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Critiques de Éric Vuillard (1127)
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14 Juillet

Lire un récit sur la prise de la Bastille un 14 juillet tisse des liens particuliers, inattendus et forts. Elle est tellement plus proche qu'on ne pourrait l'imaginer cette date emblématique du 14 juillet 1789… Entre cette journée et le mouvement des gilets jaunes, il n'y a qu'un pas, un minuscule petit pas à franchir, qui j'espère trouvera un autre chemin, une autre écoute, bref une autre conclusion, ou ouverture… J'espère.



« entre les mâchoires du temps, on croit parfois entendre des voix »



Eric Vuillard donne la parole à des voix oubliées, des noms exhumés des archives, des anonymes, affublés parfois d'un métier, d'une région, « le bottin de la bastille », et qui ont autant leur place dans l'Histoire que d'autres noms célèbres. Alors, il conte, raconte et décompte ceux qui ont été au cœur des événements, ce 14 juillet 1789… le peuple !



« Il faut écrire ce qu'on ignore. Au fond, le 14 juillet, on ignore ce qui se produisit. Les récits que nous en avons sont empesés ou lacunaires. C'est depuis la foule sans nom qu'il faut envisager les choses. »



Et la foule, c'est justement LE personnage central de ce livre. Difficile de s'identifier à un personnage plutôt qu'à un autre. Ils sont à peine esquissés et s'inscrivent dans un mouvement, un tout. Le héros, est indéniablement cette masse, ce peuple affamé qui en crève et finit par s'insurger, sans trop savoir ou cela va le mener, étonné d’être ensemble ; une somme d'individualités, quelques moments de bravoure, de grâce, de crainte, de colère, d’espoir et l’exaltation du nombre qui enfonce les portes.



Même si j'ai été dérangée par l'omniprésence de l'auteur et des énumérations qui ont parfois plus tendance à étouffer qu'à libérer l'imagination, j'ai aimé voir sortir de l'ombre ces inconnus qui ont joué un si grand rôle sans le savoir, avec leurs « petites » initiatives qui se fondent dans la masse, Il y a un souffle épique qui nous emporte malgré nous.

Certains passages sur la description de la ville «qui grandit à vue d'œil comme une enfant sur les photographies, comme si l'on feuilletait un furieux folioscope. » sont passionnants. D'autres sont carrément surréalistes, comme le billet tendu par un des gardes de la Bastille à travers une meurtrière, ou encore l'épisode de la porte, ultime bastion entre les assiégés et les assiégeants. Ah ! Je ne résiste pas à mettre un autre extrait : « La Bastille était devenue une simple maison à la porte de laquelle le monde frappait. Alors, scène irréelle, comme le portier de nuit qu'on réveille dans un hôtel et qui bâille, un invalide, ignorant tout de la rhétorique des grandes occasions, entrouvrit et demanda poliment ce qu'on voulait. »



Bref, comme le chantait Edith Piaf, dans un contexte il est vrai quelque peu différent, j'ai été emportée par la foule , qui nous traîne, nous entraîne …



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14 Juillet

Voilà un court récit incisif, qui nous plonge au coeur de la Révolution française à hauteur d'homme. Où l'on découvre, d'ailleurs, que ladite Révolution a commencé le 23 avril 1789, le 14 juillet n'en étant que la journée la plus belle, la plus heureuse pour un peuple décidé à obtenir ce qu'il était venu chercher à la Bastille -de la poudre à canon.

C'est la première fois que je lis un récit traitant de la Révolution française écrit au présent. Eric Vuillard raconte la vie des milliers des citoyens qui se sont pressés dans les rues de Paris, ce jour-là. le peuple n'est plus un concept abstrait, mais des individus réunis par un même ras-le-bol de la pauvreté, un même ras-le-bol des rentiers oisifs pour lesquels ils triment. Vuillard leur donne des voix, des rires, des cris ; des visages, des corps ; des pensées, des rêves, des sentiments ; des noms. Ils ne sont plus anonymes. le style est sec, brut, efficace, ironique -il m'a parfois fait penser à Pierre Lemaître dans la façon d'interpeler les lecteur.

C'est une façon étonnante et rafraîchissante de (re-)découvrir cet événement majeur de notre Histoire sous un angle totalement humain, dénué de tout romantisme ou de froideur historienne, mais bourré de tumulte, de bruit et de vie.
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14 Juillet

Dans ce récit de la prise de la Bastille et de la révolution française de 1789, Eric Vuillard poursuit son travail de réinterprétation du passé. Juste avant l’obtention du prix Goncourt pour l’Ordre du jour paraissait ce livre foisonnant et poétique sur un épisode fondateur de l’histoire et de l’imaginaire français, et même au-delà. Partant du point de vue des révolutionnaires eux-mêmes et à partir d’archives partielles, Vuillard imagine avec détails ce qu’a pu être cette fameuse journée du 14 juillet 1789. En recoupant des faits avérés avec une interprétation plausible de ce moment historique, le lecteur pénètre dans tout l’enthousiasme mais aussi la confusion et la dangerosité de la révolution.



Si il y avait un moyen d’entrer dans l’histoire sans passer par les grands historiens de cette période, Eric Vuillard propose une alternative littéraire qui repousse les barrières peut-être trop pragmatiques de l’histoire traditionnelle, pour donner une vision dynamique et lyrique de l’événement. D’une journée lointaine entrée complètement dans le marbre des manuels scolaires, ce récit (et non pas roman) démontre les hésitations, les sacrifices, les difficultés et l’inconscience aussi de cette journée qui a été déterminante pour l’émancipation populaire de l’Ancien régime. Une histoire en tout cas formidable qui rappelle que l’Histoire est aussi, et pour beaucoup, affaire de mise en récit.
Lien : http://untitledmag.fr/la-poc..
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14 Juillet

Eric Vuillard entretient avec l'histoire un rapport tout à fait fascinant. J'avais déjà été épaté par L'Ordre du jour, avec sa narration distanciée, le sens du raccourci dévastateur et le point de vue moral posé sur l'époque. Je ressors tout aussi impressionné de ma lecture de 14 Juillet.



Le sujet est ici le 14 juillet originel, la prise de la Bastille en 1789, proposant en deux cents pages tout rond d'envisager cette journée sous un angle radicalement autre. Oubliés, les récits glorieux et le détournement roublard accompli par l'historiographie du XIXème siècle, destiné à faire de l'événement le premier acte d'une révolution bourgeoise : on ne s'intéresse pas aux « grands hommes » dans le livre de Vuillard. On n'y trouve pas plus que quelques seconds couteaux de l'Histoire, et ils ne sont pas spécialement à leur avantage. Ce 14 Juillet-là est celui du peuple de Paris : deux ou trois dizaines de protagonistes qui se croisent et se recroisent à la faveur de cette journée, des noms que l'auteur a exhumés des archives pour leur rendre un fragment de vie. Le lecteur ne se demande pas si ces éléments biographiques ont un fondement réel, car la chose n'a en vérité aucune importance : Vuillard ne prétend pas retracer des destins, il veut saisir l'âme du peuple. L'héroïne du livre est cette populace des quartiers qui environnent la forteresse, des malheureux qui ont toujours vécu dans l'ombre menaçante du monstre et pensaient être nés pour courber l'échine. Ils n'étaient jusqu'alors que sujets du Roi ; les voilà les premiers surpris de se découvrir sujets de leur propre verbe et de leur propre action, dans un délire de joie qu'ils ne réussissent pas à s'expliquer.



J'ai trouvé remarquable la finesse avec laquelle l'auteur traite cette transfiguration, pour évoquer la naissance informelle, inopinée et encore brouillonne du citoyen agissant. Vuillard ne cache rien de sa subjectivité, ce qui est en définitive une démarche remarquablement honnête. Il assume de même son point de vue omniscient et s'en amuse, n'hésitant pas à adresser des clins d'oeil à son lecteur. Le résultat pourrait être froid, désincarné, décharné en somme, et c'est tout le contraire qui se produit : le tableau prend vie, pour exprimer une vérité que n'atteindrait pas la relation la plus méthodologiquement rigoureuse de l'événement. A peine effleurés dans la foule, certains de ces personnages sont même très émouvants, voire tout simplement bouleversants, comme cette Marie Bliard vacillant au bord du vide lorsqu'elle comprend enfin, devant un commissaire de police indifférent, que son homme est bien mort devant la Bastille.



Ce 14 juillet 89 est une promesse : le moment où tout devient possible, où rien n'a encore corrompu le désir de liberté. Evidemment on sait bien ce qui a suivi, et comment beaucoup d'illusions se sont diluées dans le sang et l'amertume. S'il le sait aussi bien que nous, c'est pourtant là qu'Eric Vuillard réussit une conclusion magistrale, qui légitime en à peine une page tous les 14 juillets du monde.
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14 Juillet

La prise de la Bastille a été racontée maintes fois... par ceux qui n’y étaient pas. On nous récite son histoire telle qu’elle fut écrite par les notables, depuis l’Hôtel de ville. L’originalité d’Eric Vuillard est de reprendre ces évènements du point de vue des révoltés. Un livre ardent, où notre fête nationale retrouve sa grandeur tumultueuse. Encore un très beau livre de la collection Actes Sud, écrit par un auteur passionnant, de par les thèmes originaux abordés – voir « Tristesse de la terre » ou « l’ordre du jour » –, de par l’angle d’approche renouvelé, de par son écriture incandescente.



« Mais on ne nous raconte jamais ces pauvres filles venues de Sologne ou de Picardie, toutes ces jolies femmes mordues par la misère et parties en malle-poste, avec un simple ballot de frusques. »



Du 23 au 28 avril 1789, les émeutes rue de Montreuil font des centaines de morts, les gendarmes tirant dans la foule. Le 28 avril serait la journée la plus meurtrière de la Révolution française. Eric Vuillard nous emmène avec les émeutiers envahir la Folie Titon, ce palais au luxe inouï (« une Folie » dont l’occupant n’avait pas honte, le nom sonnant comme une provocation), occupée par Jean-Baptiste Réveillon, le propriétaire de la manufacture royale de papiers peints (très à la mode et alors en plein essor). L’écriture de l’auteur se grise de la découverte brutale de toutes ces richesses pour des gens du peuple qui manquent de pain après un hiver particulièrement glacial :



« On fracassa les becs de verre sur les marches du palais et l’on but, cul sec, les plus grands crus, s’ensanglantant la gueule. Que c’était bon ! il n’y a rien de mieux que siffler d’une traite un vin à mille livres, picoler du château-margaux à la régalade. Le gazomètre bien rempli, on se releva avec des godasses à bascule, la cervelle en terrine, démâtés, portant des lunettes en peau de saucisson et chicorant comme des vaches. »



Le 11 juillet les gardes-françaises, régiments chargés de la protection du roi, se rallient à la foule contre les soldats qui se retirent… Barricades, incendies des octrois… On sait tous ce qu’il advient ce 14 juillet 1789, la Bastille est assiégée par des foules considérables que plus rien n’arrête. Eric Vuillard nous immerge dans cette prise et ce saccage de la Bastille. L’Histoire a laissé quelques chiffres et une liste : le compte est de 98 morts parmi les assaillants, 1 mort du côté des gardes et la liste officielle des vainqueurs de la Bastille comporte 954 noms.



S’ensuit l’allégresse générale dans Paris, celle-ci ayant réussi à survivre jusqu’à nous à travers les bals populaires du 14 juillet, commémoration de cette joie d’un futur réinventé par la population elle-même. L’évènement est considérable et pose les fondations de la République à venir. Après bien des soubresauts, la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » s’inscrit durablement dans l’imaginaire collectif.



L’écriture est admirable mais j’ai dû aller chercher la signification de bien des termes obscurs ou, je pense, inventés pour l’occasion. Cela donne un côté épique, sorte de « chanson de geste », exposant avec grandiloquence l’exploit guerrier passé. L’effet est saisissant si on accepte de mettre en avant cette musique des mots.



L’auteur a pris le pari de faire revivre des participants issus de la foule dont on ne connaît pratiquement rien. Il s’agit des vraies gens exhumés de l’oubli à travers certaines archives de la police et d’une liste des « vainqueurs de la Bastille ». A partir des noms découverts sur ces listes, repris dans ce livre, l’auteur recrée un déroulement vraisemblable, mais sans se faire trop d’illusion :



« Il faut écrire ce qu’on ignore. Au fond, le 14 juillet, on ignore ce qui se produisit. Les récits que nous avons sont empesés ou lacunaires. C’est depuis la foule sans nom qu’il faut envisager les choses. Et l’on doit raconter ce qui n’est pas écrit. Il faut le supputer du nombre, de ce que l’on sait de la taverne ou du trimard, des fonds de poche et du patois des choses, liards froissés, croûtons de pain. »



C’est un livre très dense qui pose la question de l’histoire telle qu’elle se fait, telle qu’elle s’écrit, telle qu’elle se transmet. A une époque où les questions sont de nouveau posées quant au besoin d’une autre répartition des richesses et des pouvoirs dans notre société, il était utile de raconter cette irruption soudaine du peuple sur la scène du monde. En cette année troublée par la pandémie, quel 14 juillet va-t-on avoir ? Est-ce important de conserver la mémoire de ces temps porteurs de destin ? Julien Déniel dit, dans cette chanson, beaucoup sur les symboles du 14 juillet : malgré le temps qui passe et l’âpre bataille pour couper la fête nationale de ses origines, les feux d’artifices, les pétards, les lampions portés par la foule restent bien une réminiscence de temps historiques de basculement... Bon 14 juillet à toutes et tous !

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Si cette chronique vous a plu, passez visiter mon blog Bibliofeel avec ses illustrations célébrant ce livre : une photo de la belle couverture du livre sur fond de fleurs de Bignone (magnifiques en cette période) et une chanson sur le 14 juillet de Julien Déniel. A bientôt !
Lien : https://clesbibliofeel.blog
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14 Juillet

Depuis le temps! je n'avais pas encore découvert le monde d'Eric Vuillard. C'est à présent chose faite avec 14 juillet.

Le regard porté par l'auteur sur cette journée hors normes est original. Par une savante immersion dans le monde des "tout-petits" nous nous retrouvons au milieu de cette foule impressionnante rassemblée autour de la Bastille. Ouvriers, artisans, femmes de peine, filles de joie, gamins des rues ils sont venus pour voir et agir poussés par la faim et la misère.

La narration est rapide découpée scénarisée, il ne faudrait pas oublier le parcours de cinéaste et de scénariste d'Eric Vuillard. Les images défilent, s'enchainent, telle une litanie les noms, les métiers sont scandés sur un rythme quasi hypnotique. Les faits eux-mêmes se laissent imaginer puisque peu d'éléments permettent d'étayer historiquement les gestes et dits des uns et des autres.

Mais l'essentiel pour l'auteur n'est il pas de rendre hommage à tous ces inconnus qui ont tous ensemble écrit L Histoire?

Je ne fais cependant pas partie des inconditionnels de ce récit. j'ai eu du mal avec ces énumérations, ces descriptions qui s'éternisaient, quel dommage qu'il n'y ait pas eu un plan de la Bastille pour suivre au plus près les évènements.

Un récit digne d'interêt qui n'aura que partiellement retenu mon attention.

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14 Juillet

Terminé en ce jour, 14 juillet d'Eric Vuillard, court, percutant, aussi documenté et cinglant que l'Ordre des choses.

A lire si ce n'est fait !

La réalité dépouilla la fiction. Tout devint vrai. E.V.

"On devrait plus souvent ouvrir nos fenêtres. Il faudrait de temps à autre, comme ça, sans le prévoir, tout foutre par dessus- bord. Cela soulagerait. On devrait, lorsque le cœur vous soulève, lorsque l'ordre nous envenime, que le desarroi nous suffoque, forcer les portes de nos Elysées dérisoires, là où les derniers liens achèvent de pourrir, et chouraver les maroquins, chatouiller les huissiers, mordre les pieds de chaise, et chercher la nuit, sous les cuirasses, la lumière comme un souvenir." (...)

"Assassins !” La parole ne laisse pas de trace, mais elle fait des ravages dans les cœurs."

"Alors, la colère monte autant que les salaires veulent baisser." (...)

"On apprend beaucoup à chômer. On apprend à traîner, à regarder, à désobéir, à maudire même. Le chômage est une école exigeante. On y apprend que l'on n'est rien. Cela peut servir." (...)

"Oui, Mirabeau parle. Il est un sentiment, une vérité. Nul ne peut plus rien contre. Il dit. La grosse gueule s’ouvre pour la première fois avec autant de souffle et de culot. La volonté du peuple vient de faire son entrée dans l’Histoire." (...)

"Et c'est inouï le nombre de bègues devenus orateurs, et le nombre de cancres devenus écrivains. La vie est bien curieuse, qui nous attrape souvent par où elle a manqué." (...)

"Ce jour, les putains ne hélèrent pas le client, elles participèrent au coup de main et soignèrent les blessés, comme elles ont toujours fait aux grandes journées de l’Histoire."
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14 Juillet

Vuillard se caricature sur 14 juillet. Lui qui peut avoir le style élégant, sublime et cultivé, comme sur l'Ordre du jour, ne parvient pas à décoller ici d'un registre ampoulé, savant et grandiloquent, qui retombe dans des facilités de style récurrentes, fort dommageables pour un livre si court Typiquement, les énumérations de noms, de métiers, de vêtements qui doivent visiblement montrer à son lecteur la virtuosité lexicale de l'auteur mais qui contrairement à du Flaubert ne font que l'irriter - en tout cas moi ça m'irrite... La volonté de rendre l'histoire insurrectionnelle aux ordinaires anonymes qui l'ont faite se perd par trop dans le flot des dizaines de noms d'insurgés énumérés pour la forme, mais plus évoqués par la suite. Ce que Vuillard a mal jugé selon moi est que le 14 juillet est un mouvement de foule ; la foule est par nature anonyme, et les personnages qui la traversent sont bien des acteurs, mais des acteurs en tant que partie de la foule, non en tant qu'individus.

Tiens on sait que Chaumont, forgeron, est passé par là. Mais c'est tout. De ce Chaumont, on n'en saura pas plus, c'est un forgeron, et puis c'est tout. Mais se limiter à cette description corporatiste et aux quelques faits d'armes rapportés par les historiens sur cette journée du 14 juillet ne le fera pas sortir de l'anonymat, ni lui ni les autres.
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14 Juillet

C'est une déception. Je n'ai malheureusement pas été emportée par ce roman qui a fini par me lasser, m'épuiser et détourner mon attention. Tout y était pourtant: le thème, l'intention, la démarche. J'aime, en effet, quand la littérature donne enfin la place à ceux qui sont ailleurs invisibilisés; j'aime quand elle donne à voir ceux que l'Histoire, écrite par les puissants, oublie volontairement. C'est donc une bonne idée que d'écrire le 14 juillet en s'immergeant dans la foule, en imaginant tous ces gens qui la font. La démarche est fort intéressante. Seulement, elle ne suffit pas. L'auteur que je trouve talentueux s'essouffle. Son texte libère une énergie, dégage une force, incarne une urgence mais s'use rapidement car il s'emploie à vide. Il ne dit rien, rien qui vaille. Il tourne en rond, s'épuise dans des descriptions inintéressantes. Il ne raconte rien du fond, il décrit la forme seulement. C'est pauvre du coup. C'est pauvre en imagination. Ce roman raconte une foule en mouvement sans jamais lui octroyer une profondeur. Comme si la foule n'était que bruit et fureur. Dommage.
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14 Juillet



J'ai passé la journée du 14 juillet 1789 à Paris, dans une foule en colère, dans l'odeur de poudre, de sueur et de sang. J'ai vu des hommes venus des quatre coins de France parcourir les rues et s'entasser devant la Bastille. J'ai entendu les coups de canons et le claquement des mousquets, j'ai vu le sang couler sous les baïonnettes. J'ai frissonné à entendre les cris de la foule, les pleurs des veuves et des enfants malgré le soleil de plomb.



Eric Vuillard est un formidable conteur. A travers 200 pages d'une densité rare, il a transformé cette journée historique en véritable épopée. Prenant le parti de raconter plutôt que de décrire, de faire ressentir plutôt que d'expliquer, de marteler le papier par les mots plutôt que de montrer, l'auteur immerge le lecteur dans la foule dès les premières phrases.

Parce que c'est bien de la foule dont il s'agit. Des milliers de personnages, des milliers de héros, des centaines de noms couchés sur le papier, des centaines de métiers pour les distinguer. Pas un ne sort du lot, ils sont forts parce qu'ils sont ensemble, ils sont courageux parce qu'ils sont unis, ils ont pris la Bastille car ils étaient le peuple.



Eric Vuillard qui est sans doute très bon à raconter des histoires au coin du feu a pris le point de vue des petits, des artisans, des pauvres, des chômeurs, des sans-grade pour nous faire vivre cette folle journée de l'intérieur. Et il y a comme de la poésie dans son récit, un style fluide mais implacable, qui vous prend à la première page et ne vous lâche pas avant de pouvoir enfin reprendre votre souffle sous les fenêtres d'une Bastille ouverte à tous vents.
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14 Juillet

14 JUILLET – Éric Vuillard

Tout le monde connaît au moins les grandes lignes du contexte des événements du 14 juillet 1789. Moins souvent, on est en mesure de raconter par le menu ces événements qui ont abouti à la prise de la Bastille.

Les livres d'histoire, scolaires ou non, nous rappellent les noms de ceux qui sont passés à la postérité.

Éric Vuillard nous parle du peuple, de ces hommes et de ces femmes qui étaient ce jour-là dans les rues de Paris, qui se sont pressés autour de la Bastille et qui avec de pauvres armes mais de grandes ruses alliées au courage né de la faim et de la colère, ont réussi à ouvrir les portes et investir la célèbre prison.

Ils sont nommés par leur nom, une description de leur physionomie les accompagne ainsi que leur profession, leur situation familiale, leur lieu d'habitation.

Mais il ne s'agit pas d'une liste encore moins d'une litanie.

L'auteur, qui s'appuie sur les témoignages disponibles, n'hésite pas à imaginer quand les détails manquent dans les documents et nous livre ici une formidable épopée, un tourbillon de braves gens prêts à en découdre.

Au passage, quelques anecdotes sur la ville de Paris, l'évolution du nom de certaines de ses rues, son plan de l'époque.

Même si le style est un peu académique, j'ai terminé cette lecture avec davantage de connaissances sur cette journée fondatrice.

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14 Juillet

L'Histoire à hauteur d'hommes est une de mes focales littéraires de prédilection, la littérature étant pour moi le meilleur moyen ou en tout cas le moins mauvais pour approcher des réalités que les livres d'histoire ne sauraient dire.

C'est exactement ce que propose ce court roman : une traverse à ras du sol de Paris de la journée explosive du 14 juillet 1789. Et même s'il s'agit d'une promenade avant tout littéraire, bien que nourrie de documents d'histoire, et donc d'une pure fiction partiale par nature, l'immersion est plutôt réussie. Cette lecture, axée sur le peuple de Paris, fait pour moi le pendant d'une autre, le roman de la Révolution racontée par Hilary Mantel du point de vue et à hauteur de vue de ses chefs de file.

La plume est tantôt parfaitement pertinente, tantôt légèrement agaçante, mais l'ensemble fait mouche et atteint son but : plonger son lecteur dans un moment d'histoire avec ses odeurs, ses tensions, ses bruits, et une couleur humaine et crédible.
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14 Juillet

Après avoir lu " l'ordre du jour" du même auteur, je voulais voir si je serai encore séduit par son écriture. Et, oui ! C'est un roman très court, qui rentre directement dans l'action de ce qui fut un moment clé de la Révolution Française de 1789. On y voit le tumulte, les mouvements de masse des petits artisans, ouvriers, commerçants du centre de Paris. Ce peuple qui recherche des armes pour prendre la Bastille, ce peuple que le préfet, les délégations de bourgeois vont essayer de calmer, sans réussite. Eric Vuillard, le nomme ce peuple : des noms, d'où venaient-ils ces révolutionnaires (parfois) d'un jour, quel était leur métier dans la vie... En somme, il donne vie à cette effervescence collective du petit peuple. Décrivant la situation catastrophique de ce peuple qui a faim, il montre le mépris des patrons (ceux des Folies) et celui de la noblesse. Et il nous amène à cette mise à feu du Tiers État après les Etats Généraux d'avril. Cette députation finalement modérée, sera poussée au renversement de la monarchie. Et c'est en quelques mots, 200 pages, qu'Eric Vuillard nous fait comprendre que les idées des Lumières ne suffirent pas, la main mise sur l'économie par la bourgeoisie réclamait un bouleversement ! On le sent, on le vit, il nous conte ce jour historique heure par heure jusqu'à la chute du pont levis de la Bastille ! On y est, sous la mitraille des gardes suisses, avec les insurgés ! c'est un livre à faire lire pour partager la réalité d'un tel moment d'histoire, c'est vivant, passionnant, et qu'elle belle écriture !

Je conseille vivement ce roman, notamment à faire lire aux adolescents qui s'interrogent sur la Révolution Française.
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14 Juillet

Autant j'avais apprécié "L'ordre du jour", autant 14 Juillet m'a déçu. Certes l'écriture de Vuillard est toujours aussi lyrique et virevoltante mais son texte est si rempli de litanies de noms d'acteurs généralement méconnus, c'est d'ailleurs l'objet du livre que de leur donner une visibilité, ou d'adjectifs pour décrire telles ou telles émotions que, dans sa volonté de n'oublier personne et de décrire par le menu les évènements même les plus modestes, cela finit par créer une forme de saturation.

Eric Vuillard s'attache à vouloir faire sortir de l'anonymat tout ce petit monde, ce peuple qui soudainement décide de renverser la table et de jeter à terre tout un régime pluri-seculaire et la tâche est particulièrement bien rendue mais cela ne suffit pas à faire de ce récit un moment palpitant et paradoxalement on s'ennuie un peu. Il a probablement dû tricoter un peu autour des personnages mais à force de vouloir les rehausser à hauteur de cette mémorable journée, il donne l'impression de forcer un peu le trait, les décrivant sous un tableau forcément favorable, leur inventant un quotidien ou des sentiments, des émotions empreintes d'abnégation, voire de fatalisme, traits que l'on prête parfois aux petites gens avec facilité.

Finalement, un roman bien écrit, visiblement bien documenté mais pas si intéressant que cela.
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14 Juillet

C'est certain ! Ce que nous traversons actuellement en ce début de XXIème siècle est historique. Nous sommes L Histoire. Cette pandémie mondiale sera scrutée, décortiquée, analysée par les futurs historiens. Comme c'est vertigineux de se dire que je ne serai pas là dans 200 ans pour lire comment notre descendance considérera cet événement qui marque au fer rouge notre quotidien.

Il est tout aussi vertigineux de faire l'inverse, c'est à dire, de se plonger dans l'Histoire. Lire le récit « 14 Juillet » d'Eric Vuillard m'a fait la sensation de pouvoir voyager dans le temps et de vivre ce Paris révolté de 1789. J'ai été émue de cette immersion. L'écriture et le style de l'auteur y sont pour beaucoup.

Les détails des jours précédant la prise de la Bastille sont nécessaires pour expliquer et mettre en perspective le basculement de cette journée. Les faits et événements chronologiques expliquent le soulèvement de ce peuple affamé. Ils sont très instructifs.

A la lecture, je me suis surprise à vivre cette journée du 14 juillet 1789 et je pourrai presque dire que j'étais avec eux dans les rues à n'avoir qu'une idée en tête : se rendre coûte que coûte à la Bastille.

L'auteur a pris le parti d'énumérer bon nombre de ces petites gens en les nommant et les distinguant par leur métier. Cela ne m'a en rien ennuyée, au contraire j'y ai vu un attachement profond de la part de l'auteur à les humaniser. C'est très touchant.

Je crois qu'il est inutile de préciser que j'ai beaucoup aimé cette lecture.

A n'en pas douter, je lirai « L'ordre du jour ».
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14 Juillet

14 Juillet - La Bastille

Des symboles importants de la France depuis plus de 200 ans.

Liberté Égalité Fraternité. Fete Nationale.

C'est au récit de cette journée unique que c'est lancé Eric Vuillard

14 juillet 1789, la prise de la Bastille par le peuple de Paris. le début d'une révolution.

On pense tout savoir sur cette journée et globalement cela est juste.

Mais avec Éric Vuillard il y a toujours un angle neuf,un point de vue iconoclaste.

La force de ce récit vient du fait qu'Éric Vuillard nous parle de ces hommes et de ces femmes inconnues qui ont pris la Bastille.

Une foule jeune, 20 à 25 ans, qui est nommé par ces noms et ces métiers. Mercier, Minier, Roland, , Roseleur, Mique, Sagault, et tant d'autres capitaine,manouvrier, teinturier,serrurier, porteur d'eau,cordonnier, passementier.

Et puis les femmes dont les noms de famille ont disparu , on les appelle du nom de leur mari : femme Garnier, femme Blanchet, femme Cottin.

Toute cette foule dont la postérité ne gardera aucun instant et aucun nom.Des étoiles filantes de la Révolution alors qu'à quelques kilomètres de là une autre foule se goberge à Versailles. Les métiers n'invoquent pas le même monde : fleuriste, modiste, chapelier, cuisinier , médecins.

Les foules changent peu malgré le temps

" On devrait plus souvent ouvrir nos fenêtres. Il faudrait de temps à autre, comme ça sans le prévoir, tout foutre par dessus bord. Cela soulagerait. On devrait, lorsque le coeur nous soulève, lorsque l'ordre nous envenime, que le désarroi nous suffoque, forcer les portes de nos Élysées dérisoires, là où les derniers liens achèvent de pourrir et chouraver les maroquins, chatouiller les huissiers, mordre les pieds de chaise, et chercher la nuit, sous les cuirasses, la lumière comme un souvenir" Page 200.



Le 14 Juillet n'est jamais fini.
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14 Juillet

14 JUILLET d'Eric VUILLARD ( 200 pages -Babel)

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> Pour les amoureux de l'Histoire !.



> Vous allez vivre la journée du 14 Juillet 1789 et la prise de la Bastille.



> Aucun héros qu'on puisse glorifier... que du menu fretin!, des gens du peuple écrasés par la misère, les taxes, les impôts....que des révoltés sans Restos du cœur, sans S Sociale, sans retraite, sans chômage comme aujourd'hui....Que la misère absolue....



> Les récoltes en 1789 sont mauvaises. La faim provoque déjà des émeutes en avril 1789....

> L'écrivain nous donne une longue liste des participants.

Dans la liste des présents à la prise de la Bastille, j'ai retrouvé mon nom de famille !

Peut être un de mes ancêtres ? Pourquoi pas ?



> J'ai préféré " l'Ordre du Jour" qui m'a touché. Oui ! Car il suffisait peut être de peu de chose pour éviter la prise du pouvoir par Hitler...



> Je recommande cet écrivain qui mérite largement son prix Goncourt pour "l'Ordre du Jour".



> Un grand talent !

Mireine
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14 Juillet

J'ai profité du 14 juillet pour écouter ce livre audio et cela rend à l'événement fondateur de notre fête nationale une autre dimension que celle des feux d'artifice, du bal populaire ou des défilés militaires.

Eric Vuillard a l'art et la manière de procéder avec une riche documentation pour reconstruire minutieusement tout ce qui s'est passé un peu avant et pendant ces jours qui ont changé l'histoire de France.

Il fait une sorte de ralenti sur les faits, sur les hommes qui composent les acteurs de la prise de la Bastille en les sortant de l'anonymat d'une foule sans visages et en leur donnant leurs vrais noms et qualités. Il imagine des arrêts sur images pour raconter les pensées de celui qui tombe, de ce qu'il a dans ses poches. Il fait des gros plans de ces meubles qui deviennent des bâtons, de cette planche et de son funambule maladroit, de ces archives qui s'envolent en pluie de papier.

L'histoire retrouve le sens du réel et au-delà les analyses que l'on en a fait sont vivantes et authentifiées. Le peuple a faim et tout le monde s'en moquait, sûr de son bon droit et de sa force. On pense bien entendu aux derniers mouvements de colère du peuple d'aujourd'hui et l'on se dit que cela n'est guère différent au fond...

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14 Juillet

Mes cent premières pages d'un livre en cent mots



C’est le récit d’une journée. C’est peu dans une vie, une journée. C’est souvent anecdotique, une répétition du lendemain. Alors dans la vie d’un peuple, imaginez ! Ça pourrait n’être rien. Cette année-là, le 14 juillet commence un 23 avril. Oui, ça peut aussi être long une journée.

Éric Vuillard nous raconte les inconnus et les plus connus, les restés anonymes parmi ceux passés à la postérité. L’Histoire retient des héros, on oublie les autres. Ici, c’est la foule qui prend vie, l’été, la ville. Paris. C’est l’histoire de chacun, de chacune, et c’est toute la force de ce texte.



CENT pour 100 - numéro 10

14 juillet – Éric Vuillard, Actes Sud, 2016
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14 Juillet

Voici un livre dont je ne sais trop, au juste, quoi en penser. D'un côté c'est remarquablement écrit et c'est vraiment très bien documenté. Il y a un certain souffle, indéniable. Mais d'un autre je ne sais pas trop quel est l'intérêt profond de tout cela. Est-ce de se mesurer à Michelet, grand historien au style puissant qui a écrit sur le même sujet ? le livre ne cite pas ses sources, ne comprend pas de bibliographie, si bien que, pour moi qui suis "de la partie" à une échelle modeste, le livre ne saurait se comparer à un ouvrage d'histoire universitaire. Sur le plan purement informationnel, cela ne dépasse guère le médiocre film de Robert Enrico, les années lumières. Quant à l'histoire des anonymes (ici les modestes acteurs de la prise de la Bastille), le grand historien Alain Corbin a montré qu'elle était fort difficile à faire.

le propos est-il sinon de légitimer toute forme de violence révolutionnaire ? Je ne sais...

En tout cas je préfère largement les beaux enfants qu'Alexandre Dumas fait à l'histoire en créant des intrigues passionnantes que cette histoire qui n'en est pas vraiment et qui n'est pas non plus du roman...

Un récit qui m'a moins convaincu que celui qu'il a écrit depuis sur les années 1930...
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