chère, mettant dans la cheminée des livres et la réplique d'Alma "— Tu n'es qu'un fasciste. Un cuistot !". Est-ce que Vladimir Sorokine avait lu le Quintette de Buenos Aires avant d'écrire Manaraga ?



Sorokine va poursuivre dans cette voie en alliant le goût des livres les plus prestigieux aux mets qu'ils grilleront et leur donneront cet incomparable fumet. L'auteur propose au menu des chefs cuistots un tour du monde littéraire des meilleurs plats cuits à la chaleur des "bûches" (anciennement dénommés livres, roman, volumes), rissolés à point aux plus juteux des mots d'auteurs prestigieux. Il faut le meilleur en tout. Fallait oser.



Et ce n'est pas si farfelu que ça quand dans ce monde futuriste, le tout numérique aura fait perdre l'intérêt des gens pour la beauté de la lecture sur papier. Que faire de ces bibliothèques qui regorgent de si magnifiques ouvrages ? Aussi, dans ce nouveau monde où la violence est monnaie courante, où les puces incorporées dans votre cerveau vous dictent ce qui est le mieux pour vous, où chacun, sans repère autre que celui du gain, tente de survivre, faire le choix d'intégrer la confrérie de la Cuisine n'est pas si bête. Avec la Cuisine, l'avenir des cuistots est assuré (en marge de la légalité bien évidemment, mais ça pimente le quotidien et assure de conséquentes rentrées d'argent).



Mais est-ce que la nature humaine peut se contenter de ce simple schéma, un peu mafieux certes ? Que voilà qu'arrivent sur le marché des livres clonés d'Ada ou l'ardeur de Nabokov. Alors que tous les cuistots s'étaient répartis le marché en fonction de leurs origines géographiques, Ada bouleverse la donne. "Ada a été écrite en anglais par un amateur russe, en Suisse, dans un canton francophone. C'est ça le hic ! le livre est lu par des Américains, des Anglais, des Russes et même des Suisses." Qui va pouvoir gérer le problème Ada ? Les prix vont chuter si les bûches se multiplient !



J'ai beaucoup apprécié l'humour de Sorokine avec ses Books' n' grills, les descriptions de la cuisson, des ustensiles du chef cuisinier (sans oublier son petit côté Jeeves dans le service aux petits oignons) et l'humour déclaré de l'auteur dans les alliances "roman-auteur-plat"



Un petit festin qui se déguste avec plaisir et la pépite évidemment :

« Fahrenheit 451, et les meilleurs steaks sont à vous ! »
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Journée d'un opritchnik

Quelle lecture ! Vladimir Sorokine a imaginé dans ce roman écrit en 2006 une Russie des années 2020/2030 plongée dans un futur dystopique effarant avec retour d’une institution moyenâgeuse, l’opritchnina, de sinistre mémoire, sorte de milice créée par Ivan le Terrible. Sur la couverture il y a une citation de Télérama : « Sorokine imagine le pire – autant dire le plus vraisemblable. » Sûr que ce roman est une sacrée provocation vis-à-vis de Poutine ! L’opritchnina du futur imaginée par l’auteur est une sorte de KGB nouvelle formule, mélangeant orthodoxie, Sainte Russie, nouvelles technologies et symboles moyenâgeux. La journée de son opritchnik est remplie, très remplie, entre épuration des nobles, destructions, viols et violences, trafic d’influence, contrôle de l’information et de la culture, corruption et orgies plus que curieuses, tout cela sous une façade moralisatrice. Il y a un petit quelque chose de l’univers de Margaret Atwood. Ce récit est extrêmement caustique, ultraviolent et en même temps la plume de Sorokine est limpide, même si elle est parfois assez déroutante. Cette caricature extrême d’un régime autoritaire avec retour aux purges, était en 2006 une fiction, une dystopie. Une fiction ? En 2006, peut-être, mais maintenant ?
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La tourmente

Un homme hurle et se débat dans un chaudron d’huile qu’un feu chauffe peu à peu, sous le regard d’une foule hilare…

Vissée d’horreur et de stupéfaction à mon siège à l’écoute de ce passage entendu lors d’une soirée littéraire, j’ai voulu savoir une fois mes esprits repris ce qu’il en était de cette « Tourmente » et comprendre ce que l’auteur avait bien pu mijoter dans ce chaudron démoniaque.



Le livre, court mais vif et dense, s’ouvre sur une toute autre atmosphère : Ça commence comme un « eastern », dans une ambiance de western hivernal de la fin du 19ème transplanté dans la steppe russe ; le relais de poste n’ayant plus de montures disponibles, un médecin arrogant et pressé enjoint Kosma le moujik, dit le Graillonneux, de le conduire d’urgence à quinze verstes de là afin qu’il puisse vacciner les villageois du mal noir qui menace de les transformer en vampires. Les voilà partis dans la tourmente qui fait rage, tous deux blottis dans la « trottinette » traînée par cinquante mini-chevaux gros comme des perdrix ; à mesure que les éléments se déchainent, le médecin perd de sa superbe en même temps que ses certitudes…



Il m’aura fallu pas moins d’un meunier nain, une pyramide de verre recelant une drogue ultime, un géant mort et un bonhomme de neige de deux étages pour comprendre qu’ils ne parviendraient jamais au terme de leur périple, ce qui ne m’a pas empêché de vivre tout du long ce récit allégorique et noyé sous une neige drue comme une expérience de lecture aussi sidérante qu’addictive que le passage du chaudron cité plus haut.



Un récit extrêmement fort et complètement fou, et pourtant profondément ancré dans le réel. J’en ressors passablement déroutée – c’est donc une bonne lecture !

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La tourmente

Sorokine nous offre un récit classique en apparence où l’on peut se croire, au fil de son déroulement, pris à la fois dans «La tempête de neige» de Tolstoï et emporter par la course folle de la troïka qui entraîne Tchitchikov dans «Les âmes mortes» de Gogol ou en compagnie du médecin Boulgakov.

Le ton est celui d’une fable, plein d’un humour à la fois bonhomme et sarcastique mais aussi d’une angoisse sourde qui grandit dans cette lutte obstinée de Kosma «Le graillonneux» porteur de pain et de Platon Ilitch Garine le médecin qui va perdre petit à petit son arrogance et sa superbe. Il devra abandonner, dans la tempête où les obstacles se succèdent et font tourner en rond, son acharnement à rejoindre Dolgoïé où il devait vacciner la population contre une épidémie.

Sorokine casse la veine classique de son récit qui s’emballe, nous prend et nous retient dans un tourbillon fantasque, où les chevaux sont à peine plus gros que des perdrix, où l’on croise un meunier nain, un géant mort dissimulé par la neige, des trafiquants de drogue sous une yourte fantasmagorique qui apparaît et accueille nos deux compères Kosma et Garine alors qu’ils sont égarés etc...

Bonhomme, content de tout, «Le graillonneux» qui fait corps avec son attelage de 50 tout petits chevaux représente le dernier rejeton de cette force ancestrale issue des générations de «moujiks» qui ont maintenu, malgré une certaine résignation fataliste, par leur dévouement et leur débrouillardise, la cohésion du pays dans la tourmente de la tempête, quand tout repère s’efface. Mais il semble que, ce bon sens disparaisse lui-aussi et ne suffirait plus à sortir la Russie de l’ornière dans laquelle elle s’est brisée et s’enfonce sans grand espoir de retrouver son chemin. Où va la Russie, vers quel précipice, quel avenir ???

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La tourmente

Voilà un roman réjouissant qui s’affranchit des codes littéraires traditionnels, joue avec les limites spatio-temporelles, s’amuse à déstabiliser le lecteur tout en offrant à celui-ci une construction savamment orchestrée.



Les premières pages nous projettent dans ce qui ressemble à la Russie du XIXe avec le médecin scrupuleux investi de la mission de soigner un village frappé par une terrible épidémie, le moujik naturellement bon et dévoué chargé de conduire le médecin dans cette contrée lointaine à bord de sa trottinette, les chevaux qui piaffent, l’immensité neigeuse…sauf que la trottinette s’avère être tractée par cinquante mini chevaux « pas plus hauts qu’une perdrix »,la Noire transforme les malades en zombies, les habitants disposent de la radio à hologrammes...

Fort de ces invraisemblances, le récit s’engage progressivement sur le chemin de l’étrange. On s’aventure presque à tâtons dans un périple qui n’offre ni route, ni village humain, ni perspective d’avenir rassurante, balayé par la tourmente neigeuse qui offre peu de répit aux voyageurs mais aussi par quelques rencontres saugrenues, illuminées.



La route se révèle sans fin ni limite tant les obstacles qui se dressent devant cette équipée sont nombreux. On devine une Russie chaotique chaque fois que les voyageurs s’égarent dans la plaine. Le médecin atteindra-t-il le village frappé par cette épidémie venant de Bolivie ? Rien n’est moins sur, chaque page insufflant un air insaisissable, une atmosphère mystérieuse voire angoissante.



Mais une chose est certaine : Vladimir Sorokin maitrise l’art de la manipulation. Dans un style ciselé, acerbe, subtil, il égare le lecteur dans la trame narrative du roman en instillant savamment une dimension surréaliste, fantaisiste que l’on interprète, si on se réfère à la tradition russe, comme satirique.

C’est donc un roman absurde, onirique, cynique, merveilleux mais qui sème le doute quant à l’interprétation qui pourrait en être faite. Si on se raccroche à la rhétorique russe_ l’allégorie pour dénoncer le régime politique_ tenter de percevoir une critique dans La Tourmente n’est pas chose évidente. La route qui mène nulle part serait-ce celle empruntée par la Russie actuelle qui fonce aveuglément sans savoir où elle va ?

Quelle que soit la portée que chacun veut lui prêter, ce roman est jubilatoire : l’auteur a le talent pour recréer et s’approprier les univers des grands romans russes et les détourner à sa guise en y insérant du fantastique. C’est totalement imprévisible et témoigne d’une liberté folle et rafraichissante.



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La tourmente

Alors, ça c'est rare !

Un livre qui me déplaît dès les premières pages par son écriture et qui m'ennuie au plus haut point tout au long de la lecture, je n'en rencontre pas tous les jours.

J'avais peut-être beaucoup d'attentes au moment d'ouvrir ce roman : il s'agissait d'un de mes premiers livres d'un auteur russe. Et je m'étais préparée à vivre un vrai coup de coeur. Ca a été un vrai coup de flop !



L'histoire est le récit d'une traversée dantesque vers un village peuplé de malades, sous la neige et le froid, à bord d'un carrosse un peu particulier. Mélange de conte, d'aventure burlesque, de récit d'aventure et de journal de voyage, ce livre ne m'a hélas pas emballée. Les scènes se répètent inlassablement, improbables et brouillonnes.

Un des personnages, le livreur de pain, le Graillonneux, m'a passablement énervée. Sa diction avortée est retranscrite par l'auteur par des apostrophes multiples dans chaque phrase. Agaçant !

Ce livre cache peut-être un trésor : une symbolique liée à l'histoire de la Russie. Mais je suis passée complètement à côté. Je me suis perdue en chemin.

Deux autres auteurs russes m'attendent sur ma pile... On verra si ceux-là me charmeront plus. Je l'espère !
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Théâtre contemporain russe

Volume 2, La Dernière Volonté du Capitaine du Carpatie



Une pièce de théâtre assez mouvementé où les personnages nous surprennent dans leur transformation, ils sont d'un instant esclaves, à d'autres moments ils sont volontaires eux-mêmes à l'esclave, enfin, ils semblent tous perdus, à la recherche de leur histoire, de leur identité. Du moins on est dans une tragédie où par moment, sans trop d’effort, l'air se détend avec un langage plus ou moins humoristique.



Le capitaine du Picardie est celui qui, le seul ayant perçu le signalement de déstresse, s'est intervention pendant le naufrage de Titanic, pour sauver quelques personnes. Mais après cet ouvrage, il a perdu sa mémoire qu'il ne se souvient plus de cet événement, en même temps, il ne sait plus reconnaître ses enfants...



Arrêtés dans leur bateau comme des pirates, le capitaine et son équipages doivent être exécutés mais avant tout le capitaine doit faire un vœu, aussi demandera-t-il la guillotine uniquement pour sa tête mais que tout son équipage soit libéré...le vœu est exaucé...



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La tourmente

"Russie où cours-tu donc? interrogeait Nikolaï Gogol dans Les Âmes mortes.

La tourmente de Vladimir Sorokine (auteur russe contemporain reconnu de tous de par son style éblouissant) reprend ce même thème.

Celui de la chute dramatique, suite à une domination et à une irresponsabilité. Celui du maître, imbu de lui-même car appartenant à "l'élite" et se sentant investi d'une mission (ici celle du médecin déterminé malgré la force déchainée des éléments à sauver une communauté d'une épidémie venant de Bolivie!) qui court à sa perte et entraîne avec lui le pauvre moujik toujours souriant et par trop soumis. Métaphore, fable des temps modernes avec morale de La Fontaine où l'impatient, méprisant,insultant,entêté et irascible docteur Platon Ilitch Garine, au prénom de sage et à la toque de renard, s'embourbera peu à peu dans sa propre déchéance intérieure pour tourner en rond avec le "Graillonneux", son guide impuissant, jusqu'à être récupéré par des forces chinoises dont il ignore les vraies motivations.

"A la grâce d' Dieu!...Hue!"

Ce conte avec isba, peau d'ours, icône, écrit entre verve truculente (de livreur de pain promu taxi en "trotinette des neiges" aux expressions imagées:"le châtre l'a pris") et langage châtié (de Russe bon chrétien aux tournures allemandes: "Mein Gott!") campe le décor d'une Russie post-époque stalinienne qui galope à toute vitesse vers un futur fantastique qui n'a de fantastique que ses décors en carton pâte de presque science fiction. Le lecteur se laisse peu à peu piéger par des chevaux plus que minuscules, un "oeil vivant",des "vitaminovampires", de la "came" en pyramide qui se volatilise, des géants....

Moins caricatural que En attendant Godot de Samuel Beckett (où l'inhumain Pozzo fouette et traîte de "charogne" son esclave Lucky), La tourmente évoque la différence de classes sociales et les comportements qui lui sont inhérents car si le docteur ne fouette que les mini chevaux, il ne traite pas moins de "bestiau" et en "bestiau" son compagnon de route.

Ce Platon, peu philosophe y trouvera-t-il le sens de sa vie? Ou son manque de bon sens? Le monde est-il déraisonnable lorsque le désir à satisfaire au plus vite, le manque de discernement et les paradis artificiels sont au rendez-vous ? nous interroge Vladimir Sorokine.

A lire, car les routes par trop enneigées et parsemées d'embûches sont à déconseiller!

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Roman

Est-ce que j’ai aimé ce livre ? Aimé n’est pas le bon mot.

Est-ce que je le garderai en mémoire ? Absolument il me sera impossible de l’oublier et pourtant j’ai beaucoup de mal à en faire un résumé tellement ce livre m’a laissé ahurie, hébétée, ayant de la peine à croire ce que je lisais, étant encore aujourd’hui, plusieurs jours après avoir terminé ma lecture, terrifiée par ce texte.



Tout d’abord il faut vous dire que Roman est le nom du héros, Roman Alexeïevitch pour être précis. Le choix du patronyme est le premier gravillon dans la chaussure glissé par Sorokine mais au début on ne se méfie pas.

Vous voilà à la fin du XIX ème siècle, dans la Sainte Russie, la Russie éternelle, celle de Tchékhov, de Tolstoï, de Tourgueniev.

Tout le roman russe défile pendant 500 pages, avec maestria Sorokine convoque tous les grands écrivains, toute " l’âme Russe " et il le fait avec une habileté diabolique. On est pris, on s’attache aux personnages, on lit avec bonheur des pages de description d’une nature magnifique.



Roman, est un jeune aristocrate qui lassé d’être avocat revient dans la propriété où il a passé son enfance. Un retour aux sources, il revient vers la superbe Zoïa dont il est amoureux fou mais qui peut être ne l’a pas attendu.

Il a décidé de consacré sa vie à la peinture. Toute la famille est heureuse de le voir, les oncles, les tantes, les cousins, le vieil instituteur, le docteur, le père Agathon, les voisins, les domestiques, tout le monde lui fait fête.

On baigne dans une atmosphère plus Russe que Russe, c’est éblouissant, tout est en place, le samovar fume, le héros retrouve le goût des nourritures de son enfance

Après les gourmandises c’est le retour à la nature qui va combler Roman " le jardin était obscur et frais. C’était une douce nuit de printemps, au ciel bas, dans les tons de violet foncé, effleuré ça et là par des étincelles d’étoiles que l’on distinguait à peine" La passion de la chasse lui revient " il marchait, scrutant ces lieux si familiers et si chers que son coeur cessait de battre dans sa poitrine et que des larmes lui montaient aux yeux."

C’est romanesque à souhait non ? Bien sûr Zoïa l’ingrate l’a oubliée, deuxième petit gravier semé par Sorokine, mais elle est vite oubliée au profit de Tatiana, la magnifique Tatiana, qui bien que de condition modeste comble toutes les attentes, foin de la différence de milieu et de fortune.

Voilà vous avez lu plus de 400 pages, et vous commencez à trouver qu’il y a quelque chose d’étrange dans ce récit, l’auteur serait-il en train de vous piéger ? Mais non, soulagement tout s’accélère soudain, un accident de chasse, la préparation d’un mariage, vite, vite, tout doit se faire rapidement , tellement rapidement que vous ne voyez pas la fêlure, du moins vous ne la comprenez pas vraiment, et c’est fini pour vous, vous êtes livré à Sorokine pieds et poings liés.

Il vous reste 100 pages à lire, le récit devient apocalyptique, sidérant, l’écriture se fragmente, les mots volent en éclats, vous continuez de lire un peu hypnotisé mais stupéfait, effaré, jusqu’au dénouement.



A lire les critiques, Sorokine est présenté comme un auteur qui dérange, comme l’enfant terrible des lettres russes, c’est vraiment peu dire ! Il dit de son roman " C’est un livre sur la mort, et le crépuscule d’une civilisation, celle de l’ancienne Russie", je dirais que l’auteur fait exploser cette image à coup de mots avec une puissance extraordinaire.

La quatrième de couverture évoque une maestria éblouissante, un dénouement stupéfiant laissant le lecteur effaré, et bien pour une fois c’est en dessous de la vérité.

Un roman fou, halluciné, un roman choquant, inquiétant mais en même temps remarquable et inoubliable. Ames sensibles s’abstenir !
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Le lard bleu

Vladimir Sorokine a des goûts culinaires peu orthodoxes – voyez un peu ce menu idéal qu’il imagine pour les habitants de son futur proche, 2068… Au petit-déjeuner : « jus d’érable, porridge de laminaires, beurre de chèvre, pain d’avoine café N, café TW, thé vert » ; pour le déjeuner : « croûtons grillés à a cervelle de bouc, salade d’herbes des prés, bouillon de poule pressée, filet de ragondin aux pousses de bambou, fruits, blub de mûres sauvages » ; pour le dîner : « koumys, soupe wantan, gâteau au fromage de millet » ; et pour le souper : « pulpe de bouleau à la polenta, hydromel au gingembre, eau de source ». Et de préciser, pour nous signaler l’émergence d’échelons d’évaluation individuels dont on comprend peu les objectifs –et qui se retrouvent dans le domaine de l’alimentation comme dans tous les autres aspects les plus anodins de l’existence : « le coefficient de L-harmonie d’un menu pareil est de 52-58 sur l’échelle de Guerachtchenko ». Il s’agit plutôt d’une bonne note, peut-être relevée par ce « clone de dinde aux fourmis rouges », dessert qui provoque chez le narrateur « un accès de nostalgie violette ».





Et le lard bleu, dans tout ça ? Une croquette parmi tant d’autres dans la procession de ces menus d’une autre époque ? C’est qu’il ne faudrait pas tout confondre… Non seulement, le lard bleu est aux habitants du futur ce que la truffe noire est pour nous aujourd’hui, mais il fait l’objet d’une convoitise et d’une dangerosité qui le placent à l’égal de notre bombe atomique. Le lard bleu est produit par des scientifiques dans une enceinte close et strictement surveillée. La chimie s’élève au rang du clonage. Que ses détracteurs se rassurent : en 2068, la technique semble encore loin d’être au point et les essais pour obtenir un clone convenable doivent fréquemment se renouveler, sans jamais que la perfection ne soit atteinte. Par le biais des lettres que le narrateur, Boris, envoie à son amant (son « lourd garçon », sa « tendre salope », son « top-direct divin et abject ») dans un néo-russe ponctué de chinois, à la fois vulgaire, technique et propice aux effusions sentimentales, nous découvrons peu à peu l’avancée des travaux d’obtention du lard bleu. Et d’apparaître dans une étrange procession, moitié figures auréolées de gloire, moitié monstres avilis, les plus grands écrivains russes des siècles derniers… Ici, on les nomme « objets » et ils portent la dénomination de Tolstoï-4, Tchekov-3, Nabokov-7, Pasternak-1, Dostoïevski-2, Akhmatova-2 et Platonov-3. Pasternak-1, obtenu du premier coup, est de loin la réalisation la plus prometteuse, et pourtant, on ne l’imaginait pas de la sorte : « la similitude avec un lémurien est saisissante : une petite tête recouverte de duvet blanc, un minuscule visage ridé aux yeux roses immenses, de longs bras qui descendent jusqu’aux genoux, de petites jambes ».





Le lard bleu s’écoulera du corps de ces clones d’écrivains lorsque les scientifiques les soumettront à une traite impitoyables : écrivez, chiens ! et le lard bleu goutte douloureusement de leur organisme forcé à l’écriture. La production littéraire, soumise à l’exercice scientifique, devient une torture à nulle autre égale. Les écrivains, que l’on aurait pu croire enclins à l’exercice, semblent lutter corps et âmes dans la production de textes pourtant courts, que Boris livre en complément des lettres qu’il adresse à son amant. Vladimir Sorokine se livre alors à des jeux de réécriture à la fois brillants et terrifiants. Reprenant le genre de prédilection de chaque auteur et s’emparant des caractéristiques de son écriture, il lance l’illusion au point de nous faire croire que nous allons retrouver un brin de lecture digne du grand siècle de la littérature russe –et qu’est-ce que l’on espérerait cette pause salutaire après s’être tapé des pages d’un néo-russe sans âme et pas toujours compréhensible ! Mais on découvrira rapidement que même la littérature est sapée et des vers de dégénérescence se glissent dans ce qu’on avait imaginé être la résurgence d’une littérature noble et puissante. Le futur de 2068 s’inscrit ici encore et fait frémir –à la manière de la novlangue du 1984 d’Orwell.





« Dostoïevski-2

Le comte Réchetovski



[…] Ce fut très précisément cette impression que produisit sur les quelques badauds présents l’apparition de Kostomarov et de Voskressenski ; deux simples passants, un étudiant et une dame d’un certain âge s’arrêtèrent comme bornes fichées en terre, des bornes, oui, des bornes bornes n’est-ce pas, des bornes de verstes, et, saisis d’une émotion qu’ils ne parvenaient pas à contenir, ils suivirent du regard ce couple étonnant jusqu’à ce qu’il eût atteint l’entrée. Cet hôtel particulier de deux étages appartenait au comte Dmitri Alexandrovitch Réchetovski et était l’une de ces maisons remarquables en son genre vers lesquelles, les mardis ou les jeudis –telles des abeilles qui rejoignent leur ruche, oui, telles de laborieuses petites abeilles dégourdies qui retournent à leur ruche solidement fabriquée, bien que les constructions des ruches soient des plus diverses, certaines en forme de cloche ou de cylindre, d’autres dans un tronc d’arbre évidé ou en terre cuite-, prend la peine de se diriger la bonne société pétersbourgeoise. »





Bon gré, mal gré, deux kilos de lard bleu réussissent à être produits et alors que les scientifiques célèbrent leur victoire, un commando s’infiltre dans leur base scientifique et vient leur racler la mise. Se réfugiant dans une mine désaffectée, ils envoient le lard bleu en 1954 par le biais d’une machine à remonter le temps…





Ah ! 1954… Fini le néo-russe fatigant et lassant ! La narration redevient plus classique sans céder toutefois à sa pornographie et à son exubérance de chaque phrase.

La mallette de lard russe et ses représentants du commando font irruption en plein milieu d’une représentation théâtrale. Les spectateurs se prennent de terreur. Qu’on les rassure : rien de grave ne se produira. Il faut seulement prévenir Staline le plus rapidement possible. Staline, en 1954 ? Première surprise… les autres ne tarderont pas à se succéder… on découvrira que celui-ci s’est partagé l’Europe avec Hitler, que Londres a été rasée par une bombe atomique (puisqu’on en parlait) et que les Etats-Unis sont responsables de la Shoah.





Vladimir Sorokine ne nous épargne rien et nous coupe de toute valeur sûre. Croyait-on pouvoir faire confiance à la grande littérature russe ? Il nous l’avilit en deux coups de plume. Croyait-on pouvoir se reposer confortablement, de retour dans le territoire connu de 1954 ? Il bouleverse tous nos points de repère et fait surgir la description d’une société dégénérée où le meurtre, le viol, la débauche sexuelle et le sadomasochisme semblent être les oripeaux de la normalité. La religion en prend pour son grade, autant que le fanatisme politique, dans des parodies de discours dont la vulgarité fait ressortir toute l’invraisemblance et tout le ridicule :





« Mes frères ! Par trois fois devant vos yeux, je viens d’émettre ma semence dans la Terre de la Sibérie orientale, dans cette Terre sur le corps de laquelle nous vivons, nous dormons, nous mangeons, nous chions et pissons. Notre Terre n’est ni tendre ni friable, elle est rude, froide et rocailleuse, et elle ne se laisse pas pénétrer par n’importe quelle bite. C’est pourquoi nous sommes peu nombreux désormais, et les faiblards de la bite se sont enfuis jusque dans les terres chaudes et accessibles à tous. Notre Terre est peut-être rocailleuse, mais l’amour la rend forte : celui qui y a introduit sa bite est à jamais repu de son amour, et jamais elle ne l’oubliera ni ne le laissera partir. »







Telle est la définition de l’élitisme dans cette Terre uchronique de 1954. Les grandes figures politiques en prennent elles aussi pour leur grade. Staline, Hitler, Himmler, Khrouchtchev deviennent de petits bonhommes obnubilés par la sauterie et les grands cocktails. Lorsqu’ils parlent du sort du monde, ils le font avec le détachement d’enfants racontant leurs dernières constructions Playmobil. Pour eux, le morceau de glace contenant le lard bleu, en provenance du futur, n’est qu’une pièce de collection rare parmi toutes leurs autres briques de construction. Mais de sauterie en séances de flagellation, l’attrait pour l’objet du futur s’accroît et la convoitise devient frénésie voire folie dans un déchaînement des pulsions égoïstes et des envies de domination. Cette dernière partie est baroque, folle furieuse, en aucun cas convenue : Vladimir Sorokine n’éprouve aucun effort à faire se succéder les pires perversités de son imagination, là où d’autres écrivains n’auraient réussi à produire que du ridicule et de l’invraisemblable.





Ce Lard bleu est si hénaurme qu’on se demande pourquoi il a provoqué un tollé de réactions désapprobatrices. Le plus étonnant reste la poursuite en justice du gouvernement de Poutine pour la « pornographie » du roman : les grands pontes se seraient-ils reconnus dans les scènes de débauche extrême entre gouvernants politiques, où la plus réussie reste celle mettant en scène Staline et Khrouchtchev se livrant aux jeux du sadomasochisme ? …





« La langue du comte toucha prudemment le bout du gland et se mit à écarter le méat.

« Mais…non…Ne jouis pas ! Ne jouis pas pour moi ! » disait Staline, les yeux révulsés.

Khrouchtchev serra très fort les couilles du Guide, qui s’étaient rassemblées.

« Que ça ne jaillisse pas…oh-oh-oh… Donne-moi un ordre ! Un ordre, comme autrefois ! Mais avec tendresse ! Avec tendresse quand même !

- Offre-moi ton petit derrière, mon délicieux garçon ! » lui ordonna amoureusement Khrouchtchev qui continuait de tenir avec ténacité Staline par les couilles.

Staline se tourna sur le ventre en sanglotant :

« Le petit garçon a peur… Fais-lui un bisou sur son petit dos…

- Nous allons faire un bisou sur le petit dos du petit garçon… » »





La censure est parlante…
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Roman

Une lecture très marquante dont il vaut mieux connaître le moins possible d'éléments pour vivre pleinement l'expérience qu'il propose. Je suggère de faire deux présentations successives: une première plus allusive, sans spoilers, et une seconde plus explicative qui tente une interprétation d’ensemble pour ceux qui aimeraient en discuter.



Roman est un jeune homme orphelin qui revient dans son village natal pour se consacrer à la peinture. Il y retrouve famille, amis, serviteurs et paysans dans une succession de tableaux qui font revivre cette russie éternelle et idéalisée qui nous plonge dans une atmosphère de fin de siècle (le XIXe). 500 pages pour une succession de morceaux de bravoure au style lumineux et puissant. Des dialogues dignes des pièces de Tchekhov, des descriptions naturalistes inoubliables inspirées des écrivains et grands peintres russes (Levitan, Kouindji...). Une ascension vertigineuse d'abord contemplative et poétique puis de plus en plus animée et rythmée jusqu'à un point culminant très intense. Arrivent ensuite les 100 dernières pages qui sidèrent et font courir le risque de lâcher le livre ou au contraire de rentrer dans une expérience littéraire hallucinatoire et abstraite... Je n'en dis pas plus. ça passe ou ça casse. J'ai d'abord lâché l'affaire puis j'y suis revenu et j'ai trouvé ce final époustouflant et indispensable autant qu'irritant et gonflé.



Une proposition d’interprétation: SPOILERS!!



Roman démarre par une séquence importante mais qu'on oublie en partie ensuite et qui montre un cimetière dans la campagne. Une tombe laisse deviner, à moitié effacé, le prénom "Roman" dans un calme absolu d'éternité. Puis l'histoire commence et nous montre l'arrivée de Roman dans une petite gare. Et le voilà qui part à la rencontre de ces lieux d'enfance qu'il aimait tant, de tous ces gens qui semblent si pleins d'affection pour lui (oncle, tante, médecin, scientifique, prêtre, moujiks...). On part à la chasse, on se baigne dans la rivière, on cueille les champignons après l'orage, on disserte sur la vie, la mort, l'amour, la foi... Nous sommes dans une Russie de rêve, une Russie de l'avant bolchevisme, un monde qui évoque toute la tradition littéraire depuis Pouchkine. Bien des auteurs sont cités ou évoqués... Tout cela est beau et a du souffle. On se laisse emporter par une jouissance des sens qui prend une dimension presque mystique dans ce contexte de Pâques russe. On assiste à une histoire d'amour qui transfigure les protagonistes et culmine dans une scène de noce d'anthologie...



Mais durant tout ce récit noble et vibrant on sent insidieusement une menace sourde, on croise un personnage troublant et récurrent qui prophétise, on entend certaines pensées de Roman qui se révèlent plus confuses ou plus troubles que son personnage solaire ne le laisse deviner a priori... Il semble y avoir un écart entre toute cette harmonie collective presque trop belle et une forme de vide métaphysique qui s'engouffre en lui et risque de déséquilibrer tout l'édifice. Puis Roman croise un loup dans la forêt et se sent pris d'une pulsion destructrice...



Au plus fort de l'extase amoureuse et mystique qui pourrait clore le récit, Roman bascule dans une violence inouïe et l'écriture de Sorokine se déstructure complètement pour atteindre au fil des pages une dimension totalement abstraite, géométrique même, qui rappelle la peinture constructiviste de Malevitch. C'est asphyxiant, sidérant, hallucinant au risque de perdre son lecteur devant cette accumulation de gestes répétitifs qui malgré tout construisent une sorte d'édifice, de mausolée macabre dont la signification est multiple. Sorokine semble vouloir nous dire que l'amour de ces deux jeunes gens dépasse le cadre matériel dans lequel il s'inscrit. Il suggère également de manière métaphorique l'éclatement que le bolchévisme a provoqué au sein de cette utopie de l'âme russe en harmonie avec la nature et la spiritualité. Le démembrement littéral comme figuré qu'opère le récit semblant faire écho aux atrocités perpétuées par la suite dans l'histoire de la Russie.



L'ensemble laisse comme hébété par tant de puissance, de richesse métaphysique, d'expérimentation artistique qui nous fait basculer des tableaux naturalistes et symbolistes des 5/6e du récit vers la fragmentation des formes et l'abstraction géométrique de la fin. Sorokine est un continuateur et un réformateur. Il règle son compte avec ses maîtres en leur rendant hommage puis en tapant du pied de colère. Construction/Déconstruction.



Reste ce sentiment à l'arrivée d'être dans une pensée agonisante d'où les souvenirs et les derniers souffles de vie se retireraient progressivement en faisant surgir des images de toute beauté qui ont la nostalgie de l'enfance puis des hallucinations cauchemardesques monstrueuses. Roman n'est plus.



Et Roman est aussi ce roman que Sorokine est en train d'écrire et qui est sa propre hallucination. Le récit est daté à la fin 1985-1989, période de rédaction de ce livre. Roman est le cauchemar de l'artiste qui revisite la tradition et la tire vers la lucidité horrifiée de l'homme de la fin du XXe siècle marqué par ses atrocités. Sorokine dit régulièrement que la Russie est condamnée à répéter à l'infini les mêmes erreurs et ce livre en est une illustration géniale et fulgurante.



Une oeuvre d'art qui a une sorte d’équivalent au cinéma avec le film « My Joy » de Sergei Loznitsa sorti la même année en 2010. Rencontre probablement fortuite entre deux grands artistes mais très signifiante quant au regard qu’ils portent sur leurs pays respectifs.

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Journée d'un opritchnik

L’opritchnina d’Ivan le Terrible, milice spéciale représentée sous les signes du chien (celui qui attrape les traîtres) et du balai (celui qui les nettoie pour laisser table rase), symbole de la « Sainte Russie orthodoxe » du 16e siècle, ressuscite cinq siècles plus tard, en 2028, à cause de Vladimir Sorokine.





Vladimir Sorokine a dit : « En Occident, être écrivain est une profession, chez nous, c’est un travail de sape : l’écrivain sape les fondements de l’Etat ». En tant qu’écrivain, on comprendra donc que rien de ce qu’il n’écrit n’est anodin. Quel intérêt aurait-il eu à évoquer cette vieille milice disparue de l’opritchnina si, justement, elle n’avait pas disparu ? si, au contraire, elle n’était pas restée intacte, se contentant seulement de changer de nom, de changer de forme ? Ce n’est un secret pour aucun lecteur : en décrivant la journée d’un opritchnik, Vladimir Sorokine prétend à peine s’emparer de la forme fictionnelle pour nous décrire la Russie politique d’aujourd’hui, à deux ou trois métaphores près.





Vingt-quatre heures, ni plus, ni moins, et nous suivons les tribulations de Komiaga, opritchnik plutôt haut gradé, bien qu’il reste encore sous les ordres du Patron, lui-même dirigé par le Souverain. Au-dessus, bien sûr, Dieu le Saint orthodoxe. Parmi ses aventures, le trivial et le vital alternent sans cesse : entre les orgies de bonne chère/chair, d’alcool et de serpelets, entre les heures de détente passées au sauna et les visites à l’opulente et magistrale souveraine, viennent s’intercaler de tristes affaires d’Etat qu’il vaut mieux régler le plus rapidement possible à coups de perceuses, de lasers et autres moyens que le sadisme technologique rend plus redoutables qu’au siècle d’Ivan le Terrible.





Beaucoup moins dense que cet autre texte de Vladimir Sorokine, Le Lard bleu, la journée d’un opritchnik semble n’en être qu’un extrait ayant subi une légère variation. Lorsque le premier ajoutait à la description viciée d’une hiérarchie politique totalitaire, une intrigue tordue donnant à réfléchir sur de nombreux aspects culturels, le second se contente de lui-même. Sans but, cette journée vouée à la répétition éternelle pourrait revêtir les aspects de l’absurdité, si ce n’est qu’au sein de l’opritchnina, aucune journée ne se ressemble.





Moins d’emphase, moins de délires, moins de crimes, mais encore beaucoup de débauche et de violence : entre le trop et le pas assez, cette journée d’un opritchnik échoue à donner une représentation convaincante du travail de sape recherché par Vladimir Sorokine. L’excès donne naissance à une caricature dont l’écrivain serait le bouffon-créateur, voltigeant sans se laisser capturer par toute une hiérarchie qu’il dénonce. Même si les intentions de Vladimir Sorokine sont louables et tout à fait compréhensibles, Journée d’un opritchnik est un texte décevant pour qui aurait lu son Lard bleu. Léger, bien trop léger, il nous abandonne comme Komiaga lorsqu’il se réveille chaque matin, après une nuit de cuites, la mémoire totalement vierge des méfaits de cette nouvelle opritchnina.


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Journée d'un opritchnik

Dans Journée d’un opritchnik, Vladimir Sorokine, enfant terrible de la littérature russe, imagine, dans un récit violent, halluciné et obscène, ce que pourrait être la Russie en 2028.

Près cette lecture, on comprend mieux l’origine des déboires qu’a pu avoir l’auteur avec le pouvoir russe actuel. Sous couvert d’accusions et de procès pour pornographie, ses livres ont provoqué des manifestations de la jeunesse poutinienne qui, pour l’occasion, avaient construit des WC géants afin de mieux y jeter les ouvrages de l’auteur détesté.

Pornographe Sorokine ? Hum … peut-être faut-il y voir autre chose …



Journée d’un opritchnik est un roman original qui s’appuie à la fois sur l’Histoire de la Russie mais aussi sur la science-fiction dans le but de critiquer le pouvoir en place.

Sorokine décrit un hypothétique futur de son pays et probablement celui qu’il craint de voir devenir réalité, un hypothétique futur construit sur un mélange de résurgences du passé et d’éléments futuristes. Ainsi, la technologie et les infrastructures sont celles qu’on pourrait trouver dans un roman de SF ordinaire mais tout ce qui décrit le mode de vie et les institutions politiques et sociales sont fortement inspirées de ce que la Russie a déjà connu.



En 2028, la Russie est dirigée par un Souverain tout puissant à l’image de l’époque tsariste. Son épouse ressemble étrangement à la grande Catherine qui consulte régulièrement une prophétesse. Le Souverain dispose pour l’aider dans sa politique d’une arme redoutable : l’opritchnina, fille de celle qu’avait créée Ivan le terrible. L’opritchnina est une police politique qu’Ivan avait utilisée pour réduire les dissidents et dont il avait fini par perdre le contrôle. Cette forme de police politique en rappelle également une autre créée pour les mêmes raisons sous l’époque soviétique.



Sorokine nous invite donc à suivre le quotidien d’un membre de l’opritchnina. Incendies, viols, exécutions, corruption, flagellations publiques, orgies et débauches sexuelles s’enchaînent au cours de cette journée qui fait froid dans le dos. On est plongé dans une Russie où règnent la violence, la corruption, la restriction des libertés. Une Russie nationaliste qui se protège des occidentaux décadents par une Grande muraille et utilise la religion de façon extrême à des fins de cohésion sociale. Une Russie où le Kremlin et la place Rouge ont été repeints en blanc et où le mausolée de Lénine a été enfin rasé. ( une question qui revient régulièrement dans l’actualité politique russe actuelle).



Dans ce monde de 2028, la Chine est toute puissante et est le centre de production mondiale. Tous les produits alimentaires ou autres sont chinois. Une immense route à plusieurs voies et plusieurs niveaux relie la Chine à l’Europe permettant aux douaniers russes de se servir en taxes au passage.

Voilà ce qui est effrayant dans ce roman, c’est qu’on n’est pas très loin du possible car Sorokine intègre des éléments du passé, donc déjà vécus et susceptibles de se reproduire, et des éléments qui sont d’actualité.



L’opritchnik que le lecteur accompagne tout au long de cette journée cauchemardesque est un être froid dénué de sentiments et qui est complètement endoctriné. Imaginez un Rudolf Hoess psychopathe et vous avez une idée du personnage.

Le style de l’auteur n’est pas très facile dans ce roman car il imagine le langage que pourrait avoir cet opritchnik avec utilisation de vocabulaire spécialisé propre à son époque et sa profession. Ce qui rend certains passages difficilement compréhensibles dans les détails mais qui, en même temps, rend totalement réelle l’immersion du lecteur dans cet autre univers. Le langage est cinglant, chargé de haine.



Certaines scènes sont vraiment dures et immorales, de quoi crier « Au fou ! ». Je me suis demandée parfois si j’étais en train d’assister à un délire halluciné de l’auteur ou s’il était délibérément provocateur.

Une chose est sûre, Sorokine ne fait pas dans la dentelle. C’est un portrait affreusement pessimiste de l’avenir de la Russie qu’il nous brosse.

Ce roman est une claque monumentale à ne pas mettre entre des mains sensibles.



Un petit extrait :



« Et toutes les maisons derrière leurs palissades sont robustes, toutes sont gardées par des créatures séditieuses, des salopes capricieuses nées dans le péché, condamnées à être châtiées. Les marmites de l’Etat bouillonnent. Remplies de graisse, de graisse, de la graisse de ceux qui reposent en Dieu, et elle dégoutte et coule dans l’air glacial. La graisse humaine, chauffée, qui déborde d’une marmite en fonte remplie à ras bord, et elle déborde, déborde, déborde. Un torrent de graisse s’écoule sans interruption. Elle se fige dans le froid cruel. Telle une perle. Elle se fige, se fige, se fige comme une belle sculpture. Une sculpture magnifique. Merveilleuse. Incomparable. Sublime. Exquise. La beauté d’une sculpture de graisse est divine, indescriptible. Une graisse d’un rose nacré, tendre, frais. »






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Roman

C'est une expérience littéraire inoubliable, qui nous laisse sur les rotules, non par lassitude ou fatigue mais de la même façon que si nous avions dansé une valse endiablée et que la musique s'arrête subitement.

Le style, ou plutôt les styles d'écriture car Sorokine modifie sa façon d'écrire, la fait évoluer, la décortique, la triture, l'harmonise pour finalement nous lancer dans un rythme soutenu, un peu chaotique mais toujours brillant.

j'ai ressenti la même chose quand je lisais Foster Wallace, une sorte d'objet littéraire qui nous prend en otage pour nous faire découvrir toute la gymnastique linguistique possible.

Les dialogues sont des bijoux, dignes de pièces de théâtre, les descriptions rappellent les belles heures de Tourgueniev, et il est dressé un tableau de la Russie rurale tantôt romantique tantôt véritablement mélancolique qui ne peut laisser indifférent.

La forme prend le pas sur le fond, et c'est un pur plaisir que ce soit le cas, car le fond s'il est intéressant ne semble pas être l'enjeu de l'oeuvre.

Un livre tout simplement époustouflant dans tous les sens du terme.

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Journée d'un opritchnik

Dans un futur relativement proche, la Russie éternelle a renoué avec son passé. Elle est retombée sous le joug d’une monarchie absolue de droit divin. Le Prince exerce un pouvoir totalitaire sur l’ensemble de l’Empire par l’intermédiaire de son bras armé, l’opritchnina, sorte de police secrète dotée des pleins pouvoirs et persuadée d’œuvrer pour le bien et l’édification du peuple. Un peu à la manière de Soljénitsine avec son zek Denissovitch, Sorokine se contente de nous raconter une journée ordinaire du « nettoyeur » Komiaga que l’on suit en train de liquider sauvagement un aristocrate en disgrâce, de torturer sauvagement sa femme, de brûler ses biens puis de prêter la main à des détournements de fonds à la frontière chinoise avant d’enquêter sur un dissident auteur d’un poème mettant en cause le gendre du Souverain…

Les activités mafieuses, la violence, le vice de cette bande de loups font froid dans le dos. On sait que le trait est outré, mais qu’au fond une large part de tout cela est vraie. Une fois de plus, dans la « sainte » Russie tout est permis pour assoir une idéologie et liquider les opposants. En ressuscitant une milice qui exista réellement sous Ivan le Terrible, Sorokine imagine ce que pourrait être un pouvoir qui bénéficierait de la puissance et de la logistique du KGB, des technologies les plus modernes et les plus répressives et tout cela au nom d’une foi orthodoxe pervertie dans une sorte d’Inquisition puissance X ! Roman brillant et impitoyable dont il n’est pas facile de ressortir sans avoir récolté quelques éclaboussures au passage. La condition humaine nous apparaît dans toute sa triste horreur. Le style alerte rend ce livre facile à lire bien que l’on se prenne de temps en temps à penser que l’auteur a vraiment pris un malin plaisir à accumuler une telle quantité de monstruosités et de perversions sur si peu de temps… Diabolique !
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Roman

Ce roman tout à fait surprenant apparaît comme une tentative de renouveler le genre à partir d’un modèle glorieux mais dépassé qui est celui des grands écrivains russes du XIXème siècle. L’essentiel du récit est écrit dans une langue classique et raffinée, qui nous apparaît désuète à notre époque. On y suit Roman, revenu vivre à la campagne chez son oncle et sa tante pour y exercer son art de peintre. L’action se situe probablement à la fin du XIXème siècle et on a l’impression de lire une suite d’archétypes romanesques de la littérature russe. Dans ce tableau globalement idyllique qui dépeint une Russie éternelle, paisible, pieuse et heureuse, on voit néanmoins poindre régulièrement des poussées d’intensité qui intriguent : la fin de l’idylle entre Roman et Zoia, le combat de Roman contre le loup…



Soudainement, au terme d’une nuit de festin ponctuant le mariage de Roman et de Tatiana, la langue et le récit changent complètement . Le texte devient froid, répétitif, monstrueux. On est passé en quelques lignes de la littérature des grands anciens à une écriture contemporaine qui fait penser à celle de Brett Easton Ellis par exemple.



Derrière la volonté de Sorokine de renouveler le genre romanesque, on peut peut-être y voir aussi une allégorie de l’histoire russe dans les cent dernières années.

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La tourmente

La traversée de la grande steppe russe est toujours une épreuve en hiver et Platon Ilitch Garine est franchement pressé et exige de repartir du relais où il a fait halte car il y a une épidémie qui l’attend et il convoie des vaccins.

« Écoute-moi bien, mon brave ! Tu vas me dénicher des chevaux… jusque chez le diable, s’il le faut ! Je te préviens : si je n’arrive pas à destination aujourd’hui, je te traîne devant les tribunaux ! Pour sabotage ! »



Mais point de chevaux disponibles sauf ceux du porteur de pain dit le Graillonneux. Sa trottinette est tirée par 50 (oui oui vous n’avez pas mal lu) chevaux minuscules gros comme des perdrix.

Et voilà l’équipage partit, les courageux chevaux bravent la tempête et filent filent car il importe que Platon Ilitch arrive à temps pour apporter le vaccin miracle au village contaminé.

Oui mais voilà si vous n’avez pas été très étonné à ce drôle d’attelage vous ne le serez pas plus quand vous apprendrez que le temps peu lui s’allonger, se dilater à l’infini et la course prévue pour durer quelques heures prendre un temps .....



Comme dans Roman que j’avais beaucoup aimé, Sorokine s’amuse ici avec tous les poncifs de la littérature russe, le récit nous semble familier à nous lecteurs de la Steppe, de Maître et serviteur, il y a des samovars, des bouleaux, des peaux de bêtes pour le froid, et même des loups.

Mais Sorokine est diabolique et il aime tordre les belles images de l’hiver russe, il aime se tourner vers le passé pour mieux « tourmenter » son lecteur.

On perd ses repères exactement comme Platon Ilitch et le Graillonneux, le chemin littéraire s’efface et l’on ne sait plus bien en quel temps et quel lieu l’on est. La tempête brouille non seulement le paysage mais aussi la lecture ! Et l’on cherche sa route dans cet univers qui se situe dans une Russie intemporelle.

Dans les Âmes mortes Gogol finissait son roman en disant « Russie, où cours-tu donc ? », ne comptez pas sur Vladimir Sorokine pour vous donner une réponse mais je vous invite à vous laisser emporter par son talent.


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