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Critiques de Éric Vuillard (1121)
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Une sortie honorable

Ce roman combine vérités historiques, précises, établies, et commentaires de l'auteur liés à son analyse des intervenants. Un mélange des genres qui peut dérouter. le sujet se prête d'ailleurs à de nombreuses digressions : les dernières années de la présence coloniale française au Viet-Nam.



Les apartés de Vuillard sont souvent pertinents, et parfois glaçants, comme cette annexe à un rapport de l'inspection du travail sur les conditions de travail et la façon dont les contremaîtres font régner l'ordre dans les plantations d'hévéas alors possédées par une grande société de pneumatiques. Ce petit chapitre ouvre l'ouvrage et plonge le lecteur dans la réalité des rapports coloniaux.

L'Indochine est la chasse gardée de sociétés dont les dirigeants se croisent et se recroisent dans les conseils d'administration. Chaque entité a son objectif : une mine d'étain, des charbonnages, de la houille... L'exploitation en règle d'un pays, supervisée de loin par quelques privilégiés vivants dans les arrondissements les plus sélects de la capitale.

La guerre d'Indochine, au-delà de la volonté d'indépendance du Viet-Nam, c'est aussi le maintien à tout prix des bénéfices engendrés par cette économie coloniale.

Vuillard va également s'intéresser à ce qui se passe à Paris au Palais Bourbon. Il reprend les discours, les diatribes de députés se disputant « au nom de la France » ou refusant de négocier avec le Viet-Minh parce qu'on ne négocie pas en position de faiblesse. Certains députés invoquent même juin 40 pour stigmatiser tout accord avec « l'ennemi ». de là la recherche d'une « sortie honorable ».

Mais cette sortie ne se fera pas dans ces conditions. La faute à ce besoin des militaires d'obtenir une victoire sur le terrain pour peser dans la négociation. Ce sera Diên Biên Phu. Un lieu choisi par un général imbu de lui-même, Navarre, qui, méconnaissant le terrain, oublie tous ses propres préceptes stratégiques.



L'ouvrage fourmille de faits et de chiffres : du nombre de tués de chaque camp aux bénéfices tirés de l'exploitation coloniale. Autant de données nécessaires pour comprendre pourquoi l'état français au sortir de la guerre refusa d'envisager toute évolution.

A l'arrivée, des morts… Beaucoup de morts. Une tragédie qui continuera bien après le départ français.

Eric Vuillard présente la vision de l'Indochine vue par la France de l'époque. Il donne des pistes sur ce qui était en jeu. le tout dans un petit livre avant tout destiné à ceux qui veulent comprendre la période historique.
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14 Juillet

14 Juillet - La Bastille

Des symboles importants de la France depuis plus de 200 ans.

Liberté Égalité Fraternité. Fete Nationale.

C'est au récit de cette journée unique que c'est lancé Eric Vuillard

14 juillet 1789, la prise de la Bastille par le peuple de Paris. le début d'une révolution.

On pense tout savoir sur cette journée et globalement cela est juste.

Mais avec Éric Vuillard il y a toujours un angle neuf,un point de vue iconoclaste.

La force de ce récit vient du fait qu'Éric Vuillard nous parle de ces hommes et de ces femmes inconnues qui ont pris la Bastille.

Une foule jeune, 20 à 25 ans, qui est nommé par ces noms et ces métiers. Mercier, Minier, Roland, , Roseleur, Mique, Sagault, et tant d'autres capitaine,manouvrier, teinturier,serrurier, porteur d'eau,cordonnier, passementier.

Et puis les femmes dont les noms de famille ont disparu , on les appelle du nom de leur mari : femme Garnier, femme Blanchet, femme Cottin.

Toute cette foule dont la postérité ne gardera aucun instant et aucun nom.Des étoiles filantes de la Révolution alors qu'à quelques kilomètres de là une autre foule se goberge à Versailles. Les métiers n'invoquent pas le même monde : fleuriste, modiste, chapelier, cuisinier , médecins.

Les foules changent peu malgré le temps

" On devrait plus souvent ouvrir nos fenêtres. Il faudrait de temps à autre, comme ça sans le prévoir, tout foutre par dessus bord. Cela soulagerait. On devrait, lorsque le coeur nous soulève, lorsque l'ordre nous envenime, que le désarroi nous suffoque, forcer les portes de nos Élysées dérisoires, là où les derniers liens achèvent de pourrir et chouraver les maroquins, chatouiller les huissiers, mordre les pieds de chaise, et chercher la nuit, sous les cuirasses, la lumière comme un souvenir" Page 200.



Le 14 Juillet n'est jamais fini.
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L'ordre du jour

« L'Ordre du jour » est un livre d'une puissance rare. Il m'a charmé par son écriture époustouflante. En seulement 160 petites pages, il montre comment « les plus grandes catastrophes s'annoncent souvent à petits pas ». Il « soulève les haillons hideux de l'histoire » pour raconter la marche vers l'abîme de l'Europe à travers l'aide apportée par les magnats de l'industrie à Hitler et le laisser faire des autres puissances européennes au moment de l'annexion de l'Autriche.



Ce n'est pas une fiction, plutôt un récit romancé et pourtant c'est le prix Goncourt 2017 – un très grand prix Goncourt selon moi –. le roman de l'alliance terrible des industriels allemands et de Hitler. Les Opel, Krupp, Siemens, Bayer, Allianz, BASF, Agfa, Telefunken, IG Farben ne sont pas que des marques ! Ce 20 février 1933, ils étaient là, ces 24 magnats de la finance et de l'industrie, invités par Goering et par Hitler en personne afin de financer la campagne nazi des législatives du 5 mars de cette sinistre année, là où l'Allemagne, et une grande partie du monde avec elle, bascula dans l'abîme. Leur soutien, en acceptant de financer la campagne électorale du parti nazi, sera au rendez-vous du crime qui s'écrit dès cette époque.



Le 12 février 1938, Kurt von Schuschnigg, chancelier d'Autriche, « le petit aristocrate raciste et timoré », est l'hôte du Führer. Il est arrivé... en tenue de ski ! le 13 mars c'est l'annexion de l'Autriche. Schuschnigg, ce petit dictateur bientôt déchut, est un passionné de musique... Bruckner, Furtwängler, Arthur Nikish, Mozart, Haydn, Liszt sont dans les conversations avec le nazi Arthur Seyss-Inquart, celui qui va bientôt le remplacer. Un monde de brutes mais où on apprécie la musique classique.



L'intérêt de cette leçon d'histoire réside surtout dans la mise en perspective de ces quelques dates et la description minutieuse des intervenants – on a les expressions des visages, les sourires, les sentiments profonds des protagonistes –. Tout est décortiqué, les dialogues reconstitués sonnent justes pour nous qui connaissons la fin de ce roman aussi cocasse que totalement tragique et honteux.



Complaisance à Londres, complaisance à Paris de dirigeants peu regardant sur la morale de leurs interlocuteurs dès lors que les intérêts de classe sont préservés. Beaucoup ont fermé les yeux à l'époque, c'est même pour cela que tout a si bien fonctionné. Avec en arrière-pensée de reprendre la main face au peuple, aux syndicats, au bousculement à cette époque de l'ordre capitaliste en crise.



C'est un texte ciselé, renouvelant le genre, une épure avec des fulgurances, des images qui font mouche.



Eric Vuillard est né à Lyon en 1968. Écrivain, également cinéaste (L'homme qui marche, 2006, Matteo Falcone, 2008). Il renouvelle la forme du récit historique redonnant la parole aux petites gens, aux perdants en passe d'être oubliés. Ce n'est pas le récit officiel habituel, il permet à la vérité de se frayer un nouveau chemin et du coup esquisse des perspectives pour l'avenir. Je conseille de lire ses autres oeuvres majeures « Tristesse de la terre » (Actes Sud, 2014), ou encore « 14 juillet » (Actes Sud, 2016).

« Ouvrir un livre d'Éric Vuillard, c'est de fait avoir l'impression d'entrer dans un genre hybride, au croisement du chant, de l'histoire et de l'éloquence. »



Venez écouter un extrait de la symphonie No.9 - Sergiu Celibidache/ MPO (Live, 1986), sur mon blog clesbibliofeel.

Le Magazine littéraire, dans son numéro de juillet-août 2017, comporte une interview très intéressante de l'auteur ! Lien sur clesbibliofeel. Et photo toute personnelle illustrant un de mes livres essentiels que je conseille tout à fait !


Lien : https://clesbibliofeel.blog
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L'ordre du jour

Que cache ce sourire à la Mona Lisa de Gustav Krupp sur la couverture du dernier Goncourt, et quel sourire, ou quel rire ébranla la procès de Nuremberg en novembre 1945, quand cette journée du 12 mars 1938, fut à l'ordre du jour ?



Un trait d'humour, est sympathique, convivial, il suscite la connivence et renforce l'amitié comme la tolérance, mais l'ironie ? Bien souvent l'ironie blesse, quand elle ne meurtrit pas, telle l'épée, "au dernier envoi je touche".





Comme le rappelle Éric Vuillard, page 64 ;

un des acteurs principaux de l'incorporation de l'Autriche au troisième Reich,

lui, Seyss-Inquart,

antisémite sincère, «il n'a rien fait», «il n'a rien vu», «il n'a rien su», «il n'a rien ordonné».





Quand vient à Nuremberg en novembre 1945, à l'ordre du jour les événements de la nuit du 13 mars, Goering et Ribbentrop, ignorent que les échanges téléphoniques véridiques ont été consignés par l'histoire.

"L'immense joie qui submerge l'Autriche", se transforme en, "fondre sur l'Autriche" ou "Quand Seyss-Inquart pense-il former son cabinet?", et Ribbentrop de conclure, "c' est merveilleux".



En entendant, dans l'enceinte du tribunal international, les mots "c'est merveilleux", Goering se mit à rire, puis Goering regarda Ribbentrop et ils se mirent à rire, secoués d'un rire nerveux. C'est un silence glacial qui suivit, un aveu et un mépris, un bras d'honneur à l'histoire, une honte face au génocide.



Le silence stoppa ce fou rire, qui ne peut s'inventer, j'aurais aimé qu'Éric Vuillard, le prolonge ce silence, au point de le rendre fracassant. Il aurait pu peut-être laisser 10 à 15 pages blanches, comme pour simuler toutes les minutes de silence, que tous les déportés des camps méritent encore aujourd'hui.





J'entends d'autres fous rires, derrière les bureau du Kremlin, à Damas, ces fous rires se font entendre encore dans les ruines de Palmyre. Les caricatures suscitent certes des rires, mais ils sont anodins au regard de l'histoire.





C'est bien l'humanité qui est souillée par ce rire de mépris, tout le monde l'a entendu.

Fallait-il qu'un prix Goncourt mette en exergue cet épisode infâme?



La lecture de cet opus, si modeste par son poids, par le nombre de ses pages, par sa taille, ne ressemble pas un prix littéraire, mais un juste prix pour notre conscience.

Un prix pour balayer certaines œuvres, qui à la lumière d'aujourd'hui et malgré leur poids, sont peut-être mal étiquetés, estampillés Goncourt.



Le repas, le jour de l'annexion de l'autriche, au 10 Downing Street est Ubuesque, car on y parlait ace, balle de tennis, et de Tilden une gloire des années vingt ! La messe est dite.



Le regard sur la couverture de " L'ordre du jour", est bien faussement aimable, on voit difficilement de nobles Chefs d'industries arroser un régime sans contreparties. Ont ils simplement souri ?





A cette noble académie d'affirmer les motivations des sages, et d'assumer ses choix, pourquoi ne pas couronner un texte, même avec des maladresses, si le sujet s'impose à notre conscience.



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14 Juillet

Comme l’indique le titre, le récit va nous raconter l’évènement déclencheur de la Révolution française qui va mettre à bas l’Ancien régime.

Pour arriver à la prise de la Bastille, Éric Vuillard remonte quelques mois en arrière, fin avril 1789, quand le producteur de papiers peints Réveillon demande avec beaucoup de légèreté que l’on baisse le salaire journalier des ouvriers de 20 à 15 sols par jour, certains ayant déjà, selon lui, « la montre au gousset ».

Les Etats généraux se préparent.

Et surtout le peuple a faim.

La colère contre les riches va se matérialiser par la mise à sac de la Folie Triton, jolie demeure du sieur Réveillon qui sera réprimée avec la dernière violence : trois cents morts.

Début juillet, le peuple est agité. Il craint que Louis XVI ne recoure à la troupe. Il cherche des armes qu’il trouve. Mais la poudre ? Elle est à la Bastille.

Le reste du récit se consacre exclusivement à la prise de la forteresse par le petit peuple qui dès le matin du 14 s’agglutine autour de la citadelle.

De tentatives de députations, en coups de canons et tirs de riposte, Vuillard donne enfin vie à ces hommes et ces femmes, quasi tous très jeunes, vingt ans, qui vont pour un grand nombre d’entre périr dans la prise de la prison, symbole de l’arbitraire royal.

De petits actes des uns en exploits des autres, Vuillard précise les noms, la profession des acteurs jusque-là anonymes de cette journée.

Et soudain cette « populace » devient peuple !

J’ai vraiment apprécié cette personnalisation des acteurs de ce jour qui, enfin, ont retrouvé une identité, qui ont tous un petit métier, qui sont pauvrement vêtus, qui sont vieillis prématurément…

J’ai aimé également qu’on remette à sa juste place cette fameuse prise de la Bastille dont les livres d’histoire ont la fâcheuse tendance à minimiser l’exploit : la garnison était faible, etc, etc..

Un peuple muni de quelques pauvres armes, se tient au bas de murailles énormes, flanquées de huit tours et a pour projet de s’emparer de la place…

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L'ordre du jour

L’ordre du jour , Prix Goncourt 2017, est un livre qui peut paraître petit. Petit par son format et petit par le nombre de pages : 150.

Mais ce n’est qu’illusion.

Ces 150 pages sont la quintessence d’une époque à travers un événement historique : l’annexion de l’Autriche au Troisième Reich allemand. Événement connu sous le nom de l’Anschluss.

Comme à son habitude Éric Vuillard a une écriture ciselée, précise, un brin ironique ou mieux caustique.

Eric Vuillard à le don pour détailler un événement et le mettre en perspective. Mise en perspective qui est une mise en abîme des turpitudes humaines.

Et ces turpitudes sont nombreuses et exécrables.

L’annexion de l'Autriche en est un exemple frappant.

Avant de penser à annexer l'Autriche, il est de bon ton de réunir ce que l’Allemagne fait de mieux au niveau entreprenarial. Ils sont 24 pardessus noirs à avoir répondu à la demande de Goering : apporter leurs oboles sonnantes et trébuchantes à la gloire du Troisième Reich. En terme plus cru, cracher au bassinet .

Et sous ces 24 pardessus et chapeaux noirs se cachent Krupp, Opel, IG Farben, BASF, Agfa, Siemens, Allianz, Telefunken.

Le Troisième Reich est au dessus de tout. Rien ne peut et ne doit l’arrêter.

Dans ces conditions là gravité côtoie le ridicule.

Et d’une page à l’autre du récit nous balançons entre ces deux extrêmes.

Ou comment Van Ribentropp prolonge une réunion à Londres afin que Chamberlain ne puisse lire un billet annonçant l’invasion de l’Autriche.

La diplomatie poussée au ridicule.

Ou cette colonne souffreteuse de blindés envahissant l’Autriche et que personne ne voit atteindre Vienne.

Reste ces 24 pardessus noirs qui ont connaissance des camps de concentration et qui piochent allègrement chez les déportés une main d’œuvre gratuite et corvéable jusqu’à la mort.

Reste parmi ces 24 pardessus noirs, Krupp, qui a ce jour n'a eu aucun pardon pour ces pratiques.

Un petit livre

150 pages

Mais tout est encore à l’ordre du jour.

Récit salutaire .



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La guerre des pauvres

Malgré la belle écriture de l’auteur et le titre qui me plaisait, je suis restée en lisière de ce court roman. Le sujet ? Voir sur internet « Guerre des Paysans allemands ». Sensation de commande de l’éditeur pour ne pas laisser tiédir le Prix Goncourt.
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L'ordre du jour

J'ai nettement préféré ce court récit historique à l'énumération de noms dans "14 juillet" du même auteur.

Ici, Eric Vuillard nous raconte l’Anschluss, l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne, qui s'est fait de manière insidieuse et déterminée, entre 1933 et 1938. L'auteur nous explique ce qu'Hitler avait prévu de faire dans son "ordre du jour" approuvé (suggéré) par de grands industriels allemands dont les entreprises sont aujourd'hui toujours florissantes.

Les descriptions (des acteurs de cette rencontre en particulier) sont minutieuses et glaciales (parfois trop ?).
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Tristesse de la terre

Bienvenue dans la société du spectacle comme aurait dit Guy Debord. Parce que la téléréalité, qui du reste n’a de réalité que le nom, celle qui se donne des airs de représentation du réel en simplifiant à outrance, et qui fait du business avec, eh ben vous savez quoi ? C’est Buffalo Bill qui l’a inventée. Oui, je sais, ce raccourci peut surprendre.



Eric Vuillard, dans ce roman aux allures d’essai revient sur le fameux Wild West Show créé par William Cody plus connu sous le nom de Buffalo Bill, et son acolyte John Burke. Ces deux-là ont fait circuler à travers les États-Unis d’Amérique et en Europe avec un immense succès, une troupe de huit cents personnes, cinq cents chevaux et des dizaines de bisons et reproduisaient les grandes batailles contre les peuples autochtones sur une scène de cent mètres de large dans des décors en carton pâte. Le pire, dans tout ça, c’est que les indiens, et parmi eux, le plus célèbre d’entre eux, Sitting Bull, moyennant quelques dollars, sont venus jouer leur propre rôle dans ce ridicule pastiche. Et que Monsieur et Madame Toulemonde, avec leurs enfants, se sont rués pour voir les indiens se faire massacrer pour de faux. Cody a poussé l’ignominie jusqu’à faire jouer des enfants indiens, quitte à en perdre quelques uns, laissés malades dans telle ou telle ville étape du spectacle.



Cody a également inventé le merchandising parce qu’à l’entracte, en mangeant des hot-dogs, on pouvait s’acheter une veste à franges, un tomahawk ou un collier indien. Business is business.

On ressort de cette lecture avec un profond dégoût pour la manière dont les indiens ont été tués une deuxième fois, assimilés à des bêtes curieuses, le regard vide, ayant perdu toute dignité.

Après, on a eu Loft Story. Voyeurisme et exhibitionnisme. Pauvres de nous.



Challenge Multi-Défis 2024.

Chalenge Riquiqui 2024.
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14 Juillet

A la Bastille !



Un superbe récit historié par Éric Vuillard, un auteur que j'ai découvert en 2016 lors de l'édition de cet ouvrage.



La prise de la Bastille en juillet 1789 et les émeutes précédentes notamment l'émeute Réveillon) comme vous ne les avez jamais vues !

Un style précis, vif, rapide et humoristique décrit au plus près la vie des gens du peuple.

Qu'ils sont beaux ces héros, que d'émotions m'ont saisie lors de cette lecture !

J'ai vraiment beaucoup apprécié la réhabilitation de Maillard, comme d'autres révolutionnaires !



Vraiment splendide avec des recherches précises dans les archives.





L'auteur détient une très belle écriture descriptive, cinématographique.



Une relecture 7 ans après avec encore plus de plaisir !
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La guerre des pauvres

Après plus de cinquante recensions postées sur ce site, qu'ajouter de pertinent sur cet opuscule sinon souligner qu'il est fichtrement bien documenté, à l'occasion subtilement malicieux, élégamment érudit et que la plume de son auteur est alerte, légère et finement poétique.

Merci M. Vuillard pour ce brillant exercice de style.

Contrairement aux apparences, je le proclame sans ironie, le pensant très sincèrement.

Malheureusement, votre ouvrage n'apporte rien de bien neuf, même si telle n'était pas votre motivation première, à l'éternel questionnement relatif aux défaites successives des innombrables soulèvements populaires ayant ébranlé le monde depuis que l'homme (animal "pensant" !) domine cette planète et si, victoires il y eut, elles furent toutes, à ma connaissance sans exception, éphémères, biaisées ou perverties.

Est-ce intrinsèquement et humainement inéluctable ?

Je ne le crois pas mais avoue humblement n'avoir pas de réponse définitive et/ou convaincante à cette question.

Eric Vuillard clôture son récit par ces mots d'une intense et cruelle vérité. Je le cite : "Le martyre est un piège pour ceux que l'on opprime, seule est souhaitable la victoire. Je la raconterai".

J'attends avec impatience de lire ce qu'il a à nous dire à ce propos !
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14 Juillet

J’ai eu la chance d’assister à la pièce de Joël Pommerat sur le début de la Révolution française. Les acteurs installés anonymement dans le public transforment chaque spectateur en protagoniste de l’Histoire. Ici, c’est le même mouvement qui emporte le lecteur jusqu’au 14 juillet 1789.

J’ai adoré les mouvements de foule, mais mon enthousiasme s’est dissipé lorsque Vuillard a tenté de recréer les vies minuscules des anonymes morts ce jour-là. Il imagine leur vie, leurs émotions mais que dire qui ne soit lieu commun? « Hier soir, avec sa femme, ils ont joué aux dés, au lieu de dîner. Les affaires iront mieux le mois prochain. Soudain, à travers je ne sais quelles migrations déchaînées d’images et de mots, le visage de sa femme lui apparaît, un peu inquiet, soucieux. Mais qu’a-t-il donc oublié de lui dire ? Il ne sait pas. Il la trouve belle, tout près de lui. Le soir, dans le grenier, on se caresse ; le goût des lèvres, de la bouche, tout cela est si doux, si intérieur, qu’on ne sait le décrire. Chaque homme a son secret.

Il revoit leurs draps blancs. La petite fenêtre. La cour où les enfants jouent. Ah ! que c’est beau et calme la vie, à l’abri, derrière ses souvenirs. À présent, deux types le traînent comme un sac, près du mur. Il a perdu connaissance. L’un d’eux lui tient la jambe et retire ses souliers ; il les enfile très vite, il est pieds nus. L’autre arrache sa chemise et retourne ses poches. Alors, la placière qui se tient derrière nous en silence, notre vie durant, lève enfin la tête et lui demande de la suivre. » Est-ce que Sagault nous est plus proche d’avoir été un bon mari? Je ne pense pas. Ce qui fait de ces hommes et de ces femmes nos contemporains, c’est leur révolte et leur indignation. En en faisant de (piètres) personnages de roman, non seulement Vuillard ne parvient pas à les exalter mais il rendrait presque suspect son 14 juillet dont on n’est plus très sûr qu’il assoit son récit sur des sources rigoureuses. J’aurais apprécié une postface telle celle qui clôt « Au revoir là-haut » en donnant toutes les références dont Lemaître s’est inspiré.
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L'ordre du jour

Deux cent trentième critique de ce titre... L'exercice est un peu vain, naturellement, et d'autant plus que je n'ai lu qu'une poignée des deux-cent-vingt-neuf précédentes. Mais s'il fallait s'en tenir à si peu, on aurait vite fait d'être réduit au silence.

Quelques lignes, simplement, pour dire mon saisissement à la lecture de ce livre. Ce n'est pas vraiment un roman et ce n'est pas davantage un livre d'histoire. L'auteur ne prétend pas à une vision objective de son sujet (les préparatifs de l'Anschluss), et moins encore exhaustive. Il ne se cache pas derrière son texte, assumant complètement sa subjectivité, et choisit pour son récit un point de vue moraliste et distancié qui, à mon humble avis, virevolte en un vrai chef d'oeuvre d'omniscience narrative.

Je suis très loin d'avoir lu tous les Goncourt de ces dernières années. Parmi les plus récents qui traitaient d'un sujet historique, j'avais trouvé qu'Au-revoir là-haut, sur un thème peu abordé, était un excellent roman mais de facture très classique. Avant lui, Les Bienveillantes avait l'énorme défaut d'être aussi indigeste qu'interminable. Il m'avait en outre énervé par son choix de faire de son « héros » un psychopathe incestueux et blasé, comme s'il n'était pas possible de concevoir autrement l'autoportrait d'un SS génocidaire. Tout en s'en défendant, Littell abandonnait en route cette banalité du mal énoncée par Hannah Arendt, qui rend tous les Eichmann du monde infiniment plus glaçants qu'un Maximilan Aue, finalement peu crédible.

Bref, si l'on accepte de considérer qu'un prix Goncourt représente quelque chose de la valeur d'un livre et de son caractère novateur, celui d'Eric Vuillard me semble très amplement mérité.
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L'ordre du jour

Eric Vuillard fait vivre l'histoire par séquences non chronologiques mais avec l'humour de quelqu'un qui la regarde par le petit bout de la lorgnette. A ce titre, le repas servi à Chamberlain et à Ribbentrop au moment où les Allemands envahissent l'Autriche en est un exemple : charentais en glace en entrée puis poularde de Louhans à la Lucien Tendret, corniottes de fromage blanc, tarte au Shion, fraises des bois cardinalisées.



Certains babéliotes ont souligné la qualité du style, oui...bon, mais l'emploi de mots inusités ne fait pas le style et je "dictionnairise" pour vous certains, un peu pédants, que vous pourrez réutiliser pour votre roman si vous postulez au Goncourt :

- apophtegme : Parole, sentence mémorable, exprimée de façon concise et claire ; aphorisme, maxime.

- esquicher : Dans le midi de la France, serrer, comprimer.

- rognonner : Grommeler, bougonner.

- palinodie : Changement complet d'attitude, d'opinion politique.

- apocope : Chute d'un ou de plusieurs phonèmes à la fin du mot par suite d'une évolution phonétique ((par exemple cinéma[tographe]).



J'attendais beaucoup de ce récit, trop sans doute.

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L'ordre du jour

Quel livre ! Si je pouvais mettre plus de 5 étoiles, je le ferais... Quelle belle écriture, concise, précise et percutante ! En 150 pages, Eric Vuillard nous raconte comment l'ascension d'Hitler a été possible et comment, peut-être... Mais je n'en raconte pas plus même si on connait l'Histoire. Mais ce livre fait réfléchir également à la gestion de nos pays actuelle, appelle à la vigilance de tous les instants.

Il a une étrange résonnance en ces temps perturbés durant lesquels des chefs d'Etats sont soumis aux divers lobbyings, voire ont été installés par eux... Mais je divague... ou pas.
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La guerre des pauvres

68 pages étourdissantes, comme un flux qui emporte par la puissance du verbe et la force du propos. A peine 70 pages pour raconter les conséquences révolutionnaires de la création l’imprimerie à Mayence au milieu du XVème siècle. De cela découlent, selon Vuillard, la diffusion de la Bible, puis sa traduction en langue dite vulgaire pour ne pas dire l’accès direct à Dieu par tous, et par conséquence la remise en question des intercesseurs ecclésiastiques. La remise en cause de l’ordre du monde en quelque sorte.

Venue d’Allemagne, cette découverte technique entraîne l’apparition de prédicateurs comme la figure centrale de Thomas Muntzer, et derrière eux le réveil des populations qui se transforme guerre des pauvres.

De cette matière dense, d’une actualité brulante, Eric Vuillard fait également œuvre de haute littérature tant le style est à la fois incisif, concis et saisissant.

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L'ordre du jour

Ni roman, ni récit, ni témoignage – peut-être un essai, mais surtout le tout à la fois. Inclassable et donc dérangeant, et donc sympathique à mes yeux.



L'Anschluss revisitée – la réflexion historique présentée autrement.



En ce mois de mars 2018, on a beaucoup parlé des 40 ans de la mort de Cloclo (dont on se fout royalement) et très peu des 80 ans de l'Anschluss. Pendant des décennies l'Autriche s'est présentée elle-même comme une victime d'Adolf Hitler, avant de reconnaître dans les années 1990 son rôle actif dans l'Holocauste. Et c'est un jeune chancelier de 31 ans, Sebastian Kurz, membre d'un parti d'extrême-droite aux relents pro-nazis, qui a les rênes du pays…



Mais l'auteur ne se limite pas à recadrer les politiciens de l'époque, il englobe aussi les industriels qui ont sciemment supporter le régime nazi – et dont les entreprises ont toujours pignon sur rue.



Une très belle lecture d'un grand écrivain.

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L'ordre du jour

Ce récit d'Eric Vuillard m'a attirée dès sa sortie car les critiques à son sujet étaient en majorité élogieuses. Plusieurs fois, je l'ai pris en main à la librairie. Je le feuilletais et puis, invariablement, je le reposais. Ce livre n'était pas pour moi, je le sentais. Et la semaine dernière, contre toute attente (pour moi), le Goncourt lui a été attribué. Je suis donc allée me procurer cet "Ordre du jour" afin de lever ce doute: allais-je me ranger du côté des lecteurs l'ayant apprécié?

Eh bien, non! Je me suis profondément ennuyée à lire ces 150 pages, certes bien écrites, mais sans saveur. Le sujet est pourtant intéressant: comment en une journée, Hitler a réussi à manipuler ces grands industriels allemands que nous connaissons tous (Krups, BASF, etc) pour arriver au pouvoir et mettre en place son terrible projet d'extermination des Juifs d'Europe. Mais le charme n'a pas opéré. Seule la qualité de la langue employée m'a permis de lire le livre en entier.

Bref, même en littérature, il faut savoir suivre son instinct!

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L'ordre du jour

Je trouve ce petit livre remarquable par sa force de frappe, sa finesse d'analyse, son écriture d'une beauté rare.

C'est un véritable tour de force de condenser autant de pensées, de faits historiques authentiques, de réaliser une sorte de scanner sur cette douloureuse époque de l'Histoire qui précède l'Anschluss avec tous les petits calculs de gros profits pour les industriels et banquiers allemands qui sortent le porte-monnaie du financement électoral, toutes les petites lâchetés des européens allant à Munich laisser Hitler à ses appétits, se faire humilier par le mépris des forts qui chargent au bluff -on voit encore aujourd'hui que ça marche.

Des scènes à couper le souffle comme celle de ces milliers de cadavres s'empilant dans le coin sombre du salon où dîne Gustav Krupp, qui a profité du travail forcé des camps nazis. On voit les conséquences des actes de tous les acteurs qui ont joué sur cette tragique scène. Le futur a raison de tout, les criminels sont face aux preuves retrouvées longtemps après leurs crimes.

Un Goncourt largement mérité.
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Récit historique – entre 1933 et 1938 – à l’aube de la Seconde Guerre mondiale.



« Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d’épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large complet (…)"

Les Von Opel, Krupp, Wolf-Dietrich, Von Siemens…

Les familles puissantes d’Allemagne.



Tandis que l’ombre du nazisme plane et va s’étendre sur toute l’Europe, les puissants de l’industrie allemande «(…) le haut clergé de l’industrie, les prêtes de Ptah (…) » tiennent salon « conviés » par Goering et Hitler.

Et ces messieurs vont devoir « passer à la caisse »…

L’argent…le nerf de la guerre.



Un moment presque ordinaire, ces chefs d’entreprise réunis – « tandis que le diable passe juste derrière eux (…) » – scène à l’orée d’une tragédie annoncée – un conciliabule, acte déterminant pour les nazis dans ce qui va suivre avec la prise de pouvoir d’Hitler.



Un récit historique – dans les coulisses de l’Histoire - focus sur certains évènements en particulier avec éclairage et approche avisés de l’auteur – des points analysés sur des épisodes telle la période précédant l’annexion de l’Autriche au Troisième Reich - l’Anschluss.

« Et ce qui étonne dans cette guerre, c’est la réussite inouïe du culot, dont on doit retenir une chose : le monde cède au bluff. Même le monde le plus sérieux, le plus rigide, même le vieil ordre, s’il ne cède jamais à l’exigence de justice, s’il ne plie jamais devant le peuple qui s’insurge, plie devant le bluff ».



La puissance de l’argent et la domination par la peur et la menace.

Paranoïa, mégalomanie, névroses obsessionnelles, folie - au service du mal.



C’est le prélude à l’horreur, les « préparatifs », les présages de millions de crimes abominables et de la réalité crue et ignoble – c’est la Seconde Guerre mondiale qui se profile.

*

J’ai trouvé ce récit intéressant par son angle d’approche, j’ai apprécié cette lecture et le style de l’auteur, puissant, ponctué d’ironie acerbe, d’une fulgurante efficacité.

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