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Critiques de Éric Vuillard (1121)
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L'ordre du jour

Lorsque l'Histoire dépasse la fiction…



Eric Vuillard raconte à sa façon particulière, les faits qui ont précédé la mise en route de la grande galopade des nazis contre le reste du monde, pour démontrer que les plus grandes catastrophes s'annoncent souvent à petits pas.

De petits pas chaussés des grosses bottes montantes qui claquaient bien fort tout de même !



L'annexion de l'Autriche a été le point de départ du grand projet stratégique nazi.

Personne ne se laissait duper par les méthodes de gangster employés par la team Hitler, financée par les plus grandes fortunes de l'industrie allemande et mondiale.

Personne n'avait cru aux compromis et aux lâchetés qui ont mené au désastre

Personne n'adhérait véritablement aux discours véhéments, au ton impérieux et à la moustachette agitée qui proférait un double langage de mensonges et de manipulation.

Personne n'ignorait les intentions nazies envers les juifs



Et pourtant on connaît malheureusement la fin de l'Histoire



Dans ce court roman d'à peine 150 pages, la narration brillante d'Eric Vuillard nous fait osciller entre admiration littéraire et sidération historique.

Il aurait pu s'agir d'une fable politique grinçante et glaçante, sortie tout droit de l'esprit créatif du romancier.

Et pourtant chaque étape relatée du bluff du siècle, à partir de la grande mascarade de l'invasion de l'Autriche ; qui a ouvert les portes de l'enfer; est désastreusement véridique.



Le noyau putride et effrayant des sbires mégalomanes atteints de troubles paranoïaques qui entouraient le Fürher a pu avancer et s'installer impunément au pouvoir devant la cécité mondiale.



Le style, la fluidité et le sens de la formule d'Eric Vuillard ne donnent jamais dans la virtuosité gratuite.



On se régale des anecdotes, des tirades ironiques et pleines d'esprit qui ponctuent ce récit.







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L'ordre du jour

Au travers d'une succession d'anecdotes historiques sur la période qui précéda l'Anschluss, Eric Vuillard nous narre les dessous de l'Histoire.



Du financement du parti nazi par les dirigeants des grandes entreprises allemandes, au fiasco de l'invasion autrichienne du fait d'une panne générale sur les chars du Reich, en passant par les coulisses des réunions des dirigeants politiques de l'époque (chancelier autrichien, chancelier allemand, premier-ministre, ministres, ambassadeurs...), c'est l'impact de la petite histoire et de ses intrigues sur la Grande qui nous est détaillé.



Mais c'est aussi la démonstration que "le monde cède au bluff. Même le monde le plus sérieux, le plus rigide, même le vieil ordre, s'il ne cède jamais à l'exigence de justice, s'il ne plie jamais devant le peuple qui s'insurge, plie devant le bluff".



A mon avis :



Il est toujours surprenant pour moi de découvrir que les lauréats de prix divers sont finalement souvent des livres assez banals.



Certes, l'écriture est belle et les explications limpides.

Certes aussi, l'auteur est très bien documenté et possède une excellente connaissance de cette période historique sur laquelle il nous éclaire de son regard aiguisé.



Mais l'Histoire est ce qu'elle est... et on ne peut pas y ajouter grand-chose, si ce n'est, comme c'est le cas ici, quelques anecdotes historiques, même s'il ne faut pas en ignorer parfois la portée et les conséquences abominables.



Cependant, la lecture de cet ouvrage assez court est aisée et plaisante. Et pour tout lecteur qui se respecte, curieux du (ou des) dessous de l'Histoire, il lui permet d'assouvir cette faim.



Et pour ceux que cela rebute habituellement, vous pourrez enfin dire que vous avez lu un Goncourt.



Pour d'autres avis sur d'autres lectures, visitez et abonnez-vous à mon blog :

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14 Juillet

La prise de la Bastille vue de l'intérieur, cela donne avec Eric Vuillard un récit rythmé, dynamique et enlevé, au vocabulaire d'époque riche sans être pédant. Il y focalise son attention sur le peuple de Paris, quand ce n'est pas la ville elle-même qui est personnifiée : "Paris, c'est une masse de bras et de jambes, un corps plein d'yeux, de bouches, un vacarme donc, soliloque infini, dialogue éternel, avec des hasards innombrables, de la contingence en pagaille, des ventres qui bouffent, des passants qui chient et lâchent leurs eaux, des enfants qui courent, des vendeuses de fleurs, des commerçants qui jacassent, des artisans qui triment et des chômeurs qui chôment."

Ici, ce sont les événements qui dictent la mise en scène des personnages, même s'il n'y en a pas un que l'on suivrait du début à la fin comme dans un roman classique. Il faut dire que de classique il n'y en a pas vraiment tant l'écriture est originale, moderne j'ai envie de dire (même si je sais pas trop ce que c'est, une écriture moderne). En tout cas cela fonctionne du tonnerre, grâce aussi peut-être au ton distancié, l'emploi du "on" en pronom de prédilection quand Eric Vuillard n'évoque pas de personne en particulier, sans oublier l'ironie désenchantée qu'il sait manier habilement, comme si tout cela - malgré le caractère historique, ne relatait finalement que de vies d'humains parmi tant et tant, c'est à dire pas grand chose.

Après avoir beaucoup aimé "L'ordre du jour", du même acabit, j'ai aussi beaucoup aimé ce "14 juillet", sans être pour autant un spécialiste d''histoire.
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L'ordre du jour

Bon allez, j'ose le dire : Eric Vuillard est un écrivain génial ! J'avais vibré à la lecture de 14 juillet, j'ai été saisie par sa démonstration glaciale et implacable de L'ordre du jour. Il réussit à chaque fois à trouver un écho qui résonne longtemps en nous. Peut-être parce qu'il apporte avec talent sa version aux questionnements qui nous taraudent face aux événements historiques. "Comment cela a-t-il bien pu arriver ?", nous demandons-nous. "Personne n'a donc rien vu venir ?". Eric Vuillard s'empare de ces questions et nous entraîne en immersion aux côtés de ceux qui y étaient. Le jour de la prise de la Bastille, sujet de 14 juillet nous était ainsi restitué en une fresque colorée, tout en mouvement, s'attachant à remettre en lumière les héros méconnus issus du peuple. La tonalité qui sert à l'observation de la montée en puissance d'Hiltler et des nazis est tout autre. Grave, froide, sans pitié et sans aucune indulgence. Elle n'en est que plus efficace.



En bon enquêteur, Eric Vuillard commence par traquer le nerf de la guerre : l'argent. Cette fameuse réunion du 20 février 1933, un jour comme un autre pour la plupart des gens, le jour où le parti nazi est venu lever des fonds, comme nous dirions aujourd'hui auprès de la vingtaine d'entreprises les plus riches d'Allemagne. Des moyens contre la promesse d'un état fort, stable et solide (donc un climat propice aux affaires), des moyens qui bien sûr vont permettre l'ascension telle que nous la connaissons à présent. Pas un ne bronche. Tous mettent la main au portefeuille.



"Ils s'appellent BASF, Bayer, Agfa, Opel, IG Farben, Siemens, Allianz, Telefunken. Sous ces noms, nous les connaissons. Nous les connaissons même très bien. Ils sont là, parmi nous, entre nous. Ils sont nos voitures, nos machines à laver, nos produits d'entretien, nos radio-réveils, l'assurance de notre maison, la pile de notre montre. Ils sont là, partout, sous forme de choses. Notre quotidien est le leur. Ils nous soignent, nous vêtent, nous éclairent, nous transportent sur les routes du monde, nous bercent. Et les vingt-quatre bonshommes présents au palais du Président du Reischstag, ce 20 février, ne sont rien d'autre que leurs mandataires, le clergé de la grande industrie ; ce sont les prêtres de Ptah. Et ils se tiennent là impassibles, comme vingt-quatre machines à calculer aux portes de l'Enfer."



Le nerf de la guerre, donc. Qui arme en cachette et participe aux préparatifs d'un plan prévu de longue date et dont le coup d'envoi est donné en 1938... spectacle incroyable auquel nous convie Eric Vuillard de la pression mise par Hitler sur le gouvernement autrichien, au nez et à la barbe des états européens, France et Angleterre en tête, trop occupés à regarder ailleurs. L'auteur croque sans aucune indulgence les diplomates et gouvernants de l'époque qui gobent sans honte la poudre qu'Hitler leur jette aux yeux. Fantastique scène du dîner réunissant à Londres l'ambassadeur du Reich, Ribentrop, Chamberlain, Churchill et Cadogan alors même que les troupes d'Hitler entrent en Autriche...



Dans sa quête de restitution, l'auteur s'interroge de la même façon que le faisait le héros écrivain de Laurent Binet dans HHhH sur la notion de vérité historique. "Car ce sont des films que l'on regarde, ce sont des films d'information ou de propagande qui nous présentent cette histoire, ce sont eux qui ont fabriqué notre connaissance intime ; et ce que nous pensons est soumis à ce fond de toile homogène. Nous ne pourrons jamais savoir. On ne sait plus qui parle. Les films de ce temps sont devenus nos souvenirs par un sortilège effarant."



La réflexion est permanente et fait écho à celle que nous devons nous imposer face aux images qui nous inondent chaque jour. Analyser les actes plutôt que les paroles. Démonter les images trop léchées. S'attacher à détecter le bluff. En décortiquant la mécanique machiavélique de l'époque, Eric Vuillard apporte un éclairage salvateur à qui veut bien se donner la peine de regarder. Ceux qui ont financés les crimes d'hier existent toujours et, pire, de nouveaux sont prêts à prendre le relais (voir l'actualité récente) au nom du Dieu profit.



Va-t-on enfin apprendre de l'Histoire ? Cette contribution magistrale plaide avec style et efficacité pour cela... et on la voudrait entre toutes les mains.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Congo

Oui, et non.

Oui, porté par une écriture magnifique, une manière de voir l’histoire comme si c’était hier , vue non pas comme une vieille dame, mais comme un impertinent jeune homme , à qui on la fait pas.

L’Europe s’emmerde et a besoin de distraction, nous dit Eric Vuillard au début de son livre « Congo ».

Ce serait drôle, très drôle, cette impertinence, sauf que l’on comprend vite que le sujet n’est pas drôle du tout, il est tragique.

Il s’agit de l’annexion de terres inconnues, au cœur de l’Afrique, par le roi Léopold II de Belgique, à son propre compte.

Pour cela, il rassemble en 1876 une conférence géographique internationale. Les découvreurs du monde avaient été cotisés et financés par la Société géographique anglaise. Cette fois Léopold, nous dit Vuillard, les achète, ces géographes qui risquent leur vie dans les jungles impraticables et les marécages paludéens.

Puis il participe, comme d’autres nations, celles qui s’emmerdent, à la conférence de Bismarck, au palais de Radziwill, le 15 novembre 1884, pour le partage de l’Afrique dont les Européens connaissaient uniquement les côtes, pour la traite , traitée par d’autres de l’intérieur.

Justement, bien tombé, il s’agit d’en finir avec l’esclavage.

Les temps modernes sont arrivés.

Ils seront pire, si l’on peut.

« On n’avait jamais vu ça. On n’avait jamais vu tant d’Etats essayer de se mettre d’accord sur une mauvaise action. »

La conférence finit par tourner autour de ce centre de l’Afrique, l’affaire du roi des Belges. Marchandage sur le blanc de l’inconnu, que l’on imagine en or. Les copropriétaires, dans l’ignorance où ils sont des montagnes, rivières et forêts, écoutent Henry Morton Stanley, leur parler de son expérience du fleuve Congo, de son expérience, tout court, et il les passionne.

Stanley pense que Léopold II veut construire un chemin de fer sur mille six cent kilomètres dans la jungle, ce qui lui permettrait une vaste entreprise commerciale.

Il se trompait.

Le roi veut tout pour lui.

Il ne veut pas seulement un peu de commerce, il veut être propriétaire à lui tout seul, et, pour cela il maquille sa volonté en une œuvre de bienfaisance, avec missionnaires pour alliés, il fait signer des soi disant accords de vente à des vieillards qui ne savent ni lire ni écrire, et qui signent, pour trois babioles, la vente de leurs terres.

« Tenez ! Signez ! C’est pour le grand polichinelle !vendez pour trois perles votre terre, et votre force de travail pour cinq rouleaux de calicot ! Et les rois signent, et s’ils ne signent pas, on les zigouillent ».



A la fin de la conférence, en 1885, les négociateurs se mettent d’accord sur la lutte contre la traite. « Applaudissements. On lève son verre. Champagne ! On porte un toast. Et on signe l’acte final. Voilà, c’est fait. L’Afrique possède son acte de notaire. »

Tout est à nous, comme si ce que dont nous avions besoin, au fur et à mesure, nous était livré : Ivoire, pour les pianos, caoutchouc, pour les voitures, sucre, café, tabac, coton.

Tout nous est livré, au prix d’une entrée en matière sanglante : chaque tirailleur a un nombre défini de balles, leur usage doit être entériné par une main droite coupée (en Egypte, Ramsès faisait de même, et trouvant que beaucoup de mains de femmes ne prouvaient pas la victoire sur l’ennemi, avait exigé une preuve virile coupée plus exemplaire)

L’Afrique est mise à sang, elle flambe, il s’agit d’asservir, de brûler, d’anéantir, de posséder, plus que d’envoyer outre mer comme autrefois.



Non, car le propos d’Eric Vuillard change cependant, se perdant dans les récits des différents acteurs assassins, dont les noms devraient à mon sens être oubliés, pauvres assassins capables d’exterminer un village, dix villages, cent villages, pour quatre poules, au lieu de parler des propres habitants comme l’a fait David Van Reybrouck dans son livre Congo, une histoire.

Il répète plusieurs fois que cet ensemble de terres qui s’est trouvé former le Congo n’avait ni administration, ni écoles, ni hôpitaux.

On ne peut pas effectivement penser une administration d’un ensemble de villages qui ne se connaissent pas. Le fait d’avoir formé ce pays a entrainé la Belgique à construire hôpitaux, écoles et une administration centrale.

Oui, pour l’écriture magnifique, la comédie persiflante, le propos bien utile quant à l’achat sans frais de terres à découvrir, puis Non car déviation sur les châteaux et héritiers des familles de ces malfaisants conquérants.



LC Thématique septembre : état des lieux

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La guerre des pauvres

"L'histoire du monde est pleine de révolutions; on n'y voit que des guerres civiles, tumultes, séditions causés par la méchanceté des princes, et je ne sais ce qu'il faut admirer le plus à cette heure de l'impudence des gouvernants ou de la patience des peuples."

( A. France, "Les opinions de M. Jérôme Coignard")



Oui, à toutes les époques, le peuple a toujours été patient, conciliant et accommodant. Mais il ne peut pas se plier infiniment aux injustices des autorités religieuses ou politiques; il ne peut pas éternellement continuer à donner sans rien recevoir. Et parfois, le vase déborde...



Pourquoi cet opuscule, et pourquoi maintenant ?

Je l'ai acheté, parce qu'en l'ouvrant au hasard dans une librairie, j'ai vu que cela parle aussi de Jan Hus et des émeutes religieuses en Bohême au 15ème siècle. J'y ai trouvé un peu plus, et somme toute, c'était assez instructif.

La guerre des pauvres... Elle éclate à chaque fois que les gens ordinaires, les masses, les nations, sont poussés à bout. Ceux qui commandent mal ne peuvent qu'être mal obéis, ainsi va le monde. Il suffit alors d'une voix qui ose parler, une petite étincelle, qui met le feu au désir collectif de justice.



Vouillard a choisi Thomas Müntzer, un prédicateur radical du 16ème siècle, comme un exemple de cette "voix du peuple", et je me demande quelles étaient les raisons de son choix. Je sais seulement que Müntzer a été d'abord bien accueilli et écouté par les universitaires pragois qui partageaient les mêmes opinions sur la réforme de l'Eglise que lui, mais son fanatisme les a rapidement découragés, et Müntzer a été banni de Prague. Dénoncer la fausseté des prélats, leurs distorsions des textes bibliques et leurs indulgences, retour à la pureté chrétienne, oui; les appels aux meurtres et aux pillages, non. Le fanatisme n'a jamais été une solution.

Bien plus radical que Luther lui-même, le soulèvement que Müntzer a provoqué en Saxe ne fait que démontrer une fois de plus que même en militant pour une cause juste, le fanatisme est aveugle et pousse parfois les gens à commettre l'irréparable. Mais aussi que ceux qui se sentent menacés ripostent souvent par la force. Müntzer finit décapité, et sa tête est exposée à la vue de la petite armée de ceux qui pensaient qu'ils n'avaient plus rien à perdre.



Mais tel était aussi le cas de John Wyclif avec sa traduction de la Bible en anglais, afin de créer un lien direct lecteur-Dieu. La sainte Eglise crie au sacrilège, et Wyclif est condamné, tout comme plus tard William Tyndale et bien d'autres, dont le livre ne parle plus. C'est presque inutile, car toutes ces histoires sont pratiquement identiques.

John Ball se soulève contre la poll-tax, et il est exécuté.

Jan Hus croit que le concile de Constance le laissera défendre ses opinions réformatrices, mais il finit sur le bûcher coiffé d'une couronne d'hérétique avant même d'avoir la possibilité d'y prendre la parole. Un bouc émissaire, pour montrer à tous ces rebelles que la justice des riches n'a que faire de la justice divine.



Mais les pauvres sont seulement pauvres. Ils ne sont pas sots, sourds et aveugles. Certaines choses doivent changer, quand le temps y est propice.

J'ai dit que le livre est instructif, mais certainement plus politiquement qu'historiquement. Comment ne pas y voir des parallèles avec le mouvement des Gilets Jaunes ? Mais j'hésite entre la possibilité de le voir comme un avertissement que tous ces soulèvement populaires "finissent mal, en général" (comme dit la chanson), et un subtil message d'espoir.

Tout ça n'a pas servi à rien, et je pense à une autre chanson qui dit "people have the power". Même un minuscule grain de sable dans les rouages huilés du pouvoir peut enrayer la machinerie et la dévier doucement de sa trajectoire. Il le faut. Et peut-être qu'un jour "la vérité triomphera" vraiment, comme dit la devise tchèque inspirée par les paroles de Jan Hus. Mais quand et comment ?

Trois étoiles et demi pour le style vif d'Eric Vouillard dans ce petit concentré sur la guerre des pauvres.
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L'ordre du jour

Mais pourquoi n’ai-je pas eu des livres comme celui-ci en cours d’histoire à l’école ?!

Je me suis régalée, je retenais, je comprenais parce que ça me parlait. L’histoire n’était plus une masse de connaissances hors de moi que je devais ingérer de force. Je me sentais impliquée et ça faisait toute la différence. La plume de l’auteur est ironique, met en exergue des moments clés en les resituant dans un plus grand tout. C’était vivant. Ah oui, quel dommage car de bachotage dont il ne me reste rien, j’aurais tellement plus retenu. J’avais bien aimé Tristesse de la terre, mais je préfère de beaucoup L’ordre du jour. Je vais de ce pas en faire l’expérience à la maison et voir si ça fonctionne ‘’pour de vrai’’ sur du lycéen (qui se voit déjà en vacances^^) …« Tel est l'art du récit que rien n'est innocent. »

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L'ordre du jour

Ce que j'ai retenu de L'ordre du jour après quelques années. Ce sont ces vingt quatre industriels si je ne m'abuse assoiffées d'argent qui ont vendu leur âme au diable (Hitler). Par avidité ils ont mené le monde à la seconde guerre mondiale, au génocide juif et à Hiroshima.

La guerre n'a rien de noble c'est juste une affaire de profit.

Le pire c'est que leurs noms sont toujours célèbres. Je regrette l'époque romaine où leurs noms seraient tombés dans l'oubli à tout jamais.

La guerre n'a rien de noble c'est juste une affaire de profit. Un livre qui amène de nombreuses réflexions.

D'Éric Vuillard, j'ai beaucoup apprécié Conquistadors, la aussi, il est question d'avidité.

Le monde changera-t-il un jour ?

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L'ordre du jour

Son style pompeux m'exaspère. J'avais déjà essayé avec « 14 juillet », ça m'avait fait le même effet... Toujours pareil, le sujet m'intéresse, mais je n'y arrive pas. « Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive » : ce sont les premiers mots de la quatrième de couverture et je commence déjà à décrocher (!?), j'ai quand même essayé quelques pages mais rien n’y fait. Un jour peut-être...



Abandonné en novembre 2017.
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14 Juillet

Tout a été dit déjà, que puis-je ajouter?

Malgré tout , dans ce récit au présent, mené tambour battant, d'une façon descriptive extraordinaire, nous revivons les heures fiévreuses, le bruit et la fureur au coeur de la tourmente.L'auteur offre un nom, un visage, un métier, une fonction aux "petits", aux " riens du tout", des héros , ces hommes et ces femmes, qui, dans un élan joyeux, la peur au ventre, dans le désordre, la fumée , la mitraille, la poussière , ont fait l'histoire "sans le savoir".

Ces gueux et ces gueuses , sans y croire, allaient faire basculer le destin d'un pays!



Comment s'appelaient t- ils d'ailleurs, ceux qui ont donné un coup de boutoir au régime et ébranlé un régime ô combien archaïque ? Aumassip, marchand de bestiaux, Béchamp le cordonnier, Bizot, charpentier, Bersin, ouvrier du tabac, Mammés Blanchot , dont on ne sait rien, des invisibles, des pauvres filles venues de Sologne et de Picardie, hantées par la misère et le dénuement , amères et révoltées.............



Un exercice mené de main de maître à toute allure, un récit à taille humaine et une multitude d'histoires dans la Grande histoire...cette prise de la Bastille , comme si on y était !

Comme si nous étions auprés de ce peuple en marche pour la révolution !

Bel hommage mérité à ces anonymes , leurs hésitations, leur trouille , leur générosité, le grain de folie qui fit avancer ces ci- devants, ces sans droits !

Lu dans le cadre "du prix historique Jean d'heurs" , spécifique à mon département .









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L'ordre du jour

Entrer dans les coulisses de l'histoire c'est comprendre autre chose que les grands évènements et ce qui se cache derrière les grandes dates. En cela Eric Vuillard y participe en nous relatant ce qui se passe dans les cabinets des politiques, dans les réunions entre hommes d'influence, ce qui se joue dans les diners. Ici se sont enjeux de pouvoirs, pressions politiques et économiques où le charisme et le bluff ont toute leur importance.



De l’Anschluss en 1938 on ne retient plus que l'annexion de l’Autriche à l'Allemagne mais savons nous la manière avec laquelle cet épisode historique a été mené? Quel a été l'importance de la propagande qui a permis de faire d'un échec militaire une grande réussite médiatique et politique?

De même l'auteur nous explique comment en 1933 Goering convainc en quelques minutes de financer les projets politiques des nazis en rassemblant les plus gros industries de l’Allemagne pour "les faire passer à la caisse", leur promettant de jolis bénéfices dans les années à venir.



Je retiens également l'idée que nous ne voyons l'histoire de l’Europe entre 1933 et le début de la guerre qu'à travers les caméras et les objectifs nazis, les seuls à avoir autant filmé, diffusé et développé la médiatisation et la propagande. Ainsi les images d'archives que nous consultons sur cette période sont inspirées de l'état d'esprit de Goebbels et de la volonté du Führer d'imposer une image du Reich au monde entier. Une information d'importance qui nous permet de prendre conscience de la nécessité de prendre du recul quant à la teneur de ces documents et à leur entière véracité.

Un livre captivant et emprunt de cynisme qui offre un autre angle de vue sur cette période de l'histoire.
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L'ordre du jour

Ceci est un livre très court hybride, pas vraiment un roman, pas un traité d'histoire qui n'offre pas de bibliographie. Eric Vuillard choisit de nous narrer la montée du nazisme en décrivant successivement des événements soigneusement choisis. Tout commence en 1933 lorsque 24 industriels allemands se réunissent et financent la campagne électorale du parti nazi. Cet événement, suivi de plusieurs autres, montre comment la lâcheté, la bêtise, la peur, le bluff ont changé le cours de l'histoire.



Le style est ciselé, cela se veut court et percutant en nous relatant des faits. Rapidement cela se teinte de jugement de par le vocabulaire employé, la manière de décrire les différents protagonistes en de grotesques marionnettes.



Je conserverai ici uniquement deux exemples. Eric Vuillard est choqué par la naïveté et l'antisémitisme de Chamberlain – un fait dont malheureusement les nazis n'avaient pas le privilège. Ou que des industriels financent une campagne électorale, ce qui en soi n'a rien d'exceptionnel, et est encore une pratique courante de nos jours. Il oublie de nous parler de ces traumatisés de la Première guerre mondiale, des antimilitaristes prêts à tout afin qu'un nouveau conflit ne soit déclenché ou de la montée du communisme qui à cette période effrayait bien davantage que le nazisme.



Eric Vuillard explore l'histoire par le petit bout de la lorgnette tout en voulant nous édifier. Cela sonne dans l'air du temps d'être moralisateur en portant un jugement sur les événements passés avec un oeil contemporain. A un certain degré, cela en devient de la malhonnêteté intellectuelle. L'auteur veut-il nous entraîner dans un devoir de mémoire, à vrai dire je n'ai pas compris le but recherché.

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L'ordre du jour

Voici un texte que je remets de lire depuis sa sortie. Parce que c’est un petit volume ? Toujours relégué dans un coin, oublié sous une PAL débordante.

Et puis, on m’a offert le dernier Vuillard, « Une sortie honorable ». Je ne pouvais raisonnablement l’attaquer en ignorant « L’ordre du jour » que j’ai exhumé du fatras de mes piles à lire qui trainent à droite à gauche dans la maison.

Grand bien m’en a pris. Quelle lecture extraordinaire au sens strict !

Le cœur du récit est la mythologie construite autour de l’Anschluss.

Mais pas que. Vuillard démarre avec la rencontre entre 24 industriels et banquiers le 20 février 1933. Hitler les rencontre afin de les faire « cracher au bassinet ». Les nazis n’ont plus un sou vaillant. Le nouveau chancelier a besoin de fonds pour les élections du 5 mars et garantir le succès de sa politique à venir : rétablir d’autorité, éloigner la menace communiste, se débarrasser des syndicats.

Enfin la situation politique du nouveau régime est clarifiée. Voici ces messieurs rassurés.

Le récit se poursuit par petits bonds dans le temps. Entre la pseudo courtoisie des ambassades et les intimidations directes menées à l’endroit du chancelier Schuschnigg, entre les coups de bluff et les coups de colère d’Hitler et surtout la compromission des uns, les capitulations des autres, la veulerie de tous, Vuillard nous donne à voir une période clé de l’histoire du XXème ayant entrainé le monde dans le chaos et l’horreur…

« Mais qui sont tous ces gens ? ». Brillant !



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L'ordre du jour

Quel est l'ordre du jour ? C'est un récit, pas un roman, au contraire des Bienveillantes. J'y reviendrai.



Récit : donc pas de faits inventés, et on attendrait une continuité. Il me semble que ces seize courts chapitres couvrent trois sujets. Commençons par le deuxième et le troisième, qui sont liés : comment Hitler a-t-il fait avaler la couleuvre Anschluss aux dirigeants autrichiens et européens, et comment s'est déroulée l'invasion. La plupart de ces faits sont bien connus, les sources, en particulier le procès de Nuremberg et les mémoires du chancelier autrichien Schuschnigg ont été largement commentées. Je ne connaissais pas l'affaire des avaries des chars allemands, dont 70% sont tombés en panne pendant l'invasion. Mais est-ce un événement capital, puisque l'occupation se faisait surtout par d'autres moyens ? Eric Vuillard utilise probablement ce fait anecdotique pour souligner que les pays européens n'avaient pas de raison de céder aussi facilement aux exigences de Hitler, après avoir rappelé que les intentions de l'Allemagne nazie étaient déjà claires. L'autre sujet, qui ouvre et referme le livre, montre la complaisance avec laquelle les grands industriels et financiers allemands ont financé le parti nazi, et les bénéfices qu'ils en ont tiré, en particulier en exploitant la main d’œuvre des déportés.



Par sa position dans le récit, ce sujet est souligné par l'auteur, qui nous rappelle que ces sociétés sont restées très puissantes après la guerre et jusqu'à aujourd'hui. Je le répète, tout cela est bien connu . Le sujet est grave, mais traité sans commentaires politiques ni moraux, avec juste la qualité de ton et de langue qui convient pour obtenir un prix Goncourt, quand on a déjà choisi un thème propice. Quelle différence entre cette présentation, soignée et polie, et la prose hallucinée, tantôt brûlante, tantôt glaciale, de Jonathan Littell dans les bienveillantes (Goncourt 2006) ! Le roman de Littell pouvait faire hurler, le récit de Vuillard est trop consensuel pour moi, malgré son humour discret.



Le franchissement de la « ligne rouge » par Bachar el-Assad, et la non réaction de Barack Obama et des dirigeants européens nous ont rappelé que les dictateurs cyniques, qu'ils soient allemands, syriens ou russes abuseront toujours de la volonté de paix des pays démocratiques. Ce livre illustre sinistrement cette réalité ; j'ai admiré son écriture et regretté sa distanciation.
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L'ordre du jour

" Ah! Les cons ! S'ils savaient...! "



Je viens de terminer "L'ordre du jour" et mes sentiments sont mitigés : je salue le grand talent d'Eric Vuillard, son érudition( les faits qu'il rapporte dans son RECIT---pas roman--- sont exacts et pour certains il lui aura fallu pas mal de recherches ) et son humour noir très appréciable en la circonstance . Voilà un Goncourt qui mérite sa palme .

En même temps ,j'ai éprouvé un malaise certain tout au long de ma lecture qui s'est terminée avec le sentiment d'avoir été soumis à un vulnéraire puissant , appliqué sur une plaie qui ne parle guère aux jeunes générations mais qui me concerne, même si je n'étais qu'un gamin à l'époque de Munich,Munich d'où revenait Daladier le 30 septembre 1938 après avoir livré,avec son alter ego britannique Chamberlain ["peace in our time!] le malheureux allié tchèque au moustachu, ce qui provoqua---et justifie---le mot de Churchill:"Vous aviez le choix entre le deshonneur et la guerre, vous avez choisi le deshonneur et vous aurez la guerre ",ce qui fut . Cela explique aussi le titre de mon commentaire; "Ah!Les cons ! S'ils savaient...! "Cons ,ces milliers de Français "lâchement soulagés" de voir

s'éloigner--un peu-- le spectre de la guerre(une sorte de syndrome /madame du Barry: "Encore une minute, monsieur le bourreau"), cons ces deux dirigeants , français et anglais qui croyaient ou feignaient de croire à"l'apaisement" en nourrissant le monstre, cons ces Autrichiens(aryens) enthousiastes qui ne voyaient pas que le bout de la route hitlérienne,c'était la destruction et la mort .

Au final, un livre remarquable mais qui m'a fait mal ... mais parfois il faut souffrir ,non pour être beau , mais pour être lucide .

Je m'aperçois en me relisant, que je n'ai pas dit que le titre fait référence à une réunion d'industriels allemands ,convoqués par Goering en 1933 ,industriels dont le soutien allait permette à Adolf de s'emparer LEGALEMENT du pouvoir et le bouquin développe ensuite à loisir, la suite dont et surtout l'Anschluss au printemps 38 avec ce qu'il eut de grotesque et de sinistre malgré la joie du plus grand nombre .

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Une sortie honorable

Un livre que je recommande pour tout ce qu’on apprend sur les personnages de cette période même si Une sortie honorable oscille entre récit et roman.

À la fin de la guerre d’Indochine, les politiques cherchent une sortie honorable. À partir de documents d’époque, Éric Vuillard imagine les scènes et les écrit. Il fait des liens et crée des conversations dont il ne reste aucune trace, pas plus, bien évidemment que celles des pensées.

Les premières pages s’ouvrent sur une inspection de Delamarre dans une plantation d’hévéa exploitée par Michelin. Ce qu’il trouve fait froid dans le dos. L’inspecteur fera un rapport qui ne change rien et Michelin cette année-là fera un profit exceptionnel.

Le récit continue sur la bataille de Cao Bang. Une rapide recherche montre que les militaires de l’époque n’avaient pas inventé le lance-pierre (et ça semble ne pas s’être arrangé par la suite). Ce fut la première victoire décisive du Việt Minh.

Deux jours plus tard, le lecteur assiste à un débat à l’Assemblée générale.

J’ai pris conscience à quel point cette guerre était oubliée. C’est le côté positif de la lecture.

Côté problématique, l’auteur entre dans la tête du général Henri Navarre commandant en chef des forces françaises en Indochine ou d’Émile Minost, président de la Banque d’Indochine, ce qui est le privilège du romancier.

Non pas qu’Éric Vuillard narre des choses surprenantes, il est convaincant ; les profiteurs de guerre ont existé de tout temps. Mais son livre qui est une vision de cette période — vision à laquelle j’adhère — aurait plus honnêtement été appelé roman.

Ou alors, si récit il y a, j’aurais aimé qu’il cite ses sources.


Lien : https://dequoilire.com/une-s..
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Une sortie honorable

On peut reprocher à Éric Vuillard de s’emparer encore d’un pan de l’Histoire plutôt que d’inventer une histoire. Certes, mais il le fait très bien. Ses textes sont remarquablement écrits et on y apprend toujours quelque chose. Vuillard reprend ici un de ses thèmes favoris : la complaisance et la compromission des élites au pouvoir.

Il n’a pas son pareil pour dénoncer la collusion des hommes politique avec le complexe militaro-industriel. Dans son roman, il fustige les fossoyeurs de la Quatrième république. Des notables bouffis, des nobles consanguins, des maires à vie, intouchables en leurs fiefs, confortablement installés sur les bancs du Palais Bourbon, que Vuillard caricature avec soin et férocité (exemples pages 29, 41-43, 112, 129, 170-173).

De leurs bassesses et de leurs calculs, sont nées quelques réformes et beaucoup d’approximations. Quand il s’agit de morceler l’empire, ces messieurs s’indignent et rechignent. La défaite de 40 est encore dans leurs esprits et, lorgnant sur les continents, ils ne peuvent se résoudre à l’inévitable : l’indépendance des colonies qui ont enrichi leurs entreprises et qui, au nom des droits de l’homme – une idée brevetée en France - aspirent à la liberté.

Diên Biên Phu (ce désastre : « Il reste deux jours de vivres et Castries n’a plus qu’une bouteille de Cognac ») fait partie de ces territoires, comme la passe de Khyber ou les plaines russes, qui s’est refusée aux envahisseurs. Les Français n’ont pas retenu la leçon. Les Américains non plus. Et l’auteur de rappeler qu’on a déversé sur l’Indochine devenu le Viêt Nam plus de bombes que pendant la seconde guerre mondiale. Les occidentaux ont l’honneur mal placé.

À noter, les cinglantes critiques (à peine détournées) adressées aux promoteurs de la Start-up nation (page 179) et aux gouvernements aveugles à la détresse des populations migrantes (p198).

Bilan : 🌹🌹🌹

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L'ordre du jour

Une nouvelle fois, Eric Vuillard choisit une approche inattendue pour nous faire entrer dans la grande histoire.

Le point de départ de « L’ordre du jour » nous entraîne à Berlin le 20 Février 1933, un jour normal. Une date pas vraiment retenue par les historiens. Et pourtant ce jour-là, les 24 représentants des plus grandes industries allemandes sont invités par Göring, Président du Reichstag, à rencontrer Hitler. Grâce à leur soutien financier, des entreprises familiales vont permettre au parti nazi de triompher.

Cette scène d’ouverture est à la fois glaçante et terrifiante. Au fil du récit, le narrateur raconte la montée au pouvoir d’un des plus grands dictateurs de l’Histoire qui réussit à s’imposer grâce aux complaisances des uns et à la passivité des autres.



J’ai commencé la lecture de ce livre sans grande conviction, motivée seulement par la récente attribution du prix Goncourt et au fil des pages, j’ai été happée par cette lecture, incapable de m’arrêter avant la dernière ligne.

Eric Vuillard fait partie de ses très grands écrivains qui ont toujours quelque chose à nous apprendre, en nous dévoilant les dessous de la grande Histoire, il nous transforme en spectateurs passionnés.



Après « 14 juillet » qui m’avait permis de découvrir la plume d’Eric Vuillard, ce nouveau rendez-vous m’a également convaincue.

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14 Juillet

Un diablotin est sorti du décor conventionnel de nos livres d'Histoire de France pour animer les invisibles, ce petit peuple de Paris enragé de misère qui mit à terre une royauté décadente.



Dans un récit baroque et déchaîné de fureur, Eric Vuillard nous invite au jeu de rôle, nous laissant nous attribuer celui qui nous convient. Porté par une frustration de ne pas en avoir été, il en reconstitue minutieusement les minutes à travers les rues de la capitale et nous oblige à imaginer le décor. Il torpille au passage certaines vérités historiques inscrites dans le marbre par ses aînés.



Ca hurle, ça s'excite, ça s'énerve dans tous les patois, ça se bouscule sous une chaleur écrasante, et ça finit par tout casser. Paris est au peuple, le bruit est énorme, fait de tocsin et de hurlements, dans la mitraille et la fumée. C'est à la fois canaille et joyeux, violent et colérique. La foule est monstrueuse et l'assaut final de la vieille Bastille est un tel chaos qu'on finit par se perdre soi même dans la mêlée.



Talentueux exercice d'écriture et bel hommage historique aux anonymes.

À lire d'une traite, le déplacement temporel n'en est que meilleur.

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L'ordre du jour

Chronique d'une guerre annoncée.

Dans ce court (150 pages) -mais ô combien dense !- récit, Eric Vuillard raconte comment les nazis ont fait plier le monde. Comment, dès 1933, ils ont mis les industriels allemands à leur service (facile), puis comment ils ont soumis les Autrichiens dans le cadre de l'Anschluss (facile aussi), et ensuite les Anglais et les Français lors des accords de Munich en 1938 (encore plus facile). Et c'est hallucinant.

Ce n'est pas qu'Eric Vuillard réécrit l'Histoire, c'est juste qu'il la donne à voir telle qu'elle n'a pas été réécrite par les nazis, vainqueurs jusqu'en 1942. Et si ce n'était pas aussi tragique, on éclaterait de rire à chaque page. Pire, on admirerait presque la façon dont les nazis ont su bluffer et exploiter la veulerie des gouvernements européens éclairés. Mais ce récit n'est pas seulement un jeu de massacre à l'encontre des dirigeants d'alors : l'auteur évoque également la résistance désespérée de ceux que nos belles démocraties ont abandonnés, et ces passages m'ont profondément émue. En plus d'être mordant, Vuillard est d'une douce humanité.

C'est donc un livre incroyable, très érudit mais jamais lourd, porté par une écriture vive et incisive, insolente, qui remet les pendules à l'heure en rappelant que le national-socialisme s'est développé grâce à la générosité des industriels, à la lâcheté des démocraties, et à l'aplomb inouï de la racaille qui représentait cette idéologie.

C'est un récit qu'il faut lire, pour se souvenir de rester vigilant face au monde qui nous entoure -surtout quand il paraît trop absurde pour être craint. Une bonne et saine piqûre de rappel.
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