Une jeune femme se réveille un beau matin au son d’une flûte.
Mais il n’y a pas de flûte.
Il n’y a que le silence laissé par son mari qui vient de la quitter, son absence, le vide, et c’est alors que le bruit le plus infime devient assourdissant.
Etrange maladie dont souffre la narratrice, qui nécessitera plusieurs hospitalisations avant qu’elle l’apprivoise et apprenne à vivre avec : "Au contraire, je m’étais habituée aux replis de mes oreilles comme à un chandail bien chaud porté depuis longtemps.".
Au cours d’une interview pour un magazine de santé, elle rencontre un sténographe et tombe amoureuse de ses mains : "Mais lui, son unique particularité, c’étaient ses doigts. Rien d’autre ne m’attirait.".
Une étrange relation se noue alors : "Les doigts seuls existaient entre nous, et tout le reste, les mots, les lèvres et les sourires, était inutile.", focalisée sur les mains du sténographe et son silence résultant de son activité d’écriture, et les oreilles hyper-sensibles de la narratrice qui ne souffrent aucun bruit.
Comme d’habitude chez Yoko Ogawa, c’est étrange du début à la fin, cela flotte dans une atmosphère surnaturelle, dans une réalité qui s’évapore, où les personnages ne sont pas sûrs d’avoir vécu un évènement ou d’avoir été dans un lieu et sèment alors le doute dans l’esprit du lecteur.
C’est dans un style poétique et métaphorique que l’auteur raconte cette histoire.
A la beauté des mots se mêle celle du Japon, d’une atmosphère à la fois étrange et apaisante, une sorte de cocooning littéraire qui enveloppe le lecteur d’une certaine tiédeur.
Mais au-delà de cette atmosphère, Yoko Ogawa traite dans ce roman, son premier n’ayant publié jusque là que des nouvelles, d’un thème récurrent dans son œuvre : la mémoire et tout ce qui s’y rapporte : les sensations, les souvenirs notamment.
La chute est dans un sens inattendue car durant tout le récit le lecteur s’interroge et cherche où veut en venir l’auteur, mais dans un autre elle est aussi attendue car trop de détails interpellent ce même lecteur qui finit par avoir des doutes et se rend compte que quelque chose ne tourne pas rond dans cette belle histoire à la limite du conte de fées.
J’ai tout de même ressenti quelques passages de flottement au cours de ma lecture, l’auteur passant pour la première fois de la nouvelle au roman.
Cela se ressent dans ce récit, qui s’apparente presque à une longue nouvelle plutôt qu’à un roman.
"Amours en marge" est un roman de Yoko Ogawa dans la veine de son œuvre générale qui mérite que le lecteur s’attarde dessus pour en saisir toutes les subtilités et s’imprégner de l’univers si particulier mais si beau de cette auteur.
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