Citations de Xiaolong Qiu (468)
Une fois de plus, Chen, inspecteur principal de la police criminelle de Shanghai, reprenait, dans la brume du petit matin, la direction du parc du Bund.
A l’extrémité nord, son entrée principale faisait face à l'Hôtel de la Paix, tandis que l'autre entrée débouchait sur le pont de Waibai, dont le nom, inchangé depuis l’époque coloniale, signifiait littéralement Pont-pour-que-les-Blancs-traversent. Le parc était connu pour sa Promenade dominant l’étendue où se joignaient les fleuves Huangpu et Suzhou. De là-haut, on distinguait le va-et-vient des navires à l'entrée de la lointaine Wusongkou, la mer de Chine orientale. En dépit de sa taille relativement modeste, près de six hectares, la situation centrale du parc en faisait un des endroits les plus fréquentés de la ville.
Ce jour-là, Chen était l'un des premiers promeneurs matinaux. Il s'achemina vers le milieu du jardin en direction d'une clairière entourée de saules et de peupliers. Le kiosque blanc à véranda, de style européen, contrastait avec les bancs verts repeints de frais.
Chen aimait d'autant plus ce parc que bien des souvenirs y étaient associés. Il en avait appris l'histoire à l'époque primaire. Le manuel scolaire officiel de l’époque expliquait qu'au début du siècle, celui-ci n’était ouvert qu'aux Occidentaux. Des pancartes accrochées aux grilles le proclamaient interdit aux Chinois et aux chiens.
Pour Chen, ce genre de chant ne faisait que raviver des souvenirs de la révolution culturelle, de ce matin où son père, debout, ployé sous le poids d'un tableau noir pendu à son cou, avait avoué sa culpabilité en boucle comme un disque rayé, tandis que les Gardes rouges hurlaient des slogans et des chants devant le feu qui dévorait ses livres...
Ce revers de fortune était absurde, un peu comme si un canard laqué s'était volatilisé dans les airs.
Les policiers étaient en droit d'arrêter quelqu'un sans donner d'explication ni montrer de mandat. C'était cela, la dictature du prolétariat. Les autorités du Parti décidaient de tout, de toutes les affaires. Pas d'avocat, pas de jury et pas de tribunal.
Comme le président Mao l’a dit récemment, c’est une invention bien connue de conspirer contre le Parti avec des romans.
Le seul critère de réussite dans la Chine d'aujourd'hui, c'est l'argent.
Pour la jeune génération [ la révolution culturelle] est comme une mythologie tombée aux oubliettes. Dans les manuels scolaires, il n'est fait mention nulle part des atrocités commises sous le gouvernement Mao.
Dans les années soixante, et dans la logique du président Mao, plus on était instruit, plus on était considéré comme politiquement indigne de confiance pour avoir été exposé aux idées et aux idéologies occidentales.
Avant que le policier ait fini son exposé, Yu avait déjà écarté l'hypothèse d'une mort naturelle. Comment l'homme aurait il pu s'enterrer lui-même sous un tas de boue ?
Le "socialisme à la chinoise" interdisait le mah-jong en tant que jeu d'argent, mais l'autorisait en tant que "loisir culturel", même tout près d'un poste de police.
Plusieurs mois auparavant, le commissaire Wen, un dirigeant du parti dans le gouvernement du district, avait tenu avec un groupe de cadres du quartier une réunion consacrée au dernier courant de la lutte des classes au sujet de laquelle Mao avait de nouveau visé les intellectuels. Comme dans les précédents mouvements, il s'agissait de désigner un certain quota d'ennemis de classe qui méritaient d'être punis.
Un vieil homme en tenue d'art martial de soie blanche, à manches longues et boutons de soie rouge, commença son entraînement de tai chi. Il affichait une extraordinaire sérénité, malgré le masque antipollution qui lui couvrait la moitié du visage et le faisait ressembler à un robot sorti d'un film de science-fiction. Il enchaînait les postures avec grâce : attraper la queue de l'oiseau, la grue blanche déploie ses ailes, séparer la crinière du cheval...Chen le regardait tendre la main droite, puis la gauche, comme s'il combattait les particules invisibles de l'air toxique.
- Jiang va être accusé et condamné, je le crains, commença Chen. Dans deux jours.
- Comment est-ce possible ? Ils n'ont pas l'ombre d'une preuvre.
- Ils croient en avoir. Et c'est ce qui compte. Ce ne sont pas des policiers ordinaires, vous savez. C'est la sécurité intérieure.
La ruse n'avait rien d'exceptionnel. Dans les hautes sphères chinoises, un avancement cachait souvent une mise au ban.
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Mais pour lui, ce discours sonnait aussi faux qu'un article du Quotidien du Peuple.
Les eaux de la politique chinoise étaient peut-être trop profondes pour lui.
"Et vous ne savez pas non plus si le bureau existera encore quand vous reviendrez... Si vous revenez....
- Le bureau a été créé il y a un mois seulement, quand j'ai été démis de mes fonctions dans la police.
Dis-toi bien/Que l'histoire a maints passages subtils, maints corridors/ Et issues dérobés.. Désolé, je cite toujours Eliot. (poème Gerontion, de T.S. Eliot)
-- Une des choses que j'ai retenues de mes cours à la fac, c'est que l'histoire est toujours l'histoire d'aujourd'hui. Les gens ne cessent de l'interpréter et de la réinterpréter selon le point de vue du moment. Il ne faut donc pas prêter trop d'attention à ce que les autres ont dit avant nous.
- Et au moment où nous parlons, le présent est déjà en train de devenir le passé.
- Il ne nous reste donc que le moment présent, fugace et fragile. Qu'arrivera-t-il demain ? Personne ne le sait".
La poésie change le monde.
… ; ses longues tresses flottaient sur sa poitrine comme des jeunes pousses de saule au printemps, et ses joues reflétaient les fleurs de pêchers sous la brise printanière.
(p.36)
" Une beauté sort des livres, et un trésor apparaît "
La vie est comme l'empreinte laissée par une grue solitaire dans la neige. On la voit un instant, puis elle disparaît.
Ce que tu ne peux pas faire, tu devras le faire de toutes façons.